Skip to main content

Full text of "Contribution à l’étude anatomique et clinique des paralysies spinales syphilitiques"

See other formats


I 


CONTRIBllTIOl!  A  l'ÉTlIDE  AMTÛIÛOE  ET  CIMUE 


PARALYSIES  SPINALES  SYPHILITIQUES 


IMPBIMERIE   LEMALB    ET    Ci<=,  HAVEE 


CONTRIBUTIOI  A  L'ÉTIE  AMTOIIQUE  ET  CLIQUE 


DES 


PAK 


Le  Docteur  Jules  SOTTAS 

Ancien  interne  des  hôpitaux  de  Paris 


PARIS 
G.  STEINHEIL,  ÉDITEUR 

2,  BUE  CASIMIR-DELAVIGNE,  2 

1894 


Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2015 


https://archive.org/details/b21702470 


DU  MÊME  AUTEUR 


1890.  Épithélioma  de  l'œsophage,  ulcération  de  l'aorte,  mort  par 

hémorrhagie  interne.  JJuU.  Soc.  unat.,  13  juin  189Ù,  p.  282. 
Fracture  du  pubis,  rupture  de  la  vessie,  péritonite,  mort.  Bull. 

Suo.  anat.,  13  juin  1890,  p.  283. 
Kyste  des  conduits  de  Gaertner  (avec  figure).  Bull.  Soc.  anat., 

17  octobre  1890,  p.  4:î9.  (En  collnlioration  avec  M.  le  docteur  Walther.) 

1891.  De  l'opération  de  Wladimiroff  Mickulicz  (avec  figures).  Arch.gén. 

de  Mal.,  avril  et  mai  1891. 

Dilatation  bronchique  exclusivement  limitée  au  lobe  supérieur 
du  poumon  droit  ;  hyperplasie  considérable  des  fibres  mus- 
culaires lisses.  Bull .  Suc.  aniit ..  juin  1891,  p.  376. 

Corps  libre  de  la  cavité  péritonéale  chez  un  vieillard.  Bull.  Suc. 
aiuit.,  juin  1891,  p.  378. 

Polyurie,  glycosurie,  amaigrissement  rapide,  mort.  Lithiase 
pancréatique.  Bull.  Soc.  aiiat.,  novembre  1891,  p.  635. 

1892.  Fièvre  typhoïde  ou  phtisie  aiguë.  Médecine  moderne,  3  mars  1892. 
Cancer  du  cardia  ;  gangrène  de  la  rate,  gangrène  pulmonaire 

(avec  figure).  Bull.  Soc.anaf.,  mars  1892,  n"  8,  p.  252. 
Un  cas  de  sclérose  en  plaques  dans  la  convalescence  de  la 
variole.  Gazette  des  Mpitaux,  avril  1892,  n°  44. 

Sur  un  cas  de  syringomyélie  unilatérale  et  à  début  tardif, 
suivi  d'autopsie  (avec  figures).  Suc.  de  hiolug.,  23  juillet  1892.  (Eu 
collaboration  avec  M.  le  docteur  Dejerine.) 

Un  cas  de  tétanos  traité  par  les  injections  d'iode.  Gazette  des  ho- 
pitau.v,  août  1892,  n»  92. 

Note  sur  un  cas  de  paralysie  puerpérale  générale.  Gazette  des 

hôpitaux,  octobre  1892,  n»  123. (En  collaboration  avec  M.  le  docteur  E.  Sottas.) 

Péricardite  et  symphyse.  Dilatation  cardiaque,  rétrécissement 
de  l'aorte  et  persistance  partielle  du  trou  de  Botal.  Bull .  Sue. 
anat.,  novembre  1892,  u°  28,  p.  710. 

Le  choléra  à  l'hôpital  Cochin  (service  de  M.  Dujardin-Beau- 
metz)  ;  quelques  modes  de  traitement.  Bull,  de  tliérap.,  30  dé- 
cembre 1892.  (En  collaboration  avec  M.  Patay,  externe  des  hôpitaux.) 


—  6  — 


1893.  Sur  l'état  de  la  moelle  épinière  dans  deux  cas  de  compression 
des  racines  postérieures.  Soe.  de  Iiiol.,  4  mars  1893. 
Deux  cas  d'hémiplégie  spinale  avec  anesthésie  croisée  (avec 
figures).  lietue  de  mal.,  janvier  189:1. 

Sur  la  névrite  interstitielle  hypertrophique  et  progressive 
de  l'enfance  (avec  figures).  Mémoires  de  la  Sue.  de  hivl.,  mars  1893.  (En 
collaboration  avec  M.  le  docteur  Dejerine). 

Contribution  à  l'étude  des  dégénérescences  de  la  moelle  con- 
sécutives aux  lésions  des  racines  postérieures  (avec  figures). 
Revue  de  méd.,  avril  1893. 

Sur  la  nature  des  lésions  médullaires  dans  la  paraplégie 
syphilitique.  Sue.  de  l/iol.,  avril  1893. 

Sur  un  cas  de  maladie  de  Thomsen,  suivi  d'autopsie.  Sue.  de  bivl., 

24  juin  1893.  (En  collaboration  avec  M.  le  docteur  Déjerine.) 
Dilatation  bronchique  lobaire  diagnostiquée  pendant  la  vie  par 

l'absence  dans  l'expectoration  du  bacille  de  Koch  (avec  figures). 
Bévue  de  méd.,  août  1893.  (En  collaboration  avec  M.  le  docteur  Dejerine.) 
Dégénérescence  rétrograde  du  faisceau  pyramidal.  Soc.  de  hiul., 

25  novembre  1893. 


Je  dédie  ce  travail  oomme  un  faible  témoignage  de  ma  reconnaissance 

A  MON  PÈRE,   MON  PREMIER  MAITRE 

MONSIEUR  LE  DOCTEUR  E.  SOTTAS 


A    MES    MAITRES    DANS    LES  HOPITAUX 

A  MM.  LANCEREAUX,  MAURIAC,  M.  le  Profes.  GRANCHER 

(1886-1887) 

A  la  mémoire  du  regretté  BLACHEZ,  à  M.  le  D''  LABBÉ  qui  ont 
bien  voulu  m'agréer  comme  externe  (1888-1889) 

A  M.  BLUM,  M.  DEJER1NE,  M.  DUJARDIN-BEAUMETZ , 
M.  LE  PROFESSEUR  DEBOVE,  savants  maîtres  qui  m'ont  fait 
l'honneur  de  m'accepter  comme  interne  (1890-91-92-93)  dans  leurs 
services  et  dont  j'ai  eu  l'heureuse  fortune  d'apprécier  la  grande 
expérience  et  l'insigne  bienveillance. 


A  MES 


camarades 


D  INTERNAT 


AVANT-PROPOS 


L'influence  de  la  syphilis  sur  le  développement  des  affections  du 
système  nerveux  et  de  la  moelle  en  particulier  n'est  plus  à  prouver 
aujourd'hui.  Les  questions  qui  se  posent  actuellement  sont  :  d'une 
part,  la  modalité  des  lésions  produites  dans  la  moelle  par  cette  affec- 
tion et  leurs  conséquences  ;  d'autre  part,  les  limites  qu'il  convient 
d'attribuer  à  l'influence  de  l'infection  syphilitique  sur  le  développement 
des  maladies  de  la  moelle. 

C'est  au  premier  de  ces  deux  problèmes  que  nous  nous  attaclierons  ; 
quant  à  fixer  les  limites  de  l'influence  de  l'agent  syphilitique  sur  la 
genèse  de  certaines  affections  systématiques  comme  le  tabès,  par 
exemple,  c'est  une  tâche  que  nous  n'entreprendrons  pas. 

Si  la  réalité  des  myélopathies  syphilitiques  est  acceptée,  c'est  en 
grande  partie  sur  l'observation  clinique  que  repose  cette  conviction. 
Et  cependant,  en  restant  sur  le  terrain  de  la  clinique,  la  nature 
syphilitique  de  telle  ou  telle  affection  du  système  nerveux  ne  peut 
guère  être  affirmée  que  par  le  raisonnement  :  post  hoc,  ergo  propter 
hoc,  raisonnement  bien  aléatoire.  Il  faut  avouer  toutefois  que  dans 
nombre  de  circonstances,  cette  induction  prend  une  singulière  valeur. 
Si,  en  effet,  par  exemple,  chez  un  jeune  sujet,  syphilitique  depuis 
quelques  mois  ou  un  petit  nombre  d'années  seulement,  on  voit  appa- 
raître des  douleurs  lombaires,  de  la  difficulté  dans  la  miction,  puis 
plus  ou  moins  rapidement  une  faiblesse  des  jambes  faisant  bientôt 
place  aux  symptômes  d'une  paraplégie  spasmodique,  on  pensera 
naturellement  à  l'influence  de  la  syphilis.  Si  toute  autre  cause 
évidente  de  lésion  de  la  moelle,  comme  un  mal  de  Pott,  un  trauma- 
tisme, manque,  cette  supposition  deviendra  presqi;e  une  certitude. 
Mais  il  est  d'autres  circonstances  où  le  diagnostic  repose  sur  des 
données  bien  moins  précises.  Si  cette  paraplégie  survient  chez  un 
individu  âgé,  syphilitique  depuis  longtemps,  pourra-t-on  affirmer  la 
nature  syphilitique  de  l'affection,  ou  bien  s'agit-il  d'une  paraplégie  de 


—  10  — 


cause  inconnue  survenue  chez  un  syphilitique?  La  difficulté  bien 
souvent  ne  peut  être  tranchée  du  vivant  du  malade.  Il  n'est  même 
pas  toujours  facile,  lors  de  Tautopsie,  d'établir  sur  des  caractères 
anatomiques  précis  la  nature  spécifique  de  l'affection. 

L'incertitude  s'accroît  encore  à  l'égard  de  certaines  myélites 
systématisées,  le  tabès,  par  exemple,  que  nombre  d'auteurs  consi- 
dèrent comme  relevant  ou  pouvant  relever  de  la  syphilis.  Les  diver- 
gences d'avis  des  différents  auteurs  prouvent  l'incertitude  d'une 
opinion  qui  ne  repose  que  sur  la  statistique  et  manque  de  base  ana- 
tomique  certaine. 

Y  a-t-il,  en  effet,  en  correspondance  avec  les  différentes  manifes- 
tations cliniques  de  la  syphilis  médullaire  des  altérations  anatomiques 
particulières  qui  permettent  une  classification  de  ces  formes  ?  Avant 
de  répondre  à  cette  question,  nous  rechercherons  d'abord  s'il  existe 
des  lésions  spécifiques  de  la  syphilis,  et  quels  tissus  elles  pourront 
atteindre  dans  la  moelle. 

Dans  l'ignorance  où  nous  sommes  de  la  nature  de  l'agent  infectieux 
syphilitique,  nous  n'avons  pour  nous  guider  que  l'étude  de  la  réaction 
histologique  du  tissu  affecté.  En  raisonnant  par  analogie,  on  assimile 
l'action  du  virus  syphilitique  à  celle  d'autres  agents  infectieux  qui 
produisent  des  lésions  à  tendance  nodulaire  comme  dans  la  morve,  la 
tuberculose,  la  lèpre,  etc.  Or  la  spécificité  du  tubercule  n'a  pu  être 
affirmée  que  par  l'isolement,  la  culture  et  l'inoculation  du  bacille  de 
Koch.  Et  même,  le  tubercule  est-il  le  seul  mode  de  réaction  des 
tissus  en  présence  du  bacille  de  Koch  ?  Cet  agent  ne  peut-il  produire 
des  modifications  du  tissu  conjonctif  autre  que  le  tubercule,  ne  peut-il 
pas  aussi  agir  sur  les  éléments  nobles  des  différents  parenchymes  ? 

Les  mêmes  questions  se  posent  à  l'égard  de  la  syphilis,  et  elles 
sont  naturellement  plus  obscures  encore,  pour  la  raison  que  nous 
avons  indiquée. 

D'après  l'opinion  générale,  le  virus  syphilitique  porte  surtout  son 
action  sur  les  éléments  dérivés  du  mésoderme,  en  particulier  sur  le 
tissu  osseux,  le  tissu  conjonctif,  les  systèmes  lymphatique  et  vascu- 
laire  sanguin. 

11  se  peut  que  les  éléments  différenciés  qui  constituent  le  tissu 
noble  des  différents  organes  soient  également  atteints  directement 
par  la  vérole,  mais  cette  action  n'est  pas  actuellement  démontrée,  et, 


—  11  — 


jusqu'à  preuve  du  contraire,  les  lésions  parenchymateuses  doivent 
être  considérées  comme  secondaires. 

Le  mode  de  réaction  du  tissu  affecté  se  rapproche  beaucoup  de 
l'inflammation  vulgaire  ;  quelle  que  soit  la  date  de  l'infection,  et  ici  la 
distinction  en  période  secondaire  et  tertiaire  n'a  pas  sa  raison  d'être, 
le  processus  d'irritation  est  toujours  le  même,  il  consiste  en  une 
hyperplasie  des  cellules  conjonctives,  un  apport  de  cellules  lym- 
phoïdes,  et  une  multiplication  des  éléments  analogues  qui  entrent  en 
action  dans  toute  inflammation. 

Toutefois,  cette  hyperplasie  inflammatoire  se  présente  souvent 
avec  une  apparence  particulière.  Elle  peut  aboutir  à  la  formation  de 
granulations  spécifiques  dont  la  structure  a  permis  d'établir  un 
rapprochement  entre  la  syphilis  et  les  autres  maladies  infectieuses  à 
productions  nodulaires. 

L'importance  de  cette  néoplasie  est  très  variable,  et  entre  l'infil- 
tration plus  ou  moins  conglomérée  qui  peut  être  regardée  comme  la 
gomme  microscopique  (gomme  miliaire)  et  la  gomme  macroscopique, 
il  y  a  tous  les  intermédiaires.  Mais  cette  hyperplasie  cellulaire  n'est 
pas  nécessairement  circonscrite,  ce  caractère  spécifique  peut  manquer 
et  elle  se  présente  alors  sous  l'aspect  d'une  infiltration  diffuse.  «  Au 
«  point  de  vue  anatomique,  disent  MM.  Cornil  et  Ranvier,  les 
«  lésions  les  plus  caractéristiques  de  la  syphilis  sont  les  gommes, 
«  mais  toute  production  syphilitique  n'esl  pas  une  gomme,  et  dans 
«  beaucoup  de  ces  produits,  on  ne  saurait  trouver  de  différence  ana- 
«  tomique  avec  les  lésions  que  cause  une  inflammation  simple.  » 

On  considère  le  tissu  gommeux  comme  naturellement  débile. 
«  Il  est  formé  essentiellement  d'éléments  de  nature  transitoire  et,  en 
<■  dernier  terme  de  son  existence,  il  aboutit  ordinairement  et  néces- 
«  sairement  à  la  dégénérescence,  au  ramollissement,  à  l'ulcération, 
«  à  l'atrophie  »  (Vi  rchow)  (1). 

L'évolution  de  la  gomme  peut  être  divisée  en  deux  périodes  :  lu 
première  est  caractérisée  par  l'hyperplasie  des  cellules  du  tissu  con- 
jonctif  ou  du  tissu  similaire;  dans  la  seconde,  les  éléments  se  multi- 
plient sur  place,  se  tassent  et  diminuent  de  volume  ;  en  même  temps, 
les  cellules  des  parties  centrales  deviennent  granuleuses,  s'atro- 
phient, et  le  centre  de  la  tumeur  subit  la  transformation  caséeuse. 

(1)  ViECHOW.  Bie  hranUaften  Gescliwulste ,  Bd.  II,  p.  387. 


Cette  tendance  aux  transformations  rétrogrades  (dégénérescence 
graisseuse  et  caséeuse)  n'est  peut-être  le  propre  que  des  gommes 
massives.  11  ne  serait  pas  illogique  de  la  considérer  comme  résultant 
uniquement  de  la  texture  même  de  la  tumeur  dont  les  éléments 
confluents  produisent  par  leur  tassement  un  obstacle  aux  échanges 
nutritifs  des  parties  centrales. 

Les  infiltrations  gommeuses  diffuses  étalées  ont-elles  la  même 
tendance  à  la  fonte  nécrobiotique,  ou  bien  ce  tissu  bien  nourri  reste- 
t-il  toujours  vivace  et  évolue-t-il  naturellement  vers  la  sclérose  ?  Nous 
trouverons,  au  cours  de  cette  étude,  des  exemples  de  ces  deux  évolu- 
tions en  dehors  des  gommes  proprement  dites. 

Enfin,  la  syphilis  peut-elle  provoquer  des  scléroses  d'emblée?  en 
d'autres  termes,  peut-on  reconnaître  une  origine  syphilitique  à  des 
lésions  scléreuses  non  accompagnées  d'infiltrations  gommeuses 
diffuses  ou  conglomérées  ?  C'est  une  question  encore  débattue  et  que 
discutent  surtout  les  partisans  ou  les  adversaires  de  la  nature  syphi- 
litique de  certaines  affections  systématiques  de  la  moelle. 

Nous  venons  d'indiquer  rapidement  les  modes  de  réaction  du  tissu 
conjonctif  en  présence  de  l'agent  infectieux  syphilitique,  mais  cet  élé- 
ment n'est  pas  le  seul  intéressé  et  la  prédilection  du  virus  syphilitique 
pour  le  tissu  vasculaire  est  aujourd'hui  bien  connue.  Nous  verrons 
plus  loin  que  l'attention  a  été  attirée  sur  ce  fait  depuis  un  certain 
nombre  d'années  ;  aujourd'hui  on  compte  les  altérations  vasculaires 
parmi  les  manifestations  pour  ainsi  dire  constantes  dans  les  modifi- 
cations anatomiques  produites  par  la  syphilis. 

Ici  comme  ailleurs,  le  processus  manque  de  caractéristique  anato- 
mique  ;  il  s'agit  d'une  infiltration  d'aspect  banal  et  dont  le  point  de 
départ  est  encore  discuté.  Certains  auteurs  (Heubner,  Gerhardt, 
Litten)  regardent  la  tunique  interne  comme  le  point  de  départ  de 
l'inflammation.  D'autres  (Kôster,  Lancereaux,  Friedlânder, 
Baumgarten)  pensent  que  c'est  dans  la  tunique  adventice  que 
débute  le  processus,  les  autres  membranes  n'étant  que  secondaire- 
ment affectées.  Enfin,  pour  Rumpf,  c'est  à  l'inflammation  des 
vasa-vasorum  qu'est  dû  l'épaississement  des  parois  artérielles,  et 
l'infiltration  débute  dans  la  tunique  moyenne  où  ces  capillaires  sont 
le  plus  nombreux. 

Dans  les  centres  nerveux,  et  dans  la  moelle  en  particulier,  la 


-  13  - 


syphilis  n'affecte  primitivement  que  le  tissu  conjonctif  et  lymphatique 
et  le  tissu  vasculaire. 

Quel  que  soit  le  tissu  affecté,  l'inflammation  est  de  même  nature,  et 
il  n'y  a  pas  de  différence  réelle  entre  la  gomme,  l'infiltration  des 
méninges  et  celle  des  parois  vasculaires. 

Mais  il  importe  de  déterminer  quelle  est  la  fréquence  de  ces  locali- 
sations et  leur  importance  relative  dans  la  détermination  des  lésions 
du  parenchyme  nerveux.  Nous  croyons  que  les  lésions  vasculaires  ont 
dans  la  moelle  une  importance  prépondérante,  et  c'est  ce  que  nous 
essaierons  de  démontrer  par  le  présent  travail. 

Laissant  donc  de  côté  l'étude  de  certaines  maladies  systématiques 
de  la  moelle,  pour  lesquelles  l'influence  de  la  syphilis  est  sujette  à 
contestation,  nous  nous  occuperons  spécialement  des  formes  qui  se 
traduisent  par  des  symptômes  d'une  affection  diffuse  de  la  moelle. 

La  plupart  des  auteurs  décrivent  deux  formes  en  rapport  avec  l'in- 
tensité des  symptômes  et  la  rapidité  de  leur  évolution  :  la  myéiiie 
syphilitique  aiguë  et  la  myélite  syphilitique  chronique.  La  mieux 
connue  au  point  de  vue  clinique,  et  la  plus  fréquente  d'ailleurs,  est  la 
forme  chronique.  Elle  est  souvent  désignée  par  le  terme  de  paraplé- 
gie spasraodique  syphilitique,  en  raison  de  la  prédominance  des 
symptômes spasmodiques dans  les  membres  inférieurs.  Charcot  l'ap- 
pelait myélite  transverse  syphilitique,  et,  dans  un  travail  récent, 
Erb  (1)  donna,  sous  le  nom  de  paralysie  spinale  syphilitique,  le 
tableau  clinique  de  cette  affection. 

La  forme  aiguë  est  beaucoup  moins  connue.  Dans  les  descriptions 
données  par  les  auteurs,  elle  revêt  le  plus  souvent  les  allures  d'une 
myélite  aiguë  centrale  diffuse.  Quoi  qu'il  en  soit,  elle  apresque  toujours 
été  complètement  séparée  de  la  forme  chronique,  tant  au  point  de  vue 
clinique  qu'au  point  de  vue  anatomique. 

Nous  aurons  précisément  à  nous  demander  s'il  y  a  une  si  grande 
différence  entre  ces  deux  formes,  ou  bien  si,  relevant  d'un  processus 
identique,  les  apparences  différentes  dans  l'évolution  clinique  ne  tien- 
nent pas  à  une  simple  variante  dans  l'intensité  et  l'étendue  d'une 
même  lésion. 

La  vraisemblance  de  cette  dernière  opinion  semble  confirmée  par 
l'existence  de  nombreuses  formes  intermédiaires.  Il  est  très  fréquent, 

(1)  Ebb.  Ueber  syphilitische  Spinalparalyse.  iVéwwZ.  Centralbl.,  1892,  XI,  161-168. 


—  14  — 


en  effet,  de  voir  la  paraplégie  syphilitique  débuter  brusquement  et 
faire  place  ensuite  à  une  paraplégie  spasmodique  persistant  à  l'état 
chronique.  D'autres  fois,  au  contraire,  au  cours  d'une  paralysie  spi- 
nale syphilitique  à  évolution  lente,  apparaissent  des  poussées  aiguës 
qui  viennent  aggraver  la  situation  du  malade  et  quelquefois  déterminer 
la  mort  assez  rapidement.  Enfin,  dans  quelques  cas,  après  un  début 
variable,  l'affection  continue  ses  progrès,  les  symptômes  s'exagèrent 
progressivement  jusqu'au  terme  fatal. 

Il  faut  ajouter  que,  si  toutes  ces  formes  que  nous  venons  d'esquisser 
rapidement  peuvent  rester  isolées  et  traduire  une  localisation  spinale 
pure,  il  s'y  joint  fréquemment  des  symptômes  de  syphilis  cérébrale 
qui  viennent  compliquer  le  tableau  symptomatique. 

Nous  n'entrerons  pas  actuellement  dans  plus  de  détails  au  sujet  de 
la  description  de  ces  formes  ;  il  nous  suffit  pour  le  présent  d'indiquer 
sur  quel  terrain  nous  désirons  nous  placer. 


DIVISION  DU  SUJET 


Nous  avons  divisé  notre  travail  en  deux  parties. 

Pour  en  faciliter  la  lecture,  nous  avons  préféré  grouper  à  part,  dans 
la  deuxième  partie,  les  principales  observations  sur  lesquelles  repose 
cette  étude,  de  façon  à  ne  pas  couper  trop  souvent  le  texte  par  des 
descriptions  histologiques  et  des  répétitions. 

La  PREMIÈRE  PARTIE  est  divisée  en  deux  chapitres. 

Dans  le  Chapitre  1,  nous  avons  passé  en  revue  les  opinions  des 
principaux  auteurs  qui  se  sont  occupés  de  la  question  ;  nous  avons 
recherché  les  lésions  qu'ils  ont  signalées,  les  théories  qu'ils  ont  adop- 
tées, etc.,  et  nous  avons  essayé  de  donner  une  interprétation  des 
faits  (paragraphes  1  et  2). 

L'étude  d'un  certain  nombre  d'observations  anciennes,  de  la  plupart 
des  observations  récentes  et  des  cas  qui  nous  sont  personnels  nous  a 
permis  d'établir  la  fréquence  des  lésions  vasculaires  dans  la  syphilis 
médullaire  (paragraphe  3). 

Examinant  au  point  de  vue  général  l'influence  des  altérations  des 
vaisseaux  spinaux  sur  la  nutrition  du  parenchyme  médullaire  (para- 
graphe 4),  nous  montrerons  le  rôle  important  que  jouent  ces  lésions 
vasculaires  dans  la  myélopathie  syphilitique  en  particulier  (para- 
graphe 5). 

Le  Chapitre  II  contient  une  description  anatomique  et  clinique  de 
la  syphilis  médullaire  dans  ses  principales  formes,  et  c'est  à  la  fin  de 
ce  chapitre  que  nous  avons  placé  nos  Conclusions. 

La  DEUXIÈME  PARTIE  contient  8  observations  personnelles 
suivies  d'autopsies,  dont  7  ont  été  l'objet  d'un  examen  histologique 
détaillé.  Nous  y  avons  joint  11  observations  récentes,  empruntées  aux 
auteurs  allemands.  Enfin  les  documents  cliniques  fournis  par  ces 
observations  sont  complétés  par  la  relation  de  15  cas  inédits  qui  nous 
sont  personnels. 

Le  présent  travail  comporte  ainsi  les  titres  suivants  : 


-  16  - 


Étude  des  paralysies  spinales  syphilitiques. 

PREMIÈRE  PARTIE 

ÉTUDE  CRITIQUE  ET  DESCRIPTION  ANATOMO-CLINIQUE 

Chapitre  I.  —  Étude  historique  et  critique  des  lésions  constatées  dans  les 

paralysies  spinales  syphilitiques. 
Chapitre  II.  — Etude  anatomique  et  clinique  de  la  syphilis  médullaire. 
Conclusions. 

DEUXIÈME  PARTIE 

OUSERVATIOMS    .lUSTIFICATI  VES 

Chapitre  I.  —  8  observations  cliniques  suivies  d'examen  nnatomique 
(personnelles) . 

Chapitre  II.  —  11  observations  cliniques  suivies  d'examen  anatomique 
{empruntées). 

Chapitre  III.  —  15  observations  cliniques  [personnelles). 


Nous  devons  ajouter  que  ces  études  entreprises  en  1891  dans  le 
laboratoire  de  l'hospice  de  Bicêtre  à  l'instigation  et  sous  la  direction 
de  M.  Dejerine,  ont  été  poursuivies  en  1892  et  1893  dans  les  services 
de  M.  Dujardin-Beaumetz  et  de  M.  le  professeur  Debove. 


PREMIÈRE  PARTIE 

Étude  critique  et  description  anatomo  clinique. 


CllAPITlîE  PREMIER 
SOMMAIRE.  —  Etude  iiistoiuquk  et  critique  des  lésions  anatoiiiques 

CONSTATÉES  DANS  LES  PAnALYSIES  SPINALES  SYPHILITIQUES. 

I  1.  —  Lésions  sypliilidqncs  du  rncliis. 
I  2.  —  Syphilis  inrniii<^o-inédidlaire . 

I.  —  Lésions  circonscrites  et  macrosctjpiques. 

A.  —  Gommes  des  méninges. 

B.  —  Gommes  de  la  moelle. 

G.  —  Pachyméningite  si)inale  sypliililique. 

II.  —  La  méningo-myélitc  sypliililicinc. 

§  3.  —  Importance  des  lésions  vascidnires 

§  4.  —  L' Ischémie  de  la  moelle  et  le  ramollissement  médullaire . 

§  5.  —  Du  rôle  des  altérations  vasculaires  dans  la  mi/élopathie  syphi- 
litique. ■ 


S. 


2 


CHAPITRE  pre:mier 


Étude  historique  et  critique  des  lésions  anatomiques  constatées 
dans  les  paralysies  spinales  syphilitiques. 

Les  auteurs  qui  ont  étudié  les  mauifestalions  de  la  syphilis  inté- 
ressant la  moelle  ou  ses  enveloppes  ont  groupé  ces  lésions  en  trois 
classes  : 

La  première  comprend  les  affections  osseuses  qui  ont  leur  point  de 
départ  dans  les  vertèbres  et  atteignent  secondairement  la  moelle. 

Dans  la  deuxième,  on  range  les  lésions  des  méninges  qui  seraient 
représentées  par  des  gommes,  par  l'infdtralion  diffuse  ou  l'épaissis- 
sement  fibreux  de  ces  enveloppes  et  particulièrement  de  la  pie-mère. 

Enfin,  dans  la  troisième  classe  on  fait  rentrer  les  lésions  de  la 
moelle  elle-même,  lésions  que  Ton  caractérise  par  le  terme  de  myélite. 
Mais  ici,  la  confusion  est  extrême  :  on  trouve,  dans  les  observations, 
des  exemples  tantôt  de  ramollissement  de  la  moelle,  tantôt  d'indura- 
tion scléreuse  ou  d'infiltration  embryonnaire,  et  cette  confusion  ne 
saurait  être  dissipée  par  l'usage  d'une  dénomination  aussi  vague  que 
celle  de  myélite. 

On  pourrait  dans  un  quatrième  groupe  ranger  les  cas  où  les  auteurs 
ont  remarqué  des  lésions  vasculaires  prépondérantes.  Ces  lésions 
avaient  d'abord  passé  inaperçues,  mais,  aujourd'hui  que  l'attention  a 
été  attirée  sur  cet  ordre  de  faits,  les  observations  de  lésions  vascu- 
laires syphilitiques  de  la  moelle  se  multiplient.  Par  analogie  avec  ce 
que  l'on  sait  de  la  syphilis  cérébrale,  il  était  naturel  de  faire  jouer  un 
certain  rôle  aux  modifications  vasculaires  dans  la  production  des 
lésions  médullaires.  Ce  rapprochement  a  été  fait  récemment  par  plu- 
sieurs auteurs.  Nous  verrons  que  dans  tous  les  types  d'altérations 
décrits  (gomme,  méningite,  myélite),  on  peut  constater  des  altérations 
vasculaires  considérables  et  nous  essaierons  de  faire  ressortir  toute 
l'importance  de  ces  lésions. 


—  20  — 


Il  est  à  remarquer  que  la  division  établie  pour  la  commodité  de 
la  description  entre  les  lésions  de  la  pie-mère  et  celles  de  la  moelle, 
n'a  pas  eu  réalité  raison  d'être,  car,  des  altérations  quelque  peu  pro- 
noncées de  la  membrane  nourricière  delà  moelle  ne  sauraient  exister 
sans  provoquer  des  troubles  de  nutrition  et  des  altérations  dans  cette 
dernière.  Bien  plus,  les  lésions  du  parenchyme  nerveux  même  n'ont 
aucune  autonomie,  elles  sont  toiijours  sultordonnées  à  des  modifi- 
cations primitives  du  système  nourricier  de  la  moelle  :  méninges  et 
vaisseaux. 

Nous  conformant  à  la  division  adoptée,  nous  passerons  en  revue 
les  lésions  décrites  par  les  auteurs  en  discutant  leur  fréquence  et  leur 
importance  réelle.  Cherchant  un  lien  entre  toutes  ces  altérations,  nous 
essaierons  de  montrer  l'enchaînement  qui  unit  le  ramollissement 
médullaire,  la  destruction  des  éléments  nerveux,  l'infiltration  embryon- 
naire et  l  induration  scléreuse,  et  de  donner  une  idée  de  ce  qu'il  faut 
entendre  par  le  terme  de  myélite  appliqué  à  la  syphilis  médullaire. 


1 1-  - 


Lésions  s^pliilitiqucs  du  rachi-s. 


Bien  que  les  lésions  osseuses  et  péi'iosli((iies  de  la  colonne  verté- 
brale n'entrent  pas,  à  proprement  parler,  dansl'éUule  de  la  syphilis  de 
la  moelle,  puisqu'elles  n'intéressent  cet  organe  que  secondairement, 
ces  lésions  ont  joué  autrefois  un  si  grand  rôle  dans  la  pa(liog('nie  des 
paraplégies  syphilitiques  que  nous  devons  discuter  leur  importance. 

C'est,  en  effet,  sur  le  compte  des  altérations  de  la  colonne  vertébrale 
qu'on  mettait  autrefois  la  plupart  des  fails  de  paraplégie  observés 
chez  des  syphilitiques,  et,  d  après  les  descriptions  des  auleurs,  les 
lésions  pouvaient  se  présenter  sous  deux  formes  :  lantùt  il  s'agissait 
d'une  carie  osseuse  développée  sous  l'influence  de  la  syphilis  et  pro- 
duisant la  paraplégie  par  le  mécanisme  de  la  pachyméiiingile  qui 
l'accompagne;  ou  bien,  plus  simplement  encore,  c'était  une  ostéo- 
périostite  suivie  du  développement  d'une  c.vostose  qui  compi'imait  la 
moelle. 

LemaldePott  syphilitique,  décrit  pour  la  première  fois  par  Portai 
en  1797,  fut  accepté  par  D  u  p  u  y  [  r  e  n,  M  o  n  I  f  a  1  c  o  n . 

Pour  les  exostoses,  le  rôle  important  qu'on  leur  attribuait  ressort 
évidemment  de  la  lecture  des  premières  observations  de  paraplégies 
mises  sur  le  comple  de  la  syphilis.  C'est  ainsi  que,  par  exemple,  dans 
la  thèse  de  Bedel  (1),  est  rapporté  un  fait  de  paraplégie  observé  par 
Récamier  en  1842  et  attribué  à  une  exostose.  Le  malade  s'améliora 
sous  l'influence  d'un  Iraitemeut  spécifique:  il  n'en  fallait  pas  plus  à 
cette  époque  pour  contirmer  dans  l'esprit  des  auteurs  l'opinion  qu'il 
s'agissait  bien  d'une  exostose  résorbée  sous  riiifluence  du  trai- 
tement. 

La  théorie  des  exostoses  régna  encore  longtemps.  Sandras  (2) 
insiste  sur  l'importance  d'un  traitement  énergique  au  début  des  acci- 

(1)  BtDEL.  Thèse  de  Strasbourg,  1851. 

(2)  Sandeas.  Gii-dte  des  liôpitan.i;  7  juillet  1852. 


  22   


dénis  pour  amener  la  résorplion  de  l'exoslose  avant  la  destruction  de 
la  moelle.  Il  mentionne  même  un  cas  dans  lequel  àl'aulopsie  il  trouva 
une  exostose  avec  ramollissement  de  la  moelle.  Ces  cas  isolés,  dans 
lesquels  on  trouvait  des  lésions  verléhi'ales  (dont  l'iiilerprcMnl ion 
d'ailleurs  est  sujette  à  caution),  seud)laient  donner  raison  aux  parli- 
saus  de  celte  théorie. 

\  idal  de  Cassis  (l)  rapporle  aussi  un  tait  send)lal)le  chez  un 
malade  atteint  de  syphilis  constitul ionnelle,  mais  sans  vérilication 
anatomique. 

Cependant,  le  doule  commençait  ;i  naîire  dans  l'esprit  des  palho- 
logistes,  et  Lagneau  (2)  fait  reuuirquer  que  si  les  accidents  médul- 
laires syphiliti(pies  sont  généralenuMit  attribués  ;\  des  lésions  de  la 
suri'ace  interne  des  verlèbres,  bien  des  auteurs  ;i  son  époque  nient 
rexisteuce  constante  de  cette  cause. 

A  cette  époque,  Ladreitde  Lacharrière  (.'>)  admet  encore  la  pré- 
dominance des  lésions  osseuses  et  écrit:  «  Les  lésions  que  l'on 
«  constate  le  plus  sont  des  altérations  osseuses.  »  Gros  et  Lance- 
reaux  (4),  dans  leur  Irailé,  rapportent  l.'î  cas  de  paraplégie  attribués 
à  des  lésions  osseuses  du  rachis  et  recueillis  dans  les  dillercnts  auteurs. 
On  peut  en  vérité  émettre  des  doutes  sur  l'existence  réelle  de  ces 
lésions  dans  un  certain  iionilire  de  cas  (pii  nianqueid  de  véi'ilical ion 
anatomique  ;  et  pour  les  autres,  la  nature  en  est  souvent  discutable, 
à  cause  de  l'existence  fréquente  de  lésions  tuberculeuses  concomi- 
tantes. 

Zambaco  (5),  tout  en  admettant  l'existence  de  ces  lésions,  les 
considère  comme  extrêmement  rares  et  comme  tout  ;i  fait  insulli- 
santes  pour  expliquer  les  différents  cas  de  paraplégie  syphililicpu'. 

Jaccoud  (6),  en  1864,  se  montre  aussi  scepticpie  :  «  Dans  la 
'<  plupart  des  observations  rapportées  comme  exemples  d'exoslose 
«  ou  de  périostose  syphilitique,  il  ne  s'agit,  après  tout,  dit-il,  que  d'un 
«  diagnostic  probable.  » 

Dans  les  différentes  thèses  qui  parurent  plus  tard  sur  le  sujet  qui 

(1)  \''IDAL  DE  Cassis.  Mnlailks  vcncrlcnncs,  1853. 

(2)  Lagneau,  Muladics  sypli.  du  sijst.  ncrv.,  1S60. 

(3)  Ladreit  de  Lacharrière.  Des  ixtraltjsics  sijph.,  Thèse  de  Parité,  ISiil. 

(4)  Gros  et  Lancereadx.  Des  affectioiu  nerveuses  syph.,  ISOl. 

(5)  ZAtMBACO.  Des  a  ffections  nerveuses  syph.,  Paris,  1862. 

(G)  Jaccodd.  Lei  paralysies  et  l'ataxie  du  mouvement,  Paris,  18GI. 


—  23  — 


nous  occupe,  les  auteurs  [Vialle  (1),  Caizergues  (2),  Julliard  (3), 
Savard  (4)]  signalent  l'existence  des  lésions  sypliililiques  du  racliis 
mais  sai  s  donner  une  appréciation  de  leur  degré  de  fréquence. 

Néanmoins,  la  formule  de  Zambaco  reste  vraie,  la  rareté  de  ces 
lésions  est  dès  lors  une  notion  classique,  et,  dans  son  traité  didac- 
tique Leyden  (5)  écrit  :  «  En  réalité,  les  affections  syphilitiques  des 
«  vertèbres,  loin  d'être  aussi  communes  qu'on  le  supi)Ose  généra- 
«  lement,  sont  au  contraire  une  véritable  rareté.  » 

L'existence  des  lésions  syphilitiques  du  rachis  n'est  évidemment 
pas  contestable;  la  syphilis  peut  porter  son  action  aussi  bien  sur  les 
vertèbres  que  sur  les  autres  parties  osseuses  de  l'économie,  mais  il 
n'est  pas  toujours  facile  de  déterminer,  surtout  lorsqu'il  s'agit  de 
carie  osseuse,  si  la  lésion  est  bien  de  nature  syphilitique. 

Levot  (G)  a  réuni  dans  sa  tlièseun  certain  nondjre  de  lésions  verté- 
brales constatées  chez  des  syphilitiques;  mais,  sauf  un  petit  nombre, 
la  plupart  de  ces  faits  sont  bien  sujels  à  conleslal ion.  .lasinski  (7)  a 
repris  récemment  l  liisloire  de  ces  cas  en  y  juignant  cinq  observations 
personnelles. 

Ces  études  modernes  prouvent  que  les  lésions  vertébrales  sy[)]iili- 
tiques  méritent  d'être  prises  en  considération  :  aussi  doni:erons-nous 
un  résumé  de  la  plupart  des  cas  publiés  jus<[u'ici. 

Observation  1. 

PoRTAL.  De  la  tialure  de  l'épilepsie.  In  Gros  et  Lancereaux,  1861. 
—  Homme,  3G  ans.  Paralysie  incomplète  des  extrémités  inférieures  avec 
tumeur  au  niveau  des  premières  vertèbres  lombaires  (apophyses  épi- 
neuses saillantes),  exostoses  du  tibia.  Attaques  épileptiformcs,  symp- 
tùmes  cérébraux  graves,  mort.  Evolution  en  quelijues  mois,  malgré  un 
traitement  mercuriel. 

Autopsie.  —  Corps  des  deux  premières  vertèbres  lombaires  épaissis, 
cariés  ;  saillies  osseuses  et  gommeuses,  moelle  ramollie. 

(1)  Vialle.  Rssai  sur  les  pavapléijk's  sijph.,  Thèse  de  Paris,  187.5. 

(2)  Caizergues.  Bcs  myélites  syph.j  Thèse  de  Montpellier,  1878. 

JULLIAED.  Étude  sur  les  localisations  S2:iinales  de  la  Thèse  de  Lyon,  1870. 

(4)  Savard.  Étude  sur  les  myélites  syph.,  Thèse  de  Paris,  1882. 

(5)  Leyden.  Maladies  de  la  moelle  épinière,  traduction  française;  1879,  p.  199. 

(6)  Levot.  Bes  lésions  syphilitiques  du  rachis,  Thèse  de  Paris,  1881. 

(7)  Jasimski.  Ueber  syphilitische  Erkrankuugeu  der  Wirbelsaule.  Arch.f.  Berm, 
und  Syph.,  1891,  p.  409. 


—  24  — 


Observation  2. 

Joseph  Franck.  Pathologie  interne,  Iraduction  de  Bayle.  —  En 
1798,  J.  Franck  soigna  à  riiôpital  do  Vienne  un  homme  atteint  d'un 
ulcère  syphilitique  ancien  de  la  gorge  et  qui  fut  pris  d'engourdissement 
dans  les  bras,  puis  de  douleurs  de  la  nuque  et  Qnalement  d'une  paraly- 
sie des  membres  supérieurs. 

Autopsie.  —  Carie  des  troisième,  quatrième,  cinquième  vertèbres 
cervicales.  L'altération  des  vertèbres  s'étendait  jusqu'aux  membranes 
de  la  moelle  et  au  tissu  nerveux  lui-même. 

Observation  3. 

WiLSON.  Transact.  ofa  Sociclij  for  the  improvcment  of  med.  and 
chirurg.  hno\K-ledge.  Londcn,  1812,  vol.  III,  p.  115,  121.  — ■  Homme, 
28  ans.  Syphilis,  troubles  céphaliques  diffus,  parésle  des  membres  supé- 
rieur et  inférieur  gauches,  douleurs  à  la  nuque.  Quelques  vertèbres 
cervicales  gonflées,  plusieurs  autres  présentant  des  hyperostoses.  Trai- 
tement mercuriel,  guérison  à  peu  près  complète. 

Quatre  observations  tirées  du  Compendiium. 
Observation  4. 

DeJ.  Cloquet.  — Autopsie  d'un  homme  mort  de  paraplégie  :  exostose 
des  lames  de  la  dixième  vertèbre  dorsale,  tissu  osseux  compact.  Apla- 
tissement de  la  moelle  réduite  à  ses  enveloppes. 

Observation  5. 

Exoste  des  sixième  et  septième  vertèbres  cervicales  comprimant 
Tarière  sous-clavière. 

Observation  6. 

De  Ast.  Cooper.  —  Femme  soumise  depuis  quelque  temps  à  un 
traitement  mercuriel.  Mort  subite  dans  un  mouvement  que  la  malade 
couchée  fit  pour  s'asseoir  sur  son  lit. 

Autopsie.  —  Fracture  de  l'apophyse  odontoïde  de  l'axis,  favorisée 
sans  doute  par  une  altération  osseuse  syphilitique  (?). 

Observation  7. 

Homme,  dysphagie  par  exostose  du  corps  des  vertèbres  cervicales. 
Syphilis 


—  25  — 


Observation  8. 

MiNiCH  DE  Padoue.  Ann.  de  thrrapeutiquc,  t.  V,  p.  423.  —  Vieux  mili- 
taire ayant  présenté  de  nomljreux  accidents  syphiliti(iLies  antérieurs. 
Faiblesse  des  jambes,  paralysie  des  sphincters,  embarras  de  la  parole. 
Saillie  douloureuse  de  la  deuxième  vertèbre  dorsale.  Traitement  :  Kl  et 
révulsion.  Au  bout  d'un  mois,  amélioration,  puis  mort.  Pas  d'autopsie. 

OliSEISVATlON  9. 

PiOJinw Moniteur  des  hôpitaux, i.  I.  p.  470.  —  Périostose  ou  exostoso 
de  l'apophyse  transverse  gauche  de  la  troisième  vertèbre  lombaire 
«  de  cause  évidemment  syphilitique  ».  Douleurs  lombaires  et  scialique 
par  compression  nerveuse  ;  parésic  du  membre  inférieur  correspondant. 
Traitement  mixte,  résolution  de  la  tumeur,  disparition  des  symptômes 
fonctionnels. 

Observation  10. 

Ollivieb  d'Angers.  Maladies  de  la  moelle  cp/nfère.  3'^  édition.  Paris, 
1837,  p.  119.  —  Femme,  33  ans,  syphilitique.  Un  an  après,  ulcération 
profonde  bucco-pliarygienne ;  puis,  sept  mois  plus  tard,  symptômes  de 
méningite  spinale  aiguë.  l\Iort  en  huit  jours. 

Autopsie.  —  Carie  du  corps  de  la  troisième  vertèbre  cervicale,  fai- 
sant communiquer  l'arrière-bouche  avec  le  canal  rachidien  par  une 
ouverture  qui  admet  le  petit  doigt,  lldmorrhagic  sous-arachnoïdienne, 
liquide  puriforme.  IMyélitc. 

Observation  11. 

Ollivier  d'Angers.  Loc.  ci'f.,p.  422.—  Femme,  35  ans.  Syphilis  il  y  a 
huit  ans.  Depuis  six  mois,  douleur  de  la  nuque  et  gène  des  mouve- 
ments. Application  d'un  appareil  de  contention.  Aggravation,  raideur  des 
membres  supérieurs.  La  malade  enlève  son  appareil,  la  tête  s'incline  à 
gauche  :  paraplégie,  asphyxie,  mort  en  quelques  heures. 

Autopsie.  —  Carie  osseuse  du  corps  des  troisième  et  quatrième  ver- 
tèbres cervicales;  déplacement  des  fragments,  compression  et  ramol- 
lissement de  la  moelle. 

Observation  12. 

In  thèse  de  Bedel.  Strasbourg,  1851,  p.  33.  —  Godelier  cite  un  cas 
de  paraplégie  avec  exostose  au  bas  de  la  colonne  vertébrale.  Traitement 
mixte,  résolution  de  la  tumeur,  disparition  de  la  paraplégie. 


—  26  — 


Observation  13. 

Debout.  Mémoires  de  la  Société  de  chirurgie,  1852.  —  Homme, 
3-1  ans.  Paralysie  du  membre  supérieur  droit  avec  douleur  à  la  pression, 
au  niveau  do  l'émergence  des  racines  du  plexus  brachial.  Atrophie 
musculaire.  Sjnaptômes  attribués  à  une  cxostosc  vertébrale.  Traitement 
mixte,  amélioration. 

Observation  14. 

YvAREN.  Métamorphoses  de  la  syphilis.  Paris,  1854,  p.  101. — Jeune 
fille.  Infection  a  postera  venere.  Parésie  des  membres  inférieurs.  Carie 
du  sacrum.  Traitement  mixte  et  traitement  local.  Guérison  lente. 

Obseuvation  15. 

Allain  d'angehs.  Moniteur  des  hôpitaux,  octobre  1858.  —  Homme, 
3G  ans.  Syphilis;  un  an  et  demi  après,  douleurs  rachidiennes  très 
vives,  puis  faiblesse  des  membres  inférieurs  avec  engourdissement. 
Incontinence  des  urines  et  des  matières  fécales.  En  trois  semaines, 
paraplégie  absolue,  anesthésie  jusqu'à  l'ombilic.  Symptômes  attribués  à 
des  exostoses  syphilitiques.  Traitement  mixte  et  révulsion.  Améliora- 
tion très  marquée. 

Observation  16. 

Lagneau.  Maladies  du  système  nerveux,  1860.  —  Homme,  48  ans. 
Infection  syphilitique  de  date  indéterminée.  A  45 ans,  tumeurs  duvolume 
d'une  noix  à  peu  près  et  siégeant  en  arrière  de  l'épaule  gauche,  près 
de  la  clavicule  droite  et  dans  le  voisinage  du  sternum.  Tumeurs  ana 
logues  dans  d'autres  parties  du  corps.  Ces  tumeurs  s'abcèdent  et  restent 
en  partie  fi.stuleusos.  Nécrose  et  perforation  du  voile  du  palais,  marasme. 
Mort  subite. 

Autopsie.  —  Nécrose  et  carie  des  parties  molles  et  osseuses  de  la 
base  du  crâne,  intéressant  également  l'articulation  altoïdo-axoïdienne. 

Observation  17. 

ViRCHOW.  Syphilis  constitutionnelle.  Traduction  Picard,  18G0.  — 
Homme.  Chancre,  puis  syphilis  constitutionnelle.  Douleurs  de  la  nuque 
et  des  bras.  Raideur  du  cou.  Paraj^légie  avec  engourdissement  des 
bras.  Mort. 

Autopsie  (partielle).  —  Lésions  osseuses  anciennes  et  cicatrices  du 
crâne.  Entre  la  troisième  et  la  sixième  vertèbre  cervicale,  dure-mère 


-  27  — 


adhérente  à  l'os,  saillies  osseuses  et  ankylosc  des  articulations  verté- 
brales. 

Observation  18. 

De  Parrot.  In  Gros  et  Lancereaux,  18G1,  p.  397.  —  Femme,  46  ans. 
Accidents  syphilitiques  antérieurs  non  reconnus,  mais  dans  les  antécé- 
dents éruption  suspecte.  A  la  suite  de  la  fièvre  scarlatine,  paralysie  qui 
débute  par  les  membres  inférieurs  et  s'étend  aux  membres  thoraciques. 
Pas  de  phénomènes  spasmodiques.  Troubles  de  la  vision  :  diplopie.  On 
attribue  les  symptômes  à  une  exostose.  Traitement  par  le  mercure  et 
l'iodure;  guérison. 

Observation  19. 

Zambaco.  Des  affections  nerveuses  syphilitiques.  Paris,  1862.  —  Cite 
un  cas  de  carie  syphilitique  du  corps  de  la  quatrième  vertèbre  cervicale, 
produisant  des  symptômes  de  dysphagie  et  d'asphyxie  imminente.  Les 
accidents  ne  se  sont  dissipés  qu'après  l'extraction  d'un  séquestre  nécrosé 
qui  faisait  saillie  à  la  paroi  postérieure  du  pharynx.  Douleurs  locales 
intenses  et  irradiations  dans  les  membres  supérieurs. 

Observation  20. 

William  Ogle.  Med.  chir.  Transact.,  1872.  —  Homme,  40  ans.  Dou- 
leur dans  l'arrière-gorge,  dysphagie.  Vertèbre  dénudée,  puis  nécrose  de 
l'os,  élimination  du  corps  de  la  quatrième  vertèbre  cervicale  ;  plus  tard 
nouveau  séquestre  osseux  éliminé.  Origine  syphilitique  supposée  à  cause 
de  l'heureuse  influence  du  traitement. 

Observation  21. 

Michel.  Article  «  Exostoses  du  rachis».  In  Dict.  encyclopédique  des 
sciences  médicales,  1874.  —  Femme,  45  ans.  Pas  d'infection  syphilitique 
avouée.  Trois  tumeurs  considérées  comme  gommeuses  des  os  du  crâne, 
amélioration  par  le  traitement  mixte.  Quelques  mois  plus  tard,  tumeur 
analogue  au  niveau  des  premières  vertèbres  dorsales,  douleurs  dans 
les  jambes,  en  ceinture  et  à  la  base  du  thorax.  Paraplégie  incomplète, 
guérison  par  le  traitement  spécifique. 

Observation  22. 

J.  E.  Beck.  Transactions  de  la  Société  médicale  de  l'Ulster.  Session 
1876-1877,  28  novembre  1876. — Homme.  Trois  ans  aprèsTin  eclion  syphi- 
litique, affection  grave  de  l'arrière-gorge,  ulcération  aboutissant  à  l'éli- 
mination de  la  surface  antérieure  de  l'axis. 


—  28  — 


Observation  23. 

Leyden.  il/a/adtesde  la  moellc.ohs.  XI,  in  Thèse  de  Leyot. —  Homme, 
25  ans.  Syphilis  à  23  ans.  Douleurs  de  la  nuque  et  raideur^  troubles  de 
la  sensibilité  dans  les  bras,  faililesse  des  jambes,  exagération  des 
réflexes.  Traitement.  Légère  amélioration,  puis  aggravation  et  mort 
environ  deux  ans  après  le  début. 

Autopsie.  —  Carie  de  l'atlas  et  de  l'axis,  destruction  des  articulations 
unissant  ces  deux  vertèbres;  altération  de  l'apophj'seodontoïde.  Subluxa- 
tion avec  rotation  partielle  de  l'axis  et  rétrécissement  du  canal  verté- 
bral. Compression  de  la  moelle,  plus  accusée  d'un  côté.  Cavernes  et 
granulations  tuberculeuses  aux  sommets  des  poumons. 

Observation  24. 

AuTENRiETH.  lu  Leyden.  Mal.de  la  moelle;  trad.  franc,  1879,  p.  193. 
—  Homme,  20  ans.  Sj-philis.  Ulcération  de  la  gorge,  si  profonde  qu'on 
pouvait  voir  au  fond  de  la  gorge  la  moelle  épinièrc  recouverte  seule- 
ment par  la  dure-mère. 

Autopsie.  —  Arc  antérieur  de  l'atlas  détruit;  la  face  antérieure  de 
l'apophyse  odontoïde  ctaitégalemcnt  attciutc.  La  perte  de  substance  do 
l'atlas  avait  11  millim.  de  large. 

Observation  25. 

Verneuil.  In  Thèse  de  Levot,  1881.  —  Enfant  atteint  d'un  mal  de  Pott 
attribué  à  la  syphilis  héréditaire. 

OliSEltVATION  26. 

Levot.  Thèse  de  Paris,  1881,  p.  7G  (obs.  XXIX).  —  Homme  36  ans 
Piien  dans  les  comméinoratifs.  Affaiblissement  général,  pas  de  symp- 
tômes nerveux  prédominants.  Dix  tumeurs  sous-cutanées,  sous-aponé- 
vrotiqucs  nu  intramusculaires,  considérées  comme  des  manifestations 
de  syphilis  tertiaire.  Sarcocèle  syphilitique.  Ulcération  du  gros  orteil, 
atrophie  dos  muscles  fessiers. 

Autopsie.  —  Symi)hysc  cardiaque,  péritonite  chronique,  péri-hépa- 
tite, cirrhose,  tuberculose  pulmonaire,  carie  vertébrale  et  abcès  par 
congestion. 

Observation  27. 

F'OURMER.  In  Thèse  de  Levot,  p.  90  (obs  XXXj.  —  Homme.  Syphilis, 
dysphagio,  voix  voilée.  Tumeur  dure  sur  la  paroi  postérieure  du  pha- 


—  29  — 


ryns.  Exostosc  des  troisième  et  quatrième  vertèiDres  cervicales.  Kl 
et  sirop  de  Gibert.  Giiérison. 

Observation  28. 

Levot.  Des  lésions  syphililiquei  du  racliis.  Thèse  de  Paris,  1881.  — 
Homme,  49  ans.  A  2-1:  ans,  ulcère  et  bubon  suppuré.  Sept  ans  et  demi 
après,  douleur  et  raideur  de  la  nuque.  lodure  de  potassium  pendant 
quatre  mois,  légère  amélioration.  Puis  reprise  de  symptômes  l'année 
suivante.  Finalement  ankylose  des  vertèbres  cervicales.  Actuellement 
douleur  et  empâtement  à  la  pression.  Attribué  à  la  syphilis  (/). 

Obseuvation  29. 

A.  Foup.NiER.  Lerons  sur  la  sijpliilis  lerliaire  à  l'hôpilal  Louicine 
{Jouryial  de  l'Ecole  de  médecine).  In  Thèse  de  Levot,  p.  92. —  Homme. 
Dysphagie, dyspnée. Tumeur  des  corps  vertébraux  au  niveau  de  l'orifico 
glottique.  Guérison  par  Kl. 

Observation  SO. 

JuRGENS.  Deu/jic/ie  med.  W ochenschr.,  188S,  n°  25,  et  Berlin,  tiliu. 
Wochensclir.,  1888.  —  Femme,  30  ans.  Au  milieu  d'une  grossesse, 
paraplégie  brusque,  paralysie  des  sphincters,  anesthésie.  Raideur  du 
cou,  douleur  à  la  pression  au  niveau  de  la  troisième  vertèbre  cervicale. 
Mort  en  quatre  semaines. 

Autopsie.  —  Point  de  départ  des  lésions  à  la  face  interne  de  la  dure- 
mère  spinale,  dans  la  partie  supérieure  de  la  région  cervicale.  Delà,  les 
lésions  se  sont  étendues  en  haut  et  en  bas.  Destruction  du  troisième 
corps  vertébral.  Fracture  spontanée  de  cotte  vertèbre.  Compression  de  la 
moelle. 

Observation  31. 

Leyden.  Ueber  eninen  Fall  von  syphilitischer  Wirbelerkrankung. 
Berlin,  hlin.  Wochenschr.,  1889,  no  21,  p.  461.  —  Homme,  âgé  de 
34  ans  en  1889.  Chancre  en  1872.  Début  de  l'affection  il  y  a  deux  ans 
par  des  douleurs  rachidlcnnes.  Un  peu  plus  tard  (printemps  1888),  dou- 
leurs dans  la  jambe  gauche.  Symptômes  diffus.  Enfin  paraplégie.  En 
1889,  parésie  très  prononcée  des  membres  inférieurs, surtout  à  gauche 
et  faiblesse  du  bras  droit  avec  douleurs.  Altération  de  la  partie  dorso- 
lombaire  du  rachis,  sensibilité  à  la  pression  de  plusieurs  vertèbres. 
Amélioration  par  le  traitement. 


—  30  — 


Observation  32. 

Jasinski.  Gazeta  leska)-sha,1883,n''  46.— Cas  de  périspoudylite  syphili- 
tique de  la  colonne  cervicale.  Douleurs  occipitales  surtout  nocturnes,  rai- 
deur complète  de  la  nuque.  Ganglions. Eruptions  caractéristiques  sur  les 
deux  jambes.  Traitement  par  les  frictions  mercurielles  et  les  injections 
de  sublimé  etl'iodure  de  potassium.  Guérison  complète. 

OUSERVATION  33. 

Jasin'SIvI.  Ueber  syphilitische  Erkrankungen  der  Wirbelsaulo.  Arc/i. 
fur  Derm.  und  Sypii.,  1891,  p.  409.  —  Homme,  30  ans.  Douleur  et 
contracture  de  la  nuque  attribuées  à  des  lésions  gommeuses  périosti- 
ques  des  vertèbres  cervicales.  Immobilisation  de  la  région  et  traitement 
spécifique.  Guérison. 

Observation  34. 

Jasinski.  Loc.  cit.  —  Enfant  de  5  ans.  Paraplégie,  contracture,  anes- 
thésie,  paralysie  des  sphincters.  Deux  tumeurs  :  région  sacro-lombaire 
et  région  dorsale. Syphilis  héréditaire!?);  amélioration  par  le  traitement 
spécifique.  Contracture  persistante. 

Observation  35. 

Jasinski.  Loc.  cit.  —  Enfant  de  6  ans.  Douleurs  en  ceinture,  cyphose 
angulaire  au  niveau  de  la  onzième  vertèbre  dorsale.  Exagération  des 
réflexes  rotnliens  et  phénomène  du  pied;  mais  motilité  et  sensibilité  des 
membres  inférieurs  conservées.  On  pensa  à  une  manifestation  de  syphilis 
héréditaire.  Traitement  mercuricl  et  corset  de  Sayre.  Le  résultat  n'est 
pas  connu,  l'enfant  ayant  été  perdu  de  vue. 

Observation  36. 

Jasinski.  Loc.  cit.  —  Homme,  18  ans;  carie  osseuse  de  la  clavicule, 
considérée  comme  résultant  de  la  fonte  d'une  tumeur  gommeuse.  Affec- 
tion analogue  de  la  sixième  et  probablement  aussi  de  la  cinquième 
vertèbre  cervicale.  D'abord  pas  de  douleur,  mais  les  mouvements  de  la 
tête  sont  gênés,  La  pression  du  rachis  n'est  pas  douloureuse.  Quelques 
mois  plus  tard,  douleurs  occipitales,  tête  immobilisée.  De  temps  à  autre, 
sensation  d'engourdissement  dans  les  extrémités  supérieures.  Amélio- 
ration parle  traitement  spécifique. 


Observation  37. 

Darier.  Bulletins  de  la  Société  anatomi que,  1823  p.  22.  Carie  syphi- 


—  31  — 


inique  des  vertèbres  cervicales  avec  pachyméning île  sypliililique.  — 
Femme,  52  ans.  Syphilis  probable  à  l'âge  de  17  ans. 

Deux  fausses  couches  et  sept  grossesses  à  terme.  A  48  ans,  en  1889, 
accidents  de  syphilis  tertiaire.  Entre  à  l'hôpital  le  24  décembre  1892. 
Gomme  et  ostéopériostite  du  cràue.  Tuméfaction  de  la  nuque  et  immo- 
bilisation du  cou,  Exostoses  de  la  clavicule,  du  tibia,  etc.  Céphalalgie, 
contracture  dos  masséters.  Engourdissement,  puis  parésie  des  membres 
supérieurs.  Mort  le  31  décembre. 

Autopsie.  —  Ostéopériostite  gommeuse  du  crâne,  pas  de  lésions 
syphilitiques  de  l'encéphale.  Périhépatite  et  gommes  du  foie.  Ostéo- 
arthrite  syphilitique  de  l'axis,  de  la  troisième,  de  la  quatrième  et  de  la 
cinquième  vertèbre  cervicale.  Apophyse  odontoïde  détachée;  nécrose 
du  corps  de  l'axis  et  de  la  troisième  vertèbre  cervicale.  Pachyméningite 
exclusivement  externe;  dure-mère  spinale  ayant  près  de  7  à  8  miliim. 
au  niveau  de  l'axis  et  reprenant  son  épaisseur  normale  à  partir  de  la 
sixième  vertèbre  cervicale.  Compression  des  racines  spinales  au  niveau 
des  trous  de  conjugaison.  La  moelle  n'est  nullement  déformée  et  paraît 
saine. 

On  voit,  par  la  lecture  de  ce  résumé,  qu'un  certain  nombre  de  cas 
manquent  de  vérification  anatomiquc.  Dans  ces  cas,  il  existait  bien 
assez  souvent  une  déformation  rachidienne  ayant  une  cerlainc  valeur 
pour  l'appui  du  diagnostic,  mais  ce  signe  manquait  quelquefois.  On 
se  contente  alors  de  l'iniluence  plus  ou  moins  heureuse  du  traitement 
pour  affirmer  d'abord  la  nature  sypliililique  de  l'affection,  puis  con- 
clure à  l'existence  d"une  exostose  résorbée.  Cependant,  même  dans 
les  cas  où  la  guérison  a  suivi  l'emploi  du  mercure,  la  nature  syphi- 
litique même  de  l'affection  était  loin  d'être  démontrée,  à  plus  forte 
raison  l'existence  d'une  exostose.  Ainsi,  dans  l'observation  18,  le 
début  à  la  suite  d'une  scarlatine  d'une  paralysie  à  marche  ascendante, 
sans  phénomènes  spasmodiques  ni  troubles  des  sphincters,  la  parti- 
cipation même  des  nerfs  moteurs  oculaires  et  la  guérison  sont  des 
signes  qui  feraient  admettre  aujourd'hui  une  polynévrite  infectieuse 
liée  à  l'existence  de  la  scarlatine  antérieure,  même  si  le  sujet  était 
syphilitique. 

Dans  beaucoup  d'autres  cas  oîi  la  lésion  osseuse  a  été  constatée  à 
l'autopsie,  ou  affirmée  par  des  signes  physiques  évidents  du  vivant  du 
malade,  la  nature  de  cette  lésion  ne  pouvait  toujours  être  affiirmée  et 
aurait  pu  souvent  être  aussi  bien  mise  sur  le  compte  de  la  tuber- 
culose. 


—  32  — 


Enfin,  dans  les  observations  que  nous  avons  rapportées,  les  lésions 
vertébrales  n'atteignaient  pas  toujours  la  moelle.  Les  symptômes 
nerveux  manquaient  même  quelquefois  complètement  (obs.  5,  7,  17, 
19,  20)  ou  pouvaient  être  mis  sur  le  compte  des  altérations  radicu- 
laires  (obs.  '.),  13,  10,  37).  L'observation  13  est  un  type  de  paralysie 
radiculaire  du  plexus  bracbial  avec  phénomènes  douloureux,  atrophie 
musculaire,  etc. 

Il  ne  reste  plus  alors  qu'un  nombre  relativement  restreint  de  faits 
dans  lesquels  on  ait  trouvé,  avec  des  phénomènes  de  paraplégie 
spinale,  des  altérations  du  rachis  d'origine  vraisemblablement 
syphilitique. 

A  une  époque  où  les  études  histologiques  étaient  dans  l'enfance, 
l'altention  des  analomo-pathologislcs  n'était  fixée  que  par  les  altéra- 
tions macroscopiques.  Les  lésions  vertébrales  renirant  dans  cette 
catégorie  furent  d'abord  remarquées,  et  do  la  généralisation  de 
quelques  faits  particuliers  est  née  la  théorie  des  exostoses.  Mais  les 
recherches  modernes  ont  réduit  l'importance  de  cette  cause  à  sa  juste 
valeur.  En  réalité,  la  syphilis  peut  atteindre  les  vertèbres  comme 
toutes  les  autres  parties  du  système  osseux;  la  moelle  et  les  racines 
peuvent  être  intéressées  secondairement,  mais  ces  localisations  con- 
stituent de  véritables  exceptions  en  comparaison  des  autres  causes  qui 
produisent  les  paralysies  spinales  syphilitiques. 

I  2.  —  Syphilis  iiil^nin(|o-mécliiIlaire. 

Dans  l'étude  de  la  syphilis  médullaire,  on  décrit  quelquefois  sépa- 
rément les  lésions  des  méninges  et  celles  de  la  moelle;  mais,  pour  les 
raisons  que  nous  avons  indiquées,  à  cause  de  l'intimité  qui  unit  le 
parenchyme  de  la  moelle  à  ses  enveloppes  et  de  la  participation  ordi- 
naire de  ces  deux  organes  aux  modifications  constatées  dans  les 
autopsies,  nous  étudierons  parallèlement  leurs  altérations. 

L  —  Lésions  ciuconscrites  et  maciîoscoi'iques 

Tout  d'abord,  il  est  un  certain  nombre  d'altérations  que  nous  consi- 
dérons comme  relativement  rares  et  qui  se  manifestent  par  des  modi- 
fications localisées  et  appréciables  à  l'œil  nu.  Ce  sont  les  gommes 


—  33  — 


massives  des  méninges  et  de  la  moelle  et  Tépaississement  consi- 
dérable des  méninges.  Si  nous  admettons  la  rareté  de  ces  lésions,  ce 
n'est  pas  que  les  productions  gommeuses  puissent  être  considérées 
comme  exceptionnelles  dans  l'évolution  de  la  syphilis  médullaire, 
puisqu'au  contraire  elles  sont  extrêmement  fréquentes  et  qu'elles  en 
sont  une  des  caractéristiques  ;  mais  l'infiltration  circonscrite  est  le 
plus  ordinairement,  ainsi  que  nous  le  verrons,  réduite  au  nodule 
microscopique.  De  même,  l'épaississement  des  méninges  est  fréquent, 
mais  il  est  généralement  peu  prononcé  et  arrive  rarement  à  produire 
ce  que  l'on  a  décrit  sous  le  nom  de  pachyméningite  syphilitique. 

Cependant,  lorsqu'on  eut  reconnu  l'insuffisance  de  la  théorie  des 
exostoses,  ce  furent  précisément  ces  altérations  plus  saillantes  de  la 
moelle  et  de  ses  enveloppes  qui  attirèrent  l'attention.  Bien  que  l'on 
accordât  à  la  syphilis  une  certaine  importance  dans  l'étiologie  des 
myélites  diffuses  aiguës  ou  chroniques,  on  ne  considéra  comme  véri- 
tablement caractéristiques  de  la  syphilis  médullaire  que  les  tumeurs 
gommeuses  de  la  moelle,  les  gommes  et  l'épaississement  fibreux  des 
méninges. 

Avant  d'entrer  dans  l'étude  de  la  forme  anatomique  la  plus  fréquente 
de  la  syphilis  médullaire,  nous  passerons  en  revue  un  certain 
nombre  d'observations  où  ces  altérations  macroscopiques  ont  été 
constatées. 

A.  —  Gommes  des  méjiinges. 

Les  observations  de  gommes  macroscopiques  et  isolées  des 
méninges  sont  rares.  Il  existe  cependant  un  certain  nombre  de  cas 
anciens,  bien  souvent  cités,  dont  la  critique  a  été  faite  par  nombre 
d'auteurs.  Si  ces  cas  sont  en  effet  discutables,  des  observations  plus 
récentes  paraissent  affirmer  l'existence  de  ces  lésions.  Rien  ne 
s'oppose,  en  effet,  au  développement  dans  les  méninges  d'infiltrations 
gommeuses  massives  et  circonscrites  revêtant  parfois  la  forme  de  véri- 
tables tumeurs.  La  tumeur  gommeuse  est  une  manifestation  banale  de 
la  syphilis  qu'aucune  raison  n'exclut  du  tissu  conjonctif  des  enve- 
loppes de  la  moelle.  11  existe  d'ailleurs  des  formes  de  transition  entre 
l'épaississement  gommeux  léger  et  étalé  des  méninges  et  la  tumeur 
gommeuse  massive.  On  trouvera  dans  les  observations  suivantes  les 
exemples  les  plus  célèbres  de  ces  cas  très  rares  de  tumeurs  gom- 
S.  3 


—  34  — 


meuses.  Nous  chercherons  ultérieurement  à  établir  la  genèse  de  ces 
productions. 

Observation  38  (résumée). 

Zambaco.  Des  affect.  nerv.  syph.,  1862  (obs.  XXXIV).  —  Homme. 
En  1850,  à  30  ans,  chancre  induré.  Traitement  mercuriel.  Deux  exostoses 
du  sternum.  A  35  ans,  paraplégie  très  intense,  douleurs  très  vives  dans 
les  jambes  ;  névrite  sciatique,  gomme  ulcérée  au  sein  droit  ;  périostose 
à  la  base  du  sternum  et  sur  le  maxillaire  inférieur  gauche  ;  paralysie  du 
nerf  mentonnier.  Nombreuses  tumeurs  gommeuses  le  long  du  rachis. 
Aucune  action  du  traitement  spécifique.  Mort. 

Autopsie.  —  Il  existe  dans  le  canal  rachidien,  dans  la  moitié  infé- 
rieure de  la  région  dorsale  de  la  moelle,  et  dans  toute  l'étendue  de  la 
région  lombaire,  un  épanchement  gélatineux  de  consistance  gommeuse 
qui  comprime  la  moelle.  Tumeur  analogue  dans  la  fesse  gauclie,  com- 
primant le  nerf  sciatique.  Ces  tumeurs  ont  été  diagnostiquées  gommes 
syphilitiques  d'après  un  examen  microscopique  fait  par  Ch.  Robin. 

Observation  39  (résumée). 

Westphal.  Charité  Annalen,  1876,  p.  420.  —  Paraplégie  subaiguë 
chez  une  femme  arrivée  à  la  période  tertiaire  de  la  syphilis. 

Autopsie.  —  La  moelle  est  normale.  Au  niveau  du  premier  trou 
sacré  gauche  antérieur,  on  trouve  une  plaque  de  tissu  conjonctif  épaissi, 
oblitérant  le  trou  sacré  avec  carie  superficielle  de  l'os  au  voisinage.  En 
ouvrant  le  canal  sacré  par  la  paroi  postérieure,  on  constate  qu'il  est 
rempli  par  une  masse  en  partie  gommeuse,  en  partie  hémorrhagique, 
qui  envahit  la  dure-mère  et  englobe  les  racines  nerveuses.  La  dure- 
mère  est  encore  reconnaissable  mais  épaissie,  entourée  de  tissu  con- 
jonctif hyperhémié  et  parsemé  de  tumeurs  gommeuses. 

Observation  40  (résumée). 

ROSENTHAL.  Maladies  du  système  nerveux,  1877.  —  Femme.  En  1860, 
ulcérations  vaginales.  En  1863,  accidents  syphilitiques.  En  janvier  1865, 
névralgies  dans  les  jambes,  puis  paraplégie  rapide.  A  l'automne,  on 
constate  une  paraplégie  avec  anesthésie,  analgésie  des  membres  infé- 
rieurs et  amaigrissement,  diminution  des  contractions  électro-muscu- 
laires. Puis  cystite,  lésions  de  décubitus,  mort  à  la  fin  de  l'année. 

Autopsie.  —  Gomme  du  volume  d'une  noisette  dans  le  pariétal 
gauche,  déprimant  la  dure-mère.  Gomme  de  l'épaisseur  du  doigt,  longue 
de  3  centim.,  développée  dans  la  dure-mère  spinale  et  comprimant  la 
moelle  à  gauche  depuis  la  deuxième  jusqu'à  la  cinquième  vertèbre  cer- 
vicale. 


—  35  — 


Observation  41  (résumée). 

Le  Petit.  Thèse  de  Paris,  1878.  Étude  sur  la  paraplégie  syphilitique 
(obs.  I,  p.  70).  —  Homme,  20  ans.  En  décembre  1877,  chancre  induré  de 
la  verge  et  accidents  secondaires.  Trois  mois  de  traitement  mercuriel. 
Au  commencement  d'avril  1878,  incontinence  d'urine;  en  mai,  rachialgie 
surtout  la  nuit  et  céphalée  nocturne.  Dans  les  jambes,  douleurs  vives, 
crampes,  fourmillements,  secousses.  Faiblesse  génitale.  Fatigue  rapide 
et  anesthésie  plantaire,  marche  mal  assurée  sans  le  secours  de  la  vue. 

10  juillet.  Le  malade  ne  peut  plus  rester  debout,  douleurs  vives  dans 
les  lombes  et  dans  les  jambes.  Escarre  sacrée  étendue,  dont  le  début 
remonte  à  deux  mois. 

Le  15.  Paraplégie  complète,  sensibilité  diminuée. 

Le  17.  Incontinence  des  matières  fécales. 

Amélioration  dans  les  jours  suivants,  puis  aggravation  et  mort  le 
6  octobre. 

Autopsie.  —  Au  niveau  de  la  queue  de  cheval,  nombreuses  petites 
tumeurs  dont  le  volume  varie  de  celui  d'un  grain  de  millet  à  celui  d'une 
noisette.  Ces  tumeurs  se  sont  développées  dans  les  enveloppes  de  la 
moelle,  elles  sont  dures,  grisâtres  et  de  nature  gommeuse. 


B.  — ■  Gommes  de  la,  moelle. 

Les  observations  de  gommes  dans  la  moelle  sont  aussi  rares  que 
celles  des  gommes  méningées  et  sujettes  aux  mêmes  critiques. 

Observation  42  (résumée). 

Mac  Dowel.  Dublin  quart.  Journal,  1861,  n»  5,  XXI,  p.  321.  — 
Homme  de  24  ans.  Offrant  les  signes  évidents  d'une  syphilis  qui  remonte 
à  dix-huit  mois  (cicatrice  du  gland,  reste  d'iritis  syphilitique,  testicule 
syphilitique). 

Paraplégie  qui  amène  la  mort  en  deux  mois. 

Autopsie.  —  Les  membranes  spinales  sont  parfaitement  saines,  rien 
d'anormal  à  la  surface  de  la  moelle.  Mais  au  toucher,  la  région  dorsale 
est  évidemment  diminuée  de  consistance.  Une  section  verticale  delà 
moelle  montre  des  altérations  plus  remarquables.  Dans  la  partie  centrale 
de  la  région  dorsale,  mais  s'étendant  plus  à  droite  de  la  ligne  médiane^ 
on  trouve  une  tumeur  jaunâtre  parfaitement  sphérique,  unie  à  la  surface 
de  coupe,  offrant  une  consistance  fibro-cartilagineuse  et  le  volume  d'un 
haricot.  Aux  environs,  la  substance  médullaire  est  ramollie  et  plus 
vasculaire  que  de  coutume.  Dans  le  centre  d'une  de  ces  aires  vasculaires. 


—  36  — 


on  remarque  un  petit  point  jaune  qui  pourrait  être  comme  une  minia- 
ture de  la  grande  tumeur.  Pas  traces  de  tubercules  dans  les  poumons 
ni  dans  le  foie.  Le  testicule  n'a  pas  été  examiné. 

Observation  43  (résumée). 

WiLKS.  On  the  syphilitic  affect.  of  iutern  organs.  Guy's  hospital 
reports,  1863,  3o  série,  IX.  —  Paraplégie  chez  une  femme  de  53  ans  qui 
ne  présente  aucun  symptôme  de  syphilis,  mais  dit  avoir  eu  cette 
affection. 

Autopsie.  —  Le  cerveau  n'a  pas  été  examiné.  A  la  partie  droite  de 
la  région  lombaire,  la  moelle  renferme  un  corps  dur  ayant  environ 
2  centim.  de  longueur,  le  néoplasme  entoure  les  racines  postérieures 
des  nerfs  auxquelles  il  adhère  ainsi  qu'à  la  moelle  elle-même.  Il  forme 
une  masse  allongée,  irrégulière,  du  volume  d'une  noix  environ.  A  lu 
coupe,  il  présente  une  substance  jaune  amorphe  qui  ressemble  à  de  la 
lymphe  dégénérée,  et  on  trouve  dans  le  foie  une  substance  analogue. 
Le  foie  présente,  en  effet,  deux  à  trois  nodules  d'une  substance  jaune, 
amorphe,  résistante  :  l'un  d'eux  apparaît  comme  une  cicatrice  à  la  sur- 
face de  l'organe.  Le  poumon  contient  quelques  masses  jaunes  de  même 
aspect. 

Observation  44  (résumée). 

E.  Wagner.  Das  Syphilom  oder  die  coustitutionnell  syphilitische 
Neubildung.  Arch.  d.  Heilk.,  1863.  —  Homme,  49  ans.  Chancre  il  y  a 
un  an.  Meurt  avec  le  diagnostic  de  tumeur  cérébrale  et  hydrocéphalie 
chronique. 

Autopsie.  —  Gomme  du  cervelet,  du  volume  d'une  noix.  Une  autre 
tumeur,  du  volume  et  de  la  forme  d'une  noisette,  siégeait  dans  la  moitié 
gauche  de  la  moelle,  immédiatement  au-dessous  de  la  protubérance  ; 
elle  présentait  une  coloration  blanche  avec  un  reflet  bleuâtre.  Le  centre 
était  occupé  par  un  petit  noyau  jaunâtre.  Le  reste  de  la  moelle  était 
intact. 

Observation  45  (résumée). 

LoRENZO  Hales.  American  journ.  of  syphilography.  Octobre  1872. 
In  Thèse  de  Savard,  p.  55.  —  G...,  nègre,  âgé  de  31  ans,  syphilitique 
depuis  cinq  ans.  Depuis  un  an,  paralysie  totale  de  la  jambe  droite  surve- 
nue graduellement.  Six  semaines  avant  sa  mort,  il  prend  de  l'iodure  de 
potassium,  mais  le  suspend  par  négligence  au  bout  de  deux  jours.  Enfin, 
il  survient  de  la  rétention  d'urine,  une  paralysie  complète  des  deux  côtés 
et  de  l'ascite.  Mort. . 

Autopsie.  —  Gomme  de  la  moelle,  au  niveau  de  la  troisième  vertèbre 
lombaire.  Les  reins  offraient  les  lésions  du  mal  de  Bright. 


—  37  — 


Observation  46. 

Savard.  Thèse  de  Paris,  1883,  p.  53.  —  Nous  avons  observé  dernière- 
ment un  cas  de  gomme  de  la  moelle  chez  une  femme  de  50  ans,  qui 
était  syphilitique  depuis  cinq  ans  et  qui  portait  encore  des  cicatrices 
caractéristiques  de  raffection.  Développement  d'une  paralysie  spinale 
ascendante  aiguë  qui  amène  la  mort  en  quinze  jours. 

Autopsie.  —  A  l'ouverture  du  canal  rachidien,  aucune  exostose, 
aucune  déformation  sur  les  vertèbres,  pas  de  compression  médullaire. 
A  l'œil  nu,  les  méninges  rachidiennes  paraissent  congestionnées. 
Ouvertes  par  la  partie  postérieure,  ces  membranes  ne  sont  pas  adhé- 
rentes. Mais  on  constate  sur  la  pie-mère  et  sur  l'arachnoïde  un  exsudât 
très  apparent  et  inégalement  marqué  dans  les  différentes  parties  des 
méninges  ;  c'est  au  niveau  des  régions  dorsales  inférieure  et  lombaire 
que  cet  exsudât  est  le  plus  abondant  ;  il  atteint  une  grande  épaisseur  et 
un  aspect  très  louche  à  la  partie  moyenne  de  la  région  dorsale.  En  ce 
point,  on  constate  une  petite  tumeur  indépendante  des  méiiingest 
développée  sur  la  moelle  même  et  faisant  saillie  à  gauche.  Elle  a  une 
consistance  molle,  le  volume  d'un  gros  pois  et  une  forme  régulièrement 
arrondie. 

Nous  avons  évidemment  sous  les  yeux  une  gomme  médullaire.  De 
plus,  en  examinant  la  consistance  de  la  moelle  dans  ses  diflérentes 
parties,  on  trouve  que  cette  consistance  est  très  augmentée  à  la  région 
dorsale  et  lombaire  ;  la  moelle  est  certainement  sclérosée. 

A  la  partie  antérieure  de  l'axe  nerveux,  mêmes  altérations  des  mé- 
ninges qu'à  la  partie  postérieure;  même  aspect  louche  des  méninges, 
mais  Texsudat  est  moins  développé  ;  l'injection  vasculaire  est  un  peu 
plus  prononcée  qu'à  la  région  postérieure.  A  la  coupe,  la  moelle  parait 
saine,  de  consistance  normale  dans  la  portion  supérieure  ;  mais,  dans  la 
région  dorsale,  le  tissu  est  plus  ferme,  a  un  aspect  plus  blanc  que  par- 
tout ailleurs,  la  surface  de  la  coupe  est  comme  nacrée. 

Cerveau  sain,  à  part  un  peu  de  congestion  des  méninges;  pas  d'ex- 
sudat  ;  à  la  coupe,  on  ne  constate  aucune  tumeur,  aucune  lésion.  Les 
autres  organes  sont  sains.  Au  microscope,  on  constate,  dans  toute  la 
hauteur  de  la  moelle  épinière,  de  l'artérite,  avec  j)rolifération  nucléaire 
t  )ut  autour  des  vaisseaux,  dont  les  parois  sont  très  épaissies.  Atrophie 
de  quelques  cellules  des  cornes  antérieures. 

Observation  47  (résumée). 

W.  OsLER.  Case  of  syphiloma  of  the  cord  of  the  cauda  equina  ;  death 
from  diffuse  central  myelitis.  J.  nerv.  and  ment,  diseases,  N.-Y.,  1889, 
XVI,  449-507.  —  Homme,  avocat,  42  ans,  alcoolique  et  fumeur  ;  chancre 
mou  (?)  sans  symptômes  secondaires.  1876,  delirium  tremens. 


—  38  — 


Avril  1887.  Douleurs  lancinantes  dans  les  bras  et  les  jambes,  surtout 
dans  la  jambe  gauche.  Octobre,  prend  le  lit.  Novembre,  impossibilité  de 
marcher,  atrophie  rapide  de  la  jambe  gauche  et  anesthésie  des  deux 
jambes.  Miction  et  défécation  involontaires. 

Février  1888.  Le  phénomène  du  genou  existe  à  droite,  il  est  peu  net 
à  gauche.  Réflexe  crémastérien  aboli  à  gauche.  Escarre.  Los  bras  sont 
encore  très  forts.  —  Mars.  Tuméfaction  dans  les  genoux  et  les  orteils. 
Paresthésie  dans  les  doigts  de  la  main  gauche,  main  droite  sans  force. 
A  gauche,  les  mouvements  sont  faibles  et  incoordonnés.  Douleur  au 
niveau  de  la  septième  vertèbre  cervicale.  A  la  fin  du  mois,  fièvre,  anes- 
thésie du  bord  cubital  des  mains.  Délire.  Mort  le  25  mars  1888. 

Autopsie. —  Gomme  dans  le  cordon  antérieur  droit,  au  niveau  de  la 
quatrième  racine  cervicale.  Gommes  au  niveau  des  troisième,  quatrième, 
cinquième  racines  sacrées  antérieures  et  deuxième,  troisième  racines 
sacrées  postérieures  du  côté  gauche.  Dégénération  ascendante  du  cordon 
de  GoU  dans  la  moelle  dorsale  et  de  la  zone  radiculaire  dans  la  région 
lombaire. 

Myélite  centrale,  depuis  le  segment  du  deuxième  nerf  cervical  jusqu'à 
la  partie  supérieure  de  la  région  dorsale. 
Dégénération  profonde  du  nerf  sciatique  gauche. 

Nous  avons  insisté  sur  la  rareté  des  gommes  volumineuses  déve- 
loppées dans  les  méninges  rachidiennes  et  la  moelle  même.  Il  faut 
ajouter  que  les  apparences  macroscopiques  sur  lesquelles  on  s'est 
appuyé  le  plus  souvent  pour  établir  la  nature  gommeuse  syphilitique 
de  tumeurs  constatées  à  l'autopsie  n'offraient  pas  toujours  une 
garantie  suffisante,  et  J'on  peut  émettre  des  doutes  sur  la  nature 
exacte  de  ces  productions.  Encore  aujourd'hui,  le  diagnostic  anato- 
mique  est  quelquefois  bien  difficile.  Des  histologistes  compétents 
sont  souvent  embarrassé?  ;  l'on  trouve  par  exemple  la  preuve  de  cette 
incertitude  dans  une  observation  publiée  récemment  par  Baum- 
garten  (1).  Dans  ce  cas,  il  s'agissait  d'une  femme  de  32  ans  qui  avait 
été  atteinte  de  syphilis  quatre  ans  auparavant.  Elle  était  morte  rapi- 
dement, à  la  suite  d'une  hémiplégie  précédée  de  longue  date  de  phé- 
nomènes cérébraux  diffus.  A  l'autopsie,  on  trouva  de  nombreuses 
petites  tumeurs  d'apparence  gommeuse  sur  les  vaisseaux  de  la  base 
du  cerveau  et  sur  la  pie-mère,  de  la  protubérance  du  bulbe  et  de  la 
moelle  cervicale.  Le  diagnostic  anatomique  était  rendu  difficile  par  ce 

(1)  BAUMGAETEN.Ueber  gommose  Syphilis,  etc.  Vircho7v's  Archîv.  Bd.  LXXXVI, 
f.  2. 


—  39  — 


fait  que  la  malade  était  atteinte  de  tuberculose  pulmonaire,  et  ce  n'est* 
qu'après  une  étude  minutieuse,  et  en  s'appuyant  principalement  sur 
l'altération  des  vaisseaux,  que  l'auteur  put  admettre  qu'il  s'agissait 
de  gommes  et  non  de  tubercules. 

Ce  n'est  donc  qu'avec  une  extrême  réserve  qu'il  faut  admettre  la 
nature  syphilitique  de  ces  tumeurs  d'apparence  gommeuse.  On  devra 
rechercher  des  garanties  dans  un  examen  microscopique  approfondi 
des  différentes  parties  de  l'axe  spinal  où  l'on  trouvera  des  lésions  élé- 
mentaires dont  l'ensemble  constitue,  ainsi  que  nous  le  verrons,  une 
base  plus  sérieuse  pour  le  diagnostic. 

C.  —  Pachyméningite  spinale  syphilitique. 

A  côté  des  infiltrations  molles,  gommeuses,  circonscrites  ou  plus 
ou  moins  étalées  des  méninges,  les  auteurs  signalent  des  épaissis- 
sements  fd^reux  considérables  de  ces  méninges. 

Les  altérations  grossières  des  méninges,  et  de  la  dure-mère  en 
particulier,  peuvent  être  secondaires  à  des  lésions  osseuses  du  canal 
vértébral,  qui  ont  pour  conséquence  le  développement  d'une  pachymé- 
ningite externe. 

Mais  le  point  de  départ  peut  être  dans  les  méninges  mêmes;  dans 
ce  cas,  il  siège  ordinairement  dans  les  membranes  molles  plus  vascu- 
laires,  la  pie-mère  surtout.  Plus  rarement,  la  lésion  occupe  primiti- 
vement la  face  interne  de  la  dure-mère.  A  un  degré  plus  avancé,  elle 
intéresse  toutes  les  enveloppes  qui  s'unissent  et  forment  un  épais- 
sissemeut  qui  entoure  quelquefois  la  moelle  d'une  sorte  de  virole 
fibreuse. 

Il  existe  dans  la  littérature  un  certain  nombre  d'exemples  remar- 
quables de  pachyméningite  attribuée  à  la  syphilis. 

Observation  48  (résumée). 

Bruberger.  Ein  Fall  von  Meningitis  syph.,  etc.  Virchow's  Ar- 
chiv.,  Bd  LX,  1874.  —  Homme,  30  ans.  Chancre  en  1871,  à  28  ans, 
accidents  secondaires.  Hiver  1873,  ulcération  de  la  gorge  et  du  voile  du 
palais.  2  juin  1873,  attaque  brusque,  le  malade  tombe  dans  la  rue  et 
perd  connaissance.  Paraplégie,  troubles  des  sphincters. 

Etat,  lors  de  l'entrée  à  l'hôpital,  1<='' juillet  1873  :  paraplégie  absolue, 


—  40  — 


diminution  de  la  l'éaction  électrique,  sensibilité  intacte.  Pas  de  dou- 
leurs le  long  du  rachis.  Traitement  mixte. 

Août.  Incontinence  d'urine,  puis  escarres  au  sacrum,  aux  trochanters, 
aux  malléoles,  aux  talons.  Dans  la  suite,  affaiblissement  général;  mort 
le  23  octobre. 

Autopsie.  —  Les  méninges  de  la  région  cervicale  sont  épaissies  et 
offrent  l'apparence  d'une  couenne  épaisse,  adhérente  en  dedans  à  la 
moelle  et  en  dehors  au  canal  vertébral.  Hémorrhagie  dans  la  région 
cervicale  de  la  moelle,  atrophie  de  la  substance  grise,  élargissement  du 
canal  central. 

Méningite  delà  base  du  cerveau.  Affection  des  vaisseaux  du  cerveau 
dont  les  parois  sont  épaissies. 

Observation  49  (résumée). 

EiSENLOHR.  Meningitis  spinalis  chronica  der  cauda  equina,  etc. 
Neurolog.  Centralbl.,  1884,  n°  4,  p.  73. —  Homme,  30  ans,  entre  le 
31  mai  à  l'hôpital  pour  une  paraplégie  de  date  récente.  Il  y  a  onze  ans, 
syphilis,  plaques  muqueuses  anales.  L'année  dernière,  constipation  ^ 
faiblesse  des  jambes,  surtout  à  gauche,  incontinence  d'urine,  puis  para- 
lysie subite  de  lajambe  droite.  A  l'entrée,  on  constate  :  paralysie  com- 
plète pour  la  jambe  droite,  incomplète  à  gauche,  paralysie  des  sphinc- 
ters, catarrhe  vésical.  Sensibilité  très  diminuée  surtout  dans  la  jambe 
gauche.  Douleurs  vives  dans  les  jambes,  le  rectum  et  la  vessie. 

Traitement  spécifique,  légère  amélioration. 

En  juillet,  aggravation  des  symptômes,  paralysie,  atrophie,  lésion  du 
décubitus. 

Dans  la  suite,  les  troubles  s'accentuent  :  douleurs  vives,  perte  de  la 
sensibilité  objective,  paralysie  avec  atrophie  musculaire  et  réaction  de 
dégénérescence.  Mort  le  12  mars  1878. 

Autopsie.  —  Adhérence  de  la  dure-mère  à  la  pie-mère  :  en  arrière, 
depuis  la  dixième  vertèbre  dorsale  jusqu'à  la  partie  inférieure  du  sac 
durai;  en  avant,  à  partir  du  milieu  de  la  queue  de  cheval  seulement. Les 
racines  sontenglobées.Les  racines  postérieures  sontdecouleurgris  rosé, 
très  altérées,  les  dernières  racines  dorsales  sont  saines.  Les  racines 
antérieures  sont  moins  atteintes.  Destruction  delà  moelle  dans  sa  partie 
terminale.  Dégénérescence  secondaire  ascendante  des  cordons  posté- 
rieurs. 

Observation  50  (résumée). 

BuTTERSAK.  Zur  Lchre  von  den  syphilitischen  Erkrankungen  des 
Centralnervensystems,  etc.  Arch.  f.  Psycli.,  Bd.  XVII,  H.  3,  p.  G0.3.  — 
Femme,  31  ans,  qui  se  réveilla  subitement  avec  une  soif  très  vive;  à  la 
suite,  survinrent  bientôt  des  vertiges  avec  céphalalgie  à  exacerbations 


—  41  — 


nocturnes,  courbatures,  douleurs  de  la  nuque,  diminution  de  l'ouïe  et 
de  la  faculté  de  penser,  paralysie  des  nerfs  oculo-inoteur  commun 
droit,  abducteur  de  l'œil,  facial  ;  amblyopie,  déviation  de  la  langue  à 
droite. 

Les  signes  de  syphilis  antérieure  mamiuent  complètement,  car  la 
malade  ne  peut  donner  à  ce  sujet  aucun  renseignement.  Pendant  les 
onze  mois  de  la  maladie,  il  y  eut  deux  améliorations  remarquables  à  la 
suite  de  deux  cures  énergiques  par  l'iodure  de  potassium.  La  polyurie 
et  la  polydipsie  qui  existaient  depuis  le  début  disparurent  après  un 
certain  temps  sous  l'action  de  ce  moyen  curatif. 

Plus  tard,  nouvelle  aggravation;  quatorze  jours  avant  la  mort,  hémi- 
parésie  prononcée,  hyperesthésie  des  bras  et  du  tronc,  raideur  de  la 
nuque.  Mort  par  pneumonie  aiguë. 

Autopsie.  — On  trouva  une  méningite  chronique  syphilitique  du  cer- 
veau et  de  la  moelle.  Périnévrite  et  névrite  nodulaires  des  nerfs  moteurs 
oculaires  communs.  Les  racines  médullaires  étaient  épaissies,  surtout 
les  racines  cervicales,  qui  formaient  des  cordons  volumineux  et  renflés. 
Les  méninges  et  les  enveloppes  des  racines  étaient  le  siège  d'une 
inflammation  diffuse  très  intense;  les  vaisseaux  altérés  d'une  façon 
typique. 

On  constata  de  plus  une  endartérite  flbreuse  de  l'aorte  descendante, 
des  cicatrices  multiples  et  des  gommes  du  foie. 

Observation  51  (résumée). 

Oppexheim.  ZurKenntniss  der  syphilitischeu  Erkrankungen  des  cen- 
tralen  Nervensysteras.  Berlin,  klin.  Wochensch  r.,  1889,  n"""  48  et  49. 
—  Femme  de  24  ans.  En  octobre  1888  entre  à  l'hôpital.  Infection  syphi- 
litique, sept  ans  auparavant.  11  y  a  trois  ans,  sténose  syphilitique  du 
rectum.  Depuis  trois  mois,  paralysie  progressive  des  jambes,  impossi- 
bilité de  marcher  et  de  se  tenir  debout,  engourdissement  des  jambes, 
douleurs  en  ceinture.  Troubles  des  sphincters.  Quelques  mois  aupara- 
vant :  symptômes  cérébraux,  diplopie,  paresse  de  l'accommodation. 

État  actuel.  —  Parésie  spastique  surtout  à  gauche,  altération  de  la 
sensibilité,  surtout  pour  la  température.  Station  debout  et  marche  im- 
possibles. Miction  difficile.  Douleurs  en  ceinture.  Faiblesse  et  trem- 
blement légers  des  membres  supérieurs.  Inégalité  pupillaire  :  ptosis 
variable  à  gauche. Traitement  mixte  suivi  d'une  amélioration  passagère, 
puis  reprise  des  symptômes  :  paralysie  du  nerf  moteur  oculaire  com- 
mun, paresthésie  dans  le  domaine  du  trijumeau,  paralysie  faciale.  État 
comateux.  Mort  à  la  fin  de  janvier  1889. 

Autopsie.  —  Méningite  cérébro-spinale;  les  méninges  cérébrales,  au 
niveau  delà  base,  présentent  des  opacités  diffuses  avec  proliférations 
en  forme  de  tumeurs.  Le  processus  s'étend  aux  nerfs  crâniens  et  aux 


—  42  — 


artères  basilaire  et  vertébrales.  Pour  la  moelle,  il  existe  un  épaississe- 
inent  considérable  des  méninges  qui  sont  unies  entre  elles  et  ne  peuvent 
se  détacher  de  la  moelle  dans  les  deux  tiers  supérieurs  de  l'organe.  La 
moelle  est  très  altérée,  ramollie,  le  tissu  est  farci  de  corps  granuleux 
et  de  noyaux. 

On  constate  une  infiltration  embryonnaire  des  méninges  avec  envahis- 
sement de  la  moelle  et  des  racines,  et  des  altérations  vasculaires 
énormes. 

Des  faits  analogues  ont  été  publiés  par  Jûrgens  et  par  Heub- 
ner  (1).  Jiirgens  a  rapporté  cinq  observations  donttrois  ont  trait  à 
la  sypliilis  congénitale. 

Observation  52  (résumée). 

JuRGENS.  Ueber  syphilis  des  Ruckenmarks  und  seiner  Haute.  Cha- 
rité Annalen,  1885  (obs.  I).  —  Enfant  mort-né,  long  de  45  centim.  On 
constate  un  épaississernent  considérable  de  la  dure-mère  au  niveau  de 
la  base  du  crâne,  qui  présentait  une  légère  hyperostose.  La  dure-mère, 
dans  la  zone  de  transition  céphalo-rachidienne,  est  très  vascularisée  à  sa 
face  interne,  trouble,  soudée  à  l'arachnoïde.  Les  méninges  de  la  con- 
vexité du  cerveau  étaient,  au  contraire,  intactes.  Au  voisinage  du  chiasma, 
il  existe  un  épaississernent  fibreux  considérable  des  membranes  molles, 
épaississement  qui  se  continue  sur  la  protubérance  et  la  partie  infé- 
rieure du  bulbe.  De  même,  pachyméningite  et  arachnite  spinales,  surtout 
développées  à  la  région  cervicale  et  disparaissant  dans  les  parties  sous- 
jacentes  de  la  moelle.  Altérations  des  branches  de  l'artère  vertébrale  et 
des  vaisseaux  de  la  moelle  cervicale. 

On  trouvait  de  plus  une  ostéochondrite  avec  sclérose  et  périostitc 
ossifiante  des  os  longs,  une  hépatisation  grisâtre  des  poumons,  des 
gommes  multiples  miliaires  de  la  capsule  et  du  tissu  hépatiques.  Péri- 
phlébite portale  gommeuse  ;  rate  grosse  et  indurée,  péritonite  hémor- 
rhagique  récente,  etc. 

Observation  53  (résumée). 

JuRGENS.  Loc.  cit.  (obs.  II).  —  Enfant  né  le  8  mars  1885,  mort  le 
13  mai  1885.  Ictère,  pemphigus  de  la  plante  des  pieds,  gommes  des  cap- 
sules surrénales.  Dure-mère  crânienne  intacte.  Pie-mère  de  la  convexité 
fibreuse  épaissie,  trouble.  Gommes  et  petits  foyers  de  ramollissement. 
L'altération  des  méninges  se  prolonge  sur  la  protubérance. 

La  pie-mère  spinale,  dans  les  régions  cervicale  et  thoracique,  est  très 

(IJ  Heubnee.  Zienmen's  Handbuch,  1878,  Bd.  II,  H.  I. 


-  43  — 


épaissie,  unie  à  la  face  interne  de  la  dure-mère  par  de  nombreux  et 
forts  tractus.  Moelle  grise.  Dure-mère  épaissie  dans  sa  partie  postérieure. 
Ostéocliondrite  syphilitique  des  fémurs,  tibias  et  vertèbres. 

Observation  54  (résumée). 

JuRGENS.  Loc.  cit.  (obs.  III).  —  Enfant  de  2  ans.  Spina  ventosa  de 
plusieurs  phalanges  des  doigts.  Abcès  de  la  joue  gauche  en  voie  de  gué- 
risoo.  Cicatrice  ancienne  adhérente  à  l'os,  au  tiers  supérieur  de  la  cuisse 
gauche.  Abcès  de  la  malléole  interne  droite.  Pas  d'autres  symptômes. 
Mort  de  diphtérie. 

Autopsie.  —  Gomme  cérébrale, hydrocéphalie  interne.  Le  périoste  des 
vertèbres  et  le  tissu  graisseux  intrarachidien  sont  intacts.  La  dure- 
mère  spinale,  dans  les  régions  cervicale  et  thoracique,  est  unie  par  de 
nombreuses  et  fortes  adhérences  à  la  pie-mère.  Sur  la  face  interne  de 
la  dure-mère,  nombreuses  fausses  membranes  épaisses  et  fibreuses. 

A  la  partie  inférieure  de  la  moelle,  l'affection  s'efface  peu  à  peu  ; 
cependant,  dans  la  région  lombaire,  on  trouve  une  induration  fibreuse, 
isolée,  rayonnée,  grisâtre  et  longue  de  3  centimètres. 

Sur  les  coupes  de  la  moelle,  on  constata,  dans  la  région  cervicale,  une 
coloration  diftuse  des  cordons  postérieurs  ;  dans  la  région  thoracique, 
les  cordons  cunéiformes  seuls  sont  pris.  A  la  région  lombaire,  les  cor- 
dons postérieurs  sont  intacts.  Il  existe  de  plus  dans  la  région  cervicale 
une  petite  gomme,  de  la  grosseur  d'un  grain  de  millet.  Le  segment 
médullaire  correspondant  est  légèrement  renflé  ;  la  néoplasie  intéresse 
environ  la  moitié  du  territoire  du  cordon  latéral  droit. 

Gomme  du  rein  gauche.  Péri-hépatite  et  périsplénite  fibreuses  avec 
adhérences.  Périostite  syphilitique  ossifiante  du  tibia.  Ostéomyélite  et 
périostite  des  doigts  de  la  main  gauche.  Diphtérie,  broncho-pneumonie, 
pleurésie. 

On  peut  rapprocher  de  ces  observations  le  fait  suivant,  rapporté  par 
Siemerling. 

Observation  55  (résumée). 

E.  Siemerling.  Zur  lehre  von  der  congenitalen  Hirn  und  Riicken- 
markssyphilis.  Arcli.  f.  Psycli.  Bd.  XX,  H.  1,  p.  102.  —  Fille  de  12  ans 
dont  le  père  était  syphilitique.  A  l'âge  de  4  ans,  ictus  apoplectique 
suivi  deparésie  droite  avec  aphasie.  La  paroleest  revenue,  mais  la  parésie 
persiste.  A  6  ans,  incoordination  et  faiblesse  des  membres  inférieurs  ; 
pas  de  troubles  nets  de  la  sensibilité. 

Avril  1886  (12  ans).  Vomissements  et  vertige. 

Juin  1886.  Attaques  épileptiformes  se  reproduisant  tous  les  huit  ou 
quinze  jours. 


—  44  — 


Octobre  1886.  Diminution  de  l'acuité  auditive  des  deux  côtés. 

Novembre.  Surdité  complète,  atrophie  des  nerfs  optiques,  cécité,  nys- 
tagmus.  Commissure  labiale  un  peu  abaissée  à  droite.  La  malade  pou- 
vait encore  marcher,  mais  se  plaignait  de  vertiges  et  ses  mouvements 
étaient  incoordonnés.  Les  réflexes  rotuliens  ne  sont  pas  abolis.  Intelli- 
ligence  diminuée. 

Pendant  son  séjour  à  l'hôpital,  la  malade  a  eu  plusieurs  attaques  épi- 
leptiformes  et  a  succombé  à  la  suite  d'une  semblable  attaque. 

Autopsie.  —  Cerveau.  Hydrocéphalie  interne.  Gommes  de  la  dure- 
mère  avec  atrophie  de  cette  membrane.  Par  places,  impossibilité  de 
détacher  du  cerveau  l'arachnoïde  et  la  pie-mère  intimement  soudées 
l'une  à  l'autre,  principalement  à  la  basé.  Les  nerfs  crâniens  étaient  en- 
vahis par  l'infiltration  syphilitique  sur  une  étendue  variable  d'une  paire 
à  l'autre.  Nerfs  optiques  complètement  dégénérés. 

Moelle  enserrée  dans  une  gangue  épaisse  formée  par  les  méninges 
altérées.  L'examen  histologique  a  fait  constater  sur  la  pie-mère  des 
prolongements  en  forme  de  bouchons,  parsemés  de  cellules  arrondies 
et  pénétrant  dans  la  substance  blanche  de  la  moelle,  sans  atteindre  la 
substance  grise  qui  était  néanmoins  déprimée.  La  destruction  des  élé- 
ments nerveux  est  secondaire  et  consécutive  à  la  compression  exercée 
par  les  produits  d'infiltration.  Des  altérations  vasculaires  considérables 
rxislaient  dans  le  cerveau  et  la  moelle,  surtout  dans  le  premier  de  ces 
organes.  Les  racines  spinales  étaient  à  peu  près  intactes. 

Observation  56  (résumée). 

JURGENS.  Loc.  cit.  (obs.  IV).  —  Homme,  44  ans  en  1885.  Signes  de  syphi- 
lis, neuf  ans  auparavant.  H  y  a  quatre  ans,  douleurs  rhumatoï  les,  engour- 
dissement^ douleurs  delà  nuque.  L'année  dernière,  symptômes  analogues  ; 
de  plus,  marche  entravée  progressivement  jusqu'à  l'impotence  fonction- 
nelle. A  la  fin  de  l'année,  aphasie  brusque,  troubles  respiratoires.  Depuis 
trois  ou  quatre  ans,  il  existe  dans  la  nuque  des  douleurs  qui  s'étendent 
à  toute  la  tête.  Persistance  depuis  quatre  ans  d'un  écoulement  nasal 
avec  nécrose  des  os  du  nez.  A  partir  du  mois  de  février  1885,  le  malade 
ne  peut  plus  prendre  que  des  aliments  liquides.  Mort  le  11  mars. 

Autopsie.  —  Carie  des  os  du  nez.  Pachyméningite  cérébrale  avec 
fausses  membranes  fibreuses  et  hémorrhagiques.  Dans  la  région  infé- 
rieure de  la  moelle  allongée,  la  dure-mère  est  très  épaissie,  intimement 
unie  à  l'arachnoïde.  Ces  lésions  vont  en  s'atténuant  à  la  surface  du  cer- 
velet. 

La  dure-mère  forme  une  enveloppe  épaisse,  grisâtre,  qui  entoure  le 
bulbe  et  la  moelle  cervicale.  L'altération  s'atténue  peu  à  peu  dans  les 
parties  sous-jacentos  de  la  moelle.  Altérations  vasculaires  consi- 
dérables. 


—  45  — 


Aplatissement  et  envahissement  de  la  moelle  allongée,  myélite  gom- 
nieuse  et  ramollissement  de  la  moelle  dans  la  région  cervicale. 

Observation  57  (résumée). 

JuR&ENS.  Loc.  cit.  (obs  V).  —  Homme,  28  ans.  Chancre  en  1883,  ulcé- 
ration phagédénique  de  la  verge  et  du  scrotum.  Syphilides  maculeuses 
et  papuleuses  du  corps.  Ulcération  syphilitique  de  la  voûte  palatine. 
Traitement  mixte,  amélioration  (février  1884). 

En  octobre  1884,  crisesépileptiformes,  parole  bredouillante,  traînante, 
aflaiblissement  général. 

28  octobre,  agitation,  délire.  Mort  le  29  octobre. 

Autopsie.—  Gomme  delà  deuxième  circonvolution  temporale  gauche. 
Méningite  cérébrale  gommeuse.  Dégénération  des  nerfs  optiques. 
Gomme  du  nerf  moteur  oculaire  commun  droit. 

Moelle.  Adhérence  des  méninges,  surtout  à  la  partie  postérieure; 
épaississements  localisés  et  grisâtres.  Au  niveaii  du  ligament  dentelé, 
méninges  troubles,  recouvertes  d'un  épaississement  gélatiniforiTieet  de 
très  nombreuses  nodosités  gommeuses  de  la  grosseur  d'un  grain  de 
millet  à  celle  d'un  pois.  Sur  les  racines  postérieures,  il  existe  des 
tumeurs  analogues,  qui  se  prolongent  sur  les  cordons  nerveux  jusqu'à 
l'oriflce  de  la  dure-mère.  Dans  la  région  dorsale,  gomme  de  la  pie-mère, 
de  la  grosseur  d'un  pois. 

A  l'examen  microscopique,  on  constate,  dans  l'épaisseur  de  la  pie-mère 
et  de  l'arachnoïde,  une  infiltration  abondante  de  cellules  embryonnaires. 
En  certains  points,  l'épaississement  des  membranes  est  de  nature 
fibreuse  ;  en  d'autres,  l'infiltration  forme  des  nodosités  miliaires  avec 
début  de  dégénérescence  granulo-graisseuse  des  éléments  cellulaires. 

Les  vaisseaux  sont  très  altérés,  leurs  parois  sont  entourées  et  enva- 
hies par  une  infiltration  très  dense,  dont  la  limite  externe  est  difl'use.  La 
lumière  est  presque  oblitérée.  Le  parenchyme  médullaire  est  le  siège 
d'une  infiltration  diffuse  qui  forme  de  nombreux  petits  nodules 
miliaires. 

Observation  58  (résumée). 

H.  Lamy.  De  la  méningo-myélite  syphilitique.  Thèse  de  Paris,  juillet 
1893  (obs.  III).  —  Femme  de  43  ans,  entrée  à  l'hôpital  le  28  février  1892. 
Syphilis  il  y  a  huit  ans.  Bientôt  après,  céphalée  intense,  douleurs  vives 
à  la  nuque,  faiblesse  des  membres  inférieurs,  lenteur  de  la  parole. 
Plusieurs  ictus  sans  paralysie  consécutive. 

État  en  mars  189^.  Apathie  intellectuelle  sans  démence.  Paralysie 
presque  complète  des  membres  inférieurs.  Membres  supérieurs  moins 
pris.  Légère  atrophie  musculaire. 

Douleurs  de  la  nuque  avec  raideur,  sensibilité  à  la  pression  des  régions 
cervicale  et  dorsale  du  rachis. 


—  46  — 


Nystagmus,  réflexe  lumineux  disparu,  réflexe  accommodatif  faible; 
déviation  légère  de  la  commissure  labiale.  Troubles  de  la  miction. 

Mai.  Vomissements  répétés  et  ictus.  Érysipèle;  mort  à  la  fin  du  mois. 

Autopsie.  —  Méningite  de  la  base,  qui  s'étend  jusqu'au  bulbe. 

Moelle.  Dans  toute  la  région  cervicale,  la  moelle  est  entourée  d'une 
épaisse  virole  formée  par  les  trois  méninges  hypertrophiées  et  soudées 
entre  elles.  Il  n'y  a  pas  d'adhérences  avec  le  périoste  des  vertèbres. 

Vers  le  renflement  cervical,  la  dure-mère  cesse  d'être  adhérente  à  la 
face  antérieure  de  la  moelle^  mais  reste  soudée  aux  faces  latérales  et 
postérieure. 

Dégénérescence  des  cordons  postérieurs  et  de  la  partie  postérieure 
des  cordons  latéraux. 

Double  dégénération  pyramidale  dans  la  région  dorsale  supérieure, 
avec  épaississement  léger  des  méninges.  Les  trois  méninges  sont  encore 
très  épaisses  et  soudées  au  niveau  de  la  région  dorsale  moyenne. 

Les  observalions  précédentes  établissent  l'existence  de  la  pachy- 
méningite  syphilitique,  mais  il  faut  ajouter  que  ces  faits  semblent 
former  un  groupe  à  part.  Il  est,  en  effet,  remarquable  que  ce  sont  les 
méninges  de  la  partie  supérieure  de  la  moelle  qui  sont  ordinaire- 
ment intéressées  dans  ces  cas,  et  que  la  dure-mère  prend  une  part 
importante  à  la  formation  de  l'épaississement.  Le  développement  du 
processus  semble  alors  obéir  à  la  loi  formulée  par  .liirgens.  Pour 
cet  auteur,  les  lésions  syphilitiques  de  l'axe  cérébro-spinal  suivent  une 
marche  descendante  et  se  propagent  du  cerveau  à  la  moelle.  Dans 
ces  cas,  en  effet,  les  lésions  des  méninges  cérébrales,  surtout  à  la 
base,  sont  très  marquées  et  elles  s'atténuent  à  mesure  que  l'on  consi- 
dère des  régions  plus  inférieures  de  la  moelle.  Mais  cette  loi  n'est 
applicable  rigoureusement  qu'à  ces  faits  particuliers  qu'on  pourrait 
réunir  sous  la  désignation  de  méningite  cérébro-spinale  syphi- 
litique, qu'a  proposée  M.  Lamy  (1). 

L'épaississement  considérable  des  méninges  et  la  participation  de 
la  dure-mère  peuvent  cependant  se  rencontrer  dans  des  régions  de  la 
moelle  éloignées  du  cerveau,  ainsi  que  le  prouve,  par  exemple,  l'ob- 
servation d'Eisenlohr  (obs.  49). 

Dans  tous  ces  faits,  l'altération  anatomique  initiale  ne  diffère  pas 
essentiellement  de  celle  qui  caractérise  la  forme  commune  que  nous 
décrirons  plus  tard.  Il  s'agit  simplement  d'une  variante  peu  fréquente 
dans  l'évolution. 

(1)  Lamy.  Thèse  de  Paris,  1893,  p.  56. 


—  47  — 

Les  lésions  du  parenchyme  nerveux  sont  naturellement  importantes, 
puisque  c'est  à  elles  qu'il  faut  en  dernière  analyse  rapporter  les 
symptômes  et  le  plus  souvent  la  mort;  mais  ce  n'est  relativement 
qu'assez  tard  qu'elles  acquièrent  cette  importance,  lorsque  le  pro- 
cessus a  déjà  atteint  dans  les  méninges  un  degré  assez  avancé.  En 
tous  cas,  il  est  évident  que,  dans  ces  faits  particuliers,  les  lésions 
méningées  peuvent  atteindre  une  grande  intensité  sans  déterminer 
tout  d'abord  de  lésions  graves  de  la  moelle.  C'est  là  une  circonstance 
bien  remarquable,  qui  ne  se  rencontre  pas  dans  les  cas  ordinaires  de 
lasypliilis  médullaire, ainsiquenous  le  verrons.  Elle  semblerait  prouver 
que  ce  n'est  pas  tant  l'épaississement  considérable  des  méninges  qui 
influe  sur  l'état  du  parenchyme  médullaire  que  l'altération  de  certains 
éléments  capitaux  des  membranes  nourricières  :  les  vaisseaux,  par 
exemple. 

II.  —  La  méningo-myélite  syphilitique 

Les  gommes  méningées  et  médullaires,  la  pachy méningite  syphi- 
litique ne  sauraient  expliquer  toutes  les  formes  cliniques  delà  syphilis 
médullaire,  il  s'en  faut  de  beaucoup.  On  peut  même  considérer  ces 
manifestations  comme  des  accidents  qui  correspondent  à  des  formes 
cliniques  spéciales. 

Dans  la  plupart  des  cas,  c'est  à  des  lésions  plus  diffuses  que  I  on  a 
affaire,  les  altérations  macroscopiques  sont  à  peine  accusées  et  c'est 
par  l'étude  histologique  que  l'on  découvre  les  altérations  intimes 
qu'ont  subies  la  moelle  et  sa  membrane  nourricière. 

Il  faut  cependant  noter  que  les  modifications  des  méninges  et  de  la 
moelle,  qui  peuvent  ne  pas  apparaître  tout  d'abord  à  l'œil  nu  dans  un 
examen  superficiel,  se  manifestent  le  plus  souvent  par  des  alté- 
rations que  l'on  peut  apprécier  au  moment  de  l'autopsie.  Nombre 
d'auteurs  ont  indiqué  l'aspect  blanchâtre  et  dépoli  de  la  pie-mère, 
l'état  trouble  de  l'arachnoïde.  Knorre  avait  déjà  signalé  à  la  surface 
de  la  pie-mère  ces  sortes  de  plaques  laiteuses  qu'il  considérait  comme 
pouvant  être  l'origine  d'épaississementset  d'adhérences  des  méninges, 
ou  le  point  de  départ  de  développements  gommeux. 

Il  n'existe  pas,  en  réalité,  de  limite  tranchée  entre  les  lésions  dif- 
fuses étendues,  qui  ne  sont  appréciables  qu'avec  l'aide  du  microscope. 


—  48  — 


et  les  altérations  macroscopiques  représentées  par  un  épaississement 
considérable  des  méninges  ou  des  productions  gommeuses  massives. 

Les  apparences  différentes  tiennent  à  la  durée  plus  ou  moins  longue 
de  l'affection  ou  à  la  limitation  du  processus.  En  parcourant  les 
observations,  on  trouve  d'ailleurs  des  cas  de  transition  où,  à  côté 
de  lésions  diffuses  microscopiques  prédominantes,  on  note  des  altéra- 
tions microscopiques  plus  ou  moins  accentuées.  Enfin  dans  des  cas 
où  ces  dernières  étaient  surtout  développées,  le  microscope  a  décelé 
d'autres  modifications  importantes. 

D'autre  part,  en  ce  qui  concerne  le  parenchyme  même  de  la  moelle, 
si  dans  quelques  cas  il  paraît  à  l'œil  nu  à  peu  près  normal,  on  a 
signalé  maintes  fois  dans  l'aspect  extérieur,  la  consistance,  la  colo- 
ration des  différentes  parties,  certaines  modifications  qui,  pour  n'être 
parfois  qu'assez  peu  accusées,  traduisent  cependant  une  altération 
profonde  dans  ce  tissu  si  délicat. 

11  n'en  reste  pas  moins  constant  que  les  modifications  anatomiques 
que  l'on  constate  dans  les  cas  de  paraplégie  syphilitique. précoce  et  à 
évolution  rapide  ne  peuvent  être  que  très  incomplètement  appréciées 
à  l'œil  nu.  Avec  le  secours  du  microscope,  on  pourra  au  contraire 
reconnaître  l'étendue  et  l'importance  des  altérations  intimes  des 
méninges  et  de  la  moelle.  Il  faut  ajouter  que  ce  sont  les  cas  à  marche 
rapide  qui  sont  naturellement  les  plus  favorables  à  l'étude  des  lésions 
initiales.  Lorsque  l'affection  s'est  prolongée,  l'analyse  des  lésions  est 
bien  plus  difficile.  On  peut  cependant  arriver  à  les  interpréter  avec  le 
secours  des  formes  de  transition  et  à  découvrir  l'enchaînement  qui 
unit  ces  différentes  altérations. 

Lorsque,  exceptionnellement,  le  processus  syphilitique  se  limite  et 
se  manifeste  par  des  gommes  ou  un  épaississement  circonscrit  des 
méninges,  la  moelle  est  naturellement  intéressée  secondairement,  mais 
nous  avons  vu  que  cette  participation  était  relativement  tardive.  Dans 
les  cas,  au  contraire,  auxquels  nous  faisons  allusion  et  qui  sont  les 
plus  communs,  les  méninges  et  la  moelle  sont  également  intéressées 
et  les  altérations  de  ces  deux  organes  semblent  marcher  de  pair. 
Aussi,  à  côté  des  gommes  et  de  la  pachyméningite,  a-t-on  décrit  la 
méningo -myélite  syphilitique. 

Cette  forme  a  été  particulièrement  étudiée  dans  ces  dernières 
années  et  les  auteurs  se  sont  efforcés  de  fixer  le  point  de  départ  des 


—  49  — 


altérations  et  de  donner  une  classification  établie  sur  les  apparences 
variables  de  ces  altérations. 

Julliard  a  cherché  à  démontrer  la  prédilection  du  processus 
syphilitique  pour  le  système  lymphatique.  Cette  conception  résultait 
de  la  diffusion  de  l'inflammation  constatée  dans  les  méninges  et  les 
gaines  périvasculaires.  Elle  s'applique  en  effet  très  bien  aux  altéra- 
tions de  la  pie-mère,  mais  la  propagation  de  l'inflammation  au  tissu 
même  de  la  moelle  dans  tous  les  cas  est  plus  discutable. 

On  a  cependant  jusqu'ici  généralement  considéré  les  lésions  de  la 
moelle  comme  étant  primitivement  de  nature  inflammatoire  et  rele- 
vant de  la  même  influence  que  les  lésions  propres  de  la  pie-mère: 
c'est  ce  que  semble  indiquer  d'ailleurs  le  terme  de  méningo-my élite. 

MM.  Gilbert  et  Lion  (1)  ont  proposé  la  classification  suivante  ; 
cherchant  à  grouper  les  altérations  constatées  dans  les  différents 
cas,  ils  décrivent  quatre  types. 

«  1°  La  méningo-myélite  hyperhémique  et  yiécrobiotique,  carac- 
térisée par  une  congestion  et  peut-être  par  une  multiplication  des 
vaisseaux  de  la  moelle  et  de  ses  enveloppes,  congestion  et  multipli- 
cation qui  engendrent  des  troubles  nutritifs  dans  les  éléments  de 
l'axe  nerveux  et  définitivement  le  ramollissement  de  la  moelle 
épinière. 

«  2"  Dans  la  méniJigo-myélite  embri/ounah'e  apparaissent  l'hyper- 
plasie  cellulaire,  la  diapédèse,  les  exsudations  vasculaires,  et  si  les 
lésions  macroscopiques  sont  nulles  ou  presque  nulles,  les  lésions 
histologiques  sont  représentées  par  une  prolifération  luxuriante  de 
jeunes  cellules  dans  les  jjarois  vasculaires  et  dans  la  trame  même  de 
la  pie-mère  et  de  ses  prolongements  intraméduUaires,  ainsi  que  par 
la  production  d'un  dépôt  fibrino-leucocytique  sous-pie-mèrien. 

«  3°  Que  les  cellules  rondes  disséminées  dans  la  moelle  et  ses  enve- 
loppes poursuivent  leur  évolution,  aboutissant  à  la  formation  d'un 
tissu  adulte,  et  les  méninges  s'épaissiront,  se  symphyseront,  la 
moelle  s'indurera,  et  le  microscope  montrera  la  substitution  aux 
éléments  méningo-médullaires  d'un  tissu  fibreux,  principalement 
développé  autour  des  vaisseaux  dont  les  parois  subissent  des  altéra- 
tions notables  dans  la  méningo-myélite  diffuse  scléreuse,  comme 
dans  les  modalités  précédentes  de  la  syphilis  médullaire. 

(1)  A.  GiLBEET  et  G.  Lion.  De  la  syphilis  médullaii-e  précoce.  Arch.  de  méd.,  1889. 
S.  4 


—  50  — 


«  4°  Que,  d'autre  part,  enfin,  les  cellules  rondes  s'accumulent  sur 
certains  points  sous  forme  de  petites  tumeurs  subissant  ensuite  les 
dégénérescences  propres  aux  productions  syphilitiques  nodulaires  et 
prendront  naissance  la  méningite  gommeuse,  la  myélite  gommeuse 
ou  la  méningo-myélite  gommeuse.  » 

D'après  les  descriptions  données  par  MM.  Gilbert  et  Lion, 
l'altération  de  la  pie-mère  et  de  la  moelle  serait  univoque,  justifiant 
pleinement  la  dénomination  de  méningo-myélite.  Il  s'agirait  d'une 
inflammation  développée  sous  l'influence  du  poison  syphilitique,  les 
différentes  formes  correspondant  à  de  simples  variantes  dans  l'évolu- 
tion ou  la  durée  d'un  même  processus  :  l'inflammation  syphilitique. 

Nous  envisageons  d'une  manière  un  peu  différente  les  altéra  ions 
de  la  moelle  qui  correspondent  aux  cas  les  plus  communs  de  la  syphi- 
lis médullaire  ;  nous  croyons  que  les  modifications  du  parenchyme 
nerveux  sont  primitivement  d'ordre  dégénératif  et  sont  provoquées 
par  les  troubles  de  nutrition  résultant  des  lésions  des  organes  nour- 
riciers de  la  moelle. 

Cette  idée  n'est  pas  nouvelle,  nous  la  trouverons  exprimée  par  un 
grand  nombre  d'auteurs;  mais  on  n'a  pas  attribué  à  ce  mécanisme 
toute  l'importance  qu'il  comporte  à  notre  avis. 

M.  Lamy  (l),dans  une  thèse  récente,  regarde  les  troubles  circula- 
toires comme  entrant  en  ligne  de  compte  dans  la  production  des  lésions 
médullaires  :  «  Les  auteurs  s'entendent  généralement  à  admettre  que 
les  lésions  premières  en  date  occupent  les  méninges  et  les  vaisseaux 
et  que  les  éléments  nerveux  sont  intéressés  secondairement,  soit  par 
la  propagation  directe  de  l'infiltration  méningée  à  la  moelle,  soit  par 
suite  des  troubles  circulatoires  qui  résultent  des  oblitérations  vascu- 
laires.  Ces  deux  modes  d'altérations  coexistent  la  plupart  du  temps, 
avec  prédominance  de  l'un  ou  de  l'autre  suivant  ces  cas  :  de  telle 
sorte  que  l'on  serait  presque  autorisé,  en  ne  tenant  pas  compte  des 
lésions  méningées,  parfois  très  légères  dans  cette  forme,  à  décrire 
à  part  la  phlébite  et  l'artérite  médullaires  syphilitiques.  » 

Nous  irons  plus  loin  :  l'infiltration  spécifique  peut  bien,  dans  cer- 
tains cas,  se  propager  de  la  pie-mère  dans  le  parenchyme  nerveux 
voisin,  elle  peut  même  se  développer  primitivement  dans  la  moelle 
autour  des  vaisseaux,  mais  ces  lésions  sont  le  plus  souvent  très 

(1)  Lamy.  Loc.  cit.,  p.  31. 


—  51  — 


limitées,  à  part  quelques  formes  spéciales  (gommes,  pachyméningite). 
L'altération  importante  est  la  dégénérescence  nécrobiotique  du  tissu 
nerveux.  Pour  être  secondaire,  cette  nécrose  anémique  n'en  est  pas 
moins  la  lésion  principale,  c'est  d'elle  que  relève  le  tableau  sympto- 
matique  de  la  forme  la  plus  fréquente  de  la  paraplégie  syphilitique 
qu'on  associe  à  la  myélite  transverse. 

Dans  les  formes  à  évolution  rapide,  l'étude  des  lésions,  pour  ainsi 
dire  toutes  fraîches,  permet  d'établir  la  véritable  nature  du  processus  ; 
mais,  dans  les  formes  chroniques,  l'interprétation  est  plus  difficile; 
néanmoins  nous  aurons  à  rendre  compte  des  aspects  variables  de  la 
moelle  dans  chaque  cas.  Auparavant,  nous  dépouillerons  un  certain 
nombre  d'observations  empruntées  aux  différents  auteurs  et  nous 
rechercherons  si  les  lésions  signalées  ne  s'accordent  pas  avec  la 
description  du  processus  d'altération,  telle  que  nous  la  donnerons 
plus  loin. 

Observation  59  (résumée). 

WiNGE.  Disease  of  the  spinal  cord.  Dublin  med.  près.,  1863,  2«  série, 
vol.  IX,  p.  659.  —  Homme  de  39  ans;  syphilis  constitutionnelle.  Para- 
plégie à  marche  subaiguë  avec  rémission  considérable  et  rechute  grave 
qui  amena  la  mort. 

Autopsie.  La  dure-mère  est  légèrement  injectée  par  places.  A  la  face 
interne,  il  existe  quelques  dépôts  membraneux,  et  dans  la  région  dorsale 
quelques  adhérences  de  l'arachnoïde.  Celle-ci  est  distendue  par  de  la 
sérosité  autour  de  la  queue  de  cheval  et  contient  quelques  plaques 
ostéoïdes.  La  moelle  est  normale  dans  la  moitié  supérieure  de  la  région 
cervicale;  mais,  à  partir  de  ce  point,  elle  offre  une  dégénérescence  qui 
devient  de  plus  en  plus  prononcée  en  descendant  et  atteint  son  maximum 
vers  le  centre  de  la  partie  dorsale.  Elle  diminue  ensuite  et  la  partie 
inférieure  de  la  région  lombaire  paraît  normale.  L'altération  consiste  en 
une  coloration  grise  de  la  surface  postérieure  avec  des  taches  transpa- 
rentes qu'on  voit  mieux  sur  les  coupes  transversales.  A  la  partie  supé- 
rieure, la  périphérie  seule  des  cordons  postérieurs  et  latéraux  est 
atteinte,  mais  à  mesure  qu'on  descend,  la  substance  se  trouve  remplacée 
de  plus  en  plus  par  une  masse  gris  jaunâtre  translucide,  ressemblant 
à  du  mucus  solidifié.  La  dégénérescence  marche  de  la  périphérie  au 
centre,  et  elle  est  partout  plus  accusée  dans  les  cordons  postérieurs  et 
latéraux  du  côté  gauche.  Elle  apparaît  aussi  dans  les  cordons  antérieurs. 
Au  milieu  de  la  région  dorsale  de  la  moelle,  c'est  à  peine  s'il  reste  un 
peu  de  substance  blanche,  on  voit  seulement  une  masse  muqueuse  avec 
des  îlots  blanc  jaunâtre  et  opaques.  En  cet  endroit,  les  bords  de  la 


—  52  — 


substance  grise  sont  mal  définis.  La  consistance  de  la  moelle  est  dimi- 
nuée à  ce  niveau  seulement  ;  au  microscope,  les  parties  dégénérées 
contiennent  très  peu  de  fibres  nerveuses,  elles  renferment  : 

1°  De  petits  corps  grêles,  homogènes,  peu  luisants,  ayant  la  grosseur 
et  l'aspect  de  cellules  fusiformes,  arrondies  à  une  extrémité,  pointues 
à  l'autre,  dentelées  sur  un  ou  sur  deux  bords,  sans  double  contour,  les 
restes,  selon  toute  probabilité,  des  fibres  nerveuses; 

2«  Des  globules  d'huile  agglomérés  et  granulations  graisseuses  libres 
surtout  dans  les  parties  opaques; 

3o  Des  corpuscules  amylacés; 

4»  Des  granules  de  pigment  et  des  vaisseaux  qui  sont  transformés  en 
cordons  de  pigment. 

Tout  cela  est  plongé  dans  une  masse  finement  granuleuse  avec  quel- 
ques noyaux  disséminés  et  un  peu  de  tissu  fibreux.  La  substance  grise 
contient  des  cellules  ganglionnaires  au  milieu  de  la  partie  dorsale  :  elles 
ne  sont  pas  distinctes  et  ressemblent  à  des  amas  anguleux  de  pigment 
sans  membrane  ni  prolongements. 

En  dehors  de  ces  altérations,  l'autopsie  révéla  les  lésions  suivantes  : 

Exostose  de  la  table  interne  du  pariétal  droit.  Deux  infarctus  du 
poumon  gauche.  Thrombose  de  l'artère  pulmonaire.  Thrombose  des 
veines  iliaque  gauche  et  hypogastrique.  ' 

Observation  60  (résumée). 

MoxoN.  On  syph.  diseases  of  spinal  cord.  Dublin  quart,  journ.,  1870, 
t.  LI,  p.  449  (in  Thèse  de  Savard).  —  Homme  syphilitique  depuis  sept 
ans.  Fourmillements  aux  jambes  et  douleurs  lombaires;  trois  semaines 
après  le  début,  incontinence  d'urine  et  des  matières  fécales;  anesthésie 
complète  des  membres  inférieurs.  Entre  le  4  août^  meurt  le  24,  d'accidents 
urinaires. 

Autopsie.  —  Taches  de  sclérose  ancienne  au  niveau  delà  convexité  du 
cerveau.  Pigment  abondant  dans  les  membranes  de  la  moelle  allongée. 
A  la  partie  inférieure  de  la  dure-mère  spinale,  taches  assez  nombreuses, 
brunes,  variant  en  étendue  du  volume  d'un  grain  de  mil  à  un  pois.  A  leur 
niveau,  la  moelle  est  plus  dure.  A  la  coupe,  les  taches  semblent  formées 
par  une  masse  foncée,  molle,  filante,  au  centre  de  laquelle  est  une 
couche  mince  de  tissu  jaunâtre,  élastique,  dont  la  consistance  diffère 
de  celle  de  la  masse  noirâtre  environnante.  Ces  taches  sont  disséminées, 
les  unes  dans  les  cordons  postérieurs,  les  autres  dans  les  cordons  laté- 
raux dont  elles  atteignent  la  surface. 

Au  microscope  on  remarque  : 

1°  Une  zone  périphérique  composée  de  deux  couches  :  l'une  à  cel- 
lules rondes,  à  noyaux  à  corps  fusiformes  ;  l'autre,  plus  centrale,  formée 
de  corps  fusiformes  pressés  les  uns  contre  les  autres. 


—  53  — 


Il  y  a  donc  à  ce  niveau  une  hyperplasie  du  tissa  coojonctifà  noyaux 
très  nombreux,  parsemée  de  masses  abondantes  de  myéline  ; 

2"  Une  zone  centrale,  jaunâtre,  constituée  en  dehors  par  une  couche 
de  transition  à  noyaux  et  à  cellules  arrondies,  en  dedans  par  une 
masse  amorphe  en  dégénérescence  granulo-graisseuse. 

Les  vaisseaux  de  la  zone  extérieure  semblent  pigmentés.  On  trouve 
en  outre  un  foyer  induré  dans  le  centre  du  lobe  inférieur  du  poumon 
droit,  une  pyélonéphrite  à  droite  et  une  orchite  double.  Les  deux  testi- 
cules renferment  chacun  deux  formations  identiques  à  celles  de  la 
moelle. 

Observation  61  (résumée). 

MOLLiÉRE.  Annales  de  dermatologie,  1870,  t.  II,  p.  311.  —  Homme, 
41  ans,  chancre  il  y  a  quinze  ans,  syphilides  multiples,  angine,  gommes 
du  radius  et  du  péroné. 

Entre  à  l'hôpital  le  3  juillet  1870,  souffre  de  douleurs  nocturnes,  trai- 
tement spécifique. 

7  juillet.  Incontinence  brusque  d'urine.  Le  lendemain,  affaiblissement 
des  membres  inférieurs  qui  s'accroit  rapidement  les  jours  suivants. 
Constipation,  rétention  d'urine,  paraplégie  presque  complète. 

Le  17.  Aggravation  subite  des  accidents,  urines  purulentes.  Mort  le 
18  juillet. 

Autopsie.  —  On  n'a  pu  enlever  que  la  partie  intérieure  de  la  moelle. 
Dans  cette  partie,  on  constate  une  hyperhémie  considérable  dos  sub- 
stances blanche  et  grise,  une  dilatation  vasculaire  considérable. 

Pas  d'examen  histologique. 

Observation  62  (résumée). 

Charcot  et  GoMBAULT.  Note  sur  un  cas  de  lésions  disséminées  des 
centres  nerveux  observées  chez  une  femme  syphilitique.  Arch.  de 
physiologie,  1873.  —  Femme  de  40  ans,  observée  en  1871. 

En  1850.  Ulcérations  des  organes  génitaux  externes,  traitement  mer- 
curiel. 

En  1860.  Psoriasis  palmaire  et  plantaire,  nombreux  accidents  sypiii- 
litiques  pendant  dix  ans. 

1870.  Fourmillements,  élancements  et  faiblesse  dans  la  jambe  gauche. 

Etat  en  septembre  1871.  —  Paralysie  incomplète  et  hyperesthésie  du 
membre  inférieur  gauche.  Anesthésie  symétrique  du  côté  opposé.  Trai- 
tement inefficace,  évolution  progressive. 

Janvier  1872.  Céphalalgie  très  intense,  troubles  pupillaires,  douleur 
spontanée  au  niveau  des  troisième  et  quatrième  vertèbres  dorsales, 
irradiations  en  ceinture,  zone  d'anesthésie  douloureuse  à  ce  niveau. 
Au-dessous,  anesthésie  à  droite,  hyperesthésie  à  gauche.  Parésie  très 


—  54  — 


prononcée  du  membre  inférieur  gauche  avec  amaigrissement,  douleurs 
spontanées  et  secousses  musculaires.  Membre  inférieur  droit  non  para- 
lysé. Pas  de  paralysie  des  sphincters. 

Au  début  de  février,  plusieurs  ictus  congestifs. 

10  février.  Paralysie  du  nerf  moteur  oculaire  externe  gauche. 

Le  14.  Paralysie  faciale  complète  à  droite. 

Le  27.  Diminution  de  la  contractilité  faradique. 

Mars.  Affaiblissement  général.  Paralysie  de  la  troisième  paire.  Dou- 
leurs dans  la  sphère  du  nerf  trijumeau  droit.  Névrite  optique,  paralysie 
de  la  sixième  paire  à  droite. 

Avril.  Amaigrissement,  marasme.  Mort  le  26  avril. 

Autopsie.  —  Hémisphères  cérébraux  et  cervelet  sains. 

Base  et  isthme.  —  Dégénérescence  partielle  des  bandelettes  et  des 
nerfs  optiques,  plus  marquée  à  gauche.  Atrophie  du  corps  mamillaire 
gauche.  Petites  plaques  indurées,  gris  rosé  à  la  périphérie,  jaunâtres 
au  centre,  sur  le  milieu  du  pédoncule  gauche,  sur  la  partie  interne  et 
inférieure  du  pédoncule  droit,  au  niveau  de  l'émergence  du  nerf  mo- 
teur oculaire  commun  droit  qui  est  dégénéré.  Deux  plaques  analogues 
sur  la  protubérance,  une  sur  le  plancher  du  quatrième  ventricule  et  une 
sur  le  faisceau  latéral  de  l'isthme  à  gauche. 

Moelle.  —  Parois  osseuses  et  dure-mère  intactes,  plaque  de  ménin- 
gite longue  de  1  centim.,  siégeant  au  niveau  de  la  troisième  paire  dor- 
sale du  côté  gauche.  L'arachnoïde  épaissie  englobe  les  racines  corres- 
pondantes qui  sont  atrophiées.  En  ce  point,  sclérose  du  parenchyme 
médullaire  intéressant  le  cordon  latéral  correspondant,  la  substance 
grise  et  les  cordons  postérieurs,  tissu  induré. 

Au-dessus,  dégénérescence  des  cordons  de  GoU  ;  au-dessous,  dégéné- 
rescence du  faisceau  pyramidal  droit. 

Examen  microscopique.  —  Le  tissu  des  parties  centrales  des  plaques 
est  formé  de  cellules  granulo-graisseuses  et  de  corps  granuleux  qui  se 
colorent  mal.  La  périphérie  du  foyer  est  constituée  par  un  tissu  vivace 
composé  de  cellules  araignées  et  de  fibrilles  de  névroglie.  A  la  péri- 
phérie du  nodule,  le  tissu  nerveux  ne  reprend  pas  brusquement  son 
aspect  normal,  il  existe  une  troisième  zone  dans  laquelle  l'irritation  du 
tissu  se  traduit  parla  présence  de  cellules  ramifiées  et  par  1  epaississe- 
ment  manifeste  du  réticulum  que  constituent  leurs  prolongements.  Alté- 
ration des  parois  vasculaires  au  voisinage  des  nodules. 

Le  tissu  de  sclérose  médullaire  au  niveau  de  la  troisième  racine  dor- 
sale est  constitué  par  des  éléments  névrogliques  très  développés  (cel- 
lules araignées  et  filaments).  Disparition  des  tubes  nerveux.  Atrophie 
des  cellules  nerveuses  de  la  substance  grise. 

Observation  63  (résumée). 
Mauriac.  Affections  syphilitiques  précoces  des  centres  nerveux.  A7in. 


—  55  — 


de  dermat.,  1875,  t.  VI,  p.  161.  —  Homme,  27  ans.  Chancre  induré, 
accidents  secondaires.  Phénomènes  cérébraux  ;  céphalalgie,  troubles 
oculaires,  ptosis,  traitement  mixte.  .Sept  mois  après  le  chancre,  hémi- 
plégie gauche  incomplète,  guérison  rapide  par  un  traitement  spécifique, 
Trois  mois  plus  tard,  nouveaux  symptômes  développés  brusquement 
torpeur;  faiblesse  des  membres  inférieurs  sans  diminution  marquée 
de  la  sensibilité.  Accès  violents  d'oppression,  sans  lésion  cardiaque  ni 
pulmonaire.  Dans  la  suite,  amaigrissement,  douleur  à  la  pression  le 
long  des  vertèbres  dorsales,  paraplégie  complète,  paralysie  des  sphinc- 
ters. Escarre  sacrée.  Difficulté  de  la  déglutition,  raideur  de  la  nuque, 
mort. 

Autopsie.  —  Au  niveau  de  la  queue  de  cheval,  les  nerfs  sont  recou- 
verts d'une  couche  gris  rougeâtre,  les  enveloppes  de  la  moelle  à 
ce  niveau  sont  rouges  et  paraissent  enflammées.  Le  tissu  osseux  des 
vertèbres  voisines  paraît  intéressé. 

La  partie  terminale  de  la  moelle  est  très  ramollie,  le  tissu  nerveux 
est  tellement  désorganisé  qu'il  est  impossible  de  pratiquer  un  examen 
microscopique. 

Observation  64  (résumée). 

HoMOLLE.  Progrès  médical,  1876,  p.  6.  (In  Gilbert  et  Lion).  — 
Femme,  33  ans.  Accident  primitif  inaperçu.  Avortement  en  avril  1872. 
Éruption  qui  n'a  pas  disparu  depuis  et  pour  laquelle  la  malade  entre  à 
l'hôpital  le  19  janvier  1874.  Iritis  en  1873. 

19  janvier.  Syphilide  pigmentaire  du  cou,  pléiades  ganglionnaires. 

Le  30.  Douleurs  lombaires  qui  vont  en  augmentant  les  jours  suivants. 

10  février.  Marche  douloureuse. 

Le  28.  La  marche  devient  hésitante,  presque  impossible.  Rétention 
d'urine. 

2  mars.  La  paraplégie  est  absolue  surtout  à  droite.  Réflexes  exagérés. 
Secousse  convulsive  à  la  moindre  excitation.  Contraction  et  sensibilité 
électriques  conservées.  Analgésie.  Pas  de  perversion  de  la  sensibilité 
au  tact  et  à  la  température.  Pas  de  perte  de  la  sensation  de  position 
dans  l'espace.  Amélioration  sous  l'influence  du  traitement.  Mort  de 
tuberculose  pulmonaire. 

Autopsie.  —  A  l'œil  nu  :  ramollissement  de  la  partie  inférieure  de  la 
moelle  dorsale.  Au  microscope  :  nombreux  corps  granuleux  au  niveau 
de  la  partie  ramollie.  A  4  centim.  au-dessus  du  renflement  lombaire, 
zone  de  sclérose  empiétant  à  la  fois  sur  les  cordons  de  Goll  et  les  fais- 
ceaux radiculaires  internes,  envahissant  la  commissure  postérieure  et 
la  corne  postérieure  gauche.  La  substance  grise  présente  aussi  un  cer- 
tain degré  de  condensation  de  son  tissu  interstitiel.  Canal  central 
rempli  de  cellules  épithéliales.  Certain  degré  de  méningite  ;  pie-mère 
infiltrée  d'éléments  embryonnaires. 


—  56  — 


Observation  65  (résumée). 

Le  Petit.  Étude  sur  la  paraplégie  syphilitique.  Thèse  de  Paris,  1878 
obs.  IV).  —  Homme,  27  ans.  En  février  1872,  chancre,  et  quelques  mois 
après,  accidents  secondaires. 

19  juillet  1872.  Accidents  cérébraux. 

31  janvier  1873.  Faiblesse  des  jambes,  céphalalgie,  vertiges,  dyspnée. 
Difficulté  de  la  miction,  abolition  du  sens  génital,  rachialgie. 

23  mars.  Paraplégie  complète  avec  troubles  très  marqués  de  la  sen- 
sibilité, paralysie  des  sphincters,  escarres  au  sacrum  et  aux  trochanters. 

Milieu  d'avril.  Aggravation  des  accidents.  Mort  le  20  avril. 

Autopsie.  —  «  On  examine  au  microscope  la  moelle  et  le  cerveau,  ce 
dernier  est  complètement  normal.  Quant  à  la  moelle,  elle  ne  présente 
rien  d'extraordinaire  sinon  à  7  ou  8  ceutim.  de  sa  terminaison.  A  ce 
niveau,  malgré  le  ramollissement  de  l'organe,  on  remarque  une  injection 
veineuse  très  évidente.  Le  ramollissement  est  tel  qu'il  est  impossible 
de  dire  ce  qui  existait  à  ce  niveau,  ni  de  faire  l'examen  microscopique. 
La  dure-mère  ne  présente  pas  de  lésion  ni  d'adhérence  avec  la  moelle.  » 

Observation  66  (résumée). 

JuLLiARD.  Thèse  de  Lyon,  1879.  —  Femme,  48  ans,  entrée  à  l'hôpital 
le  7  septembre  1878.  Il  y  a  quelques  mois,  roséole,  céphalée,  engorge- 
ment ganglionnaire  indolent,  syphilides  caractéristiques,  mais  l'acci- 
dent primitif  a  passé  inaperçu. 

Depuis  quatre  mois,  fourmillements,  crampes,  faiblesse  des  jambes. 
Trois  jours  avant  l'entrée,  la  faiblesse  a  augmenté  progressivement,  il 
fut  impossible  à  la  malade  de  se  tenir  sur  les  jambes  et  des  douleurs 
avec  contracture  se  firent  sentir  toute  la  nuit.  A  l'entrée,  paraplégie 
complète  sans  contracture  ;  sensibilité  conservée,  sauf  à  la  face  interne 
du  tibia  gauche,  perversion  de  la  sensibilité  thermique  à  la  cuisse 
gauche.  Réflexes  très  affaiblis  à  droite,  diminués  à  gauche.  Douleurs  en 
ceinture,  rétention  d'urine.  Membres  supérieurs  sains. 

16  septembre.  Urines  purulentes.  Extension  de  l'anesthésie,  fièvre. 

19  septembre.  Œdème  des  jambes,  escarres  au  siège.  Puis  afïaiblissc- 
ment  général,  dyspnée,  mort  le  8  octobre. 

Autopsie.  —  Le  canal  rachidien  n'offre  rien  de  particulier.  La  moelle 
est  ramollie  au  niveau  des  régions  dorsale  et  lombaire.  Au  microscope, 
lésions  prédominantes  dans  la  région  dorsale  moyenne. 

Région  cervicale  :  gaines  périvasculaires  remplies  d'exsudats  amor- 
phes. Dégénération  du  cordon  de  Goll. 

Région  dorsale  supérieure  :  lésions  méningées  et  médullaires  ; 
méninges  injectées,  infiltrées,  vaisseaux  dilatés  et  épaissis. 

Région  dorsale  :  ramollissement  des  cordons  latéraux  et  postérieurs 


—  57  — 


et  de  la  substance  grise,  hémorrhagies  interstitielles.  Dans  la  substance 
blanche,  tuméfaction  très  accentuée  des  cylindres-axes  et  corps  granu- 
leux. Ainsi,  il  y  a  une  destruction  rapide  des  éléments  liés  probablement 
à  des  phénomènes  ischémiques,  plutôt  que  tendance  à  la  néoformation 
conjonctive. 

Les  altérations  disparaissent  au  niveau  de  la  première  paire  lom- 
baire. La  seule  lésion  qui  persiste,  c'est  la  méningite  qui  conserve  ses 
caractères  d'acuité. 

Dégénérescence  des  cordons  latéraux. 

Observation  67  (résumée). 

JuLLiARD.  Loc.  cit.  (In  thèse  de  Savard,  p.  07.)  —  Femme,  49  ans. 
Syphilis  il  y  a  huit  ans,  en  187LVers  l'automne  de  187(3,  elle  a  commencé 
a  éprouver  un  peu  de  faiblesse  et  d'insensibilité  dans  les  membres  infé- 
rieurs. Ces  phénomènes  ont  augmenté  très  lentement,  car  le  2  décem- 
bre 1878,  la  marche  était  encore  possible.  A  ce  moment,  la  paraplégie 
devint  brusquement  complète,  et  s'accompagna  de  paralysie  des  sphinc- 
ters, de  vomissements  et  de  douleurs  en  ceinture. 

12  décembre.  Accès  fébrile,  abolition  de  la  contractilité  électrique  et 
des  réflexes  ;  dyspnée. 

Le  29.  Dyspnée,  cyanose,  accès  fébriles  irréguliers,  vomissements.  La 
mort  survient  dans  la  journée. 

Autopsie.  —  La  moelle  ne  présente  rien  d'anormal  à  l'œil  nu. 

Examen  microscopique.  —  Les  lésions  offrent  leur  maximum  d'in- 
tensité vers  la  partie  supérieure  de  la  région  dorsale  et  dans  le  cordon 
latéral.  Ce  qui  frappe  au  premier  abord,  c'est  l'épaississement  très 
marqué  de  la  gaine  adventice  des  vaisseaux,  en  sorte  que  ceux-ci  se 
montrent  sous  l'aspect  de  cylindres,  ordinairement  réguliers,  lorsqu'on 
les  considère  sur  une  coupe  pratiquée  perpendiculairement  à  leur  axe  ; 
mais  ils  paraissent  moniliformes  quand,  par  hasard,  la  coupe  les  atteint 
suivant  leur  longueur.  On  peut  dire  que  leur  diamètre  total  est  plus  que 
doublé  par  cet  épaississement  ;  et  cette  modification  porte  d'une  façon 
indubitable  sur  les  dépendances  de  la  gaine  adventice,  c'est-à-dire  sur 
la  gaine  lymphatique  des  vaisseaux.  En  outre,  on  trouve  de  véritables 
îlots  de  sclérose,  confondus  avec  les  dépendances  de  la  gaine  lympha- 
tique et  formant  comme  un  petit  lac  au  milieu  duquel  on]  aperçoit  le 
vaisseau.  D'un  autre  côté,  au  niveau  des  points  les 'plus  malades,  on 
voit  que  la  pie-mère  adhère  au  tissu  scléreux  et  forme  un  épaississe- 
ment considérable  ;  mais,  dans  le  cas  actuel,  le  processus  phleginasique 
est  déjà  de  date  assez  peu  récente  pour  qu'on  ne  trouve  plus  les  traces 
d'inflammation  subaigue  qu'on  rencontre  d'autres  fois.  La  sclérose  en 
tous  cas  intéresse  fort  peu  la  substance  grise. 

Si  l'on  cherche  à  établir  la  topographie  des  altérations,  on  trouve 


—  58  — 


qu'en  général  périphérique?:,  elles  ofPrent  leur  maximum  entre  la  pre- 
mière el  la  troisième  racine  dorsale  :  ce  fait  est  démontré  par  l'exis- 
tence d'une  dégénérescence  ascendante  manifeste  portant  à  la  région 
cervicale  sur  la  totalité  du  cordon  de  GoU.  En  second  lieu,  de  la  pre- 
mière à  la  troisième  dorsale,  il  existe  une  lésion  qui  intéresse  égale- 
ment les  cordons  latéraux,  lésion  qui  prouve  une  dégénérescence  laté- 
rale double,  complète  et  symétrique,  déjà  manifeste  au  niveau  d'une 
coupe  pratiquée  vers  la  naissance  de  la  troisième  paire  dorsale.  Cette 
dégénérescence  secondaire  symétrique  se  poursuit  jusqu'à  la  partie 
inférieure  de  la  région  lombaire.  Quant  aux  lésions  qui  occupent  les 
cordons  latéraux  et  postérieurs,  leur  maximum  est  situé  entre  la  troi- 
sième dorsale  et  la  dernière  cervicale. 

Observation  68  (résumée). 

Strumpell.  Beitrage  zur  Pathologie  des  Rûckenmarks.  Arch.  fûr 
Psych.,  1880,  p.  667.  —  Homme,  25  ans.  En  1873,  chancre,  éruption 
secondaire,  traitement.  En  avril  1877,  le  sujet  travaille  dans  un  endroit 
humide  et  froid. 

Depuis  six  semaines  faiblesse  des  jambes  et  tremblement  dans  la 
marche.  Depuis  quatorze  jours,  incontinence  d'urine. 

Etat  le  16  septembre  1877.  Parésie  inégale  des  deux  extrémités  infé- 
rieures, contracture,  réflexes  exagérés,  clonus  du  pied,  hyperesthésie, 
incontinence  d'urine,  constipation.  Traitement  mercuriel. 

Plus  tard,  altération  de  la  sensibilité  dans  le  pied  gauche.  Décubitus 
gangréneux.  Mort. 

Autopsie.  —  Macroscopiquement  :  dégénérescence  des  cordons  de 
Goll  dans  la  région  cervicale,  de  la  partie  postérieure  des  cordons  laté- 
raux dans  les  régions  dorsale  et  lombaire. 

Dans  la  région  dorsale  supérieure,  surtout  entre  la  troisième  et  la 
sixième  vertèbre  dorsale,  la  moelle  était  remarquablement  grêle  et 
molle. 

Examen  microscopùiue.  —  Dans  la  région  cervicale  supérieure, 
dégénération  des  cordons  de  Goll,  dégénération  de  la  partie  périphé- 
rique des  cordons  latéraux.  Histologiquernent,  c'est  l'image  de  la 
dégénération  secondaire.  Plus  bas,  la  zone  malade  des  cordons  posté- 
rieurs et  des  faisceaux  cérébelleux  directs  est  un  peu  plus  étendue  ; 
dans  le  cordon  antérieur  il  existe  une  légère  dégénération  marginale. 

A  la  hauteur  de  la  huitième  racine  cervicale,  les  mêmes  rapports 
existent  ;  de  plus,  les  faisceaux  pyramidaux  latéraux  commencent  à 
participer  à  l'altération. 

Dans  la  région  dorsale  supérieure,  même  état,  avec  altération  plus 
prononcée  des  faisceaux  pyramidaux.  La  substance  grise  est  fasciculée, 
pauvre  en  cellules  nerveuses,  fragmentée,  contient  de  nombreux  vais- 


f 


—  59  — 


seaux  très  dilatés.  A  la  hauteur  de  la  quatrième  racine  dorsale,  la  par- 
tie la  plus  postérieure  des  cordons  grêles  esl  également  dégénérée.  Au 
niveau  delà  cinquième  racine  dorsale,  la  partie  moyenne  des  cordons 
postérieurs  est  altérée  au  plus  haut  degré  ;  on  trouve  de  plus,  dans  les 
régions  latérales  des  cordons  postérieurs,  de  petits  foyers  de  dégéné- 
ration. Les  cordons  postérieurs  contiennent  de  nombreux  vaisseaux, 
les  uns  dilatés,  les  autres  rétrécis  par  l'épaississement  de  la  tunique 
adventice.  Altération  intense  des  faisceaux  pyramidaux  et  cérébelleux 
directs,  et  légère  de  la  partie  antérieure  des  cordons  latéraux.  Là  aussi, 
dégénération  en  plaques.  Dans  les  cordons  antérieurs,  il  existe  égale- 
ment une  dégénérescence  de  la  zone  marginale.  Dans  la  substance 
grise,  cellules  nerveuses  clairsemées,  cellules  araignées  très  nom- 
breuses, altérations  vasculaires. 

Plus  bas  (vers  la  huitième  racine  dorsale)  le  processus  envahit  de  plus 
en  plus  les  faisceaux  pyramidaux  et  cérébelleux  directs.  En  outre,  dans 
toute  la  région  dorsale,  les  colonnes  de  Clarke  sont  très  pauvres  en 
cellules.  Les  cordons  postérieurs  sont  normaux  en  ce  point.  Dans  la 
moelle  lombaire,  on  trouve  encore  une  dégénérescence  des  faisceaux 
pyramidaux  avec  une  dégénération  légère  de  la  partie  marginale  des 
cordons  antérieurs. 

En  remontant,  la  dégénérescence  secondaire  se  poursuit  jusqu'au 
bulbe. 

Observation  69  (résumée). 

Hayem.  In  thèse  de  Savard,  p.  64.  —  Homme,  50  ans,  entre  à  l'infir- 
merie de  Bicêtre  le  12  juillet  1864,  se  plaignant  de  douleurs  et  de 
faiblesse  des  jambes. 

La  maladie  va  en  progressant;  bientôt  survient  de  la  faiblesse  du 
membre  supérieur  droit,  les  membres  inférieurs  sont  absolument  immo- 
biles. Les  douleurs  persistent,  pas  d'atrophie  notable  sauf  au  mollet; 
incontinence  des  urines.  Le  malade  succombe  le  2  novembre. 

Autopsie.  —  Exostoses  crâniennes;  injection  des  méninges;  sérosité 
abondante  qui  distend  les  ventricules. 

Le  rachis  ouvert  laisse  voir,  à  la  surface  des  méninges  rachidienues, 
une  couche  épaisse  vasculaire  au  niveau  de  la  région  dorsale,  et  jau- 
nâtre dans  la  région  lombaire;  elle  adhère  sunout  dans  les  régions 
supérieures  à  la  dure-mère  spinale.  Ces  diverses  couches  ressemblent 
à  des  fausses  membranes.  La  face  interne  de  la  dure-mère  un  peu  dépolie 
adhère  assez  fortement  à  l'arachnoïde  spinale.  L'arachnoïde  est  aussi 
un  peu  épaissie.  Les  vaisseaux  de  la  pie-mère  sont  congestionnés.  Au 
toucher,  on  sent  la  moelle  ramollie  au  commencement  de  la  région 
dorsale  ;  le  reste  est  assez  ferme.  Sur  des  coupes  transversales,  on 
trouve  dans  la  région  cervicale  une  ligne  noirâtre  remplaçant  la  com- 
missure. La  partie  la  plus  centrale  dôs  faisceaux  postérieurs  est  ramol- 


—  60  — 


lie,  déprimée  et  d'une  coloration  grisâtre,  sale.  A  la  fin  de  la  région 
cervicale,  et  au  commencement  de  la  région  dorsale,  la  coupe  est  très 
diffluente,  les  cornes  se  desssinent  mal  sur  les  parties  avoisinantes. 
L'altération  paraît  générale  à  ce  niveau,  et  porte  sur  les  parties  blan- 
ches qui  avoisiuent  les  cornes  dans  les  faisceaux  latéraux,  principale- 
ment le  faisceau  latéral  droit. 

Sur  le  foie  et  la  rate,  cicatrices  caractéristiques.  Foyers  gommeux 
dans  les  reins;  altérations  osseuses  multiples,  principalement  sur  les 
tibias. 

Examen  microscopique  de  la  moelle.  —  Dans  toute  l'étendue  et 
l'épaisseur  de  la  moelle,  surtout  dans  la  substance  blanche,  on  trouve 
des  concrétions  de  formes  et  de  dimensions  variables.  Les  différentes 
réactions  prouvent  que  ce  sont  des  corps  amylacés.  Ces  corps  parais- 
sent répandus  dans  le  tissu  conjonctif  de  la  substance  blanche  et  de  la 
substance  grise  ;  ils  sont  extrêmement  abondants.  Sur  les  coupes  colo- 
rées par  le  carmin,  on  constate  une  sclérose  diffuse  sans  localisation 
spéciale,  c'est-à-dire  portant  irrégulièrement  sur  les  faisceaux  antéro- 
latéraux  et  postérieurs  et  s'accompagnant  en  général,  sur  les  points 
malades,  d'une  atrophie  des  tubes  nerveux.  Çà  et  là,  quelques  cylindres- 
axes  gonflés  ;  l'altération  gagne  d'une  façon  inégale  les  cornes  anté- 
rieures, dont  quelques  cellules  sont  atrophiées  et  pigmentées. 

Observation  70  (résumée). 

Savard.  Étude  sur  les  myélites  syphilitiques.  Thèse  de  Paris,  1882 
(obs.  XVI),  p.  68.  —  Femme  de  65  ans.  Syphilis  à  49  ans.  En  janvier  1881, 
éruption  caractéristique  :  syphilides  pustulo-crustacées.  Entrée  à  l'hôpital 
le  19  janvier  1881.  Cinq  jours  avant,  la  malade  a  été  atteinte  brusquement 
pendant  la  nuit  d'une  paraplégie  qui  s'est  établie  si  rapidement  que  la 
malade  ne  pouvait  le  matin  se  tenir  sur  ses  jambes. 

État  actuel,  20  janvier.  —  Paraplégie  absolue  avec  anesthésie  corres- 
pondante, rétention  d'urine,  incontinence  des  matières  fécales,  dévelop- 
pement d'une  escarre. 

24  janvier.  Légère  amélioration  dans  la  jambe  droite. 

En  février.  Aggravation  progressive,  progrès  du  décubitus,  oedème 
des  jambes,  amaigrissement  rapide. 

Mars.  Même  état.  Lymphangite.  Escarres  aux  talons,  fièvre,  collapsus, 
marasme.  Mort  le  25  mars. 

Autopsie.  —  Cerveau  :  légère  teinte  opaline  et  légère  adhérence  des 
méninges  au  niveau  des  circonvolutions  pariétales,  mais  pas  de  lésions 
macroscopiques  de  la  substance  cérébrale. 

Moelle. —  Extérieurement,  les  méninges  sont  saines  ;  en  les  détachant 
de  la  partie  postérieure  de  la  moelle,  on  constate  à  la  partie  inférieure 
du  renflement  dorsal  une  adhérence  très  nette  des  membranes.  A  ce 


—  61  — 


uiveau,  en  comprimant  légèrement  la  moelle,  on  la  trouve  plus  molle 
que  dans  les  autres  parties.  La  région  lombaire  est  très  ferme.  A  la  sec- 
tion du  tissu  médullaire,  les  surfaces  de  coupe  paraissent  saines 
jusqu'à  la  partie  moyenne  de  la  région  dorsale.  A  partir  de  ce  niveau, 
la  moelle  est  très  ramollie,  diffluente,  la  substance  grise  peu  nette 
et  comme  atrophiée. 

Plus  bas,  à  la  région  lombaire,  la  substance  médullaire  semble,  au 
contraire,  plus  ferme  qu'à  l'état  normal  ;  les  cornes  antérieures  parais- 
sent altérées,  moins  apparentes  que  d'habitude. 

Dans  ce  cas,  malgré  les  modifications  importantes  constatées  à  l'œil 
nu,  dans  l'état  du  parenchyme  nerveux,  les  lésions  microscopiques 
étaient  très  peu  marquées,  elles  paraissaient  presque  exclusivement 
limitées  aux  cellules  des  cornes  antérieures. 

Observation  71  (résumée). 

Savard.  Loc.  cit.,  p.  71  (obs.  XVII).  —  Homme,  43  ans.  Il  y  a  dix  ans, 
chancre,  plaques  muipieuses,  accidents  secondaires  légers. 
17  avril  1881,  fatigue  insolite  dans  les  membres. 

Le  22.  Dans  la  matinée,  la  faiblesse  s'accentue  tout  à  coup  à  tel  point 
que  les  jambes  fléchissent  et  que  le  malade  est  obligé  de  rester  chez 
lui.  En  même  temps,  il  commence  à  éprouver  des  fourmillements  et  des 
picotements  dans  les  membres  inférieurs.  Incontinence  d'urine. 

État,  le  26  avril.  —  Paraplégie,  anesthésie  irrégulière  dans  la  moitié 
inférieure  du  corps.  Incontinence  d'urine  par  regorgement.  Douleurs 
abdominales,  sensibilité  du  rachis  à  la  pression  au  niveau  de  la  sixième 
vertèbre  dorsale. 

Les  jours  suivants,  les  mouvements  revinrent  un  peu  dans  les  jambes 
et  l'état  de  la  sensibilité  s'améliora. 

4  mai.  Escarre  sacrée.  18  mai.  Urines  ammoniacales,  escarres  aux 
trochanters.  Amaigrissement,  marasme.  Mort  le  11  juin. 

Autopsie.  —  La  moelle  au  niveau  du  renflement  lombaire  présente 
un  point  de  ramollissement  très  marqué  dans  une  étendue  de  1  centim. 
environ.  A  la  coupe,  la  substance  médullaire  paraît  injectée,  rougeâtre, 
et  présente  quelques  points  d'une  coloration  un  peu  jaunâtre. 

Comme  lésions  histologiques,  on  note  une  destruction  des  éléments 
nerveux,  tubes  et  cellules  nerveuses  avec  prolifération  du  tissu  inter- 
stitiel. Quant  aux  vaisseaux,  ils  paraissent  peu  altérés,  si  on  les  examine 
suivant  leur  longueur,  quoiqu'ils  paraissent  étranglés  en  certains  points, 
mais  ceux  qui  se  présentent  sectionnés  perpendiculairement  ont  leurs 
parois  épaissies  et  leur  calibre  est  fort  diminué. 


—  62  — 


Observation  72  (résumée). 

Dejerine.  De  la  myélite  aiguë  centrale  survenant  chez  les  syphilitiques 
à  une  période  rapprochée  du  début  de  l'affection.  Revue  de  médecine, 
1884  (obs.  I),  p.  60.  (In  Gilbebt  et  Lion.) —  Homme,  51  ans.  Chancre  il  y 
a  treize  mois  (septembre  1878).  Traitement  mercuriel  pendant  deux 
mois.  Cinq  mois  après,  érosion  spontanée  sur  la  cicatrice  du  chancre. 
Nouveau  traitement  spécifique  pendant  deux  mois.  Pas  d'autre  accident. 

En  février  1879,  maux  de  tête,  envies  fréquentes  d'uriner  sans  émission 
d'urine.  Affaiblissement  des  membres  inférieurs,  qui  vacillent  sous  le 
malade.  Atrophie  apparente.  Douleurs  fulgurantes,  crampes.  Sirop  de 
Gibert,  amélioration. 

En  octobre,  à  la  suite  d'une  exposition  au  froid  et  à  la  pluie,  les  dou- 
leurs reparaissent,  et  le  22  octobre,  les  jambes  se  dérobent  sous  le 
malade  qui  tombe  sans  pouvoir  se  relever. 

Le  23  octobre,  la  paraplégie  est  absolue.  Léger  œdème  des  jambes. 
Sensibilité  abolie  jusqu'au  niveau  de  l'ombilic.  Incontinence  des  urines 
et  des  fèces.  Sensation  de  constriction  à  la  base  du  thorax.  Eschares 
légères  aux  deux  fesses. 

Le  11  novembre,  eschares  de  la  paroi  abdominale  du  sacrum,  des 
talons.  Poitrine  remplie  de  râles.  Mort  le  21  novembre. 

Autopsie.  —  Moelle.  A  l'œil  nu  :  foyer  de  myélite  centrale  dans  toute 
la  hauteur  de  la  région  dorsale. 

Au  microscope,  myélite  parenchymateuse  et  interstitielle.  Cellules 
presque  complètement  disparues,  état  hypertrophique  de  certaines 
d'entre  elles,  apparence  globuleuse,  prolongements  disparus,  aspect 
vitreux  du  protoplasma,  disparition  des  noyaux  et  des  nucléoles.  Vais- 
seaux très  dilatés,  gorgés  de  sang,  à  parois  épaissies  et  remplies  d'élé- 
ments embryonnaires.  Epaississement  et  infiltration  embryonnaire  de 
la  pie-mère  et  des  cloisons  qui  en  partent. 

Observation  73  (résumée). 

Dejerine.  Loc.  cit.  (obs.  II),  p.  66.  —  Homme  de  38  ans.  Chancre  il  y 
a  un  an.  Plaques  muqueuses  dans  la  gorge,  croûtes  dans  les  cheveux, 
alopécie.  Pas  de  traitement.  Il  y  a  huit  jours,  douleurs  le  long  de  la 
colonne  vertébrale  et,  la  veille  de  l'entrée  à  l'hôpital,  faiblesse  des 
membres  inférieurs  au  lever.  La  faiblesse  augmente  dans  la  matinée  et 
la  paraplégie  est  absolue  dans  l'après-midi.  Le  jour  de  l'arrivée  (16  mai), 
paraplégie  absolue.  Sensibilité  complètement  abolie  jusqu'à  la  base  de 
la  poitrine.  Réflexes  plantaire  et  patellaire  abolis.  Rétention  d'urine  et 
des  matières  fécales.  Les  jours  suivants,  escarre  sacrée.  Mort  le  23  mai. 

Autopsie.  —  Moelle.  Œil  nu  :  diminution  de  consistance  et  coloration 


—  63  — 


grisâtre  de  la  moitié  inférieure  de  la  région  dorsale  et  de  la  moitié 
supérieure  de  la  région  lombaire.  Au  microscope,  myélite  parenchyma- 
teuse  très  intense,  cellules  diminuées  de  nombre,  quelques-unes  nor- 
males, les  autres  arrondies,  globuleuses,  sans  prolongements,  noyaux 
et  nucléoles  intacts,  quelques  cellules  renferment  une  grande  quantité 
de  pigment  jaune.  Les  vaisseaux  sont  congestionnés  et  enflammés,  If^s 
capillaires  dilatés,  remplis  de  sang,  les  noyaux  des  parois  sont  multipliés. 

La  substance  blanche  est  peu  altérée  :  un  foyer  de  myélite  très  limité 
dans  le  faisceau  latéral  gauche  de  la  région  dorso-lombaire. 

Observation  74  (résumée). 

Gilbert  et  Lion.  —  De  la  syphilis  médullaire  -précoce.  Par's,  188'J, 
(obs.  Il,  p.  27.  —  Homme  20  ans.  A  19  ans,  au  mois  d'aoiit  18H4,  cliancre 
du  prépuce,  traitement  mercuriel.  En  octobre,  douleurs  dans  les  reins, 
les  cuisses  et  les  genoux.  Décembre,  syphilides  buccales  et  cutanées. 
Persistance  des  douleurs  dans  les  lombes  et  les  membres  inférieurs. 
Au  mois  d'avril,  la  marche  devient  difficile. 

Juin  1885.  Douleurs  et  affaiblissement  des  membres  inférieurs.  Cépha- 
lée; périostite  syphilitique  du  tibia. 

Juillet.  Aggravation  des  symptômes  dans  les  membres  inférieurs. 

24  août.  Marche  et  station  debout  impossibles.  Rétention  d'urine. 

27  août.  Affaiblissement  général.  Membre  inférieur  droit  absolument 
paralysé.  Membre  inférieur  gauche  presque  complètement  paralysé. 
Réflexe  rotulien  normal  à  droite,  exagéré  à  gauche.  Engourdissement 
et  douleurs  dans  les  jambes.  Pas  d'anesthésie  ni  d'hyperesthésie  dans 
les  membres  inférieurs.  Hyperesthésie  de  la  colonne  vertébrale  et  de 
la  moitié  inlericure  du  tronc.  Rétention  d'urine,  constipation.  Dans  la 
suite,  aggravation  des  symptômes,  accès  d'oppression.  Mort  le  30  sep- 
tembre 1885. 

Autopsie.  —  La  pie-mère  cérébrale  était  injectée  et  semblait  un  peu 
épaissie.  La  pie-mère  spinale  était  vascularisée  et,  dans  sa  portion  lom- 
baire, montrait  quelques  exsudais  blanchâtres,  concrets,  longitudinale- 
ment  dirigés,  perceptibles  seulement  à  un  examen  très  attentif.  La 
substance  grise  de  la  moelle  était  d'une  teinte  plus  rose  qu'à  l'état 
habituel.  L'examen  histologique  a  montré  l'existence  de  lésions  impor- 
tantes dans  la  pie-mère  et  de  lésions  secondaires  et  accessoires  dans  la 
moelle. 

La  pie-mère  est  infiltrée  de  cellules  rondes,  vivaces,  parfaitement 
colorées  par  les  réactifs.  Celles-ci  s'agglomèrent  principalement  autour 
des  vaisseaux.  Elles  pénètrent  dans  les  tuniques  vasculaires  elles-mêmes 
qu'elles  dissocient  et  dont  elles  augmentent  notablement  l'épaisseur. 
La  lumière  des  vaisseaux  est  ordinairement  étroite  par  rapport  aux 
dimensions  de  leurs  parois;  parfois  même  elle  est  complètement  obli- 


—  64  — 


térée.  La  face  interne  de  la  pie-mère  est  séparée  de  la  moelle  par  un 
exsudât  granuleux  contenant  un  nombre  plus  ou  moins  considérable 
de  cellules  rondes.  Quelques  petits  vaisseaux  à  parois  épaissies  sont 
englobés  dans  cet  exsudât.  La  substance  granuleuse,  qui  le  forme 
essentiellement,  se  colore  nettement  en  rose  par  le  picro-carmin  ;  elle 
prend  par  l'éosine  hématoxy lique  une  teinte  rose  très  légère.  Sur 
quelques  points  elle  perd  son  aspect  granuleux  pour  prendre  l'aspect 
flbrillaire  de  la  fibrine  réticulée. 

L'infiltration  embryonnaire  de  la  pie-mère  spinale  occupe  toute  sa  hau- 
teur et  tout  son  contour,  présentant  des  maxima  et  des  minima  irrégu- 
lièrement distribués.  De  même  l'exsudat  flbrino-leucocytique  sous-pie- 
mérien  forme  un  manchon  pour  ainsi  dire  discontinu  à  la  moelle 
épinière  offrant  tour  à  tour  une  grande  minceur  ou  une  épaisseur  assez 
grande.  Les  prolongements  externes  que  la  pie-mère  fournit  aux  racines 
des  nerfs  rachidiens  et  qui  constituent  leur  névrilème  sont,  comme  la 
pie-mère  elle-même,  infiltrés  d'éléments  embryonnaires.  Il  en  est  de 
même  de  ses  prolongements  internes.  Le  double  prolongement  qu'elle 
fournit  au  sillon  médian  antérieur  est,  en  général,  très  altéré  :  il  con- 
tient d'innombrables  cellules  rondes  et  apparaît  souvent  séparé  de  la 
moelle  par  l'exsudat  fibrino-leucocytique  que  nous  avons  décrit.  L'unique 
prolongement  que  la  pie-mère  fournit  au  sillon  médian  postérieur  est 
d'ordinaire  moins  lésé.  Quant  aux  prolongements  de  moindre  impor- 
tance qui,  partis  de  la  face  profonde  de  la  pie-mère,  pénètrent  dans  la 
moelle,  s'y  divisent  et  s'y  subdivisent  pour  en  former  le  squelette  con- 
jonctif,  ils  .se  montrent  presque  tous  plus  ou  moins  modifiés.  Tantôt  les 
parois  des  vaisseaux  qu'ils  contiennent  sont  uniquement  infiltrées  de 
cellules  rondes  et  tantôt  en  même  temps  que  les  parois  vasculaires,  le 
tissu  coujonctif  qui  les  constitue  est  infiltré  de  ces  éléments.  Ces  lésions 
sont  à  leur  maximum  à  la  périphérie  de  la  moelle,  au  niveau  de  l'attache 
à  la  pie-mère  de  ses  prolongements  internes.  Elles  vont  en  diminuant 
à  partir  de  ce  point  vers  la  substance  grise,  au  sein  de  laquelle  Tin- 
filtration  des  parois  vasculaires  par  les  cellules  rondes  est  à  son 
minimum. 

Dans  la  moelle  épinière,  en  un  point  répondant  à  la  partie  moyenne 
du  renflement  cervical,  existe  une  lésion  circonscrite  du  cordon  latéral 
gauche.  A  un  faible  grossissement,  cette  lésion  donne  l'idée  d'une  nodo- 
sité gommeuse  de  forme  ovalaire  qui  refoulerait  légèrement  la  subs- 
tance blanche  adjacente.  A  un  fort  grossissement,  sur  des  coupes  colo- 
rées à  l'éosine  hématoxylique,  l'on  peut  reconnaître  que  cette  nodosité 
est  formée  d'une  substance  granuleuse  contenant  un  assez  grand  nombre 
de  cellules  rondes  et  qu'en  somme  elle  est  histologiquement  identique 
à  l'exsudat  sous-pie-mérien  que  nous  avons  décrit  précédemment. 


-  65  — 


Observation  75  (résumée). 

Breteau.  Des  myélites  syph.  précoces,  thèse  de  Paris,  1889  (obs.  II), 
p.  13.  — Homme.  En  janvier  1882,  syphilis,  accidents  cutanés  secondaires. 
Cinq  mois  après,  nouvelles  manifestations  de  syphilis  secondaire.  Octo- 
bre 1882  :  plaques  ulcéreuses  des  organes  génitaux,  affaiblissement  et 
douleurs  des  membres  inférieurs.  Constriction  en  ceinture.  La  fai- 
blesse musculaire  s'accentue  à  droite.  Il  faut  ajouter  que,  déjà  au  mois 
d'août  1882,  le  malade  urinait  souvent  au  lit. 

Entré  à  l'hôpital  le  10  octobre.  Aggravation  très  rapide  des  accidents, 
en  trois  jours  marche  impossible,  rétention  d'urine,  puis  incontinence, 
garde-robes  involontaires.  Sensibilité  presque  totalement  abolie  dans 
les  extrémités  inférieures  surtout  du  côté  droit;  de  ce  côté,  l'anesthésie 
remonte  jusqu'à  trois  travers  de  doigt  au-dessous  de  l'ombilic.  Douleur 
à  la  pression  des  deux  ou  trois  dernières  vertèbres  dorsales  et  de  la 
première  lombaire. 

Syphilide  papuleuse  circinée  en  voie  de  régression. 

Escarres  étendues  et  profondes  développées  en  quarante-huit  heures. 

Les  jours  suivants,  paraplégie  absolue,  tressaillements  musculaires 
involontaires  dans  la  jambe  droite.  Evolution  progressive.  Mort  le 
12  novembre  1882,  dixième  mois  et  demi  de  la  contamination,  quarante 
et  unième  jour  de  la  myélopathie. 

Autopsie.  —  Myélite  diffuse  ayant  porté  principalement  sur  les  cornes 
antérieures  et  surtout  à  la  partie  inférieure  de  la  région  dorsale  et  à  la 
région  lombaire.  Altération  maxima  à  l'union  des  deux  tiers  supérieurs 
et  du  tiers  inférieur  du  segment  dorsal. 

Les  lésions  histologiques  sont  caractérisées  par  des  dilatations  vas- 
culaires,  la  production  de  corps  granuleux,  le  développement  de  cellules 
araignées  et  la  prolifération  de  la  névroglie.  Dégénérescence  secon- 
daire des  cordons  de  GoU. 

L'auteur  ajoute  :  «  Il  s'agit  d'une  lésion  diffuse  ;  et  la  prolifération 
notable  du  tissu  conjonctif  qui  sépare  les  différents  éléments  de  la 
moelle,  cordons  et  cellules,  indique  que  le  système  vasculairo  a  dû 
être  primitivement  intéressé,  et  que  c'est  d'une  façon  secondaire  que 
les  cellules  ont  été  lésées  par  suites  des  troubles  de  nutrition  résultan 
des  lésions  de  l'endartérlte.  » 

Observ.\tion  76  (résumée). 

Walker.  a  case  of  syphilitic  paraplegia.  The  Lancet,  1889,  8  juin, 
p.  1135.  —  Homme  34  ans.  Infection  il  y  a  dix-huit  mois.  Pas  de  traite- 
ment mercuriel.  Deux  mois  après,  accidents  secondaires.  Douze  mois 
plus  tard,iiilis  double  li':  i'.oc  par  mercure  et  KL 

S.  5 


—  66  — 


Depuis  quatorze  jours,  le  malade  éprouve  une  violente  céphalalgie, 
des  douleurs  et  de  la  faiblesse  dans  la  jambe  droite  ;  quatre  jours  après 
le  début,  la  parésie  gagne  la  jambe  gauche,  et  trois  jours  plus  tard  la 
paraplégie  est  complète. 

État  actuel.  —  Paraplégie  complète  des  deux  jambes.  Réflexes  patel- 
laires  très  peu  développés.  Sensibilité  normale,  à  part  une  diminution 
circonscrite  du  tact.  Rétention  d'urine  ;  incontinence  des  matières. 

Malgré  un  traitement  spécifique  énergique,  les  réflexes  pateliaires 
disparaissent,  les  lésions  du  décubitus  se  développent,  cystite,  ischuric. 
Le  malade  succombe  en  un  mois  environ. 

Autopsie.  —  Le  résultat  de  l'autopsie  est  assez  incomplètement 
relaté,  il  manque  en  particulier  une  indication  sur  le  siège  exact  des 
lésions  dans  les  coupes.  Cependant  l'auteur  signale  que  sur  une  éteiidue 
d'environ  un  pouce  et  demi,  dans  la  région  lombaire,  la  moelle  est 
diminuée  de  consistance.  Les  parois  des  vaisseaux  sont  épaissies  au 
plus  haut  degré.  Dans  le  segment  ramolli,  presque  tous  les  vaisseaux 
delà  pie-mère  sont  oblitérés  par  suite  de  l'épaississement  des  parois 
surtout  de  la  tunique  interne.  Les  cornes  antérieures  contiennent  de 
nombreux  leucocytes.  (In  Kuh.  Die  Paralysis  spinalis  syphilitica,  etc. 
Deutsche  Zeitschr.  far  Nervenheilh.,  1893,  p.  422. 


Observation  77  (résumée). 

Thompson.  Sudden  paraplegia  from  syphilitic  disease.  The  Brit. 
med.  Journ.,  1890,  14  juin,  p.  1371. —  L'auteur  rapporte  un  cas  de  para- 
plégie à  début  subit  chez  un  homme  de  24  ans  qui  portait  une  cicatrice 
de  chancre  sur  le  pénis  et  un  engorgement  ganglionnaire  du  pli  de 
l'aine,  il  fut  saisi  dans  la  rue  et  transporté  sans  connaissance  à  l'hôpital. 
Ses  pupilles  ne  réagissent  pas  à  la  lumière,  léger  degré  de  coma,  res- 
piration diaphragmatique.  Anesthésie  à  partir  delà  quatrième  côte.  Les 
deux  bras  sont  parétiques.  Douleur  à  la  nuque,  s'étendant  jusqu'au 
milieu  de  la  portion  dorsale  de  la  moelle.  La  mort  survint  le  neuvième 
jour. 

Autopsie.  —  On  trouva  la  pie-mère  adhérente  à  la  partie  supérioire 
des  deux  hémisphères.  Dans  la  région  de  la  cinquième  vertèbre  cervi- 
cale, on  trouva  un  ramollissement  de  la  moelle.  Dans  la  région  lom- 
baire, un  autre  ramollissement.  La  dure-mère  n'était  nulle  part  adhé- 
rente. Une  coupe  verticale  de  la  moelle  cervicale  montre  une  sorte  de 
caverne  circulaire  de  cinq  quarts  de  pouce  de  diamètre  qui  occupe 
presque  toute  la  coupe  de  la  moelle  et  est  en  rapport  avec  le  foyer  de 
ramollissement.  Le  contenu  est  une  substance  épaisse,  crémeuse.  Dans  la 
moelle  lombaire  existe  une  caverne  analogue  avec  le  même  contenu. 


—  67  — 


Observation  78  (résumée). 

WiLLiAMSON.  The  changes  in  the  spinal  cord  in  a  case  of  syphilitic 
paraplegia.  Médical  chronicle.  July  1891,  London  (in  Kuh.  Loc.  cit.). 
—  Homme.  Age  (?).  Syphilis  en  1880. 

Quelques  mois  plus  tard,  brus  juement,  rétention  d'urine  et  para- 
plégie complète.  Guérison  (?). 

Quelques  semaines  après^  nouvelle  faiblesse  subite  des  jambes,  puis 
paralysie  complète.  Paraplégie  absolue  qui  dura  jusqu'à  la  mort  ineuf  ans 
après).  Incontinence  d'urine  et  des  matières  fécales.  Dans  la  suite,  con- 
tractures. 

Etat  actuel  (en  1885).  Paralysie  spastique  avec  contracture  à  droite. 
Douleurs  modérées  dans  la  région  lombaire.  Incontinence  des  urines 
et  des  matières  fécales; plus  tard,  constipation.  Mort  en  juillet  1890. 

Autopsie.  —  La  moelle  et  ses  enveloppes  paraissent  normales  à 
l'œil  nu. 

Examen  microscopique.  —  Dans  la  région  cervicale  de  la  moelle, 
dégénérescence  des  deux  cordons  de  Goll  et  des  faisceaux  de  Gowers 
(faisceau  antéro-latéral  ascendant). 

Les  cellules  des  cornes  antérieures  sont  légèrement  atrophiées.  La 
névroglie  est  hypertrophiée  et  riche  en  noyaux.  Au  centre  du  foyer  de 
dégénération,  les  tubes  nerveux  sont  complètement  détruits  ;  à  la  péri- 
phérie, il  en  persiste  encore  quelques-uns.  On  trouve  quelques  cellules 
rondes  et  beaucoup  de  vaisseaux  dilatés,  surtout  dans  les  parties  sclé- 
rosées, moins  dans  la  substance  grise.  La  paroi  des  vaisseaux  est  très 
épaissie,  elle  présente  une  endartérite  légère  et  un  épaississement  très 
prononcé  de  l'adventice;  ces  modifications  se  retrouvent  au  plus  haut 
degré  dans  les  zones  dégénérées  surtout  dans  les  faisceaux  pyramidaux. 
La  région  dorsale  moyenne  offre  le  même  aspect.  La  dégénération  des 
cordons  de  Goll  se  porte  en  avant  à  mesure  que  l'on  descend  ;  dans  la 
région  cervicale  inférieure,  elle  occupe  à  gauche  les  deux  cinquièmes, 
à  droite  le  tiers  antérieurs.  A  la  limite  des  régions  cervicale  et  dorsale^ 
il  existe  encore  un  petit  foyer  dans  la  partie  la  plus  antérieure  du  cor- 
don grêle.  Dans  la  région  lombaire,  la  dégénération  intéresse  les  fais- 
ceaux pyramidaux. 

La  substance  grise  est  partout  normale,  sauf  l'atrophie  des  cellules 
nerveuses  signalée  dans  la  région  cervicale. 

Sur  quelques  coupes  dans  la  région  cervicale,  on  trouve,  dans  les 
cordons  de  Burdach,  de  petits  foyers  de  dégénération  contigus  à  la  zone 
dégénérée  des  cordons  de  Goll. 

Il  faut  encore  indiquer  que,  dans  la  région  cervicale,  la  dégénération 
marginale  s'étend  en  certains  points  jusqu'au  sillon  antérieur  et  qu'une 
petite  portion  des  faisceaux  pyramidaux  antérieurs  est  intéressée. 

Les  vaisseaux  de  la  pie-mère  sont  dilatés.  Dans  la  région  cervicale, 
la  dure-mère  est  épaisse  et  fibreuse. 


—  68  — 


Observation  79  (résumée). 

R.  Graessner.  Ueber  einen  Fall  von  specifischer  Myelo-meningilis 
unter  dem  Bilde  des  spastischen  Spinalparalyse.  Dissertation.  Berlin 
1891.  (In  KuH.  Loc.  cit.).  —  Femme  (flile  de  brasserie)  se  plaignant  de 
céphalalgie.  Depuis  quatre  ans,  boit  beaucoup  de  bière.  Il  y  a  trois  ans 
et  demi,  u  taches  rouges  »  sur  le  corps.  II  y  a  un  an,  ptosis  bilatéral  et 
parésie  faciale  gauche.  Au  milieu  d'avril  1889,  difficulté  dans  la  marche, 
jambe  gauche  prise  d'abord,  puis  jambe  droite.  Au  milieu  deseptembre, 
la  malade  garde  le  lit. 

État,  18  octobre  1880.  —  Paralysie  de  la  jambe  gauche,  parésie  de  la 
droite,  faiblesse  des  bras.  Raideur  musculaire  très  développée  à  gauche. 
Contracture  en  flexion  des  deux  jambes.  Secousses  musculaires.  Ré- 
flexes des  extrémités  inférieures  notablement  exaltée.  Sensibilité  nor- 
male. Incontinence  persistante  des  urines  et  des  matières  fécales. 
Décubitus.  Paralysie  des  deux  muscles  droits  supérieurs  de  l'œil.  Iné- 
galité pupillaire.  Réflexes  iriens  lents  à  gauche,  abolis  à  droite.  Ptosis 
à  droite. 

Traitement  mercuriel  qui  parait  d'abord  efficace  ;  puis,  dans  la  suite, 
aggravation,  marasme,  mort  le  28  décembre. 

Autopsie.  —  On  trouva  une  perte  de  substance  dans  le  noyau  lenti- 
culaire gauche  et  dans  le  corps  strié  droit.  Le  diagnostic  de  l'alTection 
cérébrale  était  :  encéphalite  multiple  et  épendymite  granuleuse. 

La  moelle,  non  durcie,  paraît  normale.  Après  conservation  dans  le 
liquide  de  Miiller,  on  trouve  les  foyers  de  dégénération  suivants,  surtout 
dans  la  région  comprise  entre  la  troisième  et  la  cinquième  racine  dor- 
sale. En  ce  point,  il  existe  une  altération  du  cordon  latéral  droit  surtout 
prononcée  dans  le  faisceau  cérébelleux  direct.  A  gauche,  la  dégénéra- 
tion est  moins  prononcée  et  plus  diffuse. 

Les  cordons  postérieurs  ne  sont  que  peu  touchés. 

Dans  les  cordons  antérieurs,  dégénération  marginale. 

Une  racine  postérieure  du  côté  droit  est  complètement  dépourvue  de 
tubes  nerveux. 

A  la  hauteur  de  la  première  racine  dorsale,  les  cordons  latéraux  sont 
atteints  d'une  façon  diffuse,  mais  à  un  moindre  degré  que  plus  bas.  Le 
cordon  postérieur  droit  est  également  altéré  d'une  manière  diffuse,  le 
gauche  est  dans  le  même  état  que  plus  haut.  La  racine  postérieure 
droite  est  ici  normale. 

Plus  haut,  sur  les  préparations  non  colorées,  on  ne  constate  que  peu 
d'altérations;  au  microscope,  on  trouve  les  mêmes  aspects  qu'au  niveau 
de  la  première  dorsale,  mais  à  un  moindre  degré.  Dans  le  renflement 
cervical,  la  dégénération  des  cordons  latéraux  disparaît  progressivement 
et  se  limite  dans  les  cordons  postérieurs  à  une  bande  étroite. 

Dans  la  région  cervicale  supérieure,  les  pyramides  latérales  sont  nor- 


—  69 


maies,  l'altération  des  cordons  latéraux  postérieure  diminue.  Le  bulbe 
n'a  pas  été  examiné. 

Plus  bas,  à  partir  du  foyer  principal  d'altération,  ce  sont  surtout  les 
cordons  latéraux  qui  sont  malades.  Dans  les  cordons  postérieurs,  on 
ne  trouve  qu'une  légère  dégénération  diffuse  et  peu  étendue.  La  dégé- 
nération marginale  se  poursuit  jusqu'à  la  région  lombaire. 

Au-dessous  de  ce  point,  on  ne  trouve  plus  que  la  dégénérescence  des 
cordons  pyramidaux  qui  s'éteint  plus  bas  à  la  façon  ordinaire. 

Observation  80  (résumée). 

MiNOR.  Hémiplégie  und  Paraplégie  bei  Tabès.  Zeitschrift  filr  hli- 
nische  Medicin,  1891,  XIX,  5  und  6  (in  Kuh.  Loc.  cit.).  —  Femme.  A 
lage  de  16  ans,  angine  spécifique.  Bientôt  après,  douleurs  dans  les 
tibias.  Un  ou  deux  ans  plus  tard,  fausse  couche  de  8  mois.  Nouvelle 
fausse  couche  deux  ans  après. 

Trois  semaines  avant  l'entrée  à  l'hôpital,  excès  de  boisson  et  refroi- 
dissement prononcé.  Aussitôt  des  douleurs  se  manifestèrent  dans  les 
différentes  parties  du  corps  ;  rétention  d'urine  et  faiblesse  des  jambes. 
Huit  jours  plus  tard,  la  jambe  droite  était  paralysée,  puis  bientôt  après 
la  jambe  gauche. 

État  actuel.  —  Parésie  prononcée  des  deux  jambes,  faiblesse  des 
muscles  de  l'abdomen  et  du  dos.  Abolition  des  réflexes  des  extrémités 
inférieures.  Hyperesthésie  en  plaques  sur  les  jambes,  paresthésies 
dans  ces  muscles  et  aussi  dans  les  doigts.  Rétention  des  urines  et  des 
matières. 

Douleurs  dans  la  région  lombaire.  Myosis,  immobilité  des  pupilles. 
Parésie  du  muscle  moteur  oculaire  externe  droit.  Exanthème.  Les  crêtes 
tibiales  sont  rugueuses  et  sensibles  à  la  pression. 

Frictions  mercurielles  suivies  d'amélioration  dans  les  troubles 
moteurs  et  sensitifs. 

Quelque  temps  après,  les  symptômes  revêtent  la  forme  du  tabès. 

Quelques  années  plus  tard,  la  malade  succombe  à  une  attaque 
d'apoplexie. 

Autopsie.  —  Les  membranes  molles  du  cerveau  étaient  légèrement 
épaissies  et  troubles.  Le  cerveau  lui-même  présentait  plusieurs  foyers 
d'ctenduo  varialjlc.  Dans  la  tête  du  noyau  coudé,  on  trouve  un  foyer 
kystique.  Les  artères  de  la  base  offrent  les  signes  de  l'artérite  syphili- 
tique typique. 

Ij'examen  macroscopique  de  la  moelle  indique  un  épaississement  et 
un  état  trouble  de  l'arachnoïde  et  une  dégénération  grise  des  cordons 
postérieurs  qui  remonte  jusqu'au  bulbe.  Par  l'étude  histologiquo,  on 
reçonnaît  que  l'altération  des  cordons  postérieurs  roproilnit  la  lésion 
caractéristique  du  tabès. 


—  70  — 


Observation  81  (résumée). 

Sachs.  Multiple  cérébro-spinal  syphilis.  New-York  medica.1  Journa.1, 
10  septembre  1891  (in  Kuh.  Loc.  cit.).  —  Femme,  37  ans.  Epoque  de 
l'infection  inconnue.  La  malade  a  éprouvé  des  symptômes  cérébraux  : 
vertiges,  céphalalgie,  troubles  de  la  parole.  De  plus,  paralysie  des 
jambes,  rétention  d'urine  et  constipation.  Traitement  spécifique  suivi 
d'amélioration.  Plus  tard,  réapparition  de  la  céphalalgie,  de  la  faiblesse 
des  jambes,  constipation,  ptosis,  paralysie  du  bras  gauche,  puis  des 
deux  jambes,  troubles  intellectuels,  paralysie  des  sphincters. 

État  actuel.  —  Paralysie  spasmodique  des  quatre  extrémités.  Réflexes 
rotuliens  exagérés.  L'état  de  la  sensibilité  n'est  pas  noté.  Incontinence 
des  urines  et  des  matières  fécales.  Atrophie  de  la  langue.  Ptosis. 
Ophtalmoplégie.  Mort. 

Autopsie.  —  Méningite  de  la  base  du  cerveau.  Gomme  de  la  protu- 
bérance. Le  faisceau  pyramidal  droit  est  dégénéré  tout  entier,  le  gauche 
en  partie.  Épaississement  de  la  dure-mère  spinale. 

Examen  microscopique.  Endartérite  syphilitique  des  artères  verté- 
brales et  basilaire  et  des  vaisseaux  de  la  protubérance.  Dans  la  moelle, 
dégénérescence  complète  des  deux  cordons  latéraux  jusqu'au  milieu  de 
la  région  lombaire  et  des  cordons  antérieurs  jusqu'à  la  partie  inférieure 
de  la  région  dorsale. 

Les  cordons  postérieurs  sont  intacts. 

La  pie-mère  spinale  est  épaissie,  infiltrée,  beaucoup  plus  altérée  que  la 
dure-mère.  La  substance  grise  est  absolument  normale.  L'auteur  insiste 
sur  ce  fait  qu'il  ne  s'agit  pas  d'une  dégénération  secondaire  des  cordons 
latéraux,  mais  d'une  infiltration  gommeuse  provenant  d'une  méningite 
syphilitique. 

Observation  82  (résumée). 

H.  HOPPE  (de  Cincinnati).  Zur  Kenntniss  der  syphilitischen  Erkran- 
kungen  des  Rûckenmarks  und  derBrûcke.  Berliner  klin.  Wochenschr., 
6  mars  1893  (in  Revue  neurologique,  p.  112).  —  Homme.  Chancre 
induré  en  1884.  Hémiplégie  gauche  n'intéressant  pas  la  face  en  1890, 
sans  le  moindre  ictus.  Traitement  spécifique  :  amélioration  suffisante 
pour  permettre  au  malade  de  reprendre  ses  occupations.  Mars  1892  • 
douleurs  subites  dans  les  membres  supérieurs,  et  en  quelques  jours  se 
développe  une  paralysie  flasque  à  peu  près  absolue  des  quatre  membres. 
La  sensibilité  est  conservée;  pas  d'atrophie  musculaire,  réactions 
électriques  des  muscles  normales  sauf  pour  le  thénar  et  le  premier 
interosseux  de  la  main  gauche  qui  sont  atrophiés  et  ne  réagissent  plus. 
Absolument  rien  du  côté  des  yeux,  ni  dans  la  sphère  des  nerfs  crâniens; 
intelligence  conservée.  Malgré  le  traitement  spécifique,  état  stationnaire 


—  71  — 


de  la  paralysie.  Une  vaste  escarre  sacrée  se  développe,  et  le  malade  est 
emporté  le  17  juin  1802  par  une  pleuro-pneumonie.  Durée  trois  mois. 

Autopsie.  —  Les  lésions  macroscopiques  n'intéressent  que  la  moelle 
et  ses  méninges.  La  dure-mère  spinale  est  congestionnée  sur  toute  la 
hauteur,  et  au  niveau  de  la  première  vertèbre  dorsale  elle  est  soudée  à 
la  pie-mère.  La  moelle  elle-même  est  le  siège  d'un  ramollissement 
étendu  eu  hauteur  de  la  sixième  racine  dorsale  à  la  partie  moyenne  du 
renflement  cervical. 

Examen  microscopique  de  la  moelle.  —  Moelle  lombaire.  Pie-mère 
légèrement  épaissie,  les  deux  faisceaux  pyramidaux  montrent  une  dégé- 
nération simple  de  leurs  fibres  nerveuses.  Sous  la  pie-mère,  on  voit  un 
mélange  de  dégénération  et  d'infiltration  :  la  majorité  des  éléments 
cellulaires  de  cette  iuflltration  sont  en  voie  de  régression,  l'hématoxyline 
n'y  colore  que  quehjues  rares  noyaux. 

L'artère  spinale  antérieure  est  normale. 

Dixième  racine  dorsale.  —  Même  lésion  pyramidale  double  ;  mais  en 
outre,  les  cordons  de  GoU  sont  dégénérés,  et  les  cellules  des  colonnes 
de  Clarke  atrophiées.  Les  vaisseaux  de  la  substance  grise  sont  extrême- 
ment développés  et  un  grand  nombre  d'entre  eux  ont  leurs  parois 
épaissies. 

Sixième  racine  dorsale.  —  Limite  inférieure  du  ramollissement.  La 
corne  antérieure  droite  est  détruite,  ainsi  que  lesparties  adjacentes  des 
faisceaux  blancs. 

Les  faisceaux  pyramidaux  cérébelleux  directs,  de  GoU  et  de  Burdach 
sont  épargnés  par  le  ramollissement,  mais  présentent  la  même  dégéné- 
ration que  plus  bas. 

Foyer  de  ramollissement.  —  Dans  la  région  dorsale  supérieure,  la 
moelle  est  déformée;  toute  la  moitié  antérieure,  sur  une  coupe  trans- 
versale est  détruite  (cornes  antérieures,  faisceaux  pyramidaux  directs, 
cordons  antérieurs  et  latéraux).  La  moitié  postérieure,  au  contraire,  est 
conservée,  mais  elle  présente  toujours  la  même  dégénération.  L'artère 
spinale  antérieure  présente  à  ce  niveau  une  endo-périartérite  modérée. 

Le  foyer  de  ramollissement  est  composé  d'un  détritus  granuleux  qui 
ne  se  colore  pas  par  les  réactifs.  La  pie-mère  est  modérément  épaissie  : 
elle  est  le  siège  d'un  exsudât  partie  granuleux  comme  le  champ  de 
ramollissement  médullaire,  partie  composé  de  cellules  rondes  pressées 
les  unes  contre  les  autres. 

Moelle  cervicale  supérieure.  —  Elle  est  le  siège  d'une  dégénération 
combinée  systématique  (faisceaux  pyramidaux  croisés  et  cérébel- 
leux directs,  cordons  de  Goll).  Rien  d'anormal  dans  les  méninges  ni 
dans  les  vaisseaux. 

Pas  d'examen  histologique  du  cerveau  ni  du  bulbe  qui  avaient  paru 
sains  à  l'œil  nu. 

L'auteur  fait  remarquer  qu'il  s'agit  de  deux  processus  pathologiques  : 
une  dégénératiou  combinée  systématique  (latérale  et  postérieure)  et  un 


-  72  — 


ramollissement  médullaire  aigu,  ce  dernier  étant  de  date  plus  récente. 
A  ne  considérer  que  les  lésions  anatomiques,  bien  qu'il  n'y  ait  pas  de 
formations  gommeuses  dans  la  moelle,  la  nature  syphilitique  est  indiquée 
par  l'origine  méningée  de  l'infiltration,  la  participation  des  vaisseaux. 
Par  quel  mécanisme  s'est  produit  le  ramollissement  médullaire?  Deux 
hypothèses  sont  en  présence  :  on  peut  invoquer  la  production  rapide 
d'un  exsudât  méningé  abondant,  ou  bien  l'oblitération  d'un  grand  nombre 
de  vaisseaux.  L'auteur  ne  tranche  pas  la  question.  Il  ne  considère  pas 
la  dégénération  combinée  comme  secoadaire  à  la  lésion  dorsale. 

A  côté  des  observalions  précédentes,  il  faudrait  placer  un  certain 
nombre  d'autres  cas  dont  l'étude  a  été  faite  avec  un  soin  particulière- 
ment minutieux  et  qui  fournissent  des  documeuts  précieux  sur  la 
nature  même  du  processus  dans  la  myélopathie  syphilitique.  Mais  en 
raison  même  de  l'importance  de  ces  observations  nous  les  rapporte- 
rons en  détail  dans  la  seconde  partie  de  ce  travail.  Nous  utiliserons 
surtout  ces  observations  et  celles  qui  nous  sont  personnelles  pour  décrire 
révolution  ordinaire  de  l'affection  que  nous  étudions  et  indiquer  les 
accidents  qui  peuvent  la  compliquer. 

Ce  qui  frappe, à  la  lecture  des  observations, c'est  la  variabilité  dans 
la  forme  et  la  diffusion  des  lésions.  Il  est  cependant  un  groupe  d'al- 
térations qui  paraissent  constantes  et  dont  l'importance  a  déjà  é!é 
signalée:  ce  sont  les  modifications  méningées  etvasculaires.J  ulliard 
faisaitde  cette  localisation  la  caractéristique  de  la  syphilis. Dans  l'igno- 
rance où  nous  sommes  encore  sur  la  nature  de  l'agent  spécifique, nous 
ne  pouvons  proposer  un  autre  critérium.  Tout  en  reconnaissant  que  la 
participation  des  voies  lymphatiques  et  vasculaires  sanguines,  la 
diffusion  des  lésions  et  l'impossibilité  de  leur  systématisation  sont 
des  caractères  de  l'inflammation  syphilitique,  il  fautavouer  qu'il  n'y  a 
là  rien  de  bien  spécial,  et  le  tissu  conjonctif,  le  système  lymphatico- 
sanguin  sont  un  terrain  commun  d'évolution  pour  tout  agent  infec- 
tieux. Peut-être  y  a-t-il  un  mode  de  réaction  de  ces  tissus  un  peu 
particulier  à  la  syphilis,  c'est  ce  que  nous  rechercherons. 

D'après  l'opinion  générale,  les  lésions  vasculaires  et  méningées 
sont  primitives,  l'altération  du  tissu  nerveux  même  est  secondaire. 
Or,  si  on  recherche  quel  était  l'état  de  la  moelle  dans  les  différentes 
observations,  on  y  trouve  décrits  des  aspects  très  variés.  Deux  alté- 
rations surtout  sont  signalées  :  c'est  tantôt  le  ramollissement  du  tissu 
nerveux  avec  destruction  des  éléments  nobles,  tantôt  l'induration 
avec  sclérose. 


—  73  — 


L'état  de  ramollissement  est  de  beaucoup  le  plus  fréquent;  on 
remarquera  que  dans  tous  les  cas  à  marche  rapide  il  existe  presque 
seul  et  qu'il  est  toujours  important  à  côté  de  lésions  plus  anciennes 
dans  les  cas  à  marche  chronique  terminés  par  une  reprise  brusque 
des  accidents. 

Le  ramollissement  de  la  moelle  dans  la  myélopathie  syphilitique  a 
été  constaté  il  y  a  déjà  longtemps,  car  il  se  manifeste  ordinairement 
par  des  modifications  macroscopiques  qui  permettent  de  le  recon- 
naître. Dès  1860,  Valdemar  Steenberg  l'avait  noté  d'une  façon 
très  nette  dans  trois  cas  de  syphilis  médullaire  ;  et  l'observation  de 
Winge(obs.  59),  qui  date  de  1863,  présente  une  description  hislolo- 
gique  remarquable  du  parenchyme  ramolli. 

Dans  presque  tous  les  cas  que  nous  avons  rapportés,  le  ramollisse- 
ment médullaire  est  d'ailleurs  signalé.  11  accompagne  parfois  des 
lésions  méningées  très  accentuées  et  macroscopiques  comme  dans 
les  cas  de  M.  Mauriac  (obs.  63),  de  AL  Ilayem  (obs.  60),  etc. 
D'autres  fois,  il  est  encore  très  marqué  tandis  que  les  lésions  des 
méninges  sont  constatables  seulement  au  microscope,  et  c'est  là 
le  cas  le  plus  fréquent. 

Le  ramollissement  médullaire  peut  siéger  dans  tous  les  points  de 
la  moelle  et  occuper  dans  les  différents  segments  une  étendue  plus  ou 
moins  considérable.  Tantôt  il  est  localisé  à  la  périphérie,  tantôt  dans 
la  partie  centrale,  ou  bien  intéresse  presque  tout  un  segment  et  prend 
alors  l'aspect  d'un  foyer  transverse  type  ;  une  des  observations  de 
Savard  (obs.  71),  le  cas  de  Str  ûmpell  (obs.  68), celui  de  M.  Hayem 
(obs.  69),  etc.,  sont  des  exemples  frappants  de  cette  disposition.  Le 
nombre  de  ces  cas  est  d'ailleurs  très  considérable.  On  pourrait  y 
faire  rentrer  la  plupart  des  observations  de  myélite  transverse  aiguë. 

L'intensité  du  ramollissement  offre  certainement  bien  des  degrés 
Dans  le  cas  de  Thompson  (obs.  77), il  semble  avoir  élé  pousséjusqu'à 
la  fonte  complète  du  tissu  nerveux  et  à  la  formation  d'une  substance 
crémeuse.  Dans  les  cas  de  M.  Mauriac  (obs.  63),  de  Le  Pe  tit 
(obs.  65),  la  partie  ramollie  de  la  moelle  était  réduite  en  bouillie  et 
impropre  à  un  examen  histologique. 

Dans  les  cas  ordinaires  où  l'exameu  microscopique  a  été  prati- 
qué, les  auteurs  ont  décrit  dans  les  éléments  du  parenchyme  nerveux 
des  modifications  sur  lesquelles  nous  passerons  rapidement,  car  nous 


—  74  — 


les  étudierons  complètement  plus  tard.  Ces  modifications  consistent 
en  une  destruction  plus  ou  moins  avancée  des  éléments  nobles  avec 
la  formation  de  produits  de  nécrose  :  substance  albumineuse  granu- 
leuse amorphe,  granulations  de  myéline,  corps  granuleux,  etc.,  et  en 
une  altération  particulière  du  tissu  interstitiel  propre  au  parenchyme 
nerveux  :  la  névroglie.  Les  modifications  des  cellules  araignées  ont 
frappé  les  auteurs  qui  ont  remarqué  leur  développement  exagéré. 
Mais  ces  modifications  n'ont  rien  de  spécial  à  la  myélopathie  syphi- 
litique et  ces  éléments  entrent  en  action  dans  toutes  les  lésions  du 
parenchyme  nerveux.  On  peut  même  dire  c{u'ils  sont  étrangers  à  la 
formation  des  néoplasies  syphilitiques.  En  effet,  Coyne(l)  dans  un 
cas  de  gomme  du  cervelet  ne  les  a  pas  retrouvés  parmi  les  éléments 
participant  à  la  constitution  de  la  tumeur.  Mais  ce  stade  de  ramol- 
lissement de  la  moelle  est  certainement  précédé  d'un  état  où  les  modi- 
fications ne  sont  pas  encore  établies.  Et  depuis  le  moment  où  le 
parenchyme  nerveux  est  frappé  de  mort  jusqu'à  celui  où  le  ramol- 
lissement est  nettement  caractérisé, il  existe  une  période  où  les  lésions 
d'abord  à  peine  marquées,  s'accentuent  progressivement.  Au  début, 
les  modifications  peuvent  être  assez  peu  accentuées  pour  être  à  peine 
appréciables  même  au  microscope.  C'est  ainsi  que  dans  des  cas  de 
Savard  (obs.  70),  bien  que  la  moelle  fût  altérée  dans  sa  consistance, 
les  tubes  nerveux  paraissaient  sains  et  les  cellules  nerveuses  seules 
étaient  dégénérées. 

Il  est  même  très  important  de  noter  que  dans  ces  cas  il  7i'existe 
pas  trace  d'inflammation  du  tissu  interstitiel  du  parenchyme 
nerveux.  Ce  fait  est  une  preuve  que  la  destruction  des  éléments 
nobles  n'est  pas  consécutive  à  une  inflammation  du  tissu  interstitiel 
et  qu'il  faudra  rechercher  à  ce  phénomène  une  autre  explication. 

L'observation  de  Mollière  (obs.  61),  dans  laquelle  l'auteur  signale 
une  altération  dans  la  coloration  de  la  substance  nerveuse  et  une 
dilatation  vasculaire  considérable,  représente  probablement  aussi  un 
des  stades  intermédiaires  qui  précèdent  le  ramollissement. 

A  un  degré  plus  avancé,  mais  précédant  encore  le  stade  de  des- 
truction des  éléments  nerveux,  on  observe  les  aspects  d'une  myélite 
parenchymateuse,  comme  par  exemple  dans  les  deux  cas  de  M.  D  ej  e- 
rine  (obs.  72  et  73),  celui  de  Bretau  (obs.  75),  etc. 

(1)  COYNE.  In  thèse  de  Savaed,  p.  77. 


—  75  — 


Dans  tous  les  cas  où  le  ramollissement  médullaire  ou  bien  les 
stades  qui  le  précèdent  existent  seuls,  ils  sont  toujours  assez  étendus 
et  se  rencontrent  dans  les  formes  cliniques  k  évolution  rapide.  Ils 
peuvent  se  présenter  en  même  temps  que  des  lésions  saillantes  des 
méninges  ou  bien  constituer  les  seules  altérations  visibles  à  l'autopsie, 
les  lésions  des  méninges  étant  appréciables  seulement  au  microscope. 
Si  l'altération  de  la  moelle  n'en  est  qu'à  ses  débuts,  si  les  modifica- 
tions de  la  pie-mère  sont  elles-mêmes  peu  prononcées,  la  moelle 
pourra  paraître  sain  à  l'œil  nu  et  c'est  dans  ces  cas,  croyons-nous, 
qu'il  faut  faire  rentrer  les  observations  de  paraplégie  syphilitique 
sans  lésions  matérielles. 

L'existence  de  ces  paraplégies  «  sine  materia  »  a  été  bien  souvent 
discutée;  autrefois,  on  en  faisait  une  classe  à  part. 

Ladreit  de  Lac  barrière  pensait  que  «  dans  un  certain  nombre 
de  cas  les  lésions  échappent  à  nos  recherches,  ou  bien  elles  sont  si 
peu  marquées  qu'il  est  impossible  de  ne  pas  admettre  une  influence 
directe  de  la  syphilis  sur  la  moelle  épinière  ». 

Zambaco  cite  deux  observations  que  nous  analyserons  plus  loin, 
dans  lesquelles  il  n'a  remarqué  aucune  modification  importante  de  la 
moelle.  Pour  lui,  il  est  prouvé  d'une  manière  incontestable  que  la 
paraplégie  syphilitique,  à  son  summum  d'intensité,  peut  exister  sans 
lésions  appréciables,  il  s'est  même  demandé  si  ce  n'était  pas  le  cas 
ordinaire.  La  gravité  des  symptômes  et  la  rapidité  de  leur  évolution 
indiquent,  on  effet,  l'existence  d'une  lésion  très  étendue  qui  détermine 
la  mort  avant  d'avoir  atteint  un  stade  avancé.  C'est  là  qu'il  faut  cher- 
cher l'explication  de  l'absence  de  lésions  saillantes. 

Caizergues  pense  que  le  virus  syphilitique  peut  agir  directement 
sur  le  tissu  nerveux  de  la  moelle  et  produire  des  myélopathies  revê- 
tant la  forme  des  paralysies  ascendantes  aiguës  ;  «  les  lésions  sont 
alors  souvent  peu  prononcées,  parfois  même  ces  maladies  deviennent 
si  rapidement  mortelles  que  leurs  altérations  n'ont  pas  le  temps  de 
se  développer.  >> 

Vialle  admet  également  une  dyscrasie  syphilitique  sans  lésion 
appréciable. 

Julliard,  au  contraire,  émet  des  doutes  sur  l'existence  de  ces  para- 
plégies dites  fonctionnelles;  il  constate  que  les  observations  dont  on 
s'est  servi  pour  établir  cette  forme  manquent  d'étude  microscopique 


—  76  — 


et  Savard  pense  que  «  avec  les  progrès  de  l'anatomie  pathologique, 
cette  variété  de  paraplégie  fonctionnelle  disparaîtra  complètement  «. 
Il  semble  pourtant  que,  dès  les  premiers  temps  de  l'infection  syphi- 
litique,le  système  nerveux  subit  une  influence  manifeste.  Hutchinson 
et  Broadbent  comparaient  la  syphilis  aux  fièvres  éruptives  dont 
l'évolution  s'accompagne  de  désordres  nerveux  diffus. 

En  1873,  M.  le  professeur  Fournie r  signalait  Vanalgésie  syphi- 
litique secondaire.  Des  travaux  récents,  ceux  de  Lang  (1),  de 
Schnabel  (2),  de  Jarisch  (.3)  et  Finger  (4),  ont  appelé  l'attention 
sur  les  phénomènes  nerveux  transitoires  qui  se  produisent  à  la 
période  secondaire.  Ces  phénomènes  :  céphalalgie,  abattement,  modi- 
fications dans  l'état  du  pouls,  de  la  température  et  de  la  circulation 
générale;  phénomènes  douloureux  et  parétiques  vagues,  troubles  de 
la  vision  (Schnabel),  modifications  dans  l'état  des  réfiexes  tendineux 
et  cutanés  (Jarisch  et  Finger),  etc.,  indiquent  un  état  de  souffrance 
du  système  nerveux  tout  entier.  Peut-être  peuvent-ils  s'exagérer  et 
donner  lieu,  dans  certains  cas,  à  des  formes  particulières  de  paralysie 
syphilitique,  mais  actuellement,  ces  manifestations  doivent  être 
séparées  de  la  myélopathie  syphilitique  commune. 

Pour  en  revenir  aux  cas  de  paraplégie  syphilitique  dans  lesquels 
on  n'a  pas  noté  de  lésions  à  l'autopsie,  nous  pensons  que  leur  étude 
n'a  pas  été  assez  approfondie  pour  qu'on  puisse  admettre  leur  valeur 
sans  contestation.  Il  est  possible,  au  contraire,  lorsque  l'auteur  est 
entré  dans  une  description  un  peu  plus  complète,  de  retrouver  des 
caractères  indiquant  peut-être  une  lésion  qui  n'aurait  pas  échappé  à 
un  examen  microscopique  minutieux.  Nous  prendrons  pour  exemples 
les  deux  observations  de  Zambaco. 

Observation  83  (résumée). 

Zambaco.  Des  affecl.  nerv.  sypii.,  1862  (obs.  LXXI).  —  Homme, 
28  aûG.  Ea  mai  1856  :  sarcocèle  syphilitique,  résorption  partielle  après 
traitement  par  Kl. 

(1)  Lakg.  Wiener  iiied.  WocJienschr.,  1880.  V/ertelJaJir.'scIir.  f.  Brrm.  ami  Sypli., 
1881,  p.  499. 

(2)  Schnabel.  Vicrteljahrschr.  f.  Demi,  nml  Si/pk.,  18S1,  p.  473. 
(8)  Jaeisch.  Wienej-  med.  Mdttei;  1881,  p.  353. 

(4)  FiNQEB.  Vierteljahrschr.  f.  Berm.  und  Syph.,  p.  269. 


—  77  — 


24  juillet.  En  se  couchant,  il  a  senti  pour  la  première  fois  des  four- 
millements dans  les  jambes. 

Le  25.  Après  une  bonne  nuit,  il  a  senti  encore  toute  la  journée  des 
fourmillements  et  s'est  trouvé  plus  faible  sur  ses  jambes  qu'à  l'ordinaire. 
A  11  heures  du  matin,  impossibilité  d'uriner;  cette  dysurie  persista 
jusqu'au  soir. 

Le  26.  Il  put  encore  se  lever;  mais  ses  jambes  sont  plus  faibles  et  il 
urine  involontairement. 

Le  27.  Impossibilité  de  marcher;  dans  la  soirée,  le  mouvement  des 
jambes  est  tout  à  fait  aboli. 

Il  importe  de  noter  que  quinze  jours  auparavant,  le  malade  avait  déjà 
ressenti  des  douleurs  vagues  et  modérées  dans  les  parties  latérales  du 
tronc. 

Le  28.  Il  entre  à  Thopital  avec  une  paraplégie  complète^  une 
diminution  de  la  sensibilité  dans  les  parties  correspondantes  et  une 
incontinence  d'urine. 

Le  7  août.  Escarres  sacrée  et  trochantériennes. 

Les  jours  suivants,  phénomènes  d'infection  et  mort  le  26  août. 

Autopsie.  —  Pas  de  lésions  macroscopiques  sauf  l'existence  d'une 
rougeur  delà  pie-mère  accompagnée  d'une  diminulion  de  consislance 
de  la  moelle,  particularités  que  l'auteur  considère  comme  accidentelles 
et  dues  à  une  altération  cadavérique. 

Pas  d'examen  microscopique. 

Observation  84  (résumée). 

Zambaco.  Loc  cit.  (obs.  LXXII).  —  Homme,  58  ans.  Entré  à  l'hôpital  le 
2  juin  1857.  Quatorze  ans  auparavant  chancre,  pas  de  traitement,  acci- 
dents secondaires.  Depuis  six  semaines,  difficulté  dans  la  miction.  Il 
y  a  deux  semaines,  rétention  complète  pendant  trois  jours;  depuis  ce 
moment,  incontinence. 

24  mai  1857.  —  Engourdissement  dans  les  jambes.  Le  lendemain,  fai- 
blesse des  jambes,  et  développement  rapide  des  symptùines  paraplégi- 
ques les  jours  suivants.  Le  malade  ne  peut  bientôt  plus  se  traîner 
qu'avec  des  béquilles. 

Etat  actuel.  3  juin.  —  Paraplégie  incomplète  mais  très  prononcée,  le 
malade  peut  encore  se  tenir  debout.  Sensation  d'engourdissement  et  de 
froid  jusqu'au  pli  de  l'aine;  le  malade  sent  encore  le  pincement  et  les 
piqûres;  secousses  dans  les  jambes.  Incontinence  d'urine. 

l""'' juillet.  Escarre  sacrée.  Frissons  les  jours  suivants  et  paraplégie 
complète. 

Mort  le  6  juillet. 

Autopsie.  —  Pas  de  lésions  macroscopiques,  «  à  la  partie  supérieure 
de  la  région  dorsale,  on  constate  à  la  coupe,  il  est  vrai,  un  léger  piqueté 


—  78  — 


et  une  corisistance  peut-être  un  peu  moins  considérable,  mais  ces 
caractères  sont  si  peu  accusés  qu'il  est  impossible  d'admettre  l'existence 
d'une  affection  de  la  moelle  ». 
Pas  d'examen  microscopique. 

L'apparence  de  ramollissement  constatée  dans  le  premier  cas,  le 
léger  piqueté  et  la  diminution  de  consistance  qui  existaient  dans  le 
second,  nous  paraissent  constituer  des  modifications  importantes  pour 
un  tissu  aussi  délicat  que  le  parenchyme  nerveux.  Elles  nous  sem- 
blent être  des  preuves  suffisantes  d'une  lésion  matérielle  dont 
l'étendue  eût  pu  être  appréciée  avec  le  microscope. 

Outre  le  ramollissement  de  la  moelle,  les  auteurs  signalent  Vindu- 
ration  du  parenchyme  médullaire  avec  sclérose  et  ils  s'accordent  à 
reconnaître  que  si  le  ramollissement  caractérise  les  formes  à  évolution 
rapide,  la  sclérose  est  en  rapport  avec  les  formes  chroniques. 

La  sclérose  n'est  donc  que  le  dernier  stade  d'un  processus  dont  la 
nature  reste  à  déterminer. 

On  considère  généralement  cette  sclérose  comme  l'aboutissant  de 
l'inflammation  du  tissu  interstitiel  de  la  moelle  :  l'inflammation  et  la 
prolifération  du  tissu  interstitiel  déterminées  par  l'action  directe  du 
poison  syphilitique  amèneraient  la  destruction  des  éléments  nerveux 
et  seraient  suivies  plus  tard  de  sclérose. 

Pour  nous,  il  y  a  lieu  d'établir  une  distinction  importante,  et  le 
tissu  de  sclérose  qu'on  rencontre  dans  la  moelle  n'est  pas  toujours  de 
même  nature. 

Tantôt  en  effet,  et  c'est  pour  nous  le  cas  de  beaucoup  le  plus  rare, 
il  s'agit  d'un  tissu  de  cicatrice  résultant  de  l'organisation  d'une 
infiltration  spécifique.  L'inflammation  gommeuse  partie  de  la  pie- 
mère  ou  des  vaisseaux  se  caractérise  d'abord  par  une  prolifération 
embryonnaire  continente  qui  peut  envahir  une  étendue  plus  ou  moins 
considérable  du  parenchyme  médullaire  sain  ou  déjà  altéré,  et  donner 
lieu  par  la  suite  à  du  tissu  scléreux.  Les  apparences  de  cette  sclérose 
de  nature  conjonctive  sont  spéciales,  le  tissu  névroglique  n'entre  pas 
dans  sa  constitution  et  elle  forme  pour  ainsi  dire  corps  étranger  au 
milieu  de  la  sclérose  médullaire. 

Cette  sclérose  médullaire  au  contraire  est  ordinairement  de  nature 
purement  névroglique,  elle  procède  d'une  réaction  inflammatoire  du 
tissu  interstitiel  propre  au  tissu  nerveux,  mais  cette  irritation  est 


—  79  — 


consécutive  à  la  destruction  préalable  des  éléments  nobles.  On  peut 
constater  dans  les  cas  à  évolution  très  rapide  cette  destruction  des 
éléments  nerveux  alors  que  le  tissu  névroglique  ne  présente  pas 
encore  trace  de  réaction.  Cette  particularité  est,  ainsi  que  nous  le 
verrons,  un  des  caractères  propres  aux  altérations  de  la  moelle  d'ori- 
gine ischémique.  Nous  essaierons  d'ailleurs,  dans  un  autre  chapitre, 
d'établir  la  série  des  modifications  qui  précèdent  l'établissement  de  la 
sclérose  névroglique  définitive. 

C'est  cette  sclérose  névroglique  qui  constitue  fondamentalement  les 
zones  de  dégénération  que  les  auteurs  signalent  dans  la  moelle.  Elle 
est  distribuée  tantôt  d'une  façon  diffuse,  et  semble  dans  ce  cas  pouvoir 
être  considérée  comme  l'aboutissant  d'un  état  de  ramollissement 
antérieur,  tantôt  elle  affecte  une  disposition  systématique  et  résulte 
alors  le  plus  souvent  de  la  dégénération  secondaire  des  cordons  blancs 
(dégénérescence  secondaire  des  cordons  de  GoU,  des  faisceaux  céré- 
belleux directs,  pyramidaux,  etc.) 

La  sclérose  qui  est  le  signe  d'une  lésion  ancienne,  se  rencontre 
dans  les  cas  à  évolution  chronique,  mais  elle  n'indique  nullement  un 
processus  spécial.  Elle  s'accompage  du  ramollissement  d'autres  par- 
ties de  la  moelle  lorsque  la  myélopathie  chronique  s'est  terminée  par 
une  reprise  récente  des  accidents.  C'est  ce  qu'on  observe  par  exemple 
dans  le  cas  rapporté  par  Hoppe  (obs.  82). 

Il  faut  encore  faire  mention  d'altérations  portant  sur  les  racines  des 
nerfs  rachidiens.  Ces  altérations  sont  généralement  peu  marquées, 
cependant  dans  quelques  cas  elles  sont  assez  développées  pour  (|u'on 
puisse  leur  attribuer  une  part  importante  tant  dans  la  détermination 
des  symptômes  que  dans  la  production  des  lésions  secondaires  de 
la  moelle.  C'est  particulièrement  dans  les  cas  de  lésions  très  accentuées 
des  méninges  que  les  cordons  radiculaires  sont  surtout  intéressés. 

Une  observation  de  Eisenlohr  (obs.  49)  en  est  un  exemple  remar- 
quable. 

En  résumé,  les  altérations  signalées  dans  la  myélopathie  syphili- 
tique, revêtant  la  forme  caractérisée  par  le  terme  classique  de 
méningo-my élite  syphilitique,  sont  les  suivantes  : 

Pour  les  méninges,  une  inflammation  qui  peut  être  très  discrète  ou 
donner  lieu  à  des  épaississements  considérables  et  qui  se  caractérise 
par  une  infiltration  embryonnaire  envahissant  le  tissu  propre  des 
méninges  et  les  parois  des  vaisseaux. 


—  80  — 


Dans  la  moelle,  plusieurs  états  :  le  ramollissement  avec  destruction 
du  parenchyme  nerveux  ;  llnfiltration  embryonnaire  ;  la  sclérose. 

Enfin  dans  les  racines,  une  destruction  plus  ou  moins  importante 
des  tubes  nerveux. 

Il  existe  des  apparences  un  peu  particulières  suivant  les  cas,  si 
bien  qu'il  est  possible  de  décrire  des  formes  aiguës  et  des  formes 
chroniques,  mais  le  processus  est  toujours  le  même  ;  ce  sont  de 
simples  variantes,  dans  l'étendue,  l'évolution  et  surtout  la  durée, 
qui  constituent  les  différentes  formes. 

I  3.  —  Importance  des  altérations  vaseulaires. 

Il  est  tout  un  groupe  d'altérations  sur  lesquelles  nous  n'avons  pas 
insisté  jusqu'ici  et  qui  méritent  une  mention  spéciale,  ce  sont  les 
modifications  des  vaisseaux.  Ces  lésions,  ainsi  que  nous  le  verrons, 
sont  extrêmement  importantes  dans  la  syphilis  de  la  moelle  et  jouent 
un  rôle  prépondérant  dans  la  détermination  des  lésions  secondaires 
du  tissu  médullaire.  Les  altérations  des  petits  vaisseaux  dans  la 
syphilis  du  névraxe  ont  été  indiquées  surtout  dans  la  syphilis  céré- 
brale dès  l'époque  où  l'on  s'est  appliqué  aux  études  histologiques, 
mais  ce  n'est  guère  que  depuis  une  vingtaine  d'années  que  l'on  a 
reconnu  toute  leur  importance. 

On  pourrait  déjà  trouver  des  exemples  d'artérite  syphilitique  dans 
des  observations  anciennes  dues  à  Virchow  (1847),  à  Dittrich  (1), 
à  Gildemeister  et  Hoyack  (2),  Esmarch  (1857),  Steenberg 
(1860)  ;  dans  le  traité  de  Virchow  sur  la  syphilis  constitutionnelle; 
M.  Lancereaux  la  signale  en  1861  dans  son  mémoire  publié  en 
collaboration  avec  L.  Gros;  mais,  c'est  Wilks(3)  qui  l'indiqua  le 
premier  d'une  façon  précise  et,  après  lui,  les  recherches  se  multi- 
plient dans  ce  sens  en  Angleterre  :  Hughling  Jackson,  Buzzard, 
Broadbent,  Batty,  Tuke  apportent  des  matériaux  nouveaux. 

Wilks  et  Moxon  (4)  signalent  «  des  exemples  vraiment  caracté- 
ristiques d'inflammation  gommeuse  des  petites  artères,  surtout  de 

(1)  Dittrich.  Prager  Vierteljahr.,  1849^  t.  I. 

(2)  Gildemeister  et  Hoyack.  Nederl.  Weekbl.,  janv.  1854. 

(3)  Wilks.  Gm/s  hosp'dal  Beports,  1863, 

(4)  Wilks  et  Moxon.  Traité  d'anat.  pathol.,  2«  édit.,  1875,  p.  74. 


—  81  — 


celles  du  cerveau  ».  Avec  Hugliling  Jackson,  ils  montrent  que 
l'épaississement  siège  particulièrement  dans  la  tunique  externe  des 
vaisseaux  et  insistent  sur  le  rôle  des  lésions  artérielles  dans  la  déter- 
mination des  accidents  cérébraux  de  la  syphilis  et  notamment  dans 
la  production  du  ramollissement  du  tissu  nerveux. 

En  1874,  parurent  en  Allemagne  les  travaux  de  Heubner  (1)  qui 
donnèrent  à  la  question  un  nouvel  essor  en  la  présentant  sous  un 
aspect  nouveau.  Jusqu'ici,  en  effet,  il  ne  s'agissait  que  d'une  artérite 
gommeuse  associée  à  d'autres  manifestations  anatomiques  de  la 
syphilis.  Heubner  décrit  une  forme  d'altération  artérielle  qu'il  con- 
sidère comme  propre  à  la  syphilis  et  comme  se  produisant  isolément, 
sans  qu'il  y  ait  inflammation  syphilitique  des  parties  voisines,  sans 
syphilome.  Dans  d'autres  cas,  ces  lésions  artérielles  particulières  et 
les  syphilomes  existent  ensemble,  mais  restent  indépendants.  Pour 
l'auteur,  avons-nous  dit,  l'artérite  syphilitique  est  tout  à  fait  spéciale. 
L'altération  débute  par  la  face  interne  de  l'artère,  entre  la  membrane 
fenétrée  et  l'endothélium  ;  elle  est  constituée  par  une  prolifération  de 
cellules  aplaties,  fusiformes  ou  arrondies,  qui  seraient  d'origine 
endotliéliale.  Cette  prolifération  soulève  le  revêtement  endothélial,  il 
en  résulte  que  la  membrane  élastique  qui  à  l'état  normal  est  dans  les 
artérioles  du  cerveau  en  contact  immédiat  avec  l'endothélium,  s'en 
trouve  séparée  par  une  couche  de  nouvelle  formation.  Les  ondulations 
de  la  membrane  fenétrée  sont  effacées.  La  prolifération  ne  se  mani- 
feste ordinairement  d'abord  que  sur  une  partie  du  contour  interne  de 
la  paroi  vasculaire;  ainsi  se  forme  un  bourgeon  latéral  qui  fait  saillie 
dans  la  lumière  du  vaisseau.  Cette  production  diminue  l'élasticité 
de  l'artère,  elle  entrave  sa  dilatation  sous  l'influence  de  l'ondée  san- 
guine, elle  rétrécit  la  lumière  et  peut  être  le  point  de  départ  d'une 
thrombose. 

Le  processus  aurait  donc  une  origine  purement  endartéritique  et 
serait  déterminé  par  l'irritation  directe  du  sang  syphilitique. 
Heubner  a  bien  constaté,  il  est  vrai,  dans  l'épaisseur  de  cette  proli- 
fération, des  débris  de  membrane  élastique  et  des  fd^res  musculaires, 
mais  il  regarde  ces  éléments  comme  étant  de  nouvelle  formation  et 
compare  l'infdtration  à  un  néoplasme  reproduisant  la  structure  des 
artères,  à  un  artériome. 


(1)  Heubker.  Die  luetiseJic  Erkr.  der  Hivmrtcrieti,  etc.,  Leipzig,  1874. 
S.  6 


—  82  — 


Plus  tard,  l'arlérite  qui  a  débuté  par  la  membrane  interne  s'étend 
à  la  tunique  adventice,  il  se  forme  autour  des  vasa-vasorum  des 
dépôts  de  cellules  rondes  provenant  du  sang  par  diapédèse.  11  est  à 
remarquer  que,  tandis  que  la  prolifération  de  l'endartérite  a  pour 
origine,  selon  Heubner,  la  multiplication  des  cellules  de  l'endo- 
thélium  vasculaire,  les  cellules  rondes  qui  infiltrent  la  couche  externe 
viendraient  par  diapédèse  des  capillaires  nourriciers  de  cette  tunique. 
Cependant,  c'est  encore  le  sang  contenu  dans  les  vasa-vasorum  qui 
serait  la  cause  de  l'inflammation  des  petits  vaisseaux. 

La  description  d'Heubner  ne  fut  pas  admise  sans  contestation,  et, 
aujourd'hui  encore,  la  détermination  exacte  du  processus  d'alté- 
ration des  parois  artérielles  n'est  pas  fixée.  Mais  le  grand  mérite 
d'Heubner,  c'est  d'avoir  montré  la  fréquence  des  lésions  artérielles 
dans  la  syphilis  cérébrale  et  leur  rôle  prépondérant  dans  la  produc- 
tion des  symptômes  de  l'encéphalopathie  syphilitique.  C'est  là  une 
notion  qui  reste  acquise  et  que  personne  ne  songe  aujourd'hui  à 
rejeter. 

Tandis  que  Heubner  place  dans  la  membrane  interne  le  point  de 
départ  de  l'artérite,  Baumgar  ten,  Friedlânder,  M.  Lancereaux 
pensent  que  l'inflammation  occupe  d'abord  la  couche  externe. 

Pour  Baumgarten  (i),  l'irritation  se  manifeste  d'abord  dans  les 
vasa-vasorum  et  les  gaines  lymphatiques  de  l'adventice,  la  syphilis 
des  artères  est  une  «  inflammation  granuleuse  des  couches  externes 
à  laquelle  la  prolifération  de  la  membrane  interne  s'ajoute  comme  un 
phénomène  secondaire  et  sans  valeur  anatomique  »  (Virchow's 
ArcJi  iv.,  Bd  LXXXVI,  p.  219).  A  la  suite  de  l'altération  de  la  tunique 
externe,  les  modifications  de  la  circulation  et  de  la  nutrition  qui  en 
résultent  provoquent  dans  l'endartère  une  lésion  qui  peut  se  propager; 
l'endartérite  une  fois  provoquée  peut  évoluer  pour  son  compte  et  se 
prolonger  dans  des  segments  du  vaisseau  où  la  tunique  adventice  est 
saine.  On  aurait  ainsi  la  clef  de  l'apparence  de  certaines  coupes  de 
vaisseaux  qui  n'offrent  qu'un  épaississement  localisé  dans  l'en- 
dartère. 

Pour  appuyer  son  interprétation,  Baumgarten  fait  appel  à  des 

(1)  Baumgarten.  Archic  d.  He'dU.,  Bd  XII,  j).  875.  Virclums  Archiv., 
Bd  LXXIII,  p.  00;  Bd  LXXVI,  p.  268;  Bd  LXXXVI,  p.  179. 


—  83  — 


travaux  antérieurs  qui  lui  sont  propres  (1)  et  à  ceux  de  Riedel  (2) 
sur  la  direction  du  courant  nutritif  dans  la  paroi  des  vaisseaux.  Selon 
eux,  le  sang"  qui  se  meut  dans  la  lumière  du  vaisseau  n'a  pas  grande 
influence  sur  la  nutrition  de  l'endothélium,  mais  les  échanges  nutritifs 
se  font  par  les  branches  capillaires  des  vasa-vasorum.  Le  courant 
nutritif  va  de  dehors  en  dedans  jusqu'aux  cellules  endothéliales, 
même  pour  les  petits  vaisseaux  non  pourvus  de  vasa-vasorum.  Le 
processus  pathologique  suit  la  même  direction  et  l'irritation  com- 
mence par  les  couches  externes  qui,  une  fois  altérées,  agissent  sur  la 
nutrition  des  couches  profondes. 

Friedlânder  (3)  attribue  également  à  la  membrane  externe  le 
rôle  principal  dans  la  détermination  des  lésions  de  la  tunique  arté- 
rielle tout  entière.  Le  processus  n'est,  d'ailleurs,  pour  lui,  nullement 
spécial  à  la  syphilis,  il  est  commun  à  toutes  les  affections  à  granu- 
lations qui  attaquent  particulièrement  la  tunique  adventice  des 
vaisseaux;  les  modifications  des  autres  parties  de  la  paroi  sont  secon- 
daires. 

Cette  opinion  nous  reporte  aux  premières  descriptions  de  l'artérite 
gommeuse. 

M.  Lancereaux  (4),  en  France,  soutient  la  même  opinion,  il  trouve 
dans  l'existence  de  la  gaine  lymphatique  de  Mis,  autour  des  artères 
cérébrales,  étant  donnée  la  prédilection  du  virus  syphilitique  pour 
les  organes  lymphatiques,  la  raison  du  début  de  l'inflammation  par 
la  tunique  externe.  Celle-ci  s'infiltre  a  de  petites  cellules  rondes, 
pourvues  d'un  noyau  volumineux  et  qui  se  groupent  de  façon  à  for- 
mer des  amas  ou  foyers  multiples  autour  desquels  on  observe  ordi- 
nairement des  cellules  géantes  ;  à  la  limite  de  ces  foyers,  les  nouveaux 
éléments  se  développent  de  façon  à  constituer  des  vaisseaux  et  un  tissu 
de  cicatrice;  mais,  au  centre,  où  leur  nutrition  devient  diflicilc,  ils 
subissent  une  transformation  granulo-graisseuse  qui  donne  à  la  nodo- 
sité une  coloration  jaunâtre  et  en  facilite  la  résorption  «. 

En  somme,  les  auteurs  qui  font  de  la  tunique  externe  le  lieu  de 
l'altération  primitive  ne  nient  pas  l'existence  de  l'endartérite  ;  mais 

(1)  Baumgakten.  Virchow's  Arcliir,  Bd  LXXIII,  p.  110. 

(2)  Riedel.  Zeitschr.f.  Chiriirg.,  VT,  p.  459. 

(3)  Friedlaendek.  Centrani.  fur  die  ined.  Wissenschaft.,  janv.  187(). 

(4)  Lancereaux.  Traité  d'cmat.  patlwl.,  t.  11^  1879-1881. 


—  84  - 


elle  est  pour  eux  purement  secondaire,  ce  qui  ne  l'empêche  pas  d'ail- 
leurs d'avoir  un  rôle  très  important  dans  les  accidents  d'oblitération 
artérielle.  La  lésion  décrite  par  Heubner  existe,  mais  l'opinion 
exclusive  de  l'auteur  qui  l'a  décrite  est  exagérée.  Entre  l'opinion  de 
Heubner  et  celle  de  Baumg-arten  et  Lancereaux,  il  faut  placer 
l'interprétation  de  Kôster  (1)  qui  considère  la  lésion  primitive  comme 
étant  une  mésartérite.  L'origine  de  l'irritation  est  dans  les  vasa-vaso- 
rum,  mais  l'inflammation  se  manifeste  d'abord  dans  la  tunique  mus- 
culaire, les  autres  modifications,  en  particulier  l'épaississemeut  de 
l'endartère,  sont  secondaires  et  dues  à  un  envahissement  progressif 
de  l'infiltration.  Quelle  que  soit  l'origine  de  l'infiltration  dans  la  paroi 
du  vaisseau,  l'aboutissant  est  toujours  le  même,  et  les  troubles  dans 
la  mécanique  circulatoire  qui  en  résultent  sont  de  la  plus  grande 
importance. 

Peut-on  trouver  dans  l'évolution  des  lésions  artérielles  une  carac- 
téristique de  la  syphilis?  Heubner  croit  que  l'endartérite  primitive, 
telle  qu'il  l'a  décrite,  est  bien  spécifique  etBaumgarten  même  pense 
que  l'ensemble  de  l'altération  présente  un  caractère  particulier  qui 
permet  de  le  reconnaître  ;  mais  bien  des  auteurs  refusent  tout  carac- 
tère spécifique  à  l'inflammation  syphilitique.  En  présence  d'ailleurs 
des  divergences  d'opinion  sur  le  point  de  départ  de  la  lésion,  il  est 
difficile  de  donner  une  caractéristique  de  la  lésion  à  son  début. 

Quant  à  l'évolution  ultérieure,  elle  se  distinguerait  de  celle  de 
l'athérome  par  l'absence  de  dégénération  calcaire  et  graisseuse.  Cette 
opinion  est  à  peu  près  généralement  admise,  elle  est  considérée  comme 
de  nature  absolument  exclusive  par  Heubner,  par  M.  Lancereaux. 
Elle  semble,  en  effet,  exacte  pour  la  majorité  des  cas.  Il  existe  cepen- 
dant un  certain  nombre  d'observations  qui  pourraient  être  regardées 
comme  des  exceptions  à  cette  loi,  en  particulier  celle  rapportée  par 
Virchow  d'une  jeune  fille  syphilitique  atteinte  de  néphrite  intersti- 
tielle et  dont  l'aorte  était  garnie  de  plaques  sclérotiques.  Huber  (2) 
cite  le  cas  d'une  femme  de  26  ans,  syphilitique  depuis  six  mois, 
chez  laquelle  on  trouva  à  l'autopsie  une  transformation  calcaire  très 
étendue,  surtout  dans  les  artères  des  extrémités,  et  M.  le  professeur 

(!)  KoSTER.  Sitsungsh.  d.  niederrhein.  GesellscJuift.  fur  Natur  und  HeV-k.,  in 
Bonn,  1874,  et  Berlin,  hlin.  Wochenschr 1876,  p.  454. 
(2)  HuBER.  Virchow's  Archiv,  Bd  LXXIX,  p.  537. 


—  85  — 


Cornil(l)  reconnaît  quel'artérite  syphilitique  peut  aboutir  àdes  alté- 
rations qui  rappellent  absolument  l'athérome  artériel. 

A  la  suite  des  travaux  dont  nous  avons  fait  mention,  les  lésions 
artérielles  dans  la  syphilis  cérébrale  deviennent  de  connaissance  clas- 
sique et  nous  citerons  la  thèse  de  Rabot  (2),  la  revue  critique  de 
M.  Hanot  (3)  et  les  leçons  magistrales  de  M.  le  professeur  Four- 
nier  (4),  de  M.  le  professeur  Corn  il  (5);  enfin  une  revue  générale 
de  M.  Thibi erge (6).  En  Allemagne, Rumpf  (7), dans  son  traité  sur 
la  syphilis  du  système  nerveux,  donne  à  la  syphilis  artérielle  une 
place  considérable,  il  considère  les  lésions  de  la  tunique  externe  sur 
lesquelles  M.  Lancereaux  et  B aumgarten  insistaient  comme  les 
plus  importantes.  Le  processus  est  diffus,  mais  il  commence  par  l'in- 
filtration des  vasa-vasorum. 

Les  lésions  artérielles  deviennent  alors,  comme  les  lésions  de  tous 
les  tissus,  une  conséquence  des  modifications  des  vaisseaux  nourri- 
ciers au  contact  du  sang  syphilitique.  La  tunique  musculaire  est 
envahie  secondairement,  de  même  que  l'endartère  ;  mais  dans  cette 
dernière  couche,  l'infiltration  semble  trouver  un  développement  plus 
fa(;ile,  et  présente  un  nouveau  maximum.  La  conséquence  de  l'affec- 
tion est  un  trouble  dans  la  nutrition  du  tissu  dépendant  du  vaisseau 
dont  la  lumière  est  oblitérée  ou  diminuée  de  calibre. 

Les  lésions  que  nous  venons  d'indiquer  ont  surtout  été  constatées 
dans  l'étude  de  la  syphilis  cérébrale,  mais  ces  notions  sont  applicables 
aux  vaisseaux  du  névraxe  tout  entier. 

Bien  que  les  altérations  vasculaires  syphditiques  de  la  moelle  aient 
moins  attiré  l'attention,  il  existe  cependant  un  certain  nombre  d'obser- 
vations qui  prouvent  l'exactitude  de  cette  opinion. 

Au  cours  des  observations  que  nous  avons  précédemment  résumées, 
nous  avons  plusieurs  fois  noté  des  altérations  vasculaires  auxquelles 
toutefois  les  auteurs  ne  semblent  pas  avoir  attribué  grande  impor- 
tance ;  mais  les  faits  suivants  sont  particulièrement  remarquables. 

(1)  CoENTL.  Journal  des  connaissances  médicales,  11  février  1886. 

(2)  Kabot.  Lésions  sijph.  des  artères  cérébrales.  Thèse^  Paris,  1875. 

(3)  Hanot.  De  la  syphilis  cérébrale.  Rei:  des  sciences  méd.,  1877.  t.  IX.  p.  724. 

(4)  FOURNIER.  La  sypliilis  du  cerveau,  1879. 
(h)  CoRNiL.  Leçons  sur  la  syphilis,  1879. 

(6)  Thibierge.  Lésions  artérielles  de  la  syphilis.  Gaz.  des  Mp.,  janvier  1889. 

(7)  Rumpf.  Die  sypldlitischen  Erhranhungen  des  i\'é;•■l;e'»5y^^em«.  Wiesbaden,  1887. 


—  86  — 


En  1876,  Leyden  (1)  publiait  une  observation  que  nous  rapporte- 
rons plus  loin  (obs.  116),  dans  laquelle  l'altération  de  la  moelle  était 
accompagnée  d'une  lésion  vasculaire  importante. 

Eisenlohr  (2)  a  publié  l'histoire  d'un  homme  de  42  ans, 
syphilitique,  qui  fut  pris  de  faiblesse  des  quatre  membres,  lesquels, 
deux  jours  après,  étaient  complètement  paralysés.  Il  succomba  le 
dixième  jour,  à  une  affection  qui  avait  revêtu  l'aspect  d'une  para- 
lysie ascendante  aiguë. 

A  l'autopsie,  on  trouva  deux  foyers  de  ramollissement  dans  la 
moelle  :  un  au  niveau  de  la  troisième  racine  cervicale,  l'autre  dans  la 
région  lombaire  supérieure.  Lésions  vasculaires  considérables. 

Les  observations  suivantes  de  S chultze  (3)  font  également  men- 
tion d'altérations  vasculaires  dans  la  moelle.  Elles  ont  trait  à  cinq 
hommes  qui  étaient  âgés  de  28  à  42  ans. 

Observation  85  (résumée). 

Cas  n"  1.  —  Syphilis  treize  ans  auparavant.  Période  prémonitoire  re- 
présentée par  quelques  phénomènes  cérébraux, puis  attaque  de  paraplégie 
avec  participation  des  sphincters.  Amélioration  par  le  traitement.  Etat 
stationnaire  avec  parésie  des  membres  inférieurs  et  des  muscles  du 
dos,  exagération  des  réflexes  et  intégrité  de  la  sensibilité. 

Mort  à  la  suite  d'une  deuxième  attaque. 

Autopsie.  —  Infiltration  des  méninges,  surtout  dans  la  moelle  allongée, 
leptoméningite  spinale.  Parois  des  vaisseaux  infiltrées  de  cellules. 

Observation  86  (résumée). 

Cas  n»  2.  —  Sujet  à  la  période  secondaire.  Affection  spinale  à  forme 
de  myélite  transverse  aiguë.  Mort  en  dix  mois. 

Autopsie.  —  Myélite  dorsale  avec  épaississement  des  méninges  (pie- 
mère  et  arachnoïde),  dégénération  secondaire  ascendante  et  descendante. 
Altérations  vasculaires  considérables. 

Observation  87  (résumée). 

Cas  n»  3.  —  Sujet  à  la  période  secondaire.  Myélite  transverse  dorsale 
aiguë.  Mort  en  trois  mois. 

(1)  Leyden.  Charité  Annale/i,  1876,  III,  p.  260. 

(2)  Eisenlohr.  Virclww's  Arehiv,  1878,  Bd  LXXIII,  p.  73. 

(3)  SCHULTZE.  Arehiv  fur  Psychiatrie,  1878,  Bd  VIII,  p.  222. 


—  87  — 


Autopsie.  —  Myélite  aiguë  dorsale,  hypertrophie  des  cylindres-axes. 
Dégénérescence  secondaire  ascendante  et  descendante.  Les  méninges 
sont  moins  intéressées  que  dans  le  cas  n"  2,  mais  les  vaisseaux  sont 
tout  aussi  malades. 

Observations  88  et  89  (résumées). 

Cas  no*  4  et  5.  —  Huit  et  douze  ans  après  l'infection. 

Ces  malades  avaient  présenté  les  symptômes  d'une  méningite  spinale 
dorsale.  Après  une  légère  amélioration  suivie  d'état  stationnaire  pen- 
dant plusieurs  années,  ils  avaient  été  pris  de  paraplégie  complète  avec 
lésions  de  décubitus  et  cystite  terminée  par  la  mort. 

A  l'AUTOPSiE,  on  trouvait  un  épaississement  des  méninges,  surtout 
dans  la  région  dorsale,  et  un  épaississement  des  parois  des  vaisseaux. 

Westphal  (1),  étudiant  les  rapports  du  tabesaveclasyphilis,  insiste 
sur  les  lésions  syphilitiques  des  vaisseaux  et  delà  moelle.  L'observa- 
tion de  Greiff  (2)  que  nous  résumerons  (obs.  117)  apporte  de 
nouvelles  connaissances.  Cet  auteur  indique  l'extension  considérable 
des  lésions  aux  vaisseaux  de  la  moelle  et  la  participation  importante 
des  veines. 

Dans  les  artères,  il  constate  une  endartérite  telle  que  l'a  décrite 
Heubner,  mais  aussi  des  modifications  importantes  de  la  tunique 
externe  ;  il  se  rallie  à  l'opinion  de  B  au  m  g  art  en,  tout  en  reconnaissant 
que  l'endartérite  est  indépendante  jusqu'à  un  certain  point,  car  une 
fois  provoquée  elle  peut  s'étendre  sur  des  parties  du  vaisseau  dans 
lesquelles  il  n'existe  pas  de  modifications  des  couches  externes. 

Pour  les  lésions  veineuses,  elles  étaient  très  prononcées,  et  Greiff 
semble  être  le  premier  auteur  qui  ait  insisté  sur  une  altération  qu'on 
a  reconnue  depuis  comme  étant  pour  ainsi  dire  constante  et  même 
prépondérante. 

L'infiltration,  dès  le  début,  intéresse  la  paroi  veineuse  tout  entière. 
L'épaississement  progressif  de  la  paroi  détermine  un  rétrécissement 
de  la  lumière  qui  va  jusqu'à  l'oblitération  complète,  souvent  précédée 
de  thrombose. 

Dans  le  cas  de  Greiff,  il  existait  de  plus  un  épaississement  consi- 
dérable et  une  infiltration  de  la  pie-mère,  particulièrement  au  niveau 

(1)  'Westphal.  Arch.f.  PsycTi.,  1881,  Bd  XI,  p.  230. 

(2)  Greiff.  Arch.  f.  Psych.,  1882,  Bd  XII. 


—  88  — 


de  la  région  cervicale.  L'auteur  cherche  quels  sont  les  rapports  qui 
unissent  l'infiltration  des  méninges  et  les  altérations  vasculaires,  et 
se  demande  si  elles  ne  sont  pas  dépendantes  l'une  de  l'autre.  Baum- 
garten  s'était  déjà  posé  cette  question. 

Greiff  remarque  que  l'infdtration  de  la  pie-mère  est  toujours  heau- 
coup  plus  développée  au  pourtour  des  vaisseaux.  L'infiltration  qui 
débute  par  la  tunique  adventice  agit  sur  la  nutrition  de  toute  la  paroi 
du  vaisseau  et  détermine  des  modifications  de  l'endartère,  en  même 
temps  qu'elle  se  propage  dans  les  régions  voisines  de  la  pie-mère. 
Aussi  peut-on  dans  ces  cas  reconnaître  une  communauté  d'origine  à 
la  méningite  et  à  l'affection  du  vaisseau. 

Cependant,  en  d'autres  points,  il  n'existait  pas  un  pareil  rapport 
entre  les  lésions  de  la  méninge  et  celles  des  vaisseaux.  Les  deux  pro- 
cessus, provoqués  par  la  même  influence  et  souvent  confondus,  pré- 
sentent donc  aussi  une  certaine  indépendance. 

Dans  l'observation  de  Rumpf  (1)  (v.  obs.  118),  avec  un  foyer 
d'altération  transverse  dans  la  région  dorsale  de  la  moelle,  il  n'exis- 
tait que  des  lésions  fort  peu  marquées  des  méninges,  mais  des  alté- 
rations vasculaires  remarquables. 

La  lumière  des  vaisseaux  était  très  rétrécie  et  souvent  absente,  et 
les  parois  vasculaires,  très  altérées,  étaient  composées  d'un  tissu 
fibrillaire  semé  de  noyaux,  sans  qu'il  fût  possible  le  plus  souvent  de 
distinguer  les  différentes  tuniques. 

Sur  des  vaisseaux  moins  malades,  on  constatait  des  lésions  d'endar- 
térite  ;  quant  aux  veines,  elles  présentaient  les  modifications  décrites 
par  Greiff. 

La  couche  externe  des  vaisseaux  était  toujours  entourée  d'une 
gaine  compacte  de  noyaux  qui  se  propageaient  dans  le  tissu  envi- 
ronnant. 

Dans  une  observation  très  complexe  de  syphilis  cérébro-spinale 
rapportée  par  Knapp  (2),  il  est  également  fait  mention  de  lésions 
vasculaires  dans  la  moelle.  Les  artères  offraient  presque  toujours  un 
épaississement  hyalin  de  la  membrane  interne  avec  rétrécissement  de 
la  lumière  et  les  veines  étaient  entourées  et  souvent  comblées  par 
l'infiltration  embryonnaire. 

(1)  KUMPF.  Arch.  f.  Psych.,  1885,  Bd  XVI. 

(2)  Knapp.  Neurol.  Centralhl.,  1885. 


—  89  — 


Les  mêmes  altérations  vasculaires  sont  signalées  dans  plusieurs 
observations  à  côté  de  lésions  plus  ou  moins  étendues  des  méninges  : 
infdtration  diffuse  ou  épaississement  considérable,  sypliilomes  des 
méninges  ou  de  la  moelle  ;  on  pourrait  citer  comme  exemples  les  cas 
de  Jûrgens  (1),  de  Oppenbeim  (2),  de  Siemerling  (3). 

Mais  il  existe  des  cas  où  ces  altérations  vasculaires  sont  pour  ainsi 
dire  absolument  isolées. 

L'observation  de  Scbmauss  (4)  que  nous  rapporterons  (obs.  119) 
est  particulièrement  intéressante.  Dans  ce  cas,  la  destruction  des  élé- 
ments nerveux  qui  constituaient  des  foyers  disséminés  dans  la  moelle 
existait  sans  lésion  du  tissu  même  des  méninges.  Toute  l'inflamma- 
tion était  localisée  dans  les  parois  des  vaisseaux,  et,  remarque  impor- 
tante, les  plus  petits  vaisseaux  étaient  intéressés.  L'altération  des 
vaisseaux  était  même  primitive,  car  la  pie-mère  était  saine,  même  dans 
les  points  où  les  lésions  vasculaires  étaient  le  plus  prononcées.  L'as- 
pect des  vaisseaux  était  d'ailleurs  très  variable,  mais  un  fait  cons- 
tant, c'était  l'infiltration  des  gaines  lympbatiques  périvasculaires  et 
de  la  tunique  adventice.  La  tunique  moyenne  semblait  cependant  par- 
fois le  point  de  concentration  de  l'infiltration.  L'endartère  était  aussi 
souvent  très  développé  et  tantôt  présentait  les  apparences  d'une  infil- 
tration cellulaire,  tantôt  formait  un  épaississement  hyalin.  L'endar- 
térite  était  souvent  prédominante  et,  sur  certaines  coupes,  existait 
sans  lésions  des  couches  externes. 

Néanmoins  Schmauss  la  regarde  comme  secondaire,  bien  que 
possédant  une  certaine  indépendance.  Quand  elle  se  montre  isolée, 
c'est  qu'une  fois  provoquée  par  l'altération  de  la  tunique  externe,  elle 
s'est  étendue  au  loin,  ou  bien  que  l'affection  des  couches  externes  a 
rétrogradé. 

Ce  qui  caractérise  l'affection  des  parois  artérielles,  c'est  la  parlici- 
pation  de  toutes  les  couches  {panartérile).  L'auteur  constate  que, 
dans  la  syphilis  médullaire,  les  lésions  vasculaires,  qui  existent  d'ail- 
leurs dans  les  cas  de  sypliilomes  de  la  moelle,  peuvent  se  montrer 
isolées,  tout  en  reconnaissant  le  même  processus,  et  constituer  une 
forme  d'artérite  syphilitique  diffuse. 

(1)  JuRGENS.  Charité  Annaleii,  1885. 

(2)  Oppenheim.  Berliner  Idin.  Wochenschr.,  1888. 

(3)  Siemerling.  Archiv.f.  PgycU.,  1889.  BdXX. 

(4)  Schmauss.  Beutsches  Archiv.fûr  Idinisohe  Mcdiein.  Bd  XLIV,  p.  244. 


—  90  — 


Il  faut  rapprocher  de  l'observation  de  Schmauss  le  cas  rapporté 
par  Môller  (1)  (v.  obs.  120). 

Chez  un  homme  syphilitique  depuis  un  an  et  demi  environ,  survient 
une  paraplégie  brusque  qui  détermine  la  mort  en  cinq  semaines.  On 
trouva  dans  la  moelle  un  foyer  de  ramollissement  dans  la  région  dor- 
sale moyenne.  Or  les  lésions  des  méninges  étaient  excessivement 
discrètes  et  limitées  aux  régions  voisines  des  vaisseaux  sur  lesquels 
se  concentrait  l'inflammation. 

Les  lésions  vasculaires,  répandues  sur  toute  la  hauteur  de  l'axe 
S]nnal,  dans  l'épaisseur  de  la  pie-mère  comme  dans  la  moelle,  étaient 
particulièrement  développées  à  la  hauteur  du  foyer  d'altération 
médullaire. 

Les  artères  et  les  veines  étaient  également  intéressées,  mais  dans 
ce  cas,  les  lésions  des  artères  étaient  particulièrement  prononcées 
dans  la  tunique  interne,  dont  l'épaississement  hyalin  était  souvent 
poussé  jusqu'à  l'oblitération  complète  de  la  lumière.  Les  couches 
externes  sont  moins  atteintes  et  plus  tardivement.  L'auteur  insiste 
particulièrement  sur  la  dégénérescence  liyaline  des  parois  artérielles 
ou  veineuses,  processus  qui  peut  aller  jusqu'à  la  transformation  du 
vaisseau  en  un  cordon  plein  et  hyalin,  et  sur  les  néoformations  des 
capillaires  dans  les  parois  épaissies. 

Les  deux  cas  de  Schmauss  et  de  Môller  constituent  des  formes 
anatomiques  remarquables  par  la  localisation  exclusive  du  processus 
inflammatoire  sur  les  vaisseaux.  D'autre  part,  le  tableau  clinique  a 
été  dans  les  deux  cas  d'une  netteté  remarquable  :  après  quelques  phé- 
nomènes prémonitoires,  la  paraplégie  survient  brusquement  et  déter- 
mine la  mort  après  une  courte  durée  de  l'affection.  Il  est  impossible 
de  ne  pas  établir  un  rapprochement  entre  un  tableau  clinique  aussi 
caractéristique  et  le  ramollissement  cérébral  par  artérite  syphilitique. 

Mais  nous  avons  vu  que  dans  des  formes  moins  pures,  tant  au  point 
de  vue  clinique  qu'anatomique,  des  lésions  vasculaires  avaient  été 
signalées  :  elles  devaient  certainement  jouer  un  rôle  important  dans 
la  production  des  lésions  du  parenchyme  nerveux  elles  manifestations 
cliniques. 

Dans  trois  observations  très  complexes  dues  à  Siemerling  (2)  et 

(1)  MOELLEB.  Arch.f.  Demi.,  und  XIII,  1891. 

(2)  SiEMEELING.  Arch.f.  Psyoh.,  1891.  Bel  XXII. 


-  91  — 


que  nous  résumerons  (obs.  121,  122,  123),  les  lésions  sont  multiples. 
A  côté  de  l'infiltration  et  de  l'épaississement  des  méninges,  de  l'enva- 
hissement plus  ou  moins  étendu  du  parenchyme  nerveux  par  cette 
infiltration  qui,  dans  les  trois  cas,  revêt  la  forme  de  foyers  circonscrits, 
on  trouve  des  lésions  destructives  du  tissu  nerveux  accompag-nées  de 
ramollissement  ou  de  sclérose.  L'auteur  a  également  noté  de  petits 
foyers  hémorrhagiques  qui  sont  attribuables  aux  troubles  circulatoires 
résultant  des  altérations  vasculaires  considérables  constatées  dans  les 
trois  cas. 

Siemerling  observe  que  les  veines  sont  beaucoup  plus  atteintes 
que  les  artères,  dont  les  grosses  branches  au  moins  sont  relativement 
saines  ;  mais  il  fait  cette  remarque  importante  que,  dans  les  petits 
vaisseaux  dont  la  nature  artérielle  ou  veineuse  reste  indécise,  les 
lésions  sont  très  accentuées. 

On  pourrait  encore  citer  trois  observations  dues  à  Goldflam  (1), 
dans  lesquelles  les  lésions  vasculaires  étaient  très  prononcées 
(obs.  124,  125,  126). 

Dans  sept  cas  inédits  dont  nous  donnons  plus  loin  l'étude  micros- 
copique, les  lésions  vasculaires  étaient  absolument  prédominantes 
et  c'est  à  elles  que  nous  croyons  devoir  rapporter  les  altérations 
principales  du  tissu  nerveux  et  les  symptômes  capitaux  du  tableau 
clinique. 

En  somme,  les  altérations  vasculaires  ont  été  signalées  dans  toutes 
les  formes  de  myélopathie  syphilititjue. 

Dans  les  cas  où  les  lésions  méningées  étaient  très  marquées  et  for- 
maient des  épaississements  considérables  (B  u  1 1  e  r  s  a  c  k,  0  p  p  e  n  h  e  i  m , 
Jurgens,  Siemerling,  Greiff). 

Dans  ceux  où  l'infiltration  méningée,  bien  que  diffuse  et  très  éten- 
due, était  seulement  appréciable  au  microscope  (Leyden,  Julliard, 
Gilbert  et  Lion,  Schultze,  Oppeuheim,  Rumpf,  Sachs, 
Hoppe,  Lamy). 

Dans  les  cas  de  gommes  des  méninges  ou  de  la  moelle  (Savard, 
Baumgarten,  Siemerling). 

Enfin  dans  de  nombreuses  autopsies  où  les  méninges  étaient  saines 
alors  que  les  altérations  de  la  moelle  étaient  considérables  (Strùm- 

(1)  Goldflam.  Wiener  Klinilt,  févr.,  mars  189.3. 


—  92  — 


pell,  Savard,  D  ejer  ine,  B  r eteau,  Walker,  Schmauss,  Mol- 
le r). 

Les  altérations  vasculaires  dans  la  syphilis  médullaire  sont  des 
plus  précoces,  elles  s'accompagnent  généralement  d'une  inflammation 
diffuse  du  tissu  même  de  la  pie-mère,  mais  peuvent,  dans  certains  cas, 
constituer  à  elles  seules  les  lésions  primitives. 

Quoi  qu'il  en  soit,  les  modifications  de  la  membrane  nourricière  de 
la  moelle  sont  les  premières  en  date,  et  c'est  d'elles  que  relèvent  les 
modifications  du  parenchyme  médullaire. 

Nous  avons  vu,  dans  les  observations  précédemment  relatées,  que 
le  ramollissement  de  la  substance  médullaire  était  une  des  formes 
anatomiques  les  plus  fréquentes  de  l'altération  du  tissu  médullaire 
et  qu'il  était  constant  dans  les  formes  à  évolution  rapide.  Nous  attri- 
buons cet  état  aux  troubles  circulatoires  qui  résultent  des  lésions 
vasculaires. 

Il  est  important  de  rechercher  quel  peut  être  le  mécanisme  du  ra- 
mollissement ischémique  de  la  moelle,  quelle  est  l'évolution  ultérieure 
de  cette  altération  et  si  les  symptômes  cliniques  qui  y  répondent 
sont  de  nature  à  éclairer  le  tableau  symptomatique  de  la  paraplégie 
syphilitique. 

I  4.  —  li'iscliémic  de  la  moelle  et  le  ramollissement  médullaire. 

L'histoire  des  lésions  consécutives  aux  troubles  circulatoires  de  la 
moelle  est  restée  assez  obscure;  cependant  l'étude  expérimentale  est 
venue  jeter  un  certain  jour  sur  cette  question. 

Les  physiologistes  ont  tenté,  par  plusieurs  procédés,  de  déterminer 
un  arrêt  plus  ou  moins  prolongé  de  la  circulation  dans  des  territoires 
d'étendue  variable  de  la  moelle.  Mais  ici  les  difficultés  sont  beaucoup 
plus  grandes  que  pour  le  cerveau,  et  les  métliodes  employées,  forcé- 
ment assez  grossières,  ont  fourni  des  résultats  naturellement 
variables.  Nous  verrons  qu'ils  sont  toutefois  suffisamment  concluants 
dans  leur  ensemble. 

Les  deux  méthodes  employées  furent,  soit  la  ligature  de  l'aorte 
abdominale  produisant  l'anémie  d'un  segment  étendu  de  la  moelle, 
soit  l'injection  par  l'artère  crurale  de  poudres  inertes  dans  la  direc- 
tion du  cœur.  Ces  particules,  lancées  dans  les  artères  collatérales  de 


—  93  — 


l'aorte,  aboutissent  aux  terminaisons  spinales  de  ces  artères  et  pro- 
duisent autant  d'embolies. 

La  première  de  ces  expériences  fut  tentée  d'abord  par  Nicolas 
Stenon  (1)  (1067)  qui.  liant  l'aorte  abdominale  chez  des  poissons, 
observa  à  la  suite  la  cessation  des  mouvements  volontaires  dans  la 
moitié  postérieure  du  corps. 

Cette  expérience  a  été  depuis  répétée  bien  des  fois,  notamment  par 
M.  Brown-Séquard  (2),  Stannius  (3)  qui  attribuèrent  la  para- 
lysie produite  à  l'arrêt  de  la  circulation  dans  les  parties  périphériques 
du  train  postérieur  de  l'animal,  puis  par  Dubois-Rey mond  (4). 

S  chiff  er  (5),  qui  reprit  l'expérience,  conclut  que  la  paralysie  est  due 
à  l'anémie  de  la  portion  terminale  de  la  moelle  où  la  circulation  est 
interrompue  par  la  ligature  au-dessus  des  origines  des  artères  inter- 
costales et  lombaires. 

Weill  (6)  a  confirmé  les  conclusions  de  Schiffer,  il  a  signalé  au 
niveau  des  régions  inférieures  de  la  moelle  des  modifications  dans 
la  coloration  du  tissu  nerveux,  des  stases  sanguines  et  du  ramol- 
lissement. 

Afin  de  rendre  l'anémie  de  la  moelle  plus  complète  en  supprimant 
les  voies  de  suppléance,  Kussmaul  et  Tenner  (7)  ont  lié  au  préa- 
lable les  artères  vertébrales.  Dans  ce  cas,  la  paralysie  se  produisait 
en  une  minute  et  aboutissait  à  la  mort  par  arrêt  de  la  respiration. 

Ehrlich  et  Brieger  (8),  liant  l'aorte  pendant  une  heure  chez  un 
lapin,  trouvèrent  un  ramollissement  de  la  substance  grise. 

(1)  Nicolas  StÉNON.  Elcmcntonint  nujulogiœ  spécimen.  Florentise,  16G7,  p.  87. 
D'après  Haller,  Elementa,  plujHldutjkc,  1766,  t.  IV,  lib.  XI,  motus  atûmnlin,  p.  544, 
l'expérieuce  «  quod  vulgo  Steuonio  tribuitur  »  a  été  d'abord  pratiquée  par  SWAM- 
MERDAM,  Tractatus  pliTjsico-medicus  de  rexpinittone,  Th.  de  doct.,  Leyde^ 
1667,  p.  62. 

(2)  Beown-SÉQUAED.  Coiiqjtes  rendus  de  l'Acad.  des  se,  1851,  t.  XXXII, 
p.  855. 

(3)  Stannius.  Untersuchungen  ûber  Leistuugsfahigkeit  der  Muskeln  und  Tod- 
tenstarre.  Vierordt's  Archic.fûr  physlolog.  Hcilk.,  Jahrg.  XI,  p.  1-28;  1853. 

(4)  Dubois-Reymond.  Abilnderung  des  Stenson'schen  Versuches  fur  Vorlesungen. 
Arch.f.  Anat.  vnd  Phys.,  1860,  p.  639. 

(5)  Schiffer.  Ueber  die  Bedeutung  des  Steuson'scheu  Versuches.  Ceutmlblatt 
fur  die  meà.  Wissenschaften,  n""^  37,  38  ;  186'.i. 

(6)  Weill.  Thèse  de  Strasbourg,  1873. 

(7)  Kussmaul  et  Tenner.  Ueber  den  Ursprung  der  fallsuchtartigen  Zuckun- 
gen,  etc.  Moleschott' s  Untersuchungen  zur  Naturlehre,  1857^  Bd  III,  p.  59. 

(8)  Eelich  et  Brieger.  Ueber  die  Auschaltung  des  Lendenmarkgrau.  Zeitschr. 
f.  Min.  Medioin,  Bd  VII,  p.  155,  svpplemenheft,  1884. 


-  94  — 


L'autre  procédé  a  été  mis  en  usage  par  Panum  (1)  qui  répéta 
plusieurs  fois  l'expérience  suivante  :  il  introduisait  chez  des  chiens 
une  mince  sonde  en  gomme  dans  l'artère  crurale,  en  la  dirigeant  vers 
le  cœur,  jusqu'au  niveau  du  bord  inférieur  de  la  dernière  côte  et 
injectait  dans  le  sang  une  émulsion  de  petites  boulettes  de  cire  noire. 

Le  résultat  était  une  paralysie  presque  immédiate  de  la  sensibilité 
et  du  mouvement  dans  les  membres  postérieurs,  avec  perte  de  l'exci- 
tabilité réflexe. 

Les  boulettes  de  cire  noire  furent  retrouvées  dans  les  vaisseaux 
médullaires  élargis  et  souvent  entourés  d'extravasats  sanguins  ;  il  y 
avait  de  plus, dans  les  parties  atteintes  de  la  moelle, un  ramollissement 
rouge,  d'autant  plus  marqué  que  la  survie  de  l'animal  avait  été  plus 
prolongée. 

Cohn  (2),  avec  la  même  expérience,  observa  les  mêmes  résultats 
fonctionnels  durant  la  vie  de  l'animal, mais  ne  retrouva  pas  à  l'autopsie 
les  mêmes  lésions. 

En  France,  Flourens,  Yulpian  (3)  injectèrent  par  le  même  pro- 
cédé, dans  les  vaisseaux  spinaux  de  chiens,  de  la  poudre  de  lycopode 
ou  des  grains  de  tabac  en  suspension  dans  une  vingtaine  de  centi- 
mètres cubes  d'eau.  Vulpian  constata  l'oblitération  des  artères  spi- 
nales avec  ramollissement  rouge  hémorrhagique  de  la  substance  grise 
de  la  moelle  dans  les  parties  correspondantes.  Le  ramollissement 
survient  très  rapidement,  dès  la  vingtième  ou  la  trentième  heure. 

P.  Bert  s'appuyait  sur  ces  faits  pour  expliquer  la  paraplégie  et  la 
mort  qui  surviennent  chez  les  animaux  soumis  à  une  dépression 
atmosphérique  brusque.  Dans  ces  conditions,  les  gaz  dissous  dans  le 
sang  sous  l'influence  de  la  pression  plus  forte  antérieure  sont  mis  en 
liberté,  et  forment  de  nombreuses  embolies  dans  les  petits  vaisseaux, 
en  particulier  dans  les  capillaires  des  centres  nerveux. 

Les  résultats  obtenus  par  les  expérimentateurs  présentent  quelques 

(1)  Panum.  Ueber  den  Tod  durch  Embolie,  Gûnzhurg's  Zeitsohrift,  185(5.  Bd 
VII,  p.  401. 

—  Experimentelle  Beitrâge  zur  Lehre  von  der  Embolie.  Virchow' s  Archiv.  Bd 
XXV,  1862,  p.  303-339  et  433-561. 

—  Experimentelle  Tinter suckmig en  zv/r  Physiol.  und  Path.  der  EmMie,  transfu- 
sion und  Blutmenge.  Berlin,  1864. 

(2)  CoHN.  Xlinik  der  emlolischen  Oefâsshranhheiten,  p.  407-410,  Berlin,  1860. 

(3)  Vtjlpiân.  Durée  de  la  persistance  des  propriétés  des  muscles,  des  nerfs  et  de 
la  moelle,  etc.  Gaz.  hehdom.,  1861,  p.  365-411 


—  95  — 


diiïérences,  ce  qui  se  conçoit,  étant  donné  le  peu  de  précision  de  la 
méthode  employée.  Cependant  deux  faits  principaux  résultent  de  ces 
expériences,  ce  sont:  au  point  de  vue  fonctionnel,  la  production  d'une 
paraplégie,  et  au  point  de  vue  anatomique,  le  ramollissement  de  la 
moelle. 

Les  autres  symptômes  observés  sont:  l'anestliésie  des  parties 
atteintes,  la  paralysie  des  sphincters.  Des  troubles  trophiques  graves 
sont  aussi  fatalement  la  conséquence  d'un  ramollissement  iscliémique 
étendu. 

Quelques  auteurs  ont  observé  chez  les  animaux  en  expérience,  au 
moment  de  la  ligature,  des  convulsions  accompagnées  de  violents  cris 
de  douleur;  Yulpian  attribuait  ces  phénomènes  à  une  période  pen- 
dant laquelle  la  circvilation  était  insuffisante,  avant  de  cesser  complè- 
tement, remarquant  que  cette  phase  d'agitation  et  de  symptômes 
douloureux  précède  la  paralysie.  Mayer  (1),  au  contraire,  les  consi- 
dère comme  résultant  de  l'arrêt  brusque  et  complet  de  la  circulation. 
C'est  en  effet  lorsqu'il  avait  pris  soin  de  supprimer  au  préalable  les 
voies  de  suppléance,  par  la  ligature  des  vertébrales  ou  des  carotides, 
qu'il  observait  cette  phase  de  convulsion  à  la  suite  de  l'occlusion  de 
l'aorte. 

Quoiqu'il  en  soit,  nous  retiendrons  ce  fait  importani  que  des  (roubles 
circulatoires  de  la  moelle  sont  capables  de  provoquer  des  sensations 
subjectives  très  vives. 

Les  altérations  médullaires  déterminées  par  l'anéniie  vasculaire 
ont  été  récemment  étudiées  par  Spronck  (2)  (d'Utrecht),  qui  a  repris 
l'expérience  de  Sténon  avec  le  procédé  opératoire  de  Dubois- 
Raymond.  Chez  des  lapins,  il  passait  un  fil  au-devant  de  l'aorte  au 
moyen  d'une  aiguille  courbe  qu'il  faisait  pénétrer  à  travers  la  région 
lombaire,  sur  le  côté  de  la  quatrième  vertèbre  lombaire.  Le  fil  ressor- 
tait par  le  point  symétrique  du  côté  opposé.  Il  était  alors  possible, 
en  faisant  une  ligature,  de  serrer  l'aorte  contre  la  colonne  vertébrale 
pour  interrompre  le  cours  du  sang,  et  de  laisser  reprendre  la  circu- 
lation en  dénouant  la  ligature. 

(1)  Mayee  (Sigmund).  Zur  Lehre  von  der  Anâmie  des  Rûckenmarks.  Zeitschr.  f. 
He/âh.,  1883,  Bd  IV,  p.  26. 

(2)  Spronck  (d'Utrecht).  Contribution  :i  l'étude  expérimentale  des  lésions  de  la 
moelle  épinière  déterminées  par  l'anémie  passagère  de  cet  organe.  Archives  de 
physiologie,  janvier  1888. 


—  96  — 


Spronck,  en  faisant  varier  la  durée  de  l'occlusion  de  l'aorte,  a 
cherché  à  déterminer  le  temps  nécessaire  pour  produire  dans  la 
moelle  une  lésion  anatomique  et  une  paralysie  persistantes.  Les 
résultats  ont  été  assez  variables  :  c'est  ainsi  que,  dans  un  certain 
nombre  de  cas,  une  interruption  de  dix  minutes  de  durée  a  suffi 
pour  produire  une  paralysie  persistante,  tandis  que  dans  d'autres  cas 
les  symptômes  ne  duraient  pas,  même  après  une  ligature  d'une  demi- 
heure. 

Quoiqu'il  en  soit,  après  une  heure  d'interruption  de  la  circulation, 
les  lésions  anatomiques  sont  constituées,  le  parenchyme  nerveux  est 
frappé  de  mort  et  les  symptômes  paralytiques  persistent. 

Notons  rapidement  les  symptômes  fonctionnels  et  les  lésions  ana- 
tomiques qui  résultent  de  l'anémie  aiguë  de  la  moelle.  Quelques 
secondes  après  la  ligature,  le  train  postérieur  de  l'animal  devient 
insensible,  puis  perd  ses  mouvements.  Il  survient  ensuite  des  convul- 
sions cloniques,  la  paralysie  se  complète  et  intéresse  les  spliinc- 
ters  du  rectum  et  delà  vessie. 

Si  une  heure  après  on  lâche  la  ligature,  la  circulation  se  rétablit, 
mais  les  symptômes  persistent. 

Pendantla  première  semaine,  la  paraplégie  est  flasque,  les  mem- 
bres sont  souples  et  flexibles,  mais  au  bout  d'une  dizaine  de  jours, 
la  contracture  se  manifeste  ;  il  y  a  d'abord  une  flexion  légère  des 
membres,  puis  les  muscles  se  raidissent  progressivement  et  les 
membres  sont  fixés  en  flexion. Dans  la  suite, il  survient  rapidement  de 
l'amaigrissement  avec  atrophie  musculaire  des  régions  paralys^ées 
(membres  postérieurs,  régions  dorsale  postérieure  et  lombaire),  des 
troubles  trophiques  des  poils  et  de  la  peau,  enfin  des  escarres.  Ces 
accidents  graves  du  décubitus  sont  assez  difficiles  à  éviter,  cependant 
onparvient  àenpréserver  les  animaux  pendantassezlongtempspar  des 
soins  minutieux.  Ehrlich  et  Brieger  ont  pu  ainsi  garder  un  lapin 
vivant  pendant  six  semaines  et  Spronc  k  en  a  conservé  un  trente- 
deux  jours. 

Le  résultat  de  l'anémie  de  la  moelle  est  la  nécrose  des  éléments 
nerveux  et  le  ramollissement  du  parenchyme.  Toutefois  les  lésions 
matérielles  ne  se  manifestant  pas  immédiatement,  et  bien  que  les  élé- 
ments soient  frappés  de  mort,  ils  ne  présentent  de  modifications  appré- 
ciables que  dans  le  courant  du  deuxième  jour. 


C'est  la  substance  grisequi  est  altérée  la  première  :  au  bout  de  deux 
jours,  les  cellules  nerveuses  se  chargent  de  granulations  qui  peuvent 
être  assez  abondantes  pour  masquer  le  noyau;  les  prolongements 
protoplasmiques  de  second  ordre  disparaissent.  Le  prolongement  de 
Deiters  persiste  plus  longtemps,  cependant  le  troisième  jour  il  est 
séparé  du  corps  cellulaire,  variqueux  et  fragmenté. 

Dans  les  jours  suivants,  la  cellule,  complètement  informe,  est  rem- 
placée par  un  amas  de  granulations  graisseuses.  Chez  le  lapin  qui 
avait  survécu  trente-deux  jours,  les  cellules  nerveuses  avaient  disparu 
dans  la  région  ramollie. 

Les  fibrilles  nerveuses  de  la  substance  grise  deviennent  variqueuses 
dès  le  troisième  jour,  les  cylindres-axes  hypertrophiés  sont  monili- 
formes  et  granuleux,  la  gaine  de  myéline  distendue  se  fragmente. 

Les  détritus  de  ces  éléments  s'entassent  ensuite  irrégulièrement 
dans  les  mailles  de  la  névroglie. 

Au  bout  de  six  jours,  tous  les  éléments  nerveux  de  la  corne  anté- 
rieure sont  réduits  en  granulations.  Beaucoup  de  ces  granulations, 
d'origine  myélinique  (granulations  érythrophiles),  se  colorent  par  la 
méthode  de  Weigert,  elles  sont  absorbées  par  de  petites  cellules 
granuleuses  qui  constituent  les  corps  granuleux. 

Les  tubes  nerveux  de  la  substance  blanche  sont  également  altérés, 
mais  un  peu  plus  tardivement.  Pour  Ehrlichet  Brieger,  ils  ne 
sont  atteints  que  dans  le  cours  de  la  deuxième  semaine;  mais 
Sproncka  constaté  au  bout  de  deux  jours  des  altérations  manifestes. 
Dans  beaucoup  de  tubes,  le  cylindre-axe  se  gonfle, il  se  colore  en  rose 
clair  par  le  carmin;  la  gaine  de  myéline  amincie  est  dilatée  ;  les  tubes 
vus  en  coupe  longitudinale  sont  moniliformes.  Puis  les  gaines  se 
fragmentent  ainsi  quelescylindres-axes,  les  granulations  érythrophiles 
sont  mises  en  liberté,  et  tous  ces  détritus  forment  une  matière  granu- 
leuse qui  remplit  les  mailles  de  la  névroglie. 

Le  tissu  interstitiel,  de  son  côté,  subit  d'importantes  modifications. 
Les  vaisseaux  capillaires,  artérioles  et  veinules,  présentent  des  dilata- 
tions, on  constate  également  de  petites  hémorrhagies  capillaires  assez 
-  rares. 

Dès  les  premiers  jours,  on  trouve  une  augmentation  dans  le  nom- 
bre des  éléments  cellulaires  ;  les  noyaux  de  la  névroglie  sont  tuméfiés, 
globuleux,  entourés  d'un  protoplasma  grenu  devenu  plus  abondant, 
S.  7 


-  98  — 


puis  ils  se  multiplient.  Cette  hyperplasie  est  surtout  manifeste  le 
quatrième  jour,  et  se  traduit  par  de  nombreuses  figures  caryokiné- 
tiques,  surtout  dans  les  parties  centrales  de  la  substance  grise. 

Il  existe  également  des  cellules  lymphoïdes,  qui  se  chargent  de 
granulations  graisseuses  et  absorbent  les  granulations  éry  throphiles. 
Les  corps  granuleux  s'amassent  souvent  dans  les  gaines  lympatiques 
périvasculaires. 

Au  bout  d'un  certain  temps,  le  parenchyme  est  constitué  par  une 
substance  réticulaire  chargée  de  nombreux  noyaux  ;  dans  les  mailles 
de  ce  tissu,  se  trouvent  les  débris  des  éléments  nerveux  qui  forment 
une  matière  granuleuse. 

En  somme,  ces  lésions  passent  par  plusieurs  phases.  A  la  suite  de 
la  nécrose  anémique  des  éléments,  il  se  produit  un  ramollissement 
du  tissu  et  Spronck  a  constaté  que  la  moelle  était  ramollie  le  qua- 
trième jour.  Puis  survient  une  phase  de  réaction  du  tissu  interstitiel 
qui  prolifère  et  tend  à  prendre  la  place  des  éléments  détruits;  le  tissu 
de  cicatrice  se  forme  et  la  moelle  reprend  une  consistance  plus  ferme, 
ainsi  que  l'a  noté  Spronck,  vers  le  douzième  ou  le  quinzième  jour. 

Dans  les  expériences  de  Ehrlich  et  Brieger,  de  Spronck, 
c'était  surtout  la  substance  grise  des  régions  anémiées  qui  subissait 
la  fonte  nécrobiotique,  les  cordons  blancs  n'étaient  atteints  que  dans 
une  faible  étendue.  Les  auteurs  ont  considéré  la  dégénération  des 
tubes  nerveux  de  la  substance  blanche  comme  secondaire  à  la  destruc- 
tion de  la  substance  grise,  s'appuyant  sur  ce  fait  que  le  système 
radiculaire  postérieur,  dont  le  centre  trophique  est  extramédullaire, 
était  généralement  respecté,  tandis  que  les  racines  antérieures  dégé- 
néraient. 

Dans  ces  cas  particuliers,  où  l'anémie  n'était  que  passagère,  il  est 
possible  que  les  tubes  qui  ont  leur  centre  trophique  dans  les  ganglions 
rachidiens  offrent  plus  de  résistance  que  les  tubes  d'origine  médul- 
laire, mais  il  est  fort  probable  que  des  tubes  nerveux  traversant  des 
régions  dont  l'anémie  serait  persistante  subiraient  également  les 
effets  de  cet  arrêt  prolongé  de  la  circulation. 

11  est  donc  facile  de  déterminer  le  ramollissement  médullaire  isché- 
mique  et  d'en  étudier  l'évolution;  mais  les  faits  analogues  dans  la 
pathologie  humaine  sont  excessivement  rares.  On  connaît  cependant 
un  certain  nombre  d'observations  de  paralysie  des  membres  inférieurs 
à  la  suite  d'oblitération  de  l'aorte. 


—  99  — 


Les  cas  les  plus  célèbres  sont  ceux  de  : 
ScHLEsiNGER.  Câsper's  Wochenschinft,  1836. 
RoMBEUG.  Lehrbuch  der  Nervenkrankheiten,  1844,  p.  722-730. 
GuLL.  Paraplegia  from  oblitération  of  the  abdominal  aorta.  Guy's 

hospit.  Reports,  1851. 
MuRCHisoN.  Transact  of  the  pathol.  Society  of  London,  1863. 
0.  Hjelt.  Cité  par  Leyden.  Maladies  de  la  moelle  épinière,  trad. 

franc,  1879,  p.  379,  note. 
PsiLANDER  (d'Upsal).  Caustatt's  JahresbeHcht,  1869,  Bd  II,  p.  81. 
Tutscheck.  Ein  Fall  von  vollstândiger  Verstopfung  der  aorta,  etc., 

Mùnchen,  1873.  Mrtzt.  Intelligenzblatt. 
Barnes.  Amer.  Journ.  of  med.  Soc,  janvier  1873. 
Leyden.  Anémie  et  ischémie  de  la  moelle.  Traité  des  maladies  de 

la  moelle,  1879,  p.  378. 
Barth.  Oblitération  complète  de  l'aorte.  Archives  gén.  de  médecine, 

1885,  2^  série,  t.  III. 

Mais  dans  ces  cas,  il  est  assez  difficile  de  faire  la  part  des  symptômes 
qui  pouvaient  avoir  une  origine  spinale;  il  semble  même  que,  dans  la 
plupart  des  cas,  il  s'agissait  de  paralysies  et  de  gangrènes  causées 
par  l'arrêt  de  la  circulation  dans  les  membres  inférieurs,  d'origine 
périphérique,  par  conséquent. 

L'embolie  pathologique  de  la  moelle  est  aussi  un  phénomène 
extrêmement  rare,  ce  qui  se  conçoit  en  raison  de  l'exiguïté  des  vais- 
seaux spinaux  et  de  leur  insertion  à  angle  droit  sur  l'axe  des  branches 
d'origine. 

En  1860,  Cohn  (1)  déclare  n'en  connaître  aucune  observation.  On 
cite  aujourd'hui  celle  de  Tuckwell  (2)  :  chez  un  garçon  de  14  ans, 
atteint  d'affection  cardiaque,  qui  succomba  à  la  suite  d'une  violente 
chorée  avec  délire  maniaque,  on  trouva,  à  l'autopsie,  dans  le  cerveau, 
deux  foyers  récents  de  ramollissement,  avec  un  bouchon  embolique 
dans  l'artère  cérébrale  postérieure. 

Dans  la  moelle,  il  existait,  au  niveau  des  régions  cervicale  inférieure 
et  dorsale,  un  ramollissement  central  qui  intéressait  les  cordons  pos- 
térieurs dans  leur  partie  antérieure.  Au  centre  du  foyer  de  ramoUis- 

(1)  Cohn.  Loc.  cit.,  p.  410. 

(2)  Tuckwell.  Some  remarks  on  maniacal  chorea  and  its  probable  connexion 
■with  embolism,  illustrated  by  a  case.  British  anâforeiga  mcd.  iîeview,  octobre  1867. 


—  100  — 


sèment,  existait  une  petite  artère  oblitérée.  Dans  le  cœur,  les  valvules 
mitrale  et  tricuspide  étaient  revêtues  de  végétations. 

Leyden  (1)  rapporte  aussi  deux  observations  d'embolies  capillaires 
de  la  moelle  chez  des  sujets  morts  d'endocardite  ulcéreuse. 

Les  lésions  qui  atteignent  les  parois  des  vaisseaux  et  déterminent 
le  rétrécissement  de  leur  calibre  ou  leur  oblitération,  sont  vraisem- 
blablement aussi  capables  d'entraver  la  circulation  et  de  donner  lieu 
à  des  lésions  nécrobiotiques  ;  néanmoins,  cette  conception  n'a  guère 
été  développée  par  les  auteurs,  et  c'est  seulement  dans  ces  dernières 
années  qu'elle  a  été  mise  en  lumière. 

11  semble  qu'un  tel  processus  eût  dû  déjà  être  décrit  depuis  long- 
temps, mais  il  s'est  produit  pour  la  pathologie  de  la  moelle  le  même 
fait  que  pour  l'histoire  du  ramollissement  cérébral.  Avant  que  l'idée 
du  ramollissement  ischémique  du  cerveau  ait  été  acceptée,  toutes  les 
lésions  étaient  regardées  comme  le  résultat  d'une  inflammation.  Aussi 
bien  est-il  certain  que  bon  nombre  de  ramollissements  de  la  moelle 
décrits  comme  étant  de  nature  inflammatoire  n'étaient  vraisemblable- 
ment que  des  ramollissements  d'origine  ischémique. 

Cette  dernière  opinion  a  été  soutenue  récemment,  ainsi  que  nous  le 
verrons.  Cependant  déjà  en  1839,  Calmeil(2)  pensait  qu'une  cause 
autre  que  l'inflammation  était  aussi  capable  de  produire  le  ramollis- 
sement du  tissu  nerveux  :  «  Là  substance  nerveuse  spinale,  écrit-il, 
comme  la  substance  nerveuse  encéphalique,  peut  subir  dilTérents 
degrés  de  ramollissement,  que  cette  perte  de  consistance  soit  la 
conséquence  d'une  fluxion  inflammatoire  ou  le  résultat  d'un  travail 
morbide  spécial  dont  la  nature  nous  est  inconnue.  »  (Loc.  ci^.,p.  112.) 

Plus  tard,  les  auteurs  cherchent,  dans  les  traités  classiques,  à  séparer 
le  ramollissement  inflammatoire  du  ramollissement  anémique.  Ce 
dernier  état  est  généralement  décrit  sous  le  nom  de  ramollissement 
blanc.  C'est  le  terme  adopté  par  Bertin  (3)  dans  son  article  du  Dic- 
tionnaire encyclopédique. Cet  auteur  reconnaît  toutefoisque  la  teinte 
rosée  ou  rouge  n'est  nullement  un  indice  certain  de  l'inflammation  et 
que  les  travaux  de  Panum,  Cohn,  Feltz,  Prévost  et  Cotard  ont 

(1)  Leyden.  Loe.  cit.,  p.  381. 

(2)  Calmeil.  Dict.  en  30  vol.,  1839,  t.  XX^  article  :  maladies  de  la  moelle^ 
p.  33. 

(3)  Beetin  (Émile).  Bict.  encyclop.  des  sciences  méd.,  1874,  2«  série,  t.  VIII,  art.  : 
Moelle^  Anémie,  Ischémie,  Kamollissemept. 


—  101  — 


enlevé  définitivement  à  cette  altération  toute  signification  favorable  à 
une  genèse  phlegmasique. 

Les  lésions  histologiques  décrites  parBertin  sont  la  reproduction 
de  celles  qui  ont  été  constatées  dans  les  cas  de  ramollissement  isché- 
mique  de  la  moelle  d'origine  expérimentale  :  hypertrophie  des  cylin- 
dres axes  et  aspect  moniliforme  des  tubes  nerveux,  fragmentation  de 
la  gaine  de  myéline  qui  se  résout  en  une  véritable  poussière  de  gra- 
nulations graisseuses,  apparition  de  nombreux  corps  granuleux,  etc. 
Tout  ces  débris  de  parenchyme  nerveux  baignent  dans  un  liquide 
homogène  ou  finement  granuleux. 

Tout  en  admettant  l'existence  certaine  du  ramollissement  médul- 
laire iscliémique,  l'auteur  reconnaît  que  les  bases  cliniques  manquent, 
mais  il  s'empressed'ajouter  que  c'est  précisément  faute  de  recherches 
dans  ce  sens,  et  il  ajoute  que  :  «  L'exclusion  de  la  nécrose  médullaire 
représente  un  dernier  reste  du  scepticisme  qui  a  longtemps  repoussé 
la  nécrose  du  cerveau.  » 

Il  était  assez  naturel  d'établir  un  rapprochement  entre  les  lésions 
nécrobiotiques  du  cerveau  résultant  des  altérations  séniles  des  artères 
et  les  modifications  analogues  de  la  moelle.  Cette  comparaison  a  été 
faite  par  A'ulpian  (1)  et  par  Ley den  (2)  (|ui  en  a  cité  plusieurs 
exemples  ;  Vulpian  ajoute  :  «  Il  est  possible  que  les  lésions  athéro- 
mateuses  des  artères  et  les  thromboses  intra-artérielles  qui  peuvent 
en  être  la  conséquence  déterminent  des  attaques  d'ischémie  plus  ou 
moins  passagères  de  la  moelle,  caractérisées  par  l'affaiblissement  des 
parties  en  rapport  avec  la  région  de  la  moelle  où  siège  l'ischémie  et 
avec  les  régions  situées  au-dessous,  attaques  plus  ou  moins  analogues 
à  celles  qui  se  produisent  assez  fréquemment  dans  l'encéphale.  » 

11  est  juste  d'ajouter  que  les  attaques  de  paraplégie  spinale  impu- 
tables à  l'athérome  sont  beaucoup  plus  rares  que  les  paralysies  résul- 
tant de  l'athérome  cérébral.  Cette  différence  tient  au  régime 
circulatoire  de  la  moelle,  qui  ne  ressemble  pas  à  celui  du  cerveau.  En 
raison  de  nombreuses  anastomoses  des  vaisseaux  sanguins  médullaires . 
l'anémie  des  différentes  régions  de  la  moelle  ne  peut  se  produire  que 
dans  les  cas  de  lésions  vasculaires  très  étendues,  pour  ainsi  dire  con- 
fiuentes,  et  portant  sur  les  plus  fins  vaisseaux. 

(1)  Vulpian.  Maladies  de  la  moelle,  1879. 

(2)  Leyden.  3/aladies  de  la  moelle,  1879. 


—  102  — 


L'auteur,  qui  aie  plus  insisté  sur  la  fréquence  de  l'origine  ischémique 
du  ramollissement  médullaire  est  Tietzen  (1),  qui  a,  pour  ainsi  dire, 
fait  le  procès  de  la  myélite  aiguë. 

Etablissant  un  rapprochement  entre  le  ramollissement  cérébral 
autrefois  décrit  sous  le  nom  d'encéphalite  aiguë,  et  le  ramollissement 
de  la  moelle  qu'on  nomme  myélite  aiguë,  il  se  demande  s'il  n'y  a  pas 
lieu  de  leur  reconnaître  une  cause  commune. 

La  nature  des  lésions  anatomiques  est  très  analogue,  au  moins  au 
début,  et  s'il  est  beaucoup  plus  difficile  de  constater  pour  la  moelle 
l'altération  circulatoire,  cause  première,  cela  tient  à  ce  que  les  rapports 
circulatoires  de  la  moelle  sont  beaucoup  moins  connus  que  ceux  du 
cerveau.  En  tous  cas,  la  nature  phlegmasique  du  processus  n'est  pas 
mieux  démontrée.  Dans  le  ramollissement  médullaire  qui  constitue 
l'état  que  l'on  désigne  sous  le  nom  de  myélite  par  compression,  la 
nécrobiose  est  suflisamment  expliquée  par  l'anémie  qui  résulte  de  la 
compression  extérieure  et  «  le  terme  de  myélite  ne  saurait  être 
appliqué  à  cette  espèce  de  ramollissement,  car  il  s'agit  en  première 
ligne  d'un  état  surtout  dégénératif  ». 

Tietzen  rapporte  une  observation  de  ramollissement  médullaire 
dont  il  fait  un  examen  histologique  très  détaillé,  et  qu'il  considère 
comme  de  nature  ischémique;  il  attribue  au  même  processus  les 
cas  de  : 

Mannkopf.  Berlin.  Klin.  WocJienschr.,  1864,  n"  1. 
Gérin  Rose.  Soc.  méd.  des  hôpit.,  26  mars  1875  et  Union  méd., 
1875,  n°  90. 

Lauenstein.  Deutsches  Arch.  f.  klin.  Med.,  1877,  XV. 
EisENLOHu.  Vircliow's  Arch.,  1878,  LXXIII,  p.  56. 
MoELi.  Arch.  f.  P.sych.,  1881,  p.  757. 
Sachse.  Inaug.  Dissert.,  Berlin,  1887. 

Dans  tous  ces  cas,  l'étiologie  était  inconnue  et  l'affection  à  début 
brusque  était  constituée  par  une  paralysie  des  extrémités  inférieures 
et  des  sphincters  accompagnée  de  troubles  de  la  sensibilité.  La  lésion 
anatomique  était  un  foyer  de  ramoUissememt  intéressant  un  segment 
plus  ou  moins  étendu  de  la  moelle. 

Dans  un  cas  de  Marchand  (2),  il  s'agissait  d'une  femme  de  42  ans 

(1)  Tietzen.  Die  acute  Ei'meichv/ng  des  Rûelienmarlis  {sogenannte  spontané 
Mt/elitis  acuta  transversalis).  Inaug.  Dissert.,  Marburg,  1886. 

(2)  Maechand.  In  thèse  de  Tietzen. 


—  103  — 


frappée  brusquement  de  paraplégie  et  morte  le  huitième  jour.  A 
l'autopsie,  on  trouva  un  foyer  de  ramollissement  dans  l'hémisphère 
cérébral  droit  et  une  autre  foyer,  ]img  de  5  centim.,  dans  la  région 
dorsale  inférieure  de  la  moelle.  Il  existait  d'ailleurs  une  endocardite 
végétante  récente  de  la  valvule  mitrale  droite.  Il  était  logique  de 
rapporter  à  une  même  cause  les  deux  foyers  de  ramollissement  et 
l'auteur  les  considère  comme  d'origine  embolique. 

L'opinion  de  Tietzen,  telle  que  l'auteur  l'a  formulée,  est  certaine- 
ment discutable,  au  moins  dans  sa  généralisation,  car,  dans  la  plupart 
des  observations  qu'il  cile,  on  n'a  pas  signalé  de  lésions  prédominantes 
du  système  circulatoire  de  la  moelle;  mais  cette  critique  ne  peut 
s'appliquer  au  ramollissement  médullaire  de  la  myélopathie  syphili- 
tique, dans  laquelle  les  altérations  vasculaires  sont  très  prononcées.  II 
est  très  possible  cependant  que  d'autres  maladies  infectieuses  puissent 
être  l'origine  d'un  processus  analogue,  et  c'est  l'avis  de  M.  Lance- 
reaux  (i)  :  «  Il  est  d'ailleurs  démontré  aujourd'hui  que  certaines  para- 
lysies survenant  dans  le  cours  ou  à  la  fin  des  maladies  infectieuses, 
comme  la  fièvre  typhoïde,  la  variole  etc.,  et  qui  se  traduisent  ordinai- 
rement par  le  syndrome  connu  sous  le  nom  de  maladie  de  Landry, 
ont  pour  origine  une  lésion  vasculaire  (Klebs),  et  par  conséquent  le 
virus  syphilitique  ne  serait  pas  le  seul  agent  infectieux  pouvant 
modifier  les  vaisseaux  et  les  oblitérer.  » 


§  5.  —  Du  rôle  des  altérations  vasculaires  dans  la  myélopathie 

syphilitique. 

Malgré  l'étendue  des  lésions  vasculaires  dans  la  sypliilis  médullaire, 
ce  n'est  que  récemment  qu'on  leur  a  attribué  un  rôle  important  dans 
la  production  des  lésions  du  tissu  nerveux. 

II  était  cependant  naturel  d'établir  un  rapprochement  entre  les 
lésions  médullaires  et  les  lésions  cérébrales  d'origine  syphilitique  et 
d'utiliser  les  connaissances  que  l'on  possédait  sur  la  syphilis  céré- 
brale. «  En  lisant  les  travaux  qui  ont  été  publiés  sur  la  matière,  écrit 
Julliard,  une  chose  m'a  toujours  frappé,  c'est  que  les  auteurs 
semblent  regarder  la  moelle  comme  un  organe  à  part,  sans  analogue 

(1)  Lanoeeeaux.  Semaine  médic,  11  avril  1891,  p.  149. 


dans  l'économie.  Aussi  cette  idée  préconçue  les  a-t-elle  empêchés  de 
s'orienter  dans  leurs  recherches  en  mettant  à  profit  les  connaissances 
qu'ils  avaient  acquises  sur  les  altérations  spécifiques  des  autres 
organes.  »  Et  l'auteur  montre  la  solidarité  du  cerveau  et  de  la  moelle 
qui  constituent  un  même  organe.  11  ne  pousse  cependant  pas  bien  loin 
les  conséquences  de  ce  rapprochement,  car  il  refuse  aux  altérations 
vasculaires  de  la  moelle  tout  rôle  important  dans  la  production  des 
lésions  du  parenchyme  nerveux  :  «  Pour  qui  connaît,  dit-il,  la  richesse 
en  anastomoses  que  possèdent  les  vaisseaux  de  la  moelle,  et  la  facilité 
incroyable  avec  laquelle  les  suppléances  vasculaires  s'établissent  dans 
cet  organe,  il  paraît  toujours  hasardé  de  faire  intervenir  les  altéra- 
tions vasculaires  comme  cause  directe  de  la  destruction  des  éléments 
nerveux.  »  C'est  là  une  objection  à  laquelle  nous  répondrons  plus 
loin. 

La  théorie  du  ramollissement  ischémique  de  la  moelle  à  la  suite 
des  lésions  syphilitiques  des  vaisseaux  s'est  peu  à  peu  développée. 
Elle  est  d'abord  esquissée  timidement  par  les  auteurs.  Leyden  écrit 
dans  son  traité  didactique,  à  la  suite  de  l'étude  de  l'ischémie  de  la 
moelle  :  «  Peut-être  faudrait-il  ajouter  ici,  et  par  analogie  avec  ce  qui 
a  lieu  pour  le  cerveau,  quelques  cas  de  ramollissement  Syphili- 
tique (1).  » 

Dans  les  observations  de  Siemerling,  Greiff,  Schmauss, 
Môller,  Goldflam,  Kuli,  cette  opinion  est  formulée  bien  plus 
nettement,  mais  c'est  M.  Lancereaux  (2)  qui  a  surtout  insisté  sur 
la  réalité  de  ce  processus.  L'auteur  s'appuie  uniquement  sur  les 
phénomènes  cliniques,  mais  ils  sont  suffisamment  concluants  ;  ils 
représentent  le  tableau  suivant  que  nous  connaissons  déjà  :  après 
quelques  phénomènes  spinaux  prémonitoires,  apparaît  une  paraplégie 
développée  brusquement  et  caractérisée  par  une  paralysie  fiasque, 
avec  participation  de  la  sensibilité  et  des  sphincters  et  troubles 
trophiques.  Dans  la  suite,  si  le  malade  ne  succombe  pas,  la  sensibi- 
lité reparaît  peu  à  peu,  la  contracture  et  les  autres  phénomènes 
spasmodiques  s'établissent  dans  les  membres  inférieurs. 

(1)  Leyden.  Maladies  de  la  moelle  épinière,  trad.  franç.,  1879,  p.  382,  note. 

(2)  Lancereaux.  Sur  uae  forme  de  syphilis  de  la  moelle  épinière  (artérite 
médullaire  syphilitique)  se  traduisant  par  une  attaque  brusque  de  paraplégie  un  an 
ou  deux  ans  après  l'apparition  du  chancre.  Semaine  médicale,  11  avril  1891. 


—  105  — 


La  brusquerie  dans  Fapparition  des  symptômes  de  paralysie  est 
un  phénomène  caractéristique  du  ramollissement  médullaire  d'origine 
ischémique  ;  on  le  constate  dans  les  cas  où  les  lésions  vasculaires 
étaient  pour  ainsi  dire  exclusives  (cas  de  Schmauss,  INIoller,  et  l'une 
de  nos  observations,  cas  nM);  dans  tous  les  cas  qui  constituent  la 
forme  grave  de  la  paraplégie  syphilitique;  mais  il  n'est  nullement 
particulier  à  ces  formes  graves  et  se  rencontre  également  au  début 
des  formes  de  moyenne  ou  de  faible  intensité. 

La  principale  objection  que  l'on  ait  faite  à  la  théorie  vasculaire  du 
ramollissement  médullaire  syphilitique  repose  sur  la  distinction  que 
l'on  établit  entre  le  régime  circulatoire  de  la  moelle  et  celui  du 
cerveau,  et  sur  le  grand  nombre  des  anastomoses  qui  existent  dans 
le  réseau  vasculaire  de  la  moelle. 

Ces  anastomoses  sont,  en  effet,  importantes,  mais  elles  n'existent 
que  pour  les  vaisseaux  d'un  certain  ordre,  elles  peuvent  même  fournir 
une  explication  à  un  certain  nombre  de  phénomènes  comme  la 
congestion  collatérale,  les  hémorrhagies  capillaires  qui  accompagnent 
ordinairement  le  ramollissement  médullaire.  Mais,  ainsi  que  nous  le 
verrons,  les  petits  vaisseaux  sont  terminaux  et  leurs  lésions,  pour 
peu  qu'elles  portent  sur  un  grand  nombre  de  vaisseaux,  doivent 
retentir  naturellement  sur  la  nutrition  des  parties  correspondantes  du 
parenchyme  médullaire. 

La  circulation  de  la  moelle,  moins  bien  connue  que  celle  du  cerveau, 
a  été  cependant  dans  ces  dernières  années  l'objet  de  recherches  dont 
les  plus  remarquables  sont  celles  de  Adamkiewicz  (1),  Duret, 
Ross  (2),  Kadyi  (3). 

Sans  entrer  dans  le  détail  de  la  distribution  des  vaisseaux  dans  la 
moelle,  on  peut  décrire,  d'après  les  travaux  de  Kadyi,  les  rapports 
généraux  de  la  circulation  médullaire,  de  la  façon  suivante. 

La  moelle  reçoit  du  sang  surtout  par  les  artères  des  racines  anté- 
rieures et  postérieures,  branches  des  rameaux  spinaux  des  artères 

(1)  Adamkiewicz,  Albert.  Die  Blutgefiisse  des  mensclilichen  Kiickenmarks. 
I,  Theil.  Die  Gefiisse  der  Riickenmarkssubstanz  (mit  6  Tafeln.),  Sit:uiigsherichte 
der  Jcaiserlischen  AI/a.denie  der  Wissenschaftcn,  Wieu,  nov.  1881.  Bd  LXXXIV, 
Abtheil.III.Heft  IV,  p.  369-502.— II. Theil.  Die  Gefasse  der  Riickenmai-ksoberfliiche 
(mit  5  Tafeln),  loc.  cit.,  Bd  LXXXV,  Abtheil.  lil,  Heft  I,  p.  101-130,  janv.  1882. 

(2)  Ross.  Braiii,  1880,  f.  1,  2,  3. 

(3)  Kadyi.  Uehev  die  Blutfjcfai.sc  des  meiisrldichen  Iliicheniud rks.  Lemberg,  1889 


-  106  — 


vertébrales,  intercostales,  lombaires  et  sacrées.  Ces  branches  perfo- 
rent la  dure-mère  en  accompagnant  les  racines  et  se  ramifient  à  la 
surface  de  la  moelle. 

Chaque  artère  se  divise  en  une  branche  ascendante  et  une  branche 
descendante  qui  s'anastomosent  avec  les  branches  correspondantes 
des  artères  situées  au-dessus  et  au-dessous.  Ainsi  se  trouvent  con- 
stituées des  chaînes  artérielles  longitudinales  dont  les  principales 
sont  : 

Une  chaîne  antérieure  (Tractus  arteriosus  anterior),  située  dans  le 
sillon  antérieur  et  formée  par  les  branches  des  artères  des  racines 
antérieures. 

Deux  chaînes  postérieures  symétriques  (Tractus  arteriosipostero- 
laterales),  situées  entre  les  racines  postérieures  et  les  cordons  laté- 
raux correspondants. 

Les  rameaux  qui  se  détachent  de  ces  chaînes  artérielles  forment  un 
riche  réseau  dons  la  pie-mère  (réseait  pie-mérien)  qui  établit  quel- 
ques anastomoses  entre  le  système  spinal  antérieur  et  les  systèmes 
spinaux  postéro-latéraux. 

C'est  de  ce  réseau  que  partent  les  artérioles  et  les  capillaires  qui 
pénètrent  dans  la  substance  même  de  la  moelle. 

Ces  vaisseaux  propres  de  la  moelle  sont  terminaux,  car  une  fois 
détachés  de  la  pie-mère,  ils  n'ont  plus  entre  eux  aucune  communi- 
cation. 

La  substance  grise  et  la  substance  blanche  constituent  deux  dépar- 
tements vasculaires  séparés. 

La  substance  grise  est  irriguée  par  les  artères  centrales  qui  pro- 
viennent de  la  chaîne  artérielle  antérieure  et  s'enfoncent  dans  la 
substance  grise  antérieure,  et  il  existerait  d'après  certains  auteurs 
une  nouvelle  voie  d'anastomose  dans  la  partie  centrale  de  la  moelle 
au  voisinage  du  canal  central.  Aux  différents  étages  de  la  moelle,  chacun 
des  rameaux  artériels  destinés  à  la  substance  grise  pénètre  dans  la 
commissure  grise  au  fond  du  sillon  médian  antérieur,  et,  arrivé  sur 
l'un  des  côtés  du  canal  central,  se  divise  en  une  branche  ascendante  et 
une  branche  descendante  qui  s'anastomosent  avec  des  vaisseaux 
analogues  au-dessus  et  au-dessous.  Cette  artère  (sulco-commissurale) 
est  impaire  dans  chaque  étage  et  s'enfonce  alternativement  tantôt 
d'un  côté,  tantôt  de  l'autre  du  canal  central. 


—  107  — 


La  substance  blanche  est  irriguée  par  les  artérioles  détachées  de 
toute  la  périphérie  de  la  moelle,  et  on  peut  encore  diviser  Faire 
vasculaire  de  la  substance  blanche  en  deux  régions  :  le  cordon  anté- 
rieur et  la  partie  antérieure  du  cordon  latéral  sont  tributaires  de  la 
chaîne  artérielle  antérieure,  tandis  que  le  cordon  postérieur  et  la 
partie  postérieure  du  cordon  latéral  comprenant  le  faisceau  pyramidal 
sont  sous  la  dépendance  des  artères  postéro-latérales. 

La  limite  entre  la  substance  blanche  et  la  substance  grise  ne  cor- 
respond pas  exactement  à  la  ligne  de  séparation  des  deux  départe- 
ments vasculaires  correspondants. 

D'après  Kady  i,  il  existe  une  zone  de  substance  blanclie  entourant 
la  substance  grise  où  les  derniers  rameaux  artériels  desdeux  systèmes 
se  confondent.  Il  en  résulte  que  cette  région  possède  deux  sources 
d'irrigation  qui  peuvent  se  suppléer.  Dans  les  observations  qui  nous 
sont  personnelles,  nous  avons  remarqué  que  le  tissu  nerveux  de  cette 
zone  était  toujours  le  mieux  respecté  etque  quand  la  coupe  tout  entière 
de  la  moelle  n'était  pas  envahie  par  le  processus  de  nécrose,  cette 
zone  persistait  seule  alors  que  les  parties  périphériques  de  la  moelle 
et  la  substance  grise  étaient  très  altérées.  Le  même  fait  a  été  noté 
par  Goldflam. 

En  résumé,  la  circulation  artérielle  de  la  moelle  conqjrend  deux 
parties  : 

1°  Un  système  périphérique,  constitué  par  des  vaisseaux  relali- 
vement  gros,  accolés  à  la  pie-mère  plutôt  qu'englobés  dans  celte 
membrane,  et  par  un  réseau  lémané  de  ces  vaisseaux)  compris  dans 
l'épaisseur  de  la  pie-mère.  Les  gros  vaisseaux  et  les  parties  du 
réseau  pie  mérien  qui  leur  correspondent  forment  trois  groupes  : 
un  antérieur,  médian  et  impair,  le  système  spinal  antérieur,  et  deux 
postéro-latéraux,  symétriques,  les  sijstèmes  spinaux  postéro-laté- 
raux.  Ces  trois  groupes  représentent  des  chaînes  longitudinales  conti- 
nues, mais  restent  à  peu  près  indépendants  l'un  de  l'autre. 

Lorsqu'une  lésion  peu  étendue  porte  sur  un  point  d'une  des  cliaîiies 
artérielles,  elle  peut  être  compensée,  à  la  rigueur,  par  l'alllux  colla- 
téral supérieur  ou  inférieur;  mais  si  l'altération  intéresse  un  long 
segment,  l'anémie  se  manifestera  inévitablement  dans  la  partie  corres- 
pondante de  la  moelle. 

2"  Un  système  proprement  nourricier  du  tissu  médullaire,  repré- 
senté par  les  artérioles  émanées  du  réseau  pie-mérien.  Ce  sont  les 


—  108  — 


altérations  de  ces  petits  vaisseaux  qui  sont  les  plus  importantes,  car 
ceux-ci  sont  terminaux.  Aussi,  dans  les  cas  où  l'on  constate  la  nécrose 
d'un  département  médullaire  dont  l'artère  principale  (artère  spinale 
antérieure  ou  artère  spinale  postéro-latérale)  semble  peu  altérée  et 
reste  en  tout  cas  suffisante,  faut-il  examiner  l'état  des  petits  vaisseaux 
secondaires  dans  leur  trajet  intra-pie-mérien  ou  à  leur  entrée  dans  la 
moelle.  Ceux-ci  sont,  en  effet,  dans  les  myélopathies  syphilitiques, 
généralement  lieaucoup  plus  altérés  que  les  gros  vaisseaux  du  système 
dont  ils  émanent. 

La  distribution  des  artères  dans  la  moelle  donne  lieu  à  quelques 
considérations  importantes.  Nous  avons  déjà  trouvé  une  explication  à 
l'intégrité  ordinaire  de  la  zone  de  substance  blanche  contiguë  à  la 
substance  grise.  Ajoutons  que  les  systèmes  vasculaires  peuvent  être 
intéressés  isolément  dans  une  certaine  mesure,  ou,  du  moins,  que 
la  prédominance  des  lésions  dans  l'un  d'eux  peut  donner  la  clef  de 
l'apparence  de  systématisation  que  prennent  souvent  les  lésions  dans 
la  syphilis  médullaire. 

Dans  le  cas  de  M 6 lier,  par  exemple,  les  lésions  dégénératives  por- 
taient principalement  sur  les  cordons  postérieurs  et  sur  la  partie 
postérieure  des  cordons  latéraux.  L'auteur  fait  remarquer  que  c'étaient 
précisément  les  vaisseaux  des  systèmes  postéro-latéraux  qui  étaient 
le  plus  altérés.  On  pourrait  également  supposer  avec  Mo  lier  que  les 
lésions  vasculaires  sont  prédominantes  dans  le  système  radiculaire 
antérieur,  et  l'on  aurait  l'explication  d'un  certain  nombre  de  cas  de 
poliomyélite  antérieure,  à  développement  rapide,  constatés  chez  des 
sujets  syphilitiques. 

Les  veines  de  la  moelle  possèdent  en  tous  points,  contrairement 
aux  artères,  des  anastomoses  étendues  et  très  développées.  Les 
troncs  veineux  périphériques  ont  leurs  i^acines  dans  les  profondeurs 
de  la  substance  grise.  Ils  forment  à  la  surface  de  la  pie-mère  des 
chaînes  longitudinales  et  les  plus  gros  troncs  sont  situés  au  voisinage 
du  sillon  médian  postérieur  et  du  sillon  antérieur.  Ce  réseau  fournit 
des  branches  efférentes  qui  accompagnent  les  racines  à  leur  sortie 
de  l'enveloppe  durale. 

Dans  la  syphilis  médullaire,  les  veines  sont  intéressées  comme  les 
artères  et  leurs  lésions  sont  même,  en  général,  bien  plus  accentuées; 
les  gTos  troncs  sont  toujours  beaucoup  plus  atteints  que  les  vaisseaux 
artériels  de  volume  comparable.  C'est  une  particularité  qui  a  été 


—  109  — 


indiquée  par  nombre  d'auteurs  (G  re if f,  Oppenlieim,  Siemerling, 
Lamy,  etc.),  et  que  nous  avons  nous-même  constatée.  Malgré  les 
larges  anastomoses  des  canaux  veineux,  les  lésions  très  étendues  de 
ces  vaisseaux,  telles  (ju'elles  existent  dans  la  syphilis  médullaire,  ne 
sont  pas  sans  jouer  un  rôle  important  et  sans  contribuer  à  la  produc- 
tion des  troubles  circulatoires. 

Avec  les  quelques  notions  sur  la  circulation  de  la  moelle  que  nous 
venons  d'exposer,  et  la  connaissance  des  lésions  vaseulaires  de  la 
syphilis  médullaire,  on  peut  interpréter  les  principaux  symptômes 
du  tableau  clinique  et  les  altérations  fondamentales  de  la  moelle,  dans 
la  paraplégie  syphilitique. 

Dans  les  expériences  des  physiologistes  sur  l'anémie  de  la  moelle, 
la  paraplégie  résultant  d'une  suppression  brusque  de  la  circulation 
apparaît  naturellement  d'une  façon  foudroyante  et  atteint  d'emblée 
son  maximum  d'intensité. 

Mais  les  altérations  vaseulaires  syphilitiques  se  produisent  lente- 
ment et  les  troubles  circulatoires  ne  se  manifestent  pas  d'une  façon 
aussi  brutale;  aussi  bien,  les  phénomènes  graves  de  paraplégie  sont- 
ils  généralement  précédés  d'un  certain  nombre  de  symptômes  spinaux 
diffus  qui  constituent  la  i^ériode  prchnonitoire  dont  la  durée  est 
d'ailleurs  excessivement  variable. 

Le  mode  d'apparition  des  phéinimènes  paralytiques  est  différent 
suivant  les  cas,  et  entre  l'attaque  de  paraplégie  apoplectiforme  et  la 
paraplégie  qui  se  développe  lentement,  insidieusement,  il  y  a  tous 
les  intermédiaires. 

La  brusquerie  dans  le  début  est  considérée  par  la  plupart  des 
auteurs  comme  l'indice  du  ramollissement  d'origine  anémique 
(Môller,  Lancereaux,  Goldflam).  Le  mécanisme  du  ramollis- 
sement anémique  a  été  exposé  par  Ileubner  pour  le  cerveau,  el  par 
Môller  pour  la  moelle  (voir  obs.  120).  L'explication  de  la  brusquerie 
des  accidents,  alors  que  les  lésions  vaseulaires  se  développent  pro- 
gressivement, est  la  même  dans  les  deux  cas.  Les  altérations  vaseu- 
laires peuvent  atteindre  un  certain  degré  de  développement  en  ne 
produisant  que  de  légers  troubles  circulatoires  qui  peuvent,  même 
dans  la  moelle,  être  compensés  suffisamment  par  une  ébauche 
d'atïlux  collatéral;  mais,  à  un  moment  donné,  pour  une  cause  ou  pour 
une  autre,  l'équilibre  est  rompu  et  les  conséquences  des  altérations 
vaseulaires  se  manifestent  rapidement  et  même  brusquement. 


-  110  — 


En  examinant  les  cas  suivis  de  vérification  anatomique  qui  ont 
débuté  d'une  façon  brusque,  on  note  d'abord  que  ce  phénomène  a  été 
constaté  dans  les  observations  de  ramollissement  de  la  moelle  avec 
des  lésions  vasculaires  exclusives  ou  nettement  prédominantes 
(Schmauss,  Môller,  un  de  nos  cas).  Il  importe  de  signaler,  à 
ce  propos,  deux  observations  dues  à  Goldflam  (1)  (v.  obs.  124 
et  125). 

Les  sujets,  jeunes,  et  syphilitiques  depuis  peu  de  mois,  furent 
pris,  après  quelques  phénomènes  prémonitoires,  d'une  paraplégie 
intense,  développée  rapidement,  qui  détermina  la  mort  en  quelques 
semaines.  Dans  ces  deux  cas,  les  lésions  vasculaires  étaient  très 
accentuées,  tandis  que  l'infiltration  des  méninges,  très  discrète,  était 
limitée  au  pourtour  des  vaisseaux.  Les  lésions  de  la  moelle,  très 
étendues,  furent  considérées  par  l'auteur  comme  de  nature  nécrobio- 
tique  (myelomalacia)  et  attribuées  aux  troubles  circulatoires. 

L'apparition  brusque  des  phénomènes  ou  leur  aggravation  rapide 
est  constante  dans  les  formes  graves  qui  se  traduisent  à  l'autopsie 
par  le  ramollissement  de  la  moelle  associé  ou  non  à  des  modifications 
méningées  :  c'est  ce  que  l'on  peut  constater  à  la  lecture  des  observa- 
tions que  nous  avons  résumées  plus  haut.  Elle  est  presque  caracté- 
ristique des  formes  graves,  car  elle  indique  que  le  processus  porte 
sur  un  grand  nombre  de  vaisseaux  et  s'est  développé  rapidement. 

Les  trois  observations  suivantes  sont  des  exemples  à  joindre  à  ceux 
que  nous  connaissons  déjà. 

Observation  90  (résumée). 

YiNkCHE.  Contribution  à  Vétude  des  paraplégies  syphilitiques. Thèse, 
Paris,  1880  (obs.  II). 

RÉSUMÉ.  — Homme,  35  ans.  Août  1878  chancre.  28  avril  1879,  attaque  de 
paraplégie.  Mort  le  huitième  mois. 

P.  II...,  35  ans,  garçon  de  salle,  de  constitution  faible.  Bonne  santé 
habituelle,  pas  d'habitudes  alcooliques. 

Au  mois  d'août  1878,  chancre  induré;  trois  mois  après,  éruption  généra- 
lisée papuleuse. 

29  mars  1879.  Kérato-conjonctivite,  iritis  de  l'œil  gauche.  Kl. 

28  avril.  Le  malade  éprouve  dans  la  matinée  de  la  faiblesse  des  jambes, 

(1)  GOLDFLAJa.  WieTier  Klinik,  fév.-mars  1893,  obs.  X  et  XI. 


—  m  — 


surtout  à  droite.  La  faiblesse  augmente  rapidement  et  sans  douleur, 
sans  perte  de  connaissance  ;  deux  heures  après,  il  lui  est  impossible  de 
se  tenir  debout,  on  doit  le  porter  à  l'hôpital.  Incontinence  des  urines. 

Huit  ventouses  scarifiées  sur  la  n'gion  lombaire  ;  iodure  de  potassium, 
4  gr.  ;  frictions  mercurielles. 

2  mai.  Paraplégie  complète;  les  pieds  sont  froids.  Sensibilité  abolie 
sur  les  deux  jambes.  Incontinence  des  urines  et  des  matières  fécales. 

Le  6.  Légère  amélioration. 

Le  25.  Le  malade  peut  soulever  ses  membres  inférieurs.  Pas  de  dou- 
leurs en  ceinture.  La  paralysie  du  rectum  et  de  la  vessie  persiste. 
Réflexe  rotulien  très  net,  surtout  à  droite. 

22  juillet.  Miction  facile  et  volontaire;  pas  de  constipation;  le  malade 
marche  appuyé  sur  une  canne. 

2  septembre.  Retour  de  la  paraplégie;  abolition  delà  motilité  et  de  la 
sensibilité,  douleurs  en  ceinture. 

Le  4.  Soubresauts  légers  du  tronc.  Rétention  des  urines  et  des  matières 
fécales;  fièvre  légère,  anorexie,  urines  ammoniacales.  Quelques  jours 
après,  escarres  aux  talons. 

La  mort  survint  trois  mois  plus  tard. 

Observation  91  (résumée). 

Baudouin.  Thèse  de  Paris,  1889  (obs.  LXXXIII). 

RÉSUMÉ.  —  Homme,  22  ans;  10  mois  après  le  chancre,  après  quelques 
heures  de  faiblesse  dans  les  jambes,  paraplégie  absolue.  Troubles  de 
la  sensibilité,  escarres,  mort  en  un  mois  environ. 

G...,  22  ans.  A  un  chancre  syphilitique  suivi  de  plaques  muqueuses. 
Pas  de  traitement,  le  mercure  etTiodure  n'ayant  pas  été  tolérés. 

Dix  mois  après,  sans  prodromes,  étant  très  bien,  se  lève,  ayant  les 
jambes  fatiguées.  Il  vient  à  Paris,  les  jambes  s'alourdissent.  A  midi,  il 
ne  peut  plus  marcher.  Revient  chez  lui  et,  vers  une  heure,  est  absolu- 
ment paraplégique.  Depuis  lors,  paraplégie  absolue,  escarres. 

Un  mois  après  le  début  de  la  paraplégie,  même  état  de  paraplégie 
absolue;  pas  un  seul  mouvement  n'est  possible.  Sensibilité  atteinte 
jusqu'au  milieu  de  l'abdomen,  depuis  le  bas  du  corps. 

Réflexes  nuls,  membres  très  amaigris,  déjetés  de  côté,  pâles,  à  peau 
sèche.  N'urine  qu'avec  l'aide  de  la  son-de.  Constipation  intense,  jamais 
de  fièvre;  escarres  énormes  aux  deux  régions  trochantériennes.  Rien 
aux  membres  supérieurs. 

Traitement  spécifique  depuis  un  mois,  mais  irrégulier,  insuffisant. 
Depuis  quelques  jours,  vomissements,  inappétence.  Les  escarres  s'éten- 
dent rapidement,  le  malade  s'affaiblit  de  plus  eu  plu.'^  et  meurt  au  bout 
de  quelques  jours. 


—  112  — 


Observation  92. 

Lamy.  De  la  méningo-myélile  syphilitique.  Thèse  de  Paris,  1893 

(obs.  XIII). 

Rrsumk.  —  Chancre  induré  treize  mois  auparavant.  Pas  de  traitement. 
Paraplégie  apoplectiforme,  accompagnée  d'abolition  des  réflexes 
tendineux  et  de  l'excitabilité  électrique  des  muscles  aux  membres 
inférieurs.  Anesthésie  absolue  du  membre  inférieur  droit.  Réten- 
tion d'urine.  Traitement  spécifique  inefficace.  Escarre  sacrée.  Mort 
par  septicé)nie  un  mois  après  le  début  de  la  maladie.  Pas  d'au- 
topsie. 

M.  X...,  35  ans,  professeur,  contracte  un  chancre  induré  en  septem- 
bre 1888.  Deux  mois  après,  apparaît  une  roséole  très  accentuée  suivie 
de  plaques  muqueuses  à  la  bouche  et  au  pharynx.  Malgré  l'avis  du 
médecin  qui  l'a  vu  à  la  fin  de  l'évolution  du  chancre  et  pendant  celle 
des  accidents  secondaires,  il  ne  fait  aucun  traitement. 

Le  début  des  accidents  médullaires  s'est  fait  brusquement,  treize  mois 
après  l'apparition  du  chancre,  dans  les  conditions  suivantes. 

M.  X...  part  de  Paris  le  30  septembre,  à  8  heures  du  soir,  pour  se 
rendre  à  la  ville  qu'il  habite.  Pendant  le  voyage,  la  nuit,  il  veut  uriner 
et  ne  peut  pas.  Le  lendemain  la  rétention  persiste.  Dans  la  nuit,  il  se 
livre  au  coït. 

Le  2  octobre,  X...  va  à  pied  à  son  institution  et  fait  sa  classe.  A 
10  heures  du  matin,  il  s'affaisse  lourdement  sans  perte  de  connaissance. 
Son  médecin,  appelé  sur  le  champ,  constate  une  paraplégie  motrice 
absolue.  L'anesthésie  est  complète  dans  le  membre  inférieur  droit;  la 
sensibilité  est  conservée  du  côté  gauche.  Pas  de  fièvre.  La  vessie  est 
distendue;  le  malade  n'a  pas  uriné  depuis  trente-six  heures.  Le  cathé- 
térisme  immédiatement  pratiqué  amène  un  litre  d'urine  chargée  en  cou- 
leur, trouble,  fortement  ammoniacale.  Prescription  :  un  grand  bain,  dix 
ventouses  scarifiées  sur  la  région  lombaire. 

Le  3.  A  la  suite  d'un  interrogatoire  pressant,  le  malade  avoue  les 
antécédents  ci-dessus  notés.  Les  réflexes  tendineux  et  la  contractilité 
faradique  sont  entièrement  abolis  aux  membres  inférieurs  ;  l'impotence 
motrice  est  absolue.  La  rétention  d'urine  nécessite  le  cathétérisme  qui 
est  pratiqué  deux  fois  par  jour,  jusqu'au  14  octobre,  oii  l'incontinence 
succède  à  la  rétention. 

Prescription  :  deux  cuillerées  de  sirop  de  Gibert  par  jour,  2  grammes 
d'onguent  napolitain  en  frictions  matin  et  soir  sous  les  aisselles. 

A  partir  de  ce  jour,  la  maladie  évolue  sans  qu'aucune  amélioration 
ait  jamais  été  constatée.  Le  malade  succombe  le  2  novembre  1888  à  des 
accidents  pyohémiques  ayant  leur  source  dans  une  escarre  énorme  du 
sacrum,  dont  le  début  a  eu  lieu  pendant  le  premier  septénaire  de  la 
maladie. 


Les  progrès  de  cette  gangrène  ont  été  des  plus  rapides,  malgré  les 
précautions  d'antisepsie  les  plus  rigoureuses  prises  dès  le  début. 

Aucun  symptôme  cérébral  n'a  été  noté  pendant  cette  maladie.  Jusqu'à 
la  fin,  les  fonctions  intellectuelles  ont  été  intactes.  Pas  d'autopsie. 

Mais  la  mort  n'est  pas  le  terme  fatal  des  formes  graves,  et  les  acci- 
dents très  intenses,  survenus  très  rapidement,  peuvent  s'amender,  la 
paraplégie  absolue  et  flasque  diminue  et  fait  place  à  une  paraplégie 
spasmodique  persistant  à  1  état  chronique.  Les  faits  rapportés  par 
M.  Lancer  eaux  rentrent  dans  cette  catégorie  :  on  peut  encore  citer 
comme  exemples  les  observations  suivantes. 

Observation  93  (résumée). 
ViALLE.  Essai  sur  les  paraplégies  syphililiques.  Thèse  de  Paris,  1875. 

RÉSUMÉ.  —  Homme,  36  ans.  Il  y  a  deux  ans,  chancre.  Paraplégie 
brusque,  paralysie  vésicale.  État  actuel  :  paralysie  complète  des 
jambes,  incontinence  des  urines  et  des  matières  fécales,  légers 
troubles  de  la  sensibilité.  Escarre.  Amélioration. 

François  V...,  36  ans,  gantier,  est  entré  le  14  juin  1875  dans  le  service 
de  M.  Richet  ;  il  a  eu  un  chancre  accompagné  d'engorgement  ganglion- 
naire indolent  il  y  a  deux  ans.  Ce  chancre  fut  peu  après  suivi  d'une 
syphiliJe,  dont  le  malade  porte  encore  les  traces.  Il  prétend  n'avoir 
jamais  eu  de  plaques  muqueuses. 

Il  y  a  cinq  mois,  iritis  qui  guérit  par  un  traitement  spécifique.  Deux 
mois  après,  quelques  jours  seulement  avant  son  entrée  à  l'hôpital,  V..., 
après  s'être  promené  toute  la  journée,  ressentit  une  gêne  légère  pour 
uriner.  Le  soir,  il  se  mit  au  lit.  Deux  heures  après,  voulant  se  lever,  il 
s'aperçut  que  ses  jambes  lui  refusaient  tout  service  et  qu'il  lui  était 
impossible  d'exécuter  le  moindre  mouvement  avec  ses  membres  infé- 
rieurs. 

Le  lendemain  matin,  les  jambes  étaient  toujours  dans  le  même  état; 
la  vessie  était  distendue  par  l'urine.  Cathétérisme  nécessaire,  vomisse- 
ments. Il  entre  alors  à  l'hôpital  oîi  l'on  institue  uu  traitement  anti- 
syphilitique. 

Etat  actuel,  25  juillet.  On  ne  trouve  rien  d'anormal  à  l'exploration  de 
la  colonne  vertébrale. 

Au  dire  du  malade,  l'amaigrissement  des  membres  inférieurs  serait 
assez  notable.  L'impuissance  motrice,  complète  il  y  a  quelques  jours 
encore,  commence  à  se  dissiper,  du  moins  dans  la  jambe  droite,  que  le 
malade  peut  soulever.  Station  ilcbout  impossible. 

La  sen'sibilité  tactile  et  douloureuse  est  normale  dans  toute  la  partie 
inférieure  du  corps.  La  perception  du  froid  est  pervertie. 

8.  8 


—  114  — 


Sensation  de  froid  et  de  fourmillements  dans  la  partie  inférieure  du 
corps,  depuis  le  niveau  de  la  quatrième  vertèbre  lombaire.  Des  douleurs 
vives,  qui,  il  y  a  peu  de  temps,  se  faisaient  sentir  à  l'e'pigastre,  ont  main- 
tenant complètement  disparu.  Escarre  au  sacrum  en  voie  de  guérison. 

La  sensibilité  vésicale,  nulle  auparavant,  commence  à  reparaître. 
Impuissance  virile  complète. 

Alternatives  de  diarrhée  et  de  constipation.  Incontinence  des  matières 
fécales.  Intelligence  intacte. 

Observation  94  (résumée). 

Baudouin.  Thèse  de  Paris,  1889  (obs.  LXXXII). 

Résumé.  —  Homme,  30  ans;  six  mois  après  le  chancre,  phénomènes 
prémonitoires,  puis  rapidement,  paralysie  brusque,  absolue,  amé- 
lioration; quatre  mois  après,  marche  possible;  deux  ans  plus  tard, 
aggravation,  puis  amélioration  et  état  slalionnaire,  paraplégie  spas- 
modique  avec  troubles  des  sphincters. 

M...,  30  ans,  boulanger.  Chancre,  syphilides  cutanées,  croûtes  dans  les 
cheveux,  syphilides  buccales  el  périnéales,  alopécie,  douleurs  de  tète; 
traitement  :  protoiodure  pendant  cinq  ou  six  mois. 

Six  mois  après  le  chancre,  dans  le  cours  d'une  santé  en  apparence 
excellente,  il  a  commencé  à  ressentir  un  peu  de  malaise,  une  courbature 
générale.  Mais  cet  état  ne  s'est  pas  accompagné  do  fièvre,  et  a  duré  une 
dizaine  de  jours.  Pendant  ce  laps  de  temps,  il  lui  est  arrivé  deux  fois 
de  tomber  dans  la  rue  en  marchant.  Au  moment  de  ces  chutes,  il  n'avait 
ni  étourdissements,  ni  vertiges  et  ressentait  simplement  dans  les 
membres  inférieurs  des  secousses  rapides,  des  élancements,  puis  les 
jambes  semblaient  lui  faire  subitement  défaut,  se  dérober  sous  son 
corps.  Au  bout  de  quelques  instants,  il  se  relevait  sans  aide  et  conti- 
nuait sa  marche  comme  si  rien  d'anormal  ne  s'était  passé. 

Malgré  cette  altération  de  sa  santé,  le  malade  n'en  a  pas  moins  conti- 
nué à  travailler  de  son  métier.  Puis  une  nuit  (étant  boulanger  c'est  prin- 
cipalement la  nuit  qu'il  travaille),  il  a  ressenti  un  engourdissement  et  une 
faiblesse  insolite  dans  les  membres  inférieurs.  Quelques  minutes 
après,  ses  jambes  se  refusèrent  absolument  à  le  porter,  et  il  tomba 
sans  pouvoir  se  relever. 

Transporté  à  l'hôpital,  il  lui  était  absolument  impossible  de  faire  un 
seul  pas.  et  il  dut  garder  le  lit  pendant  trois  semaines  II  n'éprouvait 
pas,  à  proprement  parler,  de  douleurs  dans  les  membres  inférieurs, 
mais  simplement  un  sentiment  de  faiblesse.  Déplus,  il  avait  pendant  la 
nuit  des  fourmillements  dans  les  jambes  et  il  lui  semblait  qu'elles  sau- 
taient dans  le  lit.  Il  lui  était  impossible  de  les  soulever  et  de  plier  les 
genoux.  La  sensibilité  était  considérablement  diminuée. 


—  115  — 


Après  quatre  mois  de  traitement  spécifique,  le  malade  quitta  l'hôpital 
pouvant  marcher  avec  difficulté. 

Un  an  et  demi  ou  deux  ans  après,  reprise  des  accidents,  et  quelques 
mois  plus  tard,  le  malade  offre  le  tableau  de  la  paraplégie  spasmodique. 

Marche  en  traînant  les  pieds  sur  le  sol,  jambes  dans  l'extension; 
amaigrissement  des  membres  inférieurs,  mollets  fîasques.  Contracture 
légère,  mais  réflexes  très  exagérés  et  phénomène  du  pied  facile  à  pro- 
duire ;  sensibilité  conservée  dans  toutes  ses  formes. 

Légère  faiblesse  dans  les  membres  supérieurs,  céphalalgie. 

Sphincters  :  mélange  de  rétention  et  d'incontinence;  miction  tantôt 
très  pénible,  tantôt  involontaire.  Constipation  habituelle. 

Observation  95  (résumée). 

SÉNÉCH.\L.  Troubles  urinaires  prémonitoires  des  myélites  syphili- 
tiques. Thèse  de  Lille,  1890  (obs.  I). 

Homme.  En  1882,  à  24  ans,  chancre  induré  de  la  rainure  ;  décembre 
1884  :  quelques  troubles  vésicaux;  les  mictions  sont  fréquentes  et  ne 
se  font  qu'avec  difficulté,  goutte  à  goutte. 

Mars  1885.  Aggravation  des  phénomènes  vésicaux.  Paraplégie  assez 
intense,  développée  progressivement,  puis  amélioration  très  marquée 
sous  l'influence  du  traitement.  Le  malade  peut  reprendre  son  travail  de 
charbonnier.  Le  16  avril  1886,  il  ressentit  des  douleurs  en  éclair  dans 
la  jambe  droite  ;  pendant  la  nuit,  grandes  difficultés  pour  uriner,  la  miction 
exige  les  plus  violents  efforts.  Le  lendemain  il  lui  est  impossible  de  se 
tenir  debout. 

A  l'hôpital,  on  constate  une  paraplégie  absolue;  les  membres  infé- 
rieurs sont  complètement  inertes  et  leur  sensibilité  est  fortement 
compromise.  Dans  la  suite,  escarres,  incontinence  des  urines,  coliques 
vésicales.  Amaigrissement  et  douleurs  dans  les  membres  inférieurs. 

Puis  signes  d'une  paraplégie  spasmodique.  Epilepsie  spinale. 

Observation  96  (résumée). 

SÉNÉCHAL.  Loc.  cit.  (obs.  II). 

Femme.  A  25  ans,  chancre  de  la  grande  lèvre  (avril  188G).  10  février  1887. 
Difficultés  pour  uriner;  le  lendemain  paralysie  du  rectum  et  en  même 
temps,  dans  la  jambe  droite,  sensation  de  courants  froids  et  de  parésie. 

Trois  jours  après,  à  l'entrée  à  l'hôpital,  on  constatait  une  paralysie 
absolue  du  membre  inférieur  droit  avec  anesthésie  à  la  piqûre  et  sen- 
sations subjectives  de  courants  froids.  Parésie  de  la  jambe  gauche. 
Réflexes  conservés.  Parésie  de  la  vessie  et  du  rectum. 

En  mars.  Incontinence  d'urine,  le  malade  marche  en  fauchant  de  la 
jambe  droite. 


—  116  — 


Observation  97  (résumée), 

SÉNÉCHAL.  Loc.  cit.   (obs.  III). 

Homme.  A  25  ans,  eu  1882,  chaucre  de  la  rainure.  Neuf  mois  après 
son  chancre,  11  se  trouva  tout  à  coup  dans  l'iiiipossibilité  d'uriner  et 
d'aller  à  la  selle.  Il  consulta  un  médecin  qui  le  sonda  et  lui  prescrivit  de 
l'eau-de-vie  allemande. 

Le  lendemain,  le  purgatif  produisit  son  effet,  le  malade  voulut  aller  à 
la  selle,  mais  ses  jambes  lui  refusaient  tout  service.  Deux  jours  aupa- 
ravant, il  avait  porté  des  sacs  de  blé  sans  difficulté  aucune. 

Le  médecin  appelé  constata  une  anestliésie  qui  remontait  jusqu'à 
l'ombilic;  paraplégie  absolue,  rétention  d'urine,  constipation,  escarre 
sacrée. 

Deux  ans  après,  le  malade,  revu,  présentait  les  signes  d'une  paraplégie 
spasmodique  intense,  la  marche  était  impossible  sans  béquilles. 

Observation  98  (résumée). 

A.  Renault.  Sur  un  cas  de  myélite  syphilitique  lombaire  aiguë. 
Ann.  derm.  et  sijpli.,  1890,  3e  s.,  p.  565. 

Homme  âgé  de  38  ans  en  1890.  —  1877.  Chancre,  éruption  croûteuse. 
—  1878.  Nouvelle  poussée  ulcéreuse.  —  1879.  Nécrose  des  os  du  nez. 
Kl.  Guérison  seulement  en  1881.  Puis  plus  de  traitement. 

Le  12  août  1889,  éclatèrent  des  accidents  spinaux.  Plusieurs  jours 
auparavant,  le  malade  avait  ressenti  quelques  inquiétudes,  quelques 
fourmillements  dans  les  membres  inférieurs,  mais  il  remarqua  ce  jour- 
là  que  ses  jambes  fléchissaient  tout  à  coup  et  avaient  peine  à  le  soute- 
nir. En  même  temps,  les  fourmillements  redoublaient  et  il  survenait 
des  douleurs  très  aiguës  vers  les  extrémités. 

Trois  jours  après,  la  paraplégie  était  complète  et  s'accompagnait  de 
paralysie  des  réservoirs.  En  même  temps,  douleurs  atroces  dans  les 
extrémités  ;  au  niveau  des  mains  et  des  pieds,  éruptions  huileuses  qui 
persistent  deux  mois. 

Oppression,  dyspnée,  troubles  respiratoires.  Quelques  troubles cépha- 
liques  ;  ptosis  fugace  et  mydriase  à  gauche  ;  traitement:  Kl  et  frictions. 

En  octobre,  le  malade  peut  commencer  à  remuer  les  jambes. 

En  1890,  le  malade  peut  marcher,  les  réflexes  rotuliens  sont  plutôt 
affaiblis.  Il  persiste  de  légers  troubles  subjectifs  de  la  sensibilité. 
Atrophie  musculaire  légère  des  membres  inférieurs. 


—  117  — 


Observation  99  (résumée). 

Surmont.   Syphilis    médullaire  précoce.   Bulletin   médical  du 
Nord,  1892,  n»  15. 

L'auteur  rapporte  l'histoire  d'un  homme  qui,  huit  mois  et  quelques 
jours  après  l'apparition  d'un  chancre  infectant  de  la  racine  de  la  verge, 
est  pris  brustiuement,  sans  cause  occasionnelle  appréciable,  de  douleurs, 
et  quelques  instants  après  de  parésie  des  membres  inférieurs  ;  le  surlen- 
demain apparaît  la  rachialgie,  et  cinq  jours  après  le  début  des  acci- 
dents, l'examen  clinique  révèle  l'existence  d'une  paraplégie  spasmo- 
dique  peu  accentuée,  mais  très  nette. 

Sous  l'influence  du  traitement  mixte  institué  de  suite,  les  troubles 
moteurs  s'amendent  rapidement  ;  mais  le  processus  morbide  nes'arrête 
pas  complètement,  puisque  du  treizième  au  dix-septième  jour  après  le 
début  des  accidents,  on  constate  de  la  parésie  vésicale.  Deux  semaines 
plus  tard,  le  malade  peut  quitter  le  service,  mais  les  réflexes  tendineux 
sont  exagérés,  la  sensibilité  à  la  piqûre  et  au  chatouillement  est  exaltée. 

Cette  dernière  observation  fournit  l'exemple  d'une  forme  légère 
dont  le  début  s'est  manifesté  brusquement.  Ce  mode  d'apparition, 
bien  qu'ordinaire  dans  les  formes  graves,  n'est  nullement  spécial  à  ces 
forme. 

Ordinairement  le  début  est  brusque  plutôt  que  subit,  ainsi  que  le 
ait  remarquer  M.  Lancereaux  ;  cependant,  dans  quelques  cas,  il 
peut  être  absolument  apoplectiforme.  Dans  d'autres  cas,  l'évolution 
des  accidents,  sans  être  brusque,  est  très  rapide,  et  c'est  en  quelques 
jours  que  la  paraplégie  atteint  son  maximum  d'intensité.  Enfin,  au 
cours  d'une  forme  à  évolution  chronique,  on  note  souvent  des  acci- 
dents aigus  caractérisés  par  une  aggravation  soudaine  des  symp- 
tômes paralytiques. 

Si  l'on  passe  en  revue  les  observations  publiées  par  les  auteurs,  on 
constate  que  les  accidents  brusques  ont  été  notés  dans  la  moitié  des 
cas  environ.  En  parcourant  les  cas  rassemblés  par  MM.  Gilbert  et 
Lion,  on  trouve  que  dans  33  observations  où  il  est  fait  une  mention 
précise  du  mode  d'apparition  des  symptômes,  9  fois  le  début  a  été 
brusque,  G  fois  l'apparition  rapide  et  que  2  fois,  au  cours  d'une  évolu- 
tion progressive, les  accidents  paralytiques  se  sont  accentués  brusque- 
ment. Soit  17  cas  avec  des  symptômes  aigus  et  16  cas  chroniques. 


—  118  — 


Dans  la  statistique  de  M.  Boulloche  (1),  suv  53  cas  dont  le  début 
est  caractérisé,  16  cas  ont  apparu  brusquement,  7  rapidement,  2  cas 
en  voie  d'évolution  ont  présenté  une  aggravation  soudaine  el  28  se 
sont  développés  progressivement. 

D'après  nos  propres  observations,  les  accidents  aigus  auraient  une 
plus  grande  fréquence,  et,  sans  pouvoir  fixer  par  un  chiffre  la  propor- 
tion de  cette  fréquence,  nous  croyons  avec  M.  Dejerine  qu'ils  sont 
plus  communs  qu'on  ne  l'a  indiqué  jusqu'ici.  Au  cours  d'une  évolu- 
tion chronique,  on  observe  souvent,  en  effet,  de  petites  attaques  de 
paraplégie  passagère  qui  laissent  ordinairement  k  leur  suite  une  cer- 
taine aggravation  dans  les  symptômes. 

Mais  il  est  des  formes  qui  évoluent  progressivement  et  d'une  façon 
tout  à  fait  chronique.  Dans  ces  cas,  le  rôle  des  altérations  vasculaires 
se  comprend  aussi  bien.  Les  modifications  des  vaisseaux  se  produi- 
sent lentement  et  les  lésions  du  tissu  nerveux  suivent  la  même 
marche.  Nous  répéterons  que  la  marche  qui  peut  servir  de  base  aune 
classification  clinique  ne  correspond  pas  k  une  semblable  distinction 
dans  les  formes  anatomiques.  Certaines  lésions  accessoires  peuvent 
k  la  vérité  revêtir  dans  les  formes  lentes  des  aspects  particuliers, 
mais  le  processus  primitif  est  toujours  le  même  :  il  consiste  en  une 
inflammation  des  parois  vasculaires  et  des  voies  lymphatiques  du  tissu 
conjonctif  des  méninges. 

La  prédominance  des  symptômes  d'un  côté  du  corps,  les  oscillations 
dans  l'évolution,  les  alternatives  de  rémissions  et  d'exacerbations,  les 
rechutes,  les  attaques  de  paraplégie  plus  ou  moins  graves,  enfin  la 
«  fragmentation  »  des  symptômes  sont  des  particularités  qui  s'expli- 
quent par  les  variations  dans  la  nutrition  du  tissu,  variations  en 
rapport  avec  les  altérations  vasculaires. 

De  l'étendue  des  lésions  vasculaires,  de  leur  prédominance  dans 
certaines  régions  de  la  moelle  ou  de  leur  diffusion, résultent  les  diffé- 
rentes formes  de  la  paralysie  spinale  syphilitique. 

Dans  les  formes  graves,  le  ramollissement  est  très  étendu  ;  la 
destruction  des  centres  gris  et  des  cordons  blancs  de  la  moelle  pro- 
duit une  paralysie  intense  dans  les  muscles  des  parties  du  corps 
situées  au-dessous.  Les  troubles  circulatoires  secondaires  peuvent 

(1)  Boulloche.  Contribution  à  l'étude  des  paraplégies  syphilitiques.  Annales  de 
dermat.,  octobre  1891. 


—  119  — 

atteindre  les  régions  supérieures  de  la  moelle  et  agir  sur  les  centres 
respiratoires  et  cardiaques,  lorsque  ceux-ci  ne  sont  pas  intéressés 
directement  par  le  ramollissement.  Les  accidents  graves  qui  en 
résultent  peuvent  être  une  cause  de  mort  rapide  (cas  n"  I,  obs.  108). 

D'autres  fois,  la  mort  est  la  conséquence  des  altérations  trophiques 
et  des  lésions  de  décubitus  (cas  n"  II  et  n"  Ili,  obs.  109  et  110). 

Mais  les  lésions  n'ont  pas  toujours  cette  intensité,  elles  peuvent 
n'intéresser  qu'un  segment  de  la  moelle  ou  même  une  partie  seule- 
ment de  ce  segment.  Elles  revêtent  alors  le  type  de  la  lésion  décrite 
sous  le  nom  de  myélite  transverse. 

Il  est  une  forme  particulièrement  fréquente  signalée  par  Erb  (1)  et 
qui  indique  une  localisation  du  processus  dans  la  partie  moyenne  de 
la  région  dorsale.  Cette  forme  a  été  récemment  étudiée  par  un  élève  du 
professeur  d'Ileidelberg,  M.  S.  Kuh  (2),  qui  attribue  aux  lésions  une 
origine  vasculaire.  Il  rejette  l'hypothèse  d'une  sclérose  primitive  ou 
d'une  néoplasie  gommeuse  qui  laisseraient  inexpliquée  l'apparition 
subite  des  symptômes  notée  assez  souvent.  Pour  l'auteur,  «  il  n'y  a 
aucune  raison  de  séparer  les  cas  à  début  brusque  de  ceux  qui  évoluent 
progressivement  ni  d'accepter  pour  eux  une  pathogenèse  particulière, 
car  on  trouve  tous  les  cas  intermédiaires  entre  une  paraplégie  subite 
comme  un  éclair  et  la  paralysie  qui  se  développe  pendant  des  mois  et 
des  années.  Nous  en  arrivons  par  exclusion,  dit-il,  à  admettre  une 
affection  primitive  des  vaisseaux  »  (p.  409). 

Nous  avons  jusqu'ici  laissé  de  côté  les  altérations  du  tissu  propre 
des  méninges  ;  c'est  qu'en  effet,  ces  lésions  n'ont  qu'un  intérêt  secon- 
daire et  n'agissent  le  plus  souvent  sur  le  tissu  nerveux  que  par  les 
altérations  vasculaires  qui  les  accompagnent.  Le  processus,  d'ailleurs, 
se  localise  au  début  à  la  périphérie  des  vaisseaux,  comme  le  prouvent 
les  observations  do  Baumgarten,  Greiff,  Schmauss,  Moller, 
Goldflam,  Lamy,  etc.  Dans  nos  cas,  nous  avons  toujours  retrouvé 
la  même  disposition.  Le  fait  est  surtout  net  dans  les  cas  très  rapides 
où  les  lésions,  très  répandues,  sont  peu  avancées  dans  leur  évolution. 

Lorsque,  au  contraire,  l'affection  a  présenté  une  certaine  durée,  les 

(1)  Eeb,  Ueber  syphilitische  Spinal  paralyse.  Neurulog isches  Cfintralblatt,lô  mars 

1892,  n"  6. 

(2)  S.  Kuh.  Die  Paralysis  spinalis  syphilitica,  tic.  Deutsche  Zeitsehr.  Nervenheilk., 

1893.  Bd  III,  H.  6,  p.  359. 


—  120  — 


lésions  vasculaires  ayant  évolué  lentement,  les  altérations  méningées 
se  sont  développées  et  l'on  retrouve  à  l'autopsie,  à  côté  des  lésions 
vasculaires  et  de  la  dégénérescence  du  tissu  nerveux  des  modifica- 
tions importantes  des  méninges.  Nous  joindrons  ànos  propres  obser- 
vations un  cas  de  Goldflam  (v.  obs.  126)  comme  exemple. 

Dans  quelques  cas,  l'inflammation  spécifique  ofi're  un  plus  grand 
développement  et  les  altérations  qu'elle  provoque  directement  s'ajou- 
tent aux  lésions  dégénératives  d'origine  iscliémique.  Ainsi  l'infiltra- 
tion partie  du  pourtour  d'un  vaisseau  ou  du  tissu  de  la  pie-mère  peut 
envahir  le  tissu  de  la  moelle  sur  une  étendue  plus  ou  moins  considé- 
rable. L'inflammation  de  la  pie-mère  ou  de  l'arachnoïde  peut  s'accen- 
tuer, évoluer  et  déterminer  des  épaississements,  des  adhérences  de 
ces  enveloppes  entre  elles  et  à  la  dure-mère.  D'autres  fois,  une  néo- 
plasie  gommeuse  se  développe  et  atteint  des  dimensions  considéra- 
bles ainsi  que  le  prouvent  les  observations,  rares  il  est  vrai,  de 
gommes  macroscopiques  des  méninges  et  de  la  moelle. 

Ces  lésions  ont,  au  point  de  vue  anatomique,  une  valeur  considé- 
rable, car  jointes  aux  lésions  des  vaisseaux,  elles  impriment  un  cachet 
spécial  au  processus  syphilitique,  mais  elles  acquièrent  rarement  une 
importance  capitale  comme  facteurs  des  lésions  secondaires  du  tissu 
médullaire  et  des  symptômes  qui  en  résultent. 

On  doit  cependant,  à  côté  des  troubles  circulatoires  et  de  la  nécrose 
iscliémique,  phénomènes  capitaux,  donner  une  place  aux  accidents 
de  compression  occasionnés  par  la  pachy méningite  et  les  gommes 
syphilitiques  de  la  moelle. 


CHAPITRE  II 


SOMMAIRE.  —  Étude  anatomique  et  clinique  de  la  syphilis  médullaire 
Considérations  générales. 

1.  —  Les  lésions. 

A.  —  Période  des  altérations  méningo-vasculaires. 

B.  —  Ramollissement  médullaire  et  dégénérescence  des  éléments 

nerveux. 

G.  —  Période  de  réaction  du  tissu  interstitiel.  Sclérose  névroglique. 
D.  —  Particularités  dans  l'évolution  des  lésions,  formes  anatomiques 
spéciales. 

2.  —  Les  symptômes  (considérations  générales). 

A.  —  Période  prodromique. 

a)  Phénonèmes  extrinsèques  (cérébraux). 
0)  Pliénomènes  intrinsèques  (spinaux). 

B.  —  Attaque  de  paraplégie  et  période  de  paralysie  aiguë. 

C.  —  Période  de  paraplégie  spasmodique. 

3.  —  V  évolution . 

Marche,  durée,  terminaisons,  complications. 

4.  —  Formes. 

A.  —  Forme  commune. 

B.  —  Autres  localisations. 

C.  —  Flémiparaplégie  syphilitique. 

D.  —  Formes  pseudo-systématiques. 

a)  Pseudo-tabes  syphilitique. 

b)  Myélopathie  syphilitique  à  forme  de  sclérose  latérale. 

c)  Myélopathie  syphilitique  à  forme  de  sclérose  en  plaques. 

d)  Formes  amyotrophiques. 

e)  Forme  bulbaire. 

E.  —  Formes  spéciales. 

a)  Méningite  et  pachyméningite  spinales  syphilitiques. 

b)  Gommes. 


—  122  — 


5.  —  Diagnostic. 

6.  —  Pronostic  et  traitement. 

7.  —  Conditions  étiologiques . 

A.  —  Fréquence. 

B.  —  Conditions  résultant  de  la  nature  du  virus. 

a)  Date  d'apparition. 

b)  Gravité  de  la  syphilis  à  l'origine. 

c)  Influence  du  traitement  antérieur. 

C.  —  Conditions  inhérentes  au  sujet. 

a]  Causes  prédisposantes.  Hérédité,  âge,  sexe,  maladies  anté- 
rieures. 

h)  Causes  occasionnelles  et  localisatrices.  —  Surmenage  de  la 
moelle,  refroidissements,  traumatismes. 

8.  —  Conclusions. 


CHAPITRE  II 


Étude  anatomique  et  clinique  de  la  syphilis  médullaire. 

CONSIDÉRATIONS  GÉNÉRALES 

Les  lésions  élémentaires  de  la  syphilis  médullaire  sont  assez  simples 
puisqu'elles  peuvent  être  ramenées  à  une  inflammation  primitive  des 
vaisseaux  et  du  tissu  conjonctif  de  la  pie-mère  suivie  de  lésions  dégé- 
néralives  du  tissu  nerveux.  Mais  la  variété  dans  la  rapidité  et  le  mode 
d'évolution,  dans  l'étendue  et  la  localisation  des  lésions  entraînent 
une  grande  complexité  des  symptômes.  Aussi,  les  formes  cliniques 
sont-elles  multipliées. 

Il  est  possible  cependant  de  donner  une  description  des  lésions 
anatomiques  telles  qu'elles  se  présentent  dans  les  cas  ordinaires  tout 
en  indiquant  les  particularités  qui  caractérisent  les  formes  spéciales. 

De  même,  au  point  de  vue  clinique,  s'il  existe  dans  le  tableau 
syinptoniatique  une  grande  variabilité'  portant  sur  la  gravité  et  la 
nature  même  des  manifestations,  l'encliaînement  des  signes  obéit  à 
une  règle  générale  que  l'on  peut  formuler. 

La  description  anatomique  et  clinique  que  nous  proposons  repose 
sur  l'examen  des  cas  publiés  dans  ces  dernières  années  et  aussi  sur 
l'étude  d'observations  suivies  d'aulopsic  et  de  faits  cliniques  qui  nous 
sont  personnels. 

Nous  avons  eu  l'occasion  d'examiner  au  microscope  sept  moelles 
de  syphilitiques  dont  cinq  ont  été  recueillies  dans  le  service  de 
M.  Dejerine  à  l'hospice  de  Bicêtre  ;  un  autre  cas  nous  a  été  confié 
par  M.  Lancereaux  et  nous  avons  recueilli  une  observation  très 
importante  dans  le  service  de  M.  Dujardin-Beaumetz,  à  l'hôpital 
Cochin.  Nous  donnerons,  dans  la  deuxième  partie  de  ce  travail  avec 
l'histoire  d'un  certain  nombre  d'observations  cliniques,  provenant  pour 
la  plupart  du  service  de  M.  Dejerine,  l'examen  microscopique  de 


—  124  — 


ces  sept  cas  que  nous  avons  rangés  suivant  la  durée  de  l'affection.  Ils 
offrent  un  terrain  très  favorable  à  l'étude  des  lésions  de  la  syphilis 
médullaire,  car  ils  fournissent  des  exemples  des  principaux  types 
cliniques. 

Le  premier  cas  (cas  n°  I,  obs.  108)  a  Irait  à  un  homme  de  34  ans, 
syphilitique  depuis  deux  ans,  qui  fut  pris  de  douleurs  lombaires,  de 
lourdeur  dans  les  jambes  et  de  quelques  troubles  dans  le  fonctionne- 
ment des  sphincters.  Quelques  semaines  plus  tard,  il  est  frappé 
d'une  attaque  brusque  de  paraplégie  et  meurt  soixante  heures  après. 

On  comprend  l'importance  de  ce  cas  qui  permettait  de  reconnaître 
la  nature  des  lésions  au  début  de  leur  évolution.  Or,  les  lésions  vas- 
culaires  étaient  très  prononcées;  elles  atteignaient  les  artères  et  les 
veines,  surtout  ces  dernières,  et  existaient  dans  toute  la  hauteur  de  la 
moelle,  en  particulier,  au  niveau  du  bulbe.  Les  altérations  du  tissu 
propre  de  la  pie-mère  étaient  très  discrètes,  il  existait  cependant  des 
foyers  d'infiltration  périvasculaires  et  de  petits  nodules  gommeux  péri- 
capillaires  dans  les  méninges  et  dans  la  moelle  (pl.  I). 

Les  altérations  vasculaires  atteignaient  leur  maximum  d'intensité 
dans  la  région  dorsale  supérieure  et  en  ce  point  la  moelle  était  ramollie 
sur  une  longue  étendue,  la  substance  grise  désorganisée.  Le  tissu 
nerveux  altéré  ne  présentait  pas  trace  d'inllammation  du  tissu  inters- 
titiel, mais  tous  les  attributs  de  la  nécroinose  au  début. 

Il  s'agissait  en  somme  d'un  grand  foyer  de  ramollissement  isché- 
mique  qui  s'accompagnait  de  quelques  petits  foyers  hémorrhagiques 
capillaires. 

Dans  le  deuxième  cas  (cas  n°  II,  obs.  109),  qui  nous  a  été  commu- 
niqué par  M.  Lancereaux,  il  s'agit  d'une  femme  de  34  ans  qui  prit 
la  syphilis  à  l'âge  de  26  ans.  Sept  ans  plus  tard,  elle  présenta  des 
phénomènes  cérébro-spinaux  diffus  et  oscillants  qui  durèrent 
quelques  mois  et  furent  interrompus  par  une  attaque  brusque  de 
paraplégie.  A  la  suite  de  cet  accident,  les  symptômes  paralytiques 
s'accentuèrent  progressivement  mais  rapidement,  et  la  malade  suc- 
comba cinq  mois  environ  après  l'attaque  de  paraplégie.  A  l'autopsie, 
on  trouva  des  altérations  vasculaires  considérables  et  aussi  une  infil- 
tration marquée  des  méninges  avec  prédominance  de  l'inflammation 
autour  des  vaisseaux.  En  quelques  points  même,  l'infdtration  gom- 
meuse  développée  dans  la  paroi  des  veines  formait  des  nodules  assez 


—  125  — 


volumineux  dont  le  centre  était  en  voie  de  régression  caséeuse  (pl.  11, 
fig.  1).  iiSS  lésions  vasculaires  répandues  dans  toute  la  hauteur  de  la 
moelle  étaient  particulièrement  développées  dans  le  segment  dorsal. 
Dans  toute  l'étendue  de  cette  région,  le  tissu  nerveux  est  nécrosé  à  la 
partie  périphérique  de  la  moelle,  et  la  substance  grise  elle-même  est 
très  altérée. 

La  dégénération  du  tissu  nerveux  est  ici  beaucoup  plus  avancée  que 
dans  le  cas  n"  I,  et  le  parenchyme  est  réduit  à  une  masse  granuleuse 
presque  amorphe  absolument  distincte  du  tissu  inflammatoire  de  la 
pie-mère  voisine.  A  côté  du  processus  de  dégénération  du  tissu 
nerveux  qui  est  le  plus  répandu,  on  note  en  quelques  points  l'enva- 
hissement  de  ce  tissu  par  Finfdtration  spécifique  émanée  de  la  pie- 
mère  ou  d'un  vaisseau  intra-médullaire;  mais  ces  lésions  ont  une 
étendue  incomparablement  moins  importante  que  les  altérations  de 
nature  dégénérative.  Les  altérations  radiculaires,  qui  sont  très  déve- 
loppées dans  ce  cas,  semblent  au  contraire  relever  d'un  envahisse- 
ment progressif  par  l'infiltration. 

Le  malade  du  cas  n"  III  (obs.  110),  présenta,  à  l'âge  de  26  ans, 
quatorze  mois  après  un  chancre  syphilitique,  quelques  symptômes 
spinaux  qui  précédèrent  de  quinze  jours  seulement  une  attaque  légère 
de  paraplégie  bientôt  suivie  d'amélioration.  Deux  mois  plus  tard 
survint  une  nouvelle  attaque  plus  grave.  A  partir  de  ce  moment,  les 
symptômes  s'accentuent  progressivement  et  la  mort  survient  dans  le 
seizième  mois  après  le  début  de  l'affection.  Les  lésions  des  vaisseaux 
et  des  méninges  se  présentaient  avec  les  mêmes  caractères  que  dans 
le  cas  précédent,  mais  ces  modifications,  ainsi  que  celles  qui  intéres- 
saient le  parenchyme  nerveux,  étant  de  date  plus  ancienne,  offraient 
des  particularités  importantes.  Les  vaisseaux  oblitérés  présentaient 
les  signes  manifestes  d'un  processus  de  rénovation  :  néoformation  de 
capillaires  dans  les  parois  et  le  caillot  central,  développement  exagéré 
et  supplémentaire  des  vasa-vasorum,  etc.,  apparences  qui  indiquent 
l'établissement  d'une  circulation  nouvelle  (pl.  III,  fig.  4,  et  pl.  IV,  fig.  2). 

Le  tissu  nerveux  dégénéré  est  totalement  privé  d'éléments  rappe- 
lant la  structure  des  éléments  nerveux,  mais  les  produits  de  désinté- 
gration sont  excessivement  abondants  et,  d'autre  part,  le  tissu 
névroglique  en  voie  de  réaction  tend  à  combler  par  son  développement 
les  vides  résultant  de  la  nécrose  des  éléments  nobles.  Les  altérations 


—  126  — 


dans  ce  cas  n'étant  pas  toutes  de  même  date,  on  a  le  tableau  des 
phases  successives  par  lesquelles  passe  le  tissu  interstitiel  avant 
d'arriver  à  la  constitution  de  la  sclérose  névroglique  qui  remplace 
définitivement  le  tissu  nerveux  détruit. 

Ce  processus  représente  la  presque  totalité  des  lésions  médullaires  ; 
en  un  point  très  restreint  seulement,  l'infiltration  de  la  pie-mère 
semble  s'être  développée  davantage,  la  dure-mère  adhère  à  la  pie-mère 
et  l'infiltration  spécifique  a  envahi  la  portion  sous-jacente  du  paren- 
chyme médullaire  qui  présente  les  aspects  d'une  cicatrice  scléreuse 
conjonctive. 

Les  trois  observations  précédentes  fournissent  des  documents  sur 
la  nature  des  lésions  en  pleine  activité,  et  l'échéance  variable  de  la 
mort  dans  ces  trois  cas  permet  d'acquérir  des  notions  sur  leur  mode 
d'évolution. 

Le  quatrième  cas  (cas  n"  IV,  obs.  111)  est  un  exemple  de  syphilis 
médullaire  ancienne  dont  les  altérations  arrivées  à  leur  dernier  stade 
étaient  stationnaires  depuis  plusieurs  années.  Le  sujet  de  cette  obser- 
vation avait  présenté,  neuf  mois  après  un  chancre  induré,  les  premiers 
signes  d'une  affection  spinale,  puis  une  attaque  de  paraplégie  qui, 
après  un  certain  degré  d'amélioration,  avait  revêtu  dans  la  suite 
l'aspect  d'une  paraplégie  spasmodique  de  moyenne  intensité  dans  le 
type  classique.  Le  malade  était  dans  cet  état  depuis  neuf  ans,  lors- 
qu'il succomba  aune  pleurésie.  La  moelle  présentait  dans  la  région 
dorsale  supérieure  une  sclérose  diffuse,  intéressant  surtout  les  cor- 
dons latéraux  et  les  cordons  postérieurs.  Au  foyer  d'altération  trans- 
verse partielle,  s'ajoutait  naturellement  une  dégénération  secondaire 
ascendante  et  descendante. 

Les  méninges  étaient  légèrement  épaissies  et  scléreuses,  mais  les 
lésions  prédominantes  portaient  encore  sur  les  vaisseaux  tant  de  la 
pie-mère  que  du  tissu  médullaire.  Ces  lésions  offraient  un  caractère 
particulier  d'ancienneté;  très  développées  dans  la  région  où  la  moelle 
avait  le  plus  souffert,  elles  existaient  d'ailleurs  dans  toute  la  hauteur 
du  névraxe,  et  l'on  pouvait  constater  que,  dans  les  parties  où  la  moelle 
était  restée  saine  (à  part  la  dégénérescence  secondaire),  l'inflamma- 
tion s'était  limitée  aux  parois  vasculaires.  Comme  cette  lésion  avait 
subi  un  arrêt  dans  son  développement,  la  sclérose  des  parois  vascu- 
laires s'était  manifestée  tandis  que  la  lumière  des  vaisseaux  n'était 
pas  encore  notablement  réduite  (fig.  28,  p.  353). 


—  127  — 


La  sclérose  du  tissu  médullaire  se  présentait  avec  les  caractères  de 
la  sclérose  névrogiique,  dont  on  pouvait  suivre  le  développement 
dans  le  cas  n°  III.  Ici,  elle  était  arrivée  à  son  dernier  terme,  les  pro- 
duits de  désintégration  des  éléments  nerveux  étaient  à  peu  près  com- 
plèlement  résorbés,  elle  parenchyme  médullaire  sclérosé  était  induré. 

11  faut  ajouter  à  ces  cas  trois  observations  qui  nous  ont  été  com- 
muniquées par  M.  Dejerine  et  qui  se  rapportent  à  des  malades  qui 
succombèrent  douze  ans,  quatorze  ans  et  vingt  ans  après  le  début  de 
la  paralysie.  Les  préparations  microscopiques  que  nous  avons  eu 
l'occasion  d'examiner  offraient  les  mêmes  particularités  de  faible 
développement  des  altérations  de  la  pie-mère  et  de  prédominance  des 
lésions  sur  les  petits  vaisseaux  des  méninges  et  de  la  moelle. 

Si  l'on  résume  les  altérations  constatées  dans  ces  différents  cas, 
on  remarque  que  les  altérations  vasculaires  sont  constantes,  qu'elles 
se  montrent  dès  le  début,  car  elles  sont  à  peu  près  exclusives  dans  le 
cas  n°I,  et  manifestement  plus  anciennes  que  les  altérations  de  la  moelle; 
enfin  que  les  lésions  des  méninges  n'ont  qu'un  rôle  lout  à  fait  acces- 
soire dans  la  détermination  des  altérations  secondaires  du  parenchyme 
médullaire.  Quant  au  pi'ocessus  d'altération  de  ce  parencliyme,  il  se 
manifeste  d'abord  par  un  état  de  ramollissement  du  tissu  avec  nécrose 
des  éléments  nobles  alors  que  le  tissu  interstitiel  ne  présente  encore 
pas  trace  d'inflammation.  Ce  n'est  que  plus  tard  que  survient  la  période 
de  réaction  du  tissu  interstitiel  et  la  sclérose  terminale  présente  les 
caractères  de  la  sclérose  névrogiique.  Si  les  altérations  du  tissu 
médullaire  sont  sous  la  dépendance  des  lésions  vasculaires.  elles 
résultent  des  troubles  circulatoires  et  non  de  l'envahissement  du  tissu 
nerveux  par  une  sclérose  périvasculaire,  car  dans  les  cas  anciens 
cas  n»  IV),  on  rencontre  de  nombreux  vaisseaux  altérés  qui  traversent 
des  portions  de  parenchyme  sain  et  sont  en  contact  avec  des  tubes 
nerveux  normaux.  D'autre  part,  les  parois  des  vaisseaux  qui  (  raversent 
le  tissu  de  sclérose  n'ont  aucune  adhérence  avec  ce  tissu. 

Un  fait  clinique  remarquable  qui  ressort  également  de  l'histoire  de 
ces  observations,  c'est  la  fréquence  du  début  brusque  ou  de  l'appari- 
tion rapide  des  accidents.  Ce  phénomène  est  bien  caractéristique  d'une 
lésion  d'origine  circulatoire,  il  n'est  d'ailleurs  nullement  spécial  à 
une  forme  clinique  particulière  ;  la  paraplégie  spasmodique  développée 
lentement  présente  dans  la  suite  le  même  aspect  que  celle  qui  succède 


—  128  — 


-à  des  accidents  brusques,  lorsque  ces  accidents  n'ont  pas  été  assez 
intenses  pour  déterminer  rapidement  la  mort.  Il  n'y  a  là  qu'une  diffé- 
rence dans  la  rapidité  d'évolution  des  troubles  ischémiques. 

Ces  considérations  nous  amènent  à  proposer,  pour  la  description  de 
l'évolution  anatomo-clinique  des  formes  les  plus  communes  de  la 
syphilis  médullaire,  le  cadre  suivant  : 

Les  altérations  vasculaires  el,  méningées  sont  les  premières  en  date 
{période  d'altérations  méningo-vasculaires),  les  troubles  circula- 
toires se  manifestent  alors  par  des  symptômes  oscillants  et  diffus  assez 
semblables  aux  phénomènes  cérébraux  qui  accompagnent  l'état  décrit 
sous  le  nom  d'hémiplégie  variable.  Ces  phénomènes  spinaux  sont  la 
lourdeur  des  jambes  avec  des  sensations  subjectives  variées,  des  dou- 
leurs lombaires,  des  troubles  légers  des  sphincters,  l'inégalité  des 
réflexes  dans  les  membres  inférieurs,  etc.  {période  prémonitoire). 
Puis  surviennent,  dans  la  nutrition  des  éléments  nerveux,  des  troubles 
graves  qui  le  plus  souvent  se  manifestent  rapidement.  Le  parenchyme 
nerveux  est  frappé  de  mort  et  présente  les  premiers  signes  de  la 
nécrose  (s fade  de  ramollissement) .  A  cet  accident  correspond  une. 
attaque  de  paraplégie. 

Si  la  lésion  est  très  étendue,  la  mort  survient  à  brève  échéance, 
surtout  lorsque  les  centres  spinaux  supérieurs  sont  atteints.  Lors- 
qu'elle permet  la  survie,  l'intensité  des  symptômes  et  leur  nature 
sont  en  rapport  avec  l'étendue  et  la  localisation  du  foyer  de  ramollis- 
sement, et  dans  ce  cas  la  lésion  continue  son  évolution. 

Le  parenchyme  nécrosé  dégénère  in  situ  {période  de  dégénéres- 
cence); en  même  temps,  les  fibres  interrompues  dégénèrent  dans  le 
sens  de  leur  direction  {dégénérescence  secondaire  ascendante  et 
descendante). 

A  la  suite  de  l'attaque  de  paraplégie,  même  lorsque  les  centres 
gris  spinaux  des  membres  inférieurs  ne  sont  pas  détruits,  la  para- 
plégie est  généralement  flasque,  car  la  rupture  d'équilibre  qui 
survient  dans  la  circulation  spinale,  influe  sur  l'irrigation  de  ces 
centres  dont  le  fonctionnement  est  momentanément  compromis. 

Puis  survient  une  période  de  réaction  inflammatoire  du  tissu 
interstitiel  névroglique.  Les  vaisseaux  oblitérés  sont  suppléés  par  le 
développement  des  vasa-vasorum  et  l'afflux  collatéral.  Le  tissu  con- 
jonctif  et  surtout  la  névroglie  entrent  en  activité,  remplacent  le 


—  1-29  — 


parenchyme  nerveux  et  la  sclérose  s'établit  dans  les  régions  d'abord 
frappées  de  nécrose  {période  de  sclérose). 

Dans  la  majorité  des  cas  qui  permettent  la  survie  du  sujet,  l'altéra- 
tion du  tissu  médullaire  siégeant  dans  la  région  dorsale,  les  centres 
gris  spinaux  des  membres  inférieurs  sont  conservés,  mais  leur  fonc- 
tionnement est  modifié  par  la  présence  de  la  lésion  située  au-dessus 
et  la  sclérose  secondaii'e  du  faisceau  pyramidal.  Les  malades  pré- 
sentent les  signes  d'une  paraplégie  spasmodique  persistant  à 
l'état  chronique. 

Cette  description  s'applique  au  plus  grand  nombre  des  cas  de 
syphilis  médullaire,  particulièrement  au  type  clinique  tracé  par  Erb 
sous  le  nom  de  paralysie  spinale  syphilitique.  Le  professeur 
de  Heidelberg  a  eu  surtout  en  vue  les  cas  d'intensité  moyenne  qui 
présentent  le  tableau  complet  de  l'affection,  mais  il  faut  faire  rentrer 
dans  ce  cadre  les  formes  graves  qui  n'offrent  que  les  premiers  stades 
de  l'évolution  et  ne  se  distinguent  des  formes  complètes  que  par  la 
précocité  du  terme  fatal. 

Il  est  bien  évident  que  le  tableau  clinique  dépend  de  la  localisation 
des  lésions  médullaires  ;  ainsi  le  type  classique  répond  à  une  altéra- 
tion de  la  moelle  dorsale  n'intéressant  qu'une  partie  de  la  coupe  et 
respectant  la  substance  grise  de  la  région  lombaire.  Mais  le  ramol- 
lissement pourra  être  plus  étendu,  atteindre  d'autres  régions  :  la 
région  cervicale,  le  renflement  lombaire,  donnant  lieu  à  des  formes 
correspondantes  de  paralysie  spinale. 

Les  lésions  pourront  prédominer  dans  la  substance  grise,  les  cor- 
dons postérieurs,  être  distribuées  en  foyers  disséminés  et  figurer 
ainsi  des  formes  pseudo-systématiques  rappelant  le  tabès,  la  polio- 
myélite antérieure,  la  sclérose  en  plaques,  elc. 

Enfin,  parmi  les  formes  spéciales,  il  faut  ranger  celles  qui  résultent 
d'un  accident  dans  l'évolution  des  altérations  méningées.  Quelquefois, 
en  effet,  l'infiltration  spécifique  se  localise  dans  les  membranes  et  se 
développe  considérablement,  le  ■  méninges  sont  très  épaissies,  adhè- 
rent entre  elles  et  plus  tard  deviennent  scléreuses.  Cette  méningite 
syphilitique  peut  ainsi  s'associer  aux  manifestations  ordinaires  que 
nous  avons  décrites  et  même  constituer  l'altération  principale.  Ou 
bien,  mais  rarement,  c'est  une  néoplasie  gomraeuse  qui  se  développe 
et  provoque  des  accidents  de  compression. 

S.  9 


—  130  — 


Dans  les  formes  ordinaires,  l'inflammation  spécifique  dépasse 
fréquemment  les  limites  de  son  siège  primitif  (tissu  vasculaire  et 
lymphatique  des  méninges),  et  envahit  plus  ou  moins  la  moelle  même, 
mais  ces  accidents  sont  purement  contingents,  et  l'altération  princi- 
pale du  parenchyme  nerveux  relève  des  troubles  circulatoires  produits 
par  les  lésions  vasculaires. 

Nous  avons  eu  déjà  l'occasion  d'exposer  cette  opinion  (1)  avec 
l'appui  de  notre  maître,  M.  Dejerine  (2)  sous  l'inspiration  duquel 
nous  avons  entrepris  ce  travail. 

I  1.  —  Les  lésions. 

A.  —  Période  des  altérations  méningo-vasculaires 

Dans  la  myélopathie  syphilitique,  les  altérations  des  vaisseaux  et 
des  méninges  sont  les  premières  en  date. 

L'étude  des  lésions  vasculaires  comporte  deux  questions  :  d'abord 
l'examen  des  faits  observés,  puis  l'intei'prétation  qu'on  en  peut 
proposer. 

Artères.  —  Nous  avons  déjà  indiqué  les  divergences  d'opinion  des 
différents  auteurs  sur  le  point  de  départ  du  processus  d'inflammation 
dans  les  tuniques  artérielles.  Il  semble,  en  effet,  que  les  aspects  ne 
sont  pas  toujours  identiques,  et  que  les  altérations  peuvent  prédo- 
miner sur  l'une  ou  l'autre  des  tuniques  artérielles,  suivant  les  cas. 

Nous  avons  vu  que  pour  Ileubner,  Vendartérite  est  la  lésion 
primitive,  et  que,  pour  Ko  s  ter,  c'est  l'inflammation  de  la  tunique 
moyenne  {rnêsartérite).  Baumgartcn,  Rumpf,  M.  I^ancereaux, 
placent  le  point  de  départ  dans  la  tunique  adventice  fpêriarléritej, 
en  faisant  jouer  le  rôle  principal  soit  à  l'inflammation  des  capillaires 
nourriciers,  soit  à  celle  de  la  gaine  lymphatique.  La  plupart  des  faits 
consignés  dans  les  observations  s'accordent  avec  l'opinion  des  parti- 
sans de  la  périartérite.  Cependant,  on  trouve,  le  plus  souvent,  asso- 
cié à  cette  lésion,  un  épaississement  variable  de  l'endartère,  et  dans 

(1)  J.  SoTTAS.  Sur  la  nature  des  lésions  médullaires  dans  la  paraplégie  sypliilitique. 
Société  de  hiulogic,  séance  du  15  avril  1892. 

(2)  J.  Dejerine.  Sur  les  lésions  de  la  moelle  épinière  dans  la  paraplégie  syphili- 
tique. Société  de  hiologie,  séance  du  22  avril  1893. 


—  131  — 


le  cas  de  Môller  (obs.  120),  l'endartérile  paraissait  primitive  et  était, 
en  tous  cas,  nettement  prédominante.  Sclimauss  remarque  que 
(outes  les  parties  de  la  paroi  sont  affectées  irrégulièrement  et  sans 
systématisation,  suivant  les  points  du  vaisseau  intéressés  par  la 
coupe  ;  aussi  pense-t-il  que  l'inflammation  peut  attaquer  d'emblée 
toutes  les  tuniques  indistinctement  (panartérite). 

Dans  les  cas  que  nous  avons  observés,  les  lésions  étaient  d'ordi- 
naire plus  marquées  dans  la  tunique  externe  et  presque  exclusive- 
ment limitées  à  cette  couche  dans  les  premiers  stades  de  l'altération 
des  vaisseaux.  Aussi  pourrait-on,  jusqu'à  un  certain  point,  admettre 
l'hypothèse  de  Baumgarten,  Sclimauss,  etc.,  que  les  lésions  de 
l'endartère  sont  provoquées  par  celles  de  la  tunique  adventice.  Cepen- 
dant, sur  certains  vaisseaux,  l'endartérite  s'est  montrée  prédominante 
et  le  fait  était  surtout  manifeste  pour  les  troncs  et  les  branches  des 
artères  vertébrales  et  basilaire  (v.  fig.  12).  Dans  ce  cas,  il  faut 
admettre  ou  que  l'endartérite  secondaire  à  l'inflammation  des  couches 
externes  du  vaisseau  s'est  propagée  au  loin  dans  des  segments  où 
ces  mêmes  couches  sont  restées  saines,  ou  bien  que  l'irritation  de 
l'endartère  relève  de  l'action  directe  du  sang  syphilitique  circulant 
dans  le  vaisseau. 

En  somme,  dans  la  majorité  des  cas,  l'infiltration  débute  par  la 
tunique  externe  du  vaisseau  et  les  lésions  de  l'endartère  sont  en 
général  moins  développées  ;  elles  paraissent  même,  dans  certains 
cas,  manifestement  secondaires  à  celles  des  couches  externes.  Nous 
avons,  en  effet,  constaté  sur  nombre  de  nos  préparations  qu'aux  points 
du  contour  du  vaisseau  où  les  modifications  de  l'adventice  étaient  le 
plus  prononcées,  correspondait  dans  l'endartère  une  infiltration  dont 
l'intensité  paraissait  proportionnelle,  mais  ordinairement  inférieure  à 
celle  de  l'adventice.  La  lésion  décrite  par  Ko  s  ter  {mésartérite)  ne 
s'est  pas  trouvée  réalisée  dans  nos  cas,  au  moins  primitivement;  la 
tunique  moyenne  et  la  membrane  élastique  offraient,  au  contraire, 
une  résistance  marquée  à  l'infiltration,  et  ce  n'est  que  dans  les  cas 
de  lésions  très  avancées  que  cette  couche  se  montrait  envahie  sur  une 
partie  de  son  contour. 

Lorsque  l'inflammation  de  la  paroi  du  vaisseau  atteint  son  maxi- 
mum, la  membrane  fenètrée  est  déplissée,  percée,  paraît  dédoublée, 
les  fibres  musculaires  de  la  tunique  moyenne  sont  dissociées,  déso- 


rientées  et  séparées  par  des  assises  de  cellules  embryonnaires. 

On  observe  quelquefois,  entre  les  différents  plans  des  tuniques  vas- 
culaires,  de  petits  foyers  liémorrhagiques. 

L'épaississement  de  l'endartère  est  formé  d'un  tissu  fibrillaire  assez 
clair  et  finement  strié  dont  les  minces  couches  sont  séparées  par  des 
rangs  de  cellules  plates  disposés  concentriquement.  Au  voisinage  de 
l'endothélium,  ces  cellules  sont  généralement  plus  nombreuses,  plus 
arrondies  et  disposées  moins  régulièrement.  A  mesure  que  la  lésion 
devient  plus  ancienne,  les  cellules  embryonnaires  diminuent  de 
nombre  et  le  tissu  fondamental  prend  une  apparence  hyaline. 

Quant  à  l'infiltration  de  la  tuniqne  externe,  elle  consiste  en  un 
semis  de  cellules  embryonnaires  répandues  d'une  façon  diffuse  ou 
s'amassant  autour  des  vasa-vasorum.  Elles  forment  quelquefois  des 
nodules  plus  ou  moins  circonscrits  {gommes  miliaires),  mais  cela 
est  beaucoup  plus  fréquent  dans  les  parois  veineuses. 

Tels  sont  les  faits  ;  pour  leur  interprétation,  on  doit  admettre  que 
les  lésions  des  artères,  puisqu'elles  sont  primitives,  se  développent 
sous  l'influence  de  l'agent  syphilitique  même  (agent  figuré  ou  toxine). 
On  peut  ajouter  que  le  point  de  départ  le  plus  ordinaire  semble 
occuper  les  vasa-vasorum  de  la  tunique  externe.  Il  résulte  des  obser- 
vations et  des  expériences  de  M.  Thérèse  (1)  que  le  premier  stade 
des  lésions  artérielles  consécutives  aux  maladies  infectieuses  consiste 
en  une  transsudation  leucocy tique  autour  des  capillaires  et  dans  le 
tissu  conjonctif  des  parois  des  vaisseaux  et  que  cette  transsudation 
peut  se  faire  aussi  bien  sous  l'influence  exclusive  des  toxines,  que  par 
l'action  directe  d'un  microbe. 

Or,  dans  la  syphilis  comme  dans  les  autres  infections,  le  sang 
peut  être  à  un  moment  donné  l'un  des  véhicules  du  poison,  et  il  peut 
agir  aussi  bien  sur  la  paroi  interne  des  gros  vaisseaux  que  sur  l'en- 
dothélium des  capillaires  nourriciers.  Aussi  Ileubner,  tout  en  consi- 
dérant comme  lésion  principale  et  primordiale  l'endartéri  te  proliférante, 
reconnaît-il  également  l'existence  d'une  altération  de  la  tunique  adven- 
tice et  pense-t-il  que  cette  lésion  résulte  de  la  propagation  de  l'inflam- 
mation des  vasa-vasorum  dont  l'endothélium  est  atteint.  Il  existerait 
donc,  d'après  Heubner,  deux  foyers  d'origine  à  la  lésion  artérielle  :  la 

(1)  Thérèse.  Des  a/rtérites  secondaires  aux  maladies  infectieuses.  Thèse  de  Paris, 
1893. 


—  133  — 


couche  sous-endothéliale  du  vaisseau  (foyer  principal)  et  les  vasa- 
vasorum  (foyer  secondaire). 

Ces  deux  processus  s'observent  en  effet,  et  la  lésion  vasculaire 
arrivée  à  une  certaine  période  présente  en  général  deux  foyers  d'alté- 
ration niaxima  :  l'un  dans  la  tunique  adventice,  l'autre  dans  l'endar- 
tère.  Mais  si,  dans  certains  cas  (Môller),  conformément  à  l'opinion 
d'Heubner,  l'endartérite  prédomine,  le  plus  grand  nombre  des  faits 
prouve  que  l'inflammation  de  la  tunique  externe  est  ordinairement  la 
première  en  date  et  presque  toujours  la  plus  développée. 

Au  reste,  peu  importe  le  point  de  départ;  l'endartérite  primitive  ou 
secondaire  est  la  lésion  capitale,  puisque  c'est  de  son  développement 
que  relève  le  rétrécissement  de  la  lumière  du  vaisseau  et  qu'elle  peut 
devenir  le  point  de  départ  de  coagulations  sanguines. 

Veines.  —  Les  modifications  des  veines  ont  la  même  origine  que 
celles  des  artères,  mais  un  fait  remarquable  c'est  qu'elles  sont  très 
précoces,  car  dans  les  cas  où  l'on  a  pu  étudier  l'affection  à  ses 
débuts,  elles  se  sont  toujours  montrées  plus  développées.  Cette  parti- 
cularité a  été  signalée  par  G  r  e  i  ff,  par  S  i  e  m  e  r  1  i  n  g,  M .  L  a  n  c  e  r e  a u  x 
et  surtout  mise  en  lumière  par  Lamy.  Nous  avons  reconnu  l'exac- 
titude de  cette  constatation  dans  tous  nos  cas. 

L'infiltration  débute  manifestement  par  les  couches  externes,  mais 
elle  envahit  bientôt  toute  la  paroi  dont  la  structure  offre  une  résis- 
tance bien  moindre  que  la  paroi  artérielle.  L'évolution  ultérieure  des 
altérations  n'en  est  que  plus  précipitée,  ce  qui  explique  la  plus  grande 
intensité  du  processus  dans  ces  vaisseaux. 

Les  lésions  vasculaires  sont  au  début  surtout  développées  dans  les 
parties  périphériques  de  la  moelle  et  particulièrement  dans  la  pie- 
mère,  elles  atteignent  aussi  les  vaisseaux  libres  dans  la  cavité  sous- 
arachnoïdienne  (pl.  l,  fig.  .3). 

Les  petits  vaisseaux  proprement  nourriciers  de  la  moelle  qui  se 
détachent  du  réseau  de  la  pie-mère  et  dont  les  altérations  sont  si 
importantes,  puisque  ces  vaisseaux  sont  terminaux,  participent  égale- 
ment à  l'inflammation.  On  peut  suivre,  dans  l'épaisseur  de  la  moelle, 
des  traînées  de  cellules  embryonnaires  qui  entourent  les  capillaires, 
infiltrent  leurs  parois  et  envahissent  leur  lumière  qu'on  trouve  bientôt 
oblitérée  (pl.  III,  fig.  2  et  3).  La  nature  artérielle  ou  veineuse  des  petits 
vaisseaux  altérés  est  assez  difficile  à  reconnaître,  mais  quel  que  soit 


—  134  — 


le  système  auquel  ils  appartiennent,  la  minceur  de  leurs  parois 
favorise  les  progrès  de  l'infiltration  dans  ces  vaisseaux. 

L'inflammation  des  parois  vasculaires  est  caractérisée  au  début  par 
le  développement  de  cellules  embryonnaires  vivaces  qui  s'amassent 
surtout  dans  la  tunique  externe.  L'infiltration  est  le  plus  souvent 
diffuse  et  étalée,  mais  elle  a  une  tendance  manifeste,  ainsi  que  nous 
l'avons  dit,  à  former  des  nodules  miliaires  qui  entourent  quelquefois  une 
cellule  géante.  On  retrouve  également  des  cellules  géantes  dans  l'épais- 
seur des  parois  vasculaires,  au  milieu  d'une  infiltration  non  circons- 
crite et  sans  apparence  nodulaire  (pl.  I,  fig.  2). 

Les  nodules  g'ommeux  des  parois  vasculaires  sont  surtout  dévelop- 
pés dans  les  veines  et  font  généralement  saillie  à  l'extérieur  du  vais- 
seau. Ils  peuvent  acquérir  un  volume  considérable  et  constituer  de 
véritables  gommes  dont  l'évolution  présente  les  caractères  ordinaires; 
le  centre  peut  subir  la  dégénérescence  caséeuse  à  laquelle  participe 
souvent  la  paroi  vasculaire  tout  entière  (pl.  II,  fig.  2). 

Les  gommes  miliaires  s'observent  aussi  dans  l'épaisseur  même  de 
la  moelle,  elles  se  développent  toujours  autour  d'un  capillaire  (pl.  II, 
fig.  7).  Ce  fait  a  été  nettement  indiqué  par  Goldllam  (obs.  124,  125). 
Le  point  de  départ  vasculaire  des  gommes  en  général  a  d'ailleurs  été 
abondamment  prouvé  par  les  recherches  de  MM.  Hutinel  (1),  Bris- 
saud  (2),Malassès  (3),  et  surtout  celles  deM.  Balzer  (4),  qui  écrit  : 
«  Dans  les  gommes,  les  lésions  portent  principalement  sur  le  système 
vasculaire  qui  est  évidemment  leur  siège  primitif  et  leur  point  de 
départ...  Ce  sont  les  nodules  périvasculaires  qu'il  faut  considérer 
comme  l'expression  typique,  le  premier  stadeduprocessus  gommeux.  » 
Les  nodules  gommeux  de  la  moelle  obéissent  pour  leur  développement 
à  cette  loi  générale. 

Lorsque  la  lésion  vasculaire  devient  plus  ancienne,  le  tissu  inflamma- 
toire et  les  éléments  propres  de  la  paroi  du  vaisseau  subissent  d'autres 
modifications  que  nous  exposerons  plus  loin,  car  elles  sont  contem- 
poraines des  altérations  secondaires  du  tissu  nerveux.  Mais,  alors 
qu'elle  est  encore  en  pleine  activité,  l'inflammation  détermine  par  ses 

(1)  Hutinel.  Rev.  mens,  de  méd.  et  de  cMr.,  1876. 

(2)  Beissaud.  Progrès  médical,  1881. 

(3)  Malassès.  Archives  de  physiologie,  1881. 

(4)  Balzee.  Revue  de  médecine,  1884,  p.  G09. 


—  135  — 


progrès  des  modifications  dans  la  structure  et  le  fonctionnement  du 
vaisseau  et  des  accidents  comme  l'oblitération  ou  la  coagulation 
sanguine. 

L'envahissement  progressif  de  la  paroi  artérielle  par  l'infiltration 
et  l'épaississement  de  l'endartère  produisent  un  rétrécissement  de  la 
lumière  et  un  ralentissement  de  la  circulation. 

Les  parois  veineuses,  moins  résistantes,  sont  plus  rapidement 
envahies,  l'oblitération  du  vaisseau  résulte  bientôt  du  rétrécissement 
progressif  du  calibre  ou  d'une  thrombose  et  les  altérations  atteignent 
un  degré  avancé  même  avant  l'établissement  des  lésions  de  nécrose 
dans  le  tissu  nerveux.  L'infdtration  envahit  toute  la  paroi  qui  prend 
une  épaisseur  considérable  et  est  constituée  d'abord  par  un  tissu 
fibrillaire  semé  de  nombreux  noyaux  orientés  concentriquement  entre 
lesquels  on  trouve  parfois  des  cellules  géantes  (pl.  L  fîg-  2  et  3).  Les 
altérations  régressives  peuvent  atteindre  les  éléments  de  la  paroi 
avant  que  le  vaisseau  soit  oblitéré  ;  les  noyaux  résistent  à  l'action  des 
colorants  cytologiques,  deviennent  granuleux  et  s'effritent.  Le  tissu 
fondamental  perd  son  aspect  fibrillaire,  il  est  trouble,  granuleux  et 
réfractaire  à  la  coloration.  En  dernier  terme,  le  vaisseau  n'est  plus 
représenté  que  par  un  gros  cordon  plein  dont  le  fond  est  constitué  par 
une  substance  fondamentale  trouble  ou  hyaline  contenant  quelques 
rares  noyaux  encore  colorables,  de  nombreux  fragments  granuleux, 
vestiges  des  noyaux  dégénérés  et  des  granulations  pigmentaires 
(pl.  I,  fig.  4). 

Les  petits  vaisseaux  nourriciers  de  la  moelle  sont  particulièrement 
atteints  et  la  précocité  de  leur  destruction  explique  la  production  de 
lésions  dégénératives  dans  le  tissu  médullaire  alors  que  les  gros 
troncs  artériels  sont  encore  pleinement  perméables  et  même  souvent 
très  peu  altérés. 

Méninges. —  Les  méninges,  surtout  la  pie-mère,  participent  dans  une 
grande  mesure  à  l'inflammation.  La  prédilection  du  virus  syphilitique 
pour  le  système  lymphatique  doit  être  mise  à  côté  de  l'action  irritante 
du  sang  syphilitique  pour  expliquer  la  localisation  de  l'inflammation 
dans  les  couches  externes  des  vaisseaux,  la  participation  des  fentes 
lymphatiques  de  la  pie-mère  et  de  la  cavité  arachnoïdienne.  Cette 
participation  est  prouvée  par  le  développement  de  l'infiltration  entre 
les  plans  fibreux  de  la  pie-mère  et  ceux  de  l'arachnoïde.  D'autre  par  t 


—  136  — 


on  constate  fréquemment  un  état  chagriné  du  plancher  du  quatrième 
ventricule  et  le  microscope  montre  un  dépôt  fibrineux  qui  recouvre  des 
granulations  épendymaires  {épenchjmite). 

Nous  ferons  toutefois  remarquer  que  l'infiltration  de  la  pie-mère 
est  surtout  développée  autour  des  vaisseaux  et  que,  dans  un  certain 
nombre  de  cas  où  l'affection  a  pu  être  examinée  à  ses  débuts,  elle  était 
exclusivement  localisée  dans  les  gaines  périvasculaires  et  le  tissu 
environnant  de  la  pie-mère. 

En  suivant  les  progrès  de  l'inflammation,  on  voit  qu'elle  se  déve- 
loppe en  premier  lieu  dans  les  parois  vasculaires  et  les  gaines  lym- 
phatiques adjacentes,  puis  que  peu  à  peu  l'intlammation  s'étend, 
gagne  le  système  lymphatique  de  la  pie-mère  où  elle  se  répand  et 
évolue  dès  lors  d'une  façon  jusqu'à  un  certain  point  indépendante. 
Il  semble  logique  d'admettre  que  le  poison  syphilitique  émané  des 
vaisseaux  sur  les  éléments  desquels  il  fait  sentir  sa  première  action, 
se  répand  d'abord  dans  les  gaines  lymphatiques  de  ceux-ci,  et  de  là, 
dans  le  système  lymphatique  spinal  tout  entier. 

On  pourrait  soutenir  en  examinant  certaines  préparations  que  les 
altérations  des  vaisseaux,  loin  d'être  primitives,  résultent  de  l'exten- 
sion de  lésions  primitivement  méningées.  Dans  quelques  cas,  en  effet, 
lorsqu'un  vaisseau  est  enserré  dans  un  épaississement  considérable  de 
la  pie-mère,  ce  vaisseau  semble  comme  étouffé  par  le  développement  du 
tissu  méningé,  et  il  est  difficile,  en  présence  d'une  lésion  déjà  très 
développée,  d'établir  le  point  de  départ  du  processus  ;  mais  l'étude 
des  cas  dans  lesquels  l'affection  n'en  est  qu'à  son  début,  et  l'intensité 
d'altération  de  vaisseaux  libres  de  toute  adhérence  et  absolument 
isolés  dans  la  cavité  arachnoïdienne,  prouvent  bien  le  point  de  départ 
vasculaire  de  l'inflammation. 

Que  la  distribution  des  lésions  propres  de  la  pie-mère  soit  tou- 
jours commandée  par  celle  des  altérations  vasculaires  où  qu'elle 
possède  une  certaine  indépendance,  un  fait  certain  n'en  reste  pas 
moins  acquis,  c'est  l'importance  des  lésions  vasculaires.  Au  reste, 
toute  modification  de  la  membrane  nourricière  de  la  moelle  doit 
nécessairement  retentir  sur  la  nutrition  du  tissu  nerveux.  Et  de  fait, 
les  altérations  dégénératives  des  éléments  nerveux,  ne  tardent  pas  à 
être  la  conséquence  des  troubles  circulatoires  qui  résultent  de  ces 
modifications. 


—  137  — 


B.  —  Ramollissement  médullaihe  et  dégénérescence  des  éléments 

NERVEUX 

Les  modifications  du  parencliyme  nerveux  qui  succèdent  aux  alté- 
rations de  la  membrane  nourricière  de  la  moelle  peuvent  apparaître 
de  deux  façons  :  tantôt  c'est  progressivement  qu'elles  se  produisent; 
tantôt,  à  la  suite  d'une  rupture  d'équilibre  dans  la  circulation  impar- 
faite, survient  la  nécrose  rapide  d'une  portion  étendue  du  tissu  médul- 
laire. Le  foyer  de  ramollissement  qui  se  manifeste  dans  ce  dernier  cas 
présente  des  aspects  différents  suivant  le  degré  d'ancienneté  de  la 
lésion.  Tout  au  début,  la  moelle  ne  semble  pour  ainsi  dire  pas  altérée 
dans  sa  consistance,  mais  elle  présente  déjà  des  modifications  dans 
son  aspect  macroscopique  ;  la  substance  grise  est  piquetée  de  rouge, 
la  substance  blanclie  est  gris  rosé  et  la  portion  atteinte  de  la  moelle 
est  comme  gonflée,  œdémateuse.  La  diminution  de  consistance  appa- 
raît rapidement,  mais  la  pi'écocité  de  ce  phénomène  varie  suivant 
l'intensité  de  l'ischémie  et  la  rapidité  d'évolution  des  lésions  de 
nécrose.  Dans  un  de  nos  cas,  le  troisième  jour  après  l'attaque  de 
paraplégie,  il  était  déjà  très  prononcé,  et  dans  les  expériences  de 
Spronck  (i)  sur  le  ramollissement  ischémique  de  la  moelle,  l'auteur 
l'a  vu  se  manifester  entre  le  deuxième  et  le  troisième  jour  ;  mais,  le 
plus  souvent,  dans  l'ischémie  résultant  des  altérations  syphilitiques 
des  vaisseaux,  le  courant  sanguin  n'est  pas  interrompu  d'une  façon 
aussi  complète  ni  aussi  rapide,  et  les  modifications  du  tissu  médullaire 
n'évoluent  pas  avec  cette  constante  régularité. 

Quoi  qu'il  en  soit,  lorsque  l'anémie  est  assez  prononcée  pour  déter- 
miner un  foyer  de  ramollissement  étendu  et  franchement  caractérisé, 
la  nécrose  du  tissu  s'accompagne  d'un  certain  nombre  de  phénomènes 
qui  sont  également  des  conséquences  des  troubles  apportés  dans  la 
mécanique  circulatoire  de  la  région  intéressée  et  des  parties  adja- 
centes. 

L'afflux  collatéral  détermine,  comme  dans  les  infarctus,  la  congestion 
des  vaisseaux  encore  perméables.  Il  se  produit  une  exsudation  abon- 
dante d'un  liquide  albumineux  et  souvent  de  petites  Jiémorrliariies 
capillaires. 

(1)  Spronck  (d'Utrecht).  Luc.  cit. 


—  138  — 


L'exsudat  albumineux  se  répand  autour  des  vaisseaux,  il  s'épanche 
dans  les  sillons  et  les  encoches  de  la  moelle,  dans  l'espace  sous-pie- 
mérien  (pl.  I,  fig.  1).  Il  s'amasse  souvent  en  foyers  dans  la  substance 
grise  et  s'infiltre  entre  les  tubes  nerveux,  constituant  une  sorte 
d'œdème  qui  augmente  le  diamètre  de  la  moelle,  l'étrangle  dans  son 
enveloppe  fibreuse  et  contribue  à  l'effacement  du  calibre  des  vaisseaux 
périphériques  encore  perméables. 

Les  extravasats  sanguins  sont  généralement  peu  abondants,  ils 
forment  dans  la  substance  blanche  de  petits  foyers  diffus  qui  s'insi- 
nuent entre  les  tubes  et  constituent  rarement  des  collections  compactes. 
Dans  la  substance  grise,  au  contraire,  et  quelquefois  sous  la  pie-mère 
ou  dans  l'espace  sous-arachnoïdien,  il  peut  se  produire  de  petites 
hémorrhagies  en  foyer  collecté.  Dans  la  substance  grise  des  cornes 
antérieures,  le  foyer  liémorriiagique,  après  évacuation  des  globules 
au  moment  de  la  coupe,  forme  parfois  une  sorte  de  cavité  assez 
étendue  pour  être  appréciée  à  l'œil  nu,  mais  sur  l'origine  de  laquelle 
on  ne  peut  se  méprendre  à  cause  du  grand  nombre  de  globules 
rouges,  qu'avec  l'emploi  du  microscope  on  voit  tapisser  les  parois 
anfractueuses  de  la  cavité. 

Les  foyers  hémorrhagiques  sont  particulièrement  répandus  dans 
les  parties  de  la  moelle  adjacentes  au  segment  ramolli,  et  dans  ces 
régions  la  congestion  est  toujours  très  intense  ;  les  vaisseaux,  surtout 
les  veines,  sont  dilatés  et  remplis  de  sang,  dans  les  méninges  et 
dans  la  moelle,  spécialement  dans  la  substance  grise. 

Avec  les  premières  altérations  des  éléments  nécrosés,  apparaît  la 
diminution  de  consistance  du  tissu  médullaire.  Au  moment  de  l'au- 
topsie on  trouve  à  la  coupe  de  l'organe  frais  la  substance  blanche 
i^amoUie  et  diffluente,  mal  séparée  de  la  substance  grise,  celle-ci  est 
souvent  déformée,  déplacée,  à  contours  diffus  (fig.  1,  p.  265). 

Toutes  ces  modifications  macroscopiques  sont  déjà  bien  nettes 
alors  que  les  tubes  nerveux  frappés  de  mort  sont  encore  assez  peu 
altérés.  A  ce  stade  la  gaine  de  myéline  n'est  pas  encore  désagrégée 
et  l'hématoxyline  de  Weigert  colore  assez  régulièrement  les  coupes 
faites  après  durcissement. 

Nous  avons  considéré  jusqu'ici  le  ramollissement  en  foyer  type,  tel 
qu'il  se  présente  dans  les  cas  graves  où  les  altérations  vasculaires 
rapides  et  confluentes  atteignent  le  plus  grand  nombre  des  vaisseaux 


—  139  — 


d'un  segment  de  la  moelle.  Dans  cette  circonstance,  la  coupe  tout 
entière  est  intéressée  ou  à  peu  près.  La  substance  grise  est  désorga- 
nisée, les  éléments  sont  déplacés  par  les  exlravasats,  leur  nécrose 
est  rapide,  les  tubes  nerveux  de  la  substance  blanclie  sont  prompte- 
ment  détruits  et  leur  destruction  semble  commencer  par  les  parties 
périphériques. 

Mais,  même  lorsque  la  nécrose  affecte  la  disposition  du  foyer  trans- 
verse, l'étendue  transversale  de  la  moelle  n'est  pas  toujours  détruite 
tout  entière  ;  c'est  surtout  la  zone  marginale  qui  est  atteinte  et  en 
second  lieu  le  substance  grise.  Nous  savons  que  la  dislribiil iou  des 
vaisseaux  explique  la  plus  grande  résistance  de  la  zone  inlerniédiaire 
représentée  par  la  substance  blanche  contiguë  à  la  sul)sLance  grise. 

Le  siège  du  foyer  de  ramollissement  est  variable,  il  occupe  le  plus 
souvent  la  partie  moyenne  de  la  moelle.  Dans  notre  cas  n"  L  on  le 
trouvait  à  la  région  dorsale  supérieure  ;  pour  les  autres,  la  nécrose 
intéressait  inégalement  la  région  dorsale  dans  ton  le  sa  longueur.  On 
pourrait  citer  des  exemples  de  toutes  les  localisalions;  nous  y  revien- 
drons. 

11  est  une  forme  très  fréquente  dans  la  distribution  des  zones  de 
dégénération,  c'est  celle  qui  affecte  la  partie  périphérique  de  la  moelle 
sur  une  longue  étendue,  nous  en  fournirons  un  exemple  dans  notre 
cas  n°  IL  Cette  disposition  résulte  de  l'inflammation  prédominante 
des  vaisseaux  périphériques  qui  tiennent  sous  leur  dépendance  la 
nutrition  de  la  zone  marginale.  Les  lésions  sont  également  souvent 
plus  marquées  dans  la  partie  postérieure  du  cordon  latéral  qui  corres- 
pond au  système  vasculaire  spinal  postéro-latéral. 

La  substance  grise,  dans  la  région  altérée  de  la  moelle,  participe 
généralement  au  processus,  mais  l'altération  de  cette  partie  est  sou- 
vent moins  intense  :  c'est  un  fait  qui  a  été  noté  dans  plusieurs  obser- 
vations, et  cette  différence  est  particulièrement  sensible  dans  les  cas 
à  évolution  lente. 

Quels  que  soient  le  siège  et  l'étendue  des  zones  de  ramollissement, 
les  éléments  du  tissu  nerveux  frappé  de  mort  présentent  un  certain 
nombre  de  modihcations  dégénératives  qui  portent  sur  les  éléments 
nobles  et  sur  le  tissu  interstitiel. 

Dans  les  parties  anémiées,  les  cellules  et  les  tubes  nerveux  se 
détruisent  {dégénérescence  in  situ)  et  les  fibres  interrompues  dégé- 


—  140  — 


nèrent  dans  le  sens  de  leur  direction  {dégénérescence  secondaire). 

Dégénérescence  in  situ.  —  Dans  ses  expériences,  Sproncka  noté 
des  altérations  des  cellules  nerveuses  dès  le  deuxième  jour  après  la 
ligature  temporaire  de  l'aorte,  mais  le  processus  n'a  pas  en  général 
cette  intensité  dans  la  syphilis  artérielle  de  la  moelle  et  les  lésions 
matérielles  n'apparaissent  pas  d'ordinaire  avec  cette  rapidité. 

Dans  notre  cas  n°  I  qui  s'est  terminé  par  la  mort,  soixante  heures 
après  l'attaque  de  paraplégie,  nous  avons  cependant  constaté  des 
lésions  considérables,  particulièrement  dans  la  substance  grise  :  ceci 
est  conforme  à  la  description  de  Spronck  qui  place  dans  cette  partie 
le  siège  des  premières  altérations. 

Cellules  nerveuses.  —  Le  premier  stade  de  la  destruction  semble 
être  une  augmentation  dans  l'état  granuleux  de  la  cellule,  le  noyau 
peut  même  être  masqué  par  ces  granulations.  En  même  temps,  la 
cellule  se  gonfle  et  perd  ses  prolongements  protoplasmiques,  les 
contours  sont  moins  réguliers  et  plus  indécis,  la  cellule  est  augmentée 
de  volume  et  tend  à  prendre  une  forme  arrondie. 

Le  prolongement  de  Deiters  persiste  plus  longtemps  [que  les  pro- 
longements protoplasmiques  et  l'on  observe  souvent  des  cellules  glo- 
buleuses ou  piriformes  qui  offrent  un  gros  prolongement  unique  vari- 
queux et  granuleux. 

Le  corps  de  la  cellule  se  creuse  de  vacuoles,  perd  sa  cohésion  et 
est  sillonné  de  craquelures.  A  un  stade  plus  avancé,  tous  les  prolon- 
gements disparaissent,  le  corps  cellulaire  forme  un  bloc  granuleux 
irrégulier,  privé  de  noyau  ;  en  dernier  terme  il  est  remplacé  par  un 
amas  de  granulations  graisseuses,  qui  se  dissocient  et  se  raréfient 
peu  à  peu.  La  place  de  la  cellule  n'est  plus  indiquée  que  par  une  loge 
trop  vaste  qui  contient  ces  détritus. 

Lorsque  la  destruction  de  la  cellule  n'est  pas  complète,  celle-ci 
subit  une  transformation  particulière  qui  répond  à  ce  que  l'on  nomme 
Vatrophie.  La  cellule  devient  globuleuse,  diminue  de  volume  ;  elle 
paraît  plus  dense  et  de  consistance  plus  ferme  ;  elle  prend  un  reflet 
brillant  et  se  colore  vivement  par  le  carmin,  le  noyau  est  moins  appa- 
rent, il  peut  être  ratatiné  et  le  contenu  de  la  cellule  est  granuleux  et 
très  chargé  de  pigment. 

Les  fibrilles  nerveuses  de  la  substance  grise  sont  également 


—  141  — 


atteintes  ;  le  prolongement  de  Deiters  des  cellules  nerveuses  est  le 
siège  d'un  gonflement  irrégulier  et  devient  granuleux,  il  se  colore  en 
rose  pâle  par  le  carmin.  Les  gaines  myéliniques  des  fdjrilles  sont 
amincies  par  le  gonflement  du  cylindre-axe  qu'elles  contiennent,  elles 
se  colorent  moins  vivement  par  l'hématoxyline  de  Weigert,  puis  elles 
se  rompent  et  se  résolvent  en  granulations  myéliniques  qui  se  dispo- 
sent le  long  du  cylindre-axe  variqueux. 

Plus  tard,  les  cylindres-axes  sont  fragmentés  et  forment  avec  les 
granulations  myéliniques  dissociées  des  détritus  qui  s'entassent  irré- 
gulièrement dans  les  mailles  de  la  névroglio. 

Les  tubes  nerveux  de  la  substance  blanche  ofirent  des  aspects 
variables  suivant  le  degré  d'ancienneté  de  la  lésion.  Les  cylindres- 
axes  semblent  modifiés  les  premiers,  ils  se  gonflent  et  se  fragmentent 
en  même  temps  que  la  gaine  de  myéline  est  dilatée.  On  observe  alors 
les  aspects  suivants: 

Sur  les  coupes  transversales,  on  voit  les  gaines  des  tubes  dilatées, 
la  périphérie  est  occupée  par  un  cercle  de  myéline  aminci  et  coloré  en 
bleu  noirâtre  par  l'hématoxyline  de  Weigert;  cette  zone  entoure 
une  substance  protoplasmique  claire,  amorphe  ou  gTanuleuse,  au 
milieu  de  laquelle  se  trouve  un  fragment  de  cylindre-axe  déformé, 
souvent  replié  en  vrille  ou  en  croissant.  D'autres  fois  le  cylindre-axe 
énorme,  peu  coloré,  granuleux  et  même  creusé  de  vacuoles,  occupe 
presque  toute  la  fibre. 

Sur  les  coupes  longitudinales,  les  fibres  sont  variqueuses,  dilatées, 
elles  sont  parcourues  par  un  cylindre-axe  sinueux,  comme  relâché, 
formant  souvent  aux  points  où  la  fibre  est  renflée  un  nœud  ou  un 
peloton  entouré  d'une  masse  protoplasmique  granuleuse  distincte  de 
la  gaine  de  myéline.  A  un  degré  plus  avancé,  la  gaine  de  myéline  est 
rompue,  les  granulations  myéliniques  mises  en  liberté  se  répandent 
dans  les  interstices  voisins;  ces  granulations  {érijtlirophiles)  se  colo- 
rent en  noir  par  l'hématoxyline  de  Weigert. 

Les  cylindres-axes  mis  à  nu  forment  des  chapelets  renflés  qui  se 
groupent  souvent  en  faisceaux.  Ils  sont  en  même  temps  fragmentés, 
et  le  bout  sectionné  paraît  souvent  renflé  en  forme  de  poire  ou  de 
massue.  On  observe  également  des  gaines  très  distendues  qui  parais- 
sent vides  ou  remplies  d'une  substance  claire,  homogène,  non  colo- 
rable.  Elles  apparaissent  sur  les  coupes  transversales  comme  des 


—  142  — 


vacuoles  qui  ponctuent  çà  et  là  le  parenchyme  trouble  et  coloré. 

Le  tissu  interstitiel  subit  aussi  d'importantes  modifications.  La 
névroglie  participe  d'abord  à  la  nécrose  qui  frappe  le  tissu  nerveux  ; 
dans  les  intervalles  c|ui  séparent  les  tubes  nerveux  altérés  et  surtout 
dans  la  substance  grise  s'amasse  une  substance  granuleuse  au  milieu 
de  laquelle  on  trouve  les  noyaux  de  la  névroglie  tuméfiés,  globuleux, 
entourés  d'un  protoplasma  grenu  devenu  plus  abondant.  Les  cellules 
araignées  se  gonflent,  s'arrondissent,  perdent  leur  chevelu  abondant 
et  délié  qui  se  réduit  à  quelques  prolongements  courts,  irréguliers 
et  granuleux.  Le  corps  de  la  cellule  se  trouble  tandis  que  le  noyau 
perd  son  affinité  pour  les  colorants.  Les  fibrilles  névrogliques  sont 
gonflées,  irrégulières  et  assez  indistinctes  au  milieu  de  la  substance 
granuleuse  fondamentale. 

Lorsque  l'anémie  du  segment  médullaire  esttrès  prononcée, tousles 
éléments  qui  entrent  dans  la  structure  du  parenchyme  participent  à  la 
nécrose,  ils  perdent  leur  affinité  pour  les  matières  colorantes  et  l'on 
n'obtient  sur  les  coupes  aucune  élection.  L'emploi  de  l'hématoxyline 
alunée,  en  particulier,  qui  décèle  si  bien  d'ordinaire  les  noyaux  des 
cellules  lymphoïdes,  des  cellules  embryonnaires  et  ceux  de  la  plupart 
des  éléments  du  tissu  interstitiel,  ne  les  colore  plus.  Seules,  les 
parois  des  petits  vaisseaux  paraissent  conserver  leur  vitalité,  et  dans 
les  foyers  de  ramollissement,  on  trouve  ces  petits  vaisseaux  dont  les 
parois  sont  infiltrées  de  cellules  embryonnaires  vivaces  qui  envahis- 
sent la  lumière  et  forment  des  nodules  distincts  au  milieu  du  tissu 
nécrosé. 

Les  détritus  des  éléments  nerveux  forment  des  granulations  albu- 
mino-graisseuses  qui  sont  peu  à  peu  résorbées  par  des  cellules  lym- 
phoïdes constituant  les  corps  granuleux.  Mais  à  côté  des  corps 
granuleux  dont  la  nature  cellulaire  est  caractérisée  par  la  présence 
d'un  noyau,  on  trouve  des  amas  de  granulations  graisseuses  libres  qui 
forment  des  foyers  souvent  considérables  et  se  distinguent  des  corps 
granuleux  vrais  par  des  dimensions  souvent  considérables,  l'absence 
de  noyau  et  de  contour  net.  Ces  granulations  graisseuses  se  fondent 
souvent  en  une  ou  plusieurs  gouttes  huileuses  réfringentes. 

Corps  granuleux.  —  L'origine  et  la  signification  des  corps  granu- 
leux ont  été  l'objet  d'études  nombreuses,  et  nos  connaissances  sont 
encore  bien  imparfaites  sur  la  nature  de  ces  éléments.  Ils  furent 


—  143  — 


d'abord  considérés  comme  caractéristiques  de  l'inflammation  des 
centres  nerveux  (corps  inflammatoires  de  Gliige),  mais  k  la  suite  des 
travaux  de  Reinliardt  (1)  on  reconnut  qu'ils  existaient  dans  tous  les 
processus  nécrobiotiqiies. 

11  est  probable  qu'on  a  longtemps  confondu  sous  le  nom  de  corps 
granuleux  plusieurs  éléments  de  provenance  différente.  Ainsi,  un 
fragment  de  cylindre-axe  hypertrophié  et  ayant  subi  la  dégénérescence 
graisseuse,  une  cellule  névroglique  nécrosée  et  dégénérée  peuvent 
ressembler  à  un  corps  granuleux;  ou  bien  ce  sont  des  granulations 
libres  qui  se  groupent  et  prennent  l'aspect  de  cet  élément  figuré. 
Les  différents  corps  granuleux  ne  présentent  pas  d'ailleurs  toujours 
le  même  aspect.  StrickeretLeidesdorf  (2)  distinguent  des  corps 
granuleux  vrais  composés  uniquement  de  granulations  graisseuses 
et  des  cellules  granuleuses  dont  une  partie  seulement  est  occupée  par 
ces  g'ranulations,  et  qui  possèdent  une  membrane  d'enveloppe.  Il  est 
probable  qu'il  ne  s'agit  là  que  de  deux  aspects  différents  d'un  même 
élément.  On  s'accorde,  en  effet,  aujourd'hui  à  considérer  les  corps  gra- 
nuleux comme  des  cellules  pliagocytaires  qui  absorbent  les  produits 
de  désintégration  des  éléments  nerveux,  en  particulier  les  granulations 
graisseuses  dont  ils  se  chargent. 

Quant  à  l'origine  de  ces  cellules  pliagocytaires,  elle  est  discutée  : 
pour  certains  auteurs,  ce  rôle  serait  uniquement  rempli  par  des  cellules 
lymphoïdes  dérivées  du  courant  circulatoire  par  diapédèse;  pour 
d'autres,  toute  cellule  fixe  du  tissu  conjonctif  ou  névrogli([ue  serait 
appelée  à  jouer  éventuellement  le  rôle  de  cellule  pliagocytaire  et  pour- 
rait donner  lieu  à  un  corps  granuleux. 

L.  Meye  r  (3)  et  J  ol  ly  (4)  ontcru  remarquer  qu'ils  se  développaient 
dans  la  tunique  conjonctive  des  vaisseaux,  constatation  qui  viendrait 
à  l'appui,  soit  de  leur  oi  iginc  diapéditique,  soit  de  la  participation  des 
cellules  fixes  de  la  gaine  conjonctive  périvasculaire. 

Les  corps  granuleux  sont  doués  d'abord  d'une  grande  activité 

(1)  Reinhardt.  Cité  par  Leyden.  Maladies  de  la  viodlc  épinih-c,  édit.  franc, 
1871»,  p.  56. 

(2)  Steickee  et  Leidesdoef.  Studien  ûlier  die  Histologie  der  Entziindungs- 
herde.  Wieii.  Aliad.  Sitzungshcr.,  1865. 

(3)  Meyer.  Ueber  die  Bedeutung  der  Fettkornchen  uud  Fettlvôrncheiizelleu  iin 
Riiclsenmark  und  Gehirn.  M  ien.  AJtad.  Sit:.,  1865,  III.  p.  1-65. 

(4)  JoLLY.  Ueber  traumatische  Encephalitis,  Wien,  1861*. 


—  144  — 


d'absorption,  leur  vitalité  a  été  constatée  par  Stricker  et  Jolly  qui 
ont  observé  leurs  mouvements  amiboïdes  sur  la  platine  chauffante.  Il 
est  même  probable  qu'ils  peuvent  se  multiplier  par  prolifération,  car 
ils  contiennent  souvent  deux  noyaux.  Mais,  comme  tous  les  phago- 
cytes, ils  peuvent  être  à  un  moment  donné  frappés  de  mort. 

Dans  les  foyers  étendus  de  ramollissement  de  la  moelle-,  ces  corps 
granuleux  abondent,  chacun  des  éléments  est  bientôt  uniquement 
composé  de  gouttelettes  graisseuses  ;  ils  se  pressent,  perdent  leur 
vitalité  et  forment  des  amas  compacts. souvent  appréciables  à  l'œil  nu 
sur  les  coupes  de  la  moelle  fraîche.  Ces  foyers  de  corps  granuleux 
apparaissent  comme  des  taches  arrondies,  elliptiques  ou  irrégulières, 
de  couleur  jaune  mat;  à  ce  niveau,  les  corps  granuleux  confluents  et 
tassés  sont  bientôt  immobilisés  et  frappés  de  mort. 

Les  voies  lymphatiques  de  la  moelle  prennent,  dès  les  premiers  stades 
du  ramollissement,  une  part  active  au  processus  de  résorption  des 
produits  de  désintégration.  Les  espaces  lymphatiques  périvaseulaires, 
lorsqu'ils  persistent  et  ne  sont  pas  oblitérés  par  l'inflammation  des 
vaisseaux  :  les  fentes  lymphatiques  de  la  pie-mère,  sont  remplis  d'une 
substance  granuleuse  trouble,  de  cellules  dégénérées  sans  affinité  pour 
les  colorants,  de  corps  granuleux  et  de  granulations  de  pigment  san- 
guin, tous  éléments  dérivés  du  foyer  de  nécrose  et  des  épanchements 
hémorrhagiques. 

Dégénérescence  secondaire.  —  Aux  lésions  primitives  qui  attei- 
gnent les  tubes  nerveux  sur  une  partie  de  leur  étendue,  s'ajoute  la 
dégénérescence  secondaire  de  toute  l'étendue  du  tube  interrompu 
placée  en  aval  de  l'altération  primitive. 

Aussi  les  différents  faisceaux  de  la  moelle  sont  atteints  par  la 
dégénérescence  secondaire  suivant  le  sens  de  leur  direction.  Au- 
dessus  du  foyer  d'altération  transverse,  la  dégénérescence  porte  sur 
les  fibres  ascendantes  du  cordon  postérieur  (cordon  de  GoU)  et  des 
cordons  latéraux  (faisceau  cérébelleux  direct,  faisceau  antéro-latéral 
ascendant  ou  de  Gowers). 

L'étendue  du  champ  de  dégénération  du  cordon  postérieur  dépend 
de  la  hauteur  à  laquelle  siège  le  foyer  primitif,  et  l'intensité  de  la 
dégénération  secondaire  est  proportionnelle  à  celle  de  l'altération  de 
ce  foyer. 


—  145  — 


Immédiatement  au-dessus  du  foyer  primitif,  la  dégénérescence 
secondaire  occupe  tout  le  cordon  postérieur,  puis,  conformément  à  la 
loi  établie  par  Kahler  (1)  et  que  nous  avons  développée  d'autre 
part  (2),  elle  est  rejetée  peu  à  peu  vers  la  partie  médiane  à  mesure 
que  de  nouveaux  faisceaux  radiculaires  pénètrent  dans  le  cordon 
postérieur. 

Plus  le  foyer  de  ramollissement  siège  haut,  plus  la  dégénérescence 
du  cordon  de  GoU  sera  étendue.  A  la  suite  d'une  lésion  transverse 
au  niveau  des  premières  racines  dorsales,  le  cordon  de  Goll  tout 
entier  est  dégénéré  jusqu'à  la  commissure  grise  de  la  moelle.  Une 
lésion  siégeant  plus  haut  donnerait  lieu  à  une  dégénérescence  ascen- 
dante de  la  partie  interne  du  cordon  de  Burdach  si  la  survie  du 
sujet  permettait  à  cette  dégénérescence  de  se  manifester. 

La  destruction  des  fibres  peut  être  totale  dans  le  faisceau  dégénéré 
lorsque  la  lésion  primitive  atteint  son  maximum  (cas  n"  III). 

Comme  conséquence  d'une  destruction  des  libres  du  cordon  posté- 
rieur dans  la  région  dorsale  inférieure,  on  constate  également  un 
appauvrissement  marqué  du  réseau  nerveux  des  colonnes  de  Clarke. 

La  dégénérescence  secondaire  des  cordons  postérieurs  et  la  des- 
truction des  fibrilles  nerveuses  de  la  colonne  de  Clarke  peuvent 
aussi  résulter  dans  une  certaine  mesure  de  l'altération  des  cordons 
radiculaires  postérieurs  qui,  comme  les  racines  antérieures,  sont  par- 
ticulièrement atteints  dans  certaines  formes  de  syphilis  médullaire. 

La  dégénérescence  secondaire  du  faisceau  cérébelleux  direct  et 
du  faisceau  de  Gowers  succède  aux  altérations  transverses  qui 
atteignent  la  moelle  dorsale  au  moins  dans  sa  partie  supérieure.  Celle 
du  faisceau  de  Gowers  pourrait  résulter  de  lésions  intéressant  des 
régions  très  inférieures  delà  moelle  dorsale  et  même  la  région  londiaire. 

De  tous  ces  faisceaux  qui  dégénèrent  au-dessus  de  la  lésion,  les 
uns  s'arrêtent  au  collet  du  bulbe,  d'autres  remontent  plus  haut.  Les 
fibres  du  cordon  postérieur  ont  leur  relais  dans  les  noyaux  gris  des 
cordons  de  Goll  et  de  Burdach  dont  le  reticulum  nerveux  se  trouve 
appauvri  par  la  dégénérescence  des  faisceaux  ascendants  qui  y  abou- 
tissent. 


(1)  Kahlee.  Ueber  clen  Faserlauf  in  den  Hinterstrangen  des  Riickeninarks.  Bcr- 
llner  Min..  Wochenschv.,  16  octobre  1882,  n"  42,  p.  640. 

(2)  SoïïAS.  Brvue  de  médecine,  avril  1893,  p.  313. 

S.  10 


—  146  — 


Les  cellules  de  ces  noyaux  restent  au  contraire  intactes,  et  les 
nouvelles  fibres  qui  en  partent  pour  s'entre-croiser  sur  la  ligne 
médiane  et  former  le  ruban  de  Reil  (faisceau  interolivaire,  Schleife) 
sont  saines. 

Au  contraire,  les  fibres  ascendantes  dégénérées  de  la  périphérie 
du  cordon  latéral  dépassent  ce  niveau,  les  unes  se  portent  dans  le 
corps  restiforme  (faisceau  cérébelleux),  les  autres  (faisceau  de  Gowers) 
forment  dans  le  bulbe  un  triangle  logé  dans  le  sillon  latéral  entre 
l'olive  et  le  corps  restiforme. 

Au-dessous  du  foyer  primitif  d'altération,  ce  sont  les  fibres  pyra- 
midales qui  dégénèrent  :  le  faisceau^  pyramidal  croisé  et  le  faisceau 
pyramidal  direct.  Nous  avons  vu  ce  dernier  se  poursuivre  jusqu'au 
niveau  des  premières  racines  sacrées.  Les  fibres  interrompues  dégé- 
nèrent suivant  la  loi  de  W aller,  le  cylindre-axe  se  gonfle  et  se 
fragmente,  la  gaine  de  myéline  se  dissocie  et  les  produits  de  désinté- 
gration sont  résorbés  par  les  corps  granuleux  dont  l'existence  est 
constante  tant  que  dure  le  processus  de  destruction. 

L'époque  à  laquelle  apparaît  cette  dégénérescence  secondaire  n'est 
pas  exactement  déterminée,  elle  paraît  varier  suivant  les  cas.  Dans 
le  cas  de  Lamy,  qui  a  trait  à  un  homme  mort  le  dix-neuvième  jour  de 
sa  maladie,  il  n'est  pas  fait  mention  de  dégénérescence  secondaire, 
bien  que  la  moelle  présentât  un  foyer  d'altération  transverse  dans  la 
région  dorsale  supérieure.  Goldflam  rapporte  au  contraire  une  obser- 
vation dans  laquelle  la  dégénérescence  secondaire  était  francliement 
développée,  le  sujet  étant  mort  le  trente-deuxième  jour  de  la  maladie. 
C'est  entre  ces  deux  termes  qu'il  faudrait  fixer  le  moment  où  la  lésion 
commence  à  être  nettement  constituée.  Toutefois,  d'après  un  certain 
nombre  d'auteurs,  les  lésions  seraient  appréciables  à  une  époque 
beaucoup  plus  rapprochée  de  celle  de  l'altération  primitive.  Pour 
M.  Bouchard,  à  la  suite  des  lésions  cérébrales,  les  premiers  signes 
de  la  dégénération  descendante  seraient  constatables  dès  le  sixième 
jour.  Dans  notre  cas  n"  I,  le  malade  étant  mort  soixante  heures  après 
l'attaque  de  paraplégie,  la  dégénérescence  secondaire  ne  s'était 
manifestée  par  aucun  signe  net;  cependant,  sur  les  coupes  de  la  région 
cervicale,  on  constatait  dans  les  cordons  de  Goll  un  certain  gonfle- 
ment du  tissu  névroglique  qui,  sur  les  préparations  traitées  par  le 


-  147  - 


carmin,  donnait  une  teinte  plus  rose  à  celle  partie  du  cordon  posté- 
rieur (i). 

C.  —  Période  de  réaction  du  tissu  interstitiel.  Sclérose 

NÉVROGLIQUE 

Pendant  que  se  déroulent  les  transformations  successives  des  élé- 
ments nerveux  nécrosés,  le  tissu  interstitiel  subit  de  son  côté  des 
modifications  qui  n'atteignent  leur  complet  développement  C{ue  lorsque 
l'affection  présente  une  certaine  durée. 

Le  tissu  névroglique  participe  d'abord,  ainsi  que  nous  l'avons  vu,  à 
la  nécrose,  dans  une  certaine  mesure,  selon  l'intensité  de  l'anémie. 
Mais,  à  un  moment  donné,  il  présente  des  phénomènes  d'irritation 
réactionnelle  qui  modifient  complètement  la  physionomie  du  proces- 
sus dont  est  le  siège  le  foyer  de  ramollissement.  L'aboutissant  de  cette 
réaction  est  la  formation  d'un  tissu  de  sclérose  particulier  qui  se 
substitue  aux  éléments  détruits. 

L'évolution  du  foyer  de  ramollissement  est,  en  effet,  différente 
de  celle  qu'on  observe  dans  la  nécrose  anémique  du  cerveau,  et  pour 
plusieurs  raisons. 

D'abord  le  système  circulatoire  de  la  moelle  ne  se  prête  pas  à  l'anémie 
absolue  d'une  portion  étendue  du  tissu  nerveux,  comme  on  l'observe 
dans  le  cerveau.  L'oblitération  des  gros  troncs  vasculaires,  à  moins 
d'être  très  étendue,  est  compensée  parles  anastomoses  ;  la  nécrose  est 
le  fait  de  l'altération  coniluente  des  petits  vaisseaux  proprement 
nourriciers  du  tissu  médullaire,  et  l'anémie  dans  ce  cas  n'est  jamais 
absolue.  Elle  est  à  un  moment  donné  assez  prononcée  pour  détermi- 
ner la  nécrose,  mais  elle  n'est  pas  persistante  et  est  bientôt  plus  ou 
moins  compensée  par  l'afflux  collatéral. 

De  plus,  il  survient,  dans  le  domaine  des  vaisseaux  oblitérés,  un 
certain  nombre  de  modifications  qui  indiquent  le  retour  au  moins 
partiel  de  la  circulation.  On  observe  en  effet  communément,  dans  la 
gaine  infiltrée  des  vaisseaux  oblitérés,  un  développement  très  mar- 
qué des  vasa-vasorum  qui  suppléent  au  vaisseau  détruit  ;  le  caillot 
lui-même  est  creusé  de  nombreux  capillaires  néoformés  (pl.  III,  fig.  4; 
pl.  IV,  fig.  1,  2  et  5). 

(1)  Vdir  s'ir  ce  sujet  une  longue  et  intéressante  note  dans  la  thèse  de  Chipatjlt 
Mude  de  chirurgie  médullaire,  Paris,  1893,  p.  83  et  suivantes. 


—  148  — 


Dans  les  expériences  de  Spronck,  l'interception  du  sang  n'étant 
que  momentanée,  la  nécrose  des  éléments  du  tissu  nerveux  est  bien- 
tôt suivie  d'une  réaction  du  tissu  interstitiel  dont  les  quelques  éléments 
persistants  empruntent  leur  vitalité  à  la  circulation  rétablie.  Il  en  va 
de  même  dans  une  certaine  mesure  pour  le  cas  pathologique  que  nous 
étudions  :  c'est  l'afflux  collatéral  et  l'apport  des  vaisseaux  néoformés 
qui  l'ont  les  frais  de  la  réaction  du  tissu  névroglique. 

La  prolifération  du  tissu  névroglique  dont  les  noyaux  cellulaires 
présentent  les  signes  de  la  karyokinèse,  l'apport  de  nombreuses  cel- 
lules lymphoïdes  engendrent  une  augmentation  considérable  du 
nombre  des  éléments  cellulaires  dans  la  substance  granuleuse  fonda- 
mentale. II  est  très  important  de  faire  remarquer  que  cette  inflamma- 
tion du  tissu  interstitiel  est  postérieure  à  la  nécrose  des  éléments 
nerveux  et  que,  bien  loin  d'en  être  la  cause,  elle  n'en  est  que  la  con- 
séquence. En  effet,  dans  les  cas  à  terminaison  mortelle  très  rapide 
(notre  cas  n"  I),  on  constate  que  cette  proliféi'ation  du  tissu  interstitiel' 
fait  défaut  et  que  les  signes  du  processus  dégénératif  existent  seuls. 
Mais  la  réaction  substitutive  se  manifeste  assez  rapidement,  en  sorte 
que  le  processus  initial  perd  peu  à  peu  ses  caractères  purement  dégé- 
nératifs. 

Spronck  a  constaté  que  le  processus  de  réaction  du  tissu  névro- 
glique conséculif  au  ramollissement  anémique  était  surtout  actif 
vers  le  quatrième  jour  après  l'expérience  telle  qu'il  la  pratiquait;  on 
note  alors  une  prolifération  abondante  des  éléments  de  la  névroglie, 
et  la  division  karyokinétique  des  noyaux,  principalement  dans  les 
parties  centrales  de  la  substance  grise. 

Dans  le  ramollissement  médullaire  pathologique,  le  processus  ne 
se  manifeste  peut-être  pas  avec  la  même  précocité,  car  d'abord  les 
phénomènes  initiaux  ne  sont  pas  aussi  rapides,  puis  le  rétablissement 
de  la  circulation  qui  favorise  ce  mouvement  réactionnel  n'est  ni  aussi 
complet,  ni  aussi  prompt;  cependant  on  constate  à  un  moment  donné 
l'augmentation  du  réseau  névroglique  et  la  prolifération  des  éléments 
cellulaires  de  ce  tissu,  à  mesure  que  s'accentue  la  destruction  des 
éléments  nerveux. 

Les  préparations  histologiques  montrent  alors  un  réseau  névro- 
glique abondant,  dans  les  mailles  duquel  sont  amassés  les  produits 
de  désintégration,  sous  forme  de  corps  granuleux,  de  granulations 


—  149  — 


albumino-graisseuses  libres,  de  IVagineiils  de  cylindres-axes  variqueux 
et  granuleux,  de  moignons  de  cellules  nerveuses,  etc. 

Le  tissu  de  sclérose  neuro^y^ique,  qui  est  l'aboutissant  du  processus 
de  réaction  que  nous  venons  de  décrire,  ne  présente  pas  le  même 
aspect  suivant  les  régions  considérées  de  la  moelle. 

Dans  la  substance  grise,  il  est  en  général  moins  dense  que  dans  la 
substance  blanche;  le  tissu  est  friable,  comme  formé  d'une  fine  den- 
telle dans  les  mailles  de  laquelle  sont  contenus  les  débris  des  éléments 
nécrosés.  Aussi,  sur  les  coupes  de  la  moelle  à  l'état  frais,  trouve-t-on 
souvent  une  dépression  correspondant  à  cliacune  des  cornes  anté- 
rieures. Après  durcissement  dans  le  bichromate,  le  tissu  effondré  et 
rétracté  peut  donner  lieu  à  une  sorte  de  cavité  artificielle. 

Dans  la  substance  blanche,  au  contraire,  le  tissu  névroglique  sclé- 
reux  présente  une  densité  bien  plus  marquée. 

Pour  examiner  les  détails  de  structure  de  ce  tissu,  il  faut  traiter  les 
coupes  par  l'acide  acétique  et  la  potasse  qui  gonflent  les  éléments 
névrogliques,  puis  les  laver  à  l'alcool  et  à  l  éLher,  qui  fout  disparaître 
les  produits  graisseux  de  désintégration.  Dans  ces  conditions,  lorsque 
la  destruction  des  éléments  nerveux  est  complète,  on  obtient  des  pré- 
parations très  nettes  où  le  réseau  névroglique  apparaît  comme 
presque  pur,  on  n'y  trouve  plus  comme  tissus  étrangers  que  les  vais- 
seaux, avec  leurs  altérations  propres  et  leurs  gaines  conjonctives 
épaissies,  et  les  petits  foyers  d'infiltration  ou  de  sclérose  gommeuse, 
lorsqu'ils  existent. 

On  observe  alors  que  le  tissu  fondamental  de  la  substance  grise 
est  constitué  par  un  réseau  extrêmement  délicat,  résultant  de  l'enche- 
vêtrement des  filaments  émanés  des  cellules  névrogliques.  Celles-ci 
sont  remarquablement  nombreuses  et  volumineuses,  présentant  les 
signes  plus  ou  moins  évidents  de  la  prolifération,  selon  l'âge  du  pro- 
cessus. Ce  tissu  est  très  peu  résistant,  il  est  souvent  effondré  dans  les 
parties  centrales  des  cornes  antérieures.  Au  pourtour  du  canal  cen- 
li  al,  il  est  au  contraire  plus  épais  et  forme  un  feutrage  serré. 

Les  vaisseaux  sanguins  se  distinguent  nettement  par  leurs  parois 
fibreuses  épaisses,  formées  d'un  tissu  conjonctif  dans  lequel  prédo- 
inine,  suivant  les  cas,  le  tissu  fibreux  ou  l'élément  embryonnaire. 
Quelques  cellules  nerveuses,  qui  n'ont  pas  été  détruites  par  le  pro- 
cessus, persistent  dans  les  mailles  du  tissu,  et  présentent  les  aspects 
que  nous  avons  décrits. 


—  15U  — 


Dans  la  subslance  blanche,  la  disposition  du  tissu  névroglique 
varie  suivant  les  points  considérés  et  suivant  le  sens  des  coupes.  Les 
cellules  araignées  sont  encore  très  nombreuses,  les  fibrilles  névro- 
gliques  se  groupent  en  faisceaux  diversement  orientés. 

Sur  les  coupes  transversales,  on  voit  que  dans  les  cordons  antéro- 
latéraux,  les  fibrilles  transversales  affectent,  en  général,  une  disposi- 
tion radiée,  elles  forment  des  travées  qui  se  dirigent  du  centre  de  la 
moelle  vers  la  périphérie,  et  offrent  une  épaisseur  proportionnelle  à 
l'ancienneté  de  la  lésion.  Cette  disposition  est  cependant  fréquemment 
modifiée,  et  le  tissu  forme  alors  un  feutrage  compliqué,  dont  les 
fibres  affectent  toutes  les  directions.  Les  mailles  sont  occupées  par 
les  produits  de  la  dégénération  :  corps  granuleux  et  tubes  nerveux 
plus  ou  moins  reconnaissables.  L'abondance  de  ces  détritus  diminue 
à  mesure  que  le  processus  devient  plus  ancien  et  que  le  tissu  névro- 
glique s'organise. 

Dans  les  cordons  postérieurs,  le  tissu  de  sclérose  est  toujours  pro- 
portionnellement plus  dense;  sur  les  coupes  transversales,  il  affecte 
souvent  la  forme  de  tourbillons  névrogliques  analogues  à  ceux  qui 
ont  déjà  été  signalés  dans  d'autres  affections  de  la  moelle. 

En  dehors  des  fibres  enchevêtrées  qui  apparaissent  sur  les  coupes 
transversales,  on  trouve  sur  les  préparations  de  nombreux  faisceaux 
de  fibrilles  coupées  transversalement  qui  apparaissent  comme  de 
petits  points  colorés  en  rouge  par  le  carmin.  C'est  surtout  sur  les 
coupes  longitudinales  que  l'on  observe  très  bien  la  disposition  des 
fibrilles  qui  ont  cette  direction.  On  constate  alors,  et  principalement 
dans  les  cordons  postérieurs,  que  les  fibrilles  névrogliques  se  dis- 
posent en  faisceaux  extrêmement  épais.  Sur  les  préparations  débar- 
rassées des  détritus  granulo-graisseux,  elles  forment  des  larges 
bandes  continues  où  l'on  ne  trouve  que  des  fibrilles  ondulées  et 
parallèles,  de  toute  longueur,  qui  s'écartent  souvent  pour  laisser  une 
place  à  un  vaisseau  (pl.  IV,  fig.  1). 

On  peut  dire  que  la  densité  du  tissu  et  la  régularité  du  dessin 
sont  d'autant  plus  remarquables  que  la  lésion  est  plus  ancienne. 

Ces  aspects  ont  déjà  été  indiqués  dans  la  syphilis  médullaire  par 
Goldflam  (obs.  126). 

Mais  la  névroglie  ne  revêt  pas  toujours  un  aspect  aussi  régulier. 
Dans  certains  points  des  cordons  postérieurs,  elle  forme  des  amas 


—  151  — 


inextricables  sans  ordination.  Fréquemment,  on  observe,  au  milieu 
d'un  foyer  de  corps  granuleux,  une  sorte  de  noyau  de  sclérose  névro- 
glique  d'où  irradient  des  travées  qui  vont  rejoindre  le  tissu  de  même 
nature  tassé  à  la  périphérie  du  foyer. 

La  névroglie  se  dispose  aussi  en  anneaux  concentriques  autour 
des  vaisseaux  altérés,  mais  ne  fait  pas  corps  avec  la  gaine  conjonclive 
de  ces  vaisseaux  (pl.  III,  fig.  1). 

Les  tourbillons  et  les  faisceaux  ondulés  parallèles  de  fibrilles 
névrogliques  ont  été  décrits  dans  la  sclérose  en  plaques  par 
Weig'ert;  dans  la  maladie  de  Friedreicli,  par  MM.  Dejerine  et 
Letulle;  par  M.  Chasiin,  dans  les  lésions  de  l'écorce  du  cerveau 
des  épileptiques.  On  les  a  vus  dans  la  sclérose  du  tabès  vulgaire  et 
dans  la  tumeur  de  la  syringomyélie.  En  effet,  le  tissu  interstitiel 
propre  aux  centres  nerveux,  lorsqu'il  est  le  siège  d'une  inilammation 
primitive  ou  simplement  réactionnelle,  ne  saurait  reproduire  comme 
résultat  un  type  de  sclérose  autre  que  la  sclérose  névroglique. 

De  même  que  le  tissu  fibreux  de  cicatrice  est  l'aboutissant  de 
l'iuilanuiiation  du  tissu  conjonctif,  la  sclérose  névroglique  est  le  der- 
nier terme  de  l'inflammation  du  tissu  névroglique.  Mais  le  tissu 
fibreux  ne  représente  pas  toujours  une  cicatrice  vulgaire;  il  peut,  par 
son  isolement,  son  état  de  pureté,  l'intégrité  des  parties  voisines, 
prendre  l'aspect  d'une  tumeur  autonome  et  constituer  alors  le  fibrome. 
II  en  va  de  même  pour  la  gliose  des  centres  nerveux,  lorsque  la 
sclérose  névroglique  se  présente  avec  des  caractères  de  pureté  com- 
plète; en  l'absence  de  lésions  des  vaisseaux  et  du  tissu  conjonctif 
périvasculaire,  on  est  en  droit  de  la  considérer  comme  une  production 
spéciale  dont  la  nature  peut  être  rapprochée  de  celle  du  fibrome. 
C'est  ainsi  que,  dans  la  plupart  des  cas  de  syringomyélie,  le  gliome 
central  a  l'aspect  d'une  tumeur  énucléable,  composée  d'un  tissu  homo- 
gène, véritable  «  fibrome  »  névroglique  qui  refoule  le  tissu  nerveux 
voisin. 

L'origine  de  la  gliose  pure  n'est  certes  pas  plus  claire  que  celle  du 
fibrome,  cependant  la  gliose  peut  être  aussi  différente  de  la  sclérose 
névroglique,  tout  en  présentant  le  même  aspect,  que  le  fibrome  l'est 
du  tissu  fibreux  d'une  cicatrice  vulgaire  ;  et  si  l'on  considère  le 
fibrome  comme  le  résultat  d'un  vice  dans  le  développement  du  tissu 
conjonctif,  il  sera  logique  d'appliquer  la  même  conception  à  la  sclérose 
névroglique. 


—  152  — 


La  sclérose  névroglique  décrite  par  M.  Chaslin  dans  le  cerveau 
des  épileptiques,  et  par  MM.  Dejerine  et  Le  tulle  dans  l'ataxie 
héréditaire,  se  présenterait  précisément  avec  ces  caractères  de  pureté 
et  d'autonomie  qui  autorisent  jusqu'à  un  certain  point  à  considérer 
l'altération  de  ces  affections  familiales  comme  une  lésion  d'évolution. 

Cela  dit  en  passant,  nous  ferons  remarquer,  pour  en  revenir  au 
sujet  qui  nous  occupe,  que  l'hyperplasie  névroglique  qui,  dans  la 
syphilis  médullaire,  constitue  en  certains  points  un  tissu  très  dense 
et  presque  pur,  s'accompagne,  d'autre  part,  de  modifications  impor- 
tantes portant  sur  les  vaisseaux  et  le  tissu  conjonctif  périvasculaire. 
Nous  avons  vu  quelles  étaient  au  début  les  altérations  des  vais- 
seaux ;  pendant  que  se  développe  le  processus  d'altération  secondaire 
du  parenchyme  médullaire,  les  lésions  des  vaisseaux  évoluent  pour 
leur  propre  compte,  et  le  processus  qui  les  atteint  n'offre  aucune 
solidarité  avec  celui  que  présente  le  tissu  méduUaii^e  environnant. 

La  paroi  vasculaire  d'abord  infiltrée  dans  sa  totalité  subit  une  dégé- 
nérescence hyaline  qui  porte  principalement  sur  les  couches  internes 
(pl.  IV,  fig.  3).  L'infiltration  des  couches  exteinies  persiste,  au  contraire, 
plus  longtemps,  et,  lorsqu'elle  avance  en  âge,  elle  fait  place  à  un 
tissu  fibrillaire  dense,  de  nature  conjonctive.  La  gaine  lymphatique 
est  le  plus  souvent  englobée  dans  cet  épaississement  scléreux  et 
oblitérée.  Mais  on  trouve  toujours  une  limite  tranchée  entre  la  gaine 
conjonctive  périvasculaire,  plus  ou  moins  confondue  avec  la  paroi  du 
vaisseau,  et  la  zone  névroglique  annulaire  qui  l'entoure.  La  séparation 
est  des  plus  nettes  lorsque  la  partie  externe  de  la  paroi  vasculaire 
est  encore  totalement  infiltrée  de  noyaux,  tandis  que  le  tissu  névro- 
glique environnant,  dont  elle  est  séparée  le  plus  souvent  par  une  fente, 
est  presque  uniquement  fibrillaire  (pl.  III,  fig.  1). 

D'autre  part, l'infiltration  du  tissu  des  méninges  faitpeuk  peuplace 
à  la  sclérose;  la  membrane  n'offre  alors  le  plus  souvent  qu'un  failde 
épaississement  et  il  n'y  a  pas  généralement  d'adhérence  marquée 
avec  le  tissu  scléreux  sous-jacent  de  la  moelle.  Ici  encore,  il  est  facile 
d'établir  une  distinction  entre  le  tissu  conjonctif  des  travées  fibreuses 
épaisses  de  la  pie-mère  et  le  tissu  névroglique  de  la  moelle,  il  n'y  a 
d'ordinaire  aucune  continuité  de  tissu. 

Cependant,  de  même  que  dans  les  premières  périodes  du  processus 
les  travées  conjonctives  qui  accompagnent  les  vaisseaux  sont  des 


—  153  — 


lieux  de  prédilection  pour  l'infiltralion,  ces  travées  forment  plus  tard 
des  bandes  conjonctives  plus  ou  moins  épaisses  qui  pénètrent  dans 
rintérieur  de  la  moelle;  mais  cette  disposition  n'atteint  le  plus  souvent 
qu'une  importance  minime,  et  tout  compte  fait,  lorsque  l'affection  est 
arrivée  au  dernier  terme  de  son  évolution,  l'épaississement  de  la 
pie-mère  ne  représente  en  général  qu'une  lésion  accessoire. 

Nous  avons  décrit  dans  ses  grandes  lignes  l'évolution  de  l'altération 
delà  moelle  consécutive  aux  lésions  vasculaires  de  la  syphilis,  lorsque 
cette  altération  revêt  la  forme  d'un  foyer  de  ramollissement  développé 
assez  rapidement.  Dans  ce  cas, les  différents  stades  du  processus  sont 
assez  tranchés  pour  qu'on  puisse  distinguer  une  première  période  de 
destruction  des  éléments  nerveux  suivie  d'une  période  de  réaction 
substitutive  du  tissu  névroglique.  Pour  les  formes  à  évolution  lente, 
cette  division  est  moins  facile  à  établir;  les  éléments  nerveux  ne 
subissent  pas  en  bloc  les  effets  d'une  suppression  rapide  et  plus  ou 
moins  complète  de  l'apport  sanguin  ;  le  ralentissement  progressif  de 
la  circulation  dans  des  régions  disséminées  produit  des  altérations 
plus  lentes  et  plus  diffuses  des  éléments  nerveux,  la  nécrose  de 
ceux-ci  se  produit  de  ci,  de  là,  et  inégalement.  Les  modifications  du 
tissu  conjonctif  interviennent  bientôt,  se  mêlent  au  processus  de 
nécrose  des  tubes  nerveux  et  les  apparences  sont  des  plus  complexes. 

Ajoutons  que  l'affection  n'est  pas  toujours  une  dans  sa  marche  ; 
plusieurs  foyers  de  ramollissement  peuvent  se  produire  à  échéances 
variables,  une  nécrose  brusque  peut  survenir  au  milieu  d'un  processus 
lent.  Aussi  trouve-t-on  dans  la  moelle,  à  côté  de  lésions  très  avan- 
cées, des  altérations  dégénératives  de  date  récente.  Un  foyer  ancien 
cicatrisé  pourra  être  contigu  à  un  ramollissement  tout  frais,  etc.  ; 
souvent  même  c'est  ce  nouveau  foyer  de  ramollissement  qui  coupe 
court  à  une  marche  chronique  de  l'affection. 

Dans  les  cas  de  ramollissement  aigu  comme  dans  les  formes  à 
évolution  lente,  en  dehors  des  foyers  de  nécrose  constituée,  on  cons- 
tate dans  les  parties  relativement  saines,  des  altérations  du  paren- 
chyme nerveux  représentées  par  le  gonflement  du  tissu  névrogli([ue 
surtout  des  cellules  araignées,  une  dilatation  de  la  gaine  de  myéline, 
l'hypertrophie  des  cylindres-axes,  enfin  un  certain  nombre  d'altéra- 
tions légères  qui  marquent  l'état  de  souffrance  d'un  parenchyme  mal 
irrigué,  mais  pas  aussi  fortement  anémié  que  les  régions  franchement 


—  154  — 


nécrosées.  Ces  légères  modifications  s'observent  dans  les  zones  voi- 
sines des  foyers  de  ramollissement  et  quelquefois  dans  des  parties  très 
étendues  de  la  moelle. 

Dans  les  régions  qui  sont  le  siège  de  la  dégénération  secondaire 
(cordon  de  GoU,  faisceaux  pyramidaux,  etc.),  la  destruction  des  tubes 
nerveux  se  fait  par  le  processus  ordinaire,  les  corps  granuleux  abon- 
dent et  le  tissu  névroglique  ambiant  entrant  en  activité  se  substitue 
peu  à  peu  aux  tubes  détruits.  Une  fois  constituée,  la  sclérose  névro- 
glique présente  les  mêmes  aspects  que  celle  des  foyers  d'altération 
primitive.  La  zone  scléreuse  est  traversée  par  les  tubes  persistant 
qui  n'ont  pas  été  interrompus  dans  leur  parcours  et  se  montrent 
absolument  intacts.  Quels  que  soient  la  rapidité  et  le  mode  de 
destruction  des  éléments  nerveux  (dégénéi^escence  secondaire  ou 
nécrose  anémique),  la  sclérose  névroglique  est  le  terme  fuial  du  pro- 
cessus dans  le  cas  qui  nous  occupe.  Au  fur  et  à  mesure  que  la  lésion 
vieillit,  elle  prend  des  apparences  plus  nettes,  la  sclérose  s'épaissit, 
la  région  se  rétracte  et  la  moelle,  d'une  consistance  plus  ferme,  est 
souvent  déformée.  Les  produits  de  désintégration  des  éléments 
nerveux  disparaissent  peu  à  peu,  les  corps  granuleux  de  plus  en  plus 
rares  persistent  cependant  fort  longtemps.  Indépendamment  de  ceux 
qui.  frappés  de  mort,  restent  accumulésen  foyers,  on  peut  dire  qu'on 
en  trouve,  tant  qu'il  existe  un  tube  nerveux  en  voie  d'altération. 

Mais  à  la  longue,  le  processus  s'éteint  complètement  et  l'on  trouve 
une  sclérose  névroglique  dense  envaliissant  des  régions  plus  ou  moins 
étendues  de  la  moelle.  La  limite  qui  sépare  les  zones  scléreuses  des 
parties  saines  est  en  général  assez  irrégulière  ;  en  dehors  des  seg- 
ments où  la  dégénérescence  secondaire  existe  seule,  on  n'observe  pas 
cette  séparation  nette  qui  caractérise  les  altérations  de  la  sclérose  en 
plaques. 

Dans  le  tissu  de  sclérose,  on  voit  des  vaisseaux  énormes,  hyalins, 
entourés  d'un  manchon  fibreux,  les  uns  offrant  encore  une  petite 
lumière  centrale  ;  les  autres,  complètement  oblitérés,  formant  un  cor- 
don plein,  homogène,  avec  quelques  noyaux  fusiformes,  parfois  un 
débris  de  membrane  élastique  ondulé,  et  souvent  des  vaisseaux  néo- 
formés. 

On  trouve  aussi  souvent  dans  les  zones  sclérosées,  des  tubes  ner- 
veux parfaitement  constitués  et  qui  se  distinguent  nettement  surle  tissu 


—  155  — 


dense  qui  les  environne  (pl.  IV,  fig.  5).  Ces  quelques  tubes  qui  ont 
échappé  à  la  nécrose  primitive  ont  été  respectés  par  le  développement 
de  la  névroglie  qui  n'a  qu'un  rôle  de  substitution.  Leur  nombre  est 
variable  et  naturellement  en  rapport  avec  le  degré  plus  ou  moins 
accentué  de  l'anémie  qui  a  produit  le  ramollissement.  Cette  persistance 
de  tubes  isolés  au  milieu  des  zones  altérées  est  plus  ordinaire  dans 
les  cas  où  la  nécrose  anémique  s'établit  progressivement.  Dans  le 
ramollissement  aigu,  tous  les  éléments  de  la  région  anémiée  sont 
frappés  de  mort  en  bloc  et  aucun  tube  n'échappe  à  la  nécrose. 

Dans  les  cas  très  anciens  et  arrêtés  dans  leur  évolution,  la  pie-mère 
et  le  tissu  médullaire  des  segments  de  moelle  respectés  possèdent 
souvent  des  vaisseaux  à  parois  épaisses  et  fibreuses  mais  à  lumière 
largement  béante  et  suffisante  pour  le  maintien  de  la  circulation.  Par- 
ticularité remarquable,  ces  vaisseaux  épaissis  mais  perméables  sont 
dans  la  moelle  en  contact  avec  des  tubes  nerveux  absolument  sains, 
ce  qui  prouve  que  la  sclérose  du  tissu  nerveux,  quand  elle  existe,  n'est 
nullement  le  fait  de  l'extension  d'une  sclérose  périvasculaire.  La  pie- 
mère  de  ce^  régions  est  elle-même  le  plus  souvent  intacte,  et  en  effet, 
le  processus  primitif  frappe  d'abord  la  paroi  vasculaire  ;  arrêté  dans 
ses  progrès,  il  évolue  vers  la  sclérose  avant  que  l'altération  ait  franchi 
les  limites  de  sa  localisation  primitive  et  gagné  le  tissu  propre  de  la 
pie-mère  (fig.  28). 

Une  question  qui  se  pose  à  la  fin  de  l'étude  de  la  destruction  des 
éléments  nerveux,  c'est  celle  de  leur  régénération.  La  destruction 
des  éléments  nerveux  une  fois  consommée  est-elle  définitive,  ou  bien 
au  contraire,  certains  de  ces  éléments  dont  les  centres  trophiques 
sont  respectés  peuvent-ils  se  régénérer  ?  La  solution  de  cette  question 
présente  un  grand  intérêt  pour  l'interprétation  de  certaines  constata- 
tions cliniques. 

11  est  bien  évident  que  sans  faire  intervenir  la  régénération  des  élé- 
ments détruits,  bien  des  particularités  anatomiques,  comme  la  limita- 
tion d'un  processus  d'abord  étendu  d'une  façon  difi'use,  le  retour  de 
la  circulation  après  rupture  momentanée  d'équilibre  dans  des  parties 
non  encore  frappées  de  mort,  peuvent  donner  la  raison  de  l'améliora- 
tion que  Ton  observe,  la  période  des  accidents  graves  une  fois  passée. 
Mais  on  voit  des  malades  qui,  après  avoir  présenté  pendant  des  mois 
et  des  années  des  phénomènes  de  paraplégie  spasmodique  très  intense 


—  156  — 


avec  contracture  extrême  allant  jusqu'à  produire  l'impotence  fonc- 
tionnelle, bénéficient  au  bout  d'une  longue  période  d'une  amélioration 
très  lente  et  progressive  qui  les  amène  à  un  état  assez  satisfaisant, 
il  est  possible  alors  que  la  régénération  des  tubes  nerveux  joue  un 
rôle  important  dans  cette  amélioration. 

Voyons  d'abord  ce  que  nous  apprennent- les  expériences  des  phy- 
siologistes. 

Kempten  (1)  a  observé  chez  des  pigeons  une  cicatrisation  com- 
plète de  la  moelle  après  une  simple  section  transversale. 

Flourens  (2)  a  constaté  qu'une  section  longitudinale  du  renflement 
lombaire  chez  un  lapin  était  à  peu  près  complètement  guérie  au  bout 
de  trois  mois  et  que  les  mouvements  étaient  rétablis.  Une  section 
transversale  était  suivie  du  même  résultat. 

M.  Brown-Sequard  (3)  ayant  coupé  la  moelle  transversalement 
au  niveau  de  la  cinquième  racine  dorsale  chez  un  pigeon,  l'animal 
recouvra  graduellement  les  mouvements  d'abord  supprimés  et  même 
les  fonctions  génitales.  La  pièce  anatomique  fut  examinée  par  Robin 
qui  observa  la  réunion  des  conducteurs  nerveux  au  niveau  de  la  section 
cicatrisée.  Sur  un  autre  pigeon,  on  constata  encore  la  régénération 
des  fibres  nerveuses. 

Les  expériences  de  Masius  et  Vanlair  (4)  fournissent  des  rensei- 
gnements encore  plus  explicites.  Ces  auteurs  ont  observé  non  seule- 
ment la  réunion  des  fdires  sectionnées,  mais  même  la  régénération  de 
parties  étendues  de  la  moelle  après  des  pertes  de  substance  considé- 
rables. D'après  leurs  descriptions,  les  tubes  nerveux  en  voie  de  régé- 
nération présenteraient  d'abord  l'aspect  des  fibres  de  Remak  et  les 
cellules  nerveuses  elles-mêmes  pourraient  se  reproduire. 

Il  est  vrai  que  les  expériences  de  Masius  et  Vanlair  ont  été  pra- 
tiquées sur  la  grenouille,  mais  Paul  Dentan  (5),  ayant  pratiqué  sur 

(1)  Kkmpten.  Cité  par  Leyden.  3Ial.  de  la  moelle,  p.  61. 

(2)  Flourens.  Annales  des  sciences  naturelles,  1828,  t.  XIII,  p.  113. 

(:-5)  Beown-Sequaed.  Sur  la  faculté  de  régénération  des  plaies  de  la  moelle  épi- 
nière.  3Iéd.  exam.,  1852^  p.  379.  —  Kégénération  des  tissiTs  de  la  moelle  épinièn?. 
Comptes  rendus  de  la  Société  de  hiologie,  1850;  Gazette  médicale,  1850. 

(4)  Masius  et  Vanlair.  Eecherches  expérimentales  sur  la  régénération  anato- 
mique et  fonctionnelle  de  la  moelle  épinière.  Mém.  de  V Acad.  roy.  de  viéd.  de 
Belgique,  Bruxelles,  1870. 

(5)  Paul  Dentan.  Quelques  reoherchcs  sur  la  régénération  fonctionnelle  et  ana- 
tomique de  la  moelle  épinière.  Dissertation  inaugurale,  Berne,  187;-5. 


—  157  — 


des  cliiens  nouveau-nés  des  sections  et  même  des  excisions  de  la 
moelle,  a  pu  constater  également  la  régénération  du  tissu  nerveux  et 
le  rétablissement  des  fonctions.  Dans  le  point  de  réunion,  au  milieu 
du  tissu  de  cicatrice,  on  trouvait  des  capillaires  néoformés  et  des 
fibres  nerveuses  grêles  et  pâles,  mais  pas  de  cellules  nerveuses. 

Sans  pousser  plus  loin  la  revue  des  études  expérimentales  analo- 
gues qui  ont  été  instituées  depuis,  nous  enregistrerons  ce  fait  que,  pour 
les  tubes  nerveux  au  moins,  la  régénération  est  possible.  Celle  des 
cellules  nerveuses  est  bien  plus  discutable  malgré  les  constatations 
de  Masius  et  Yanlair;  ces  éléments  autonomes  et  isolés  une  fois 
détruits,  aucune  puissance  trophique  n'intervient  pour  amener  leur 
reproduction. 

Les  tubes  nerveux,  au  contraire,  ne  sont  ((ue  de  simples  conducteurs 
dont  l'existence  est  subordonnée  à  celle  du  centre  trophique  dont  ils 
émanent.  Dans  la  moelle  connue  dans  les  nerfs  péripliériipies,  ils  sont 
capables  de  se  régénérer  tant  que  ce  centre  persiste,  à  la  condition 
que  la  cause  de  destruction  qui  les  intéressait  sur  leur  parcours  cesse 
d'exister.  INous  avons  vu  que  dans  le  ramollissement  médullaire  par 
lésions  syphilitiques  des  vaisseaux,  l'anémie,  pour  intense  qu'elle  est 
tout  d'abord,  ne  persiste  pas  complètement  et  que  la  vitalité  reprend 
d'ordinaire  dans  les  régions  altérées.  La  cause  principale  de  destruc- 
tion disparaît  donc  au  bout  d'un  certain  temps.  Reste  la  sclérose 
névroglique  dont  la  présence  s'oppose  évidemment  au  rétablissement 
de  la  structure  normale,  mais  ce  processus  est  purement  secondaire, 
la  sclérose  n'est  que  substitutive,  elle  n'attaque  pas  directement  l'élé- 
ment nerveux  qu'elle  remplace  seulement  après  sa  destruction,  elle 
cesse  d'évoluer  dès  que  la  dégénération  est  arrêtée.  Aussi  bien  les 
cylindres-axes  de  nouvelle  formation  peuvent-ils  se  prolonger  dans  les 
interstices  laissés  par  le  tissu  de  cicatrice  sans  subir  d'altérations.  On 
comprend  cependant  que  les  régions  déjà  envahies  par  un  tissu  de 
sclérose  dense  ne  peuvent  être  pénétrées  par  les  tubes  néoformés,  en 
sorte  que  celle  régénération  ne  doit  être  que  partielle  et  même  fort 
incomplète.  En  examinant  minutieusement  les  régions  scléreuses  dans 
les  cas  anciens  de  syphilis  médullaire,  on  trouve  de  petits  cylindres- 
axes  isolés  nettement  arrondis  et  parfaitement  colorés,  entourés  d'une 
très  mince  gaine  de  myéline  ou  paraissant  nus.  Peut-on  considérer 
ces  cylindres-axes  comme  l'analogue  des  fibres  de  Remak  décrites  par 


—  158  — 


Masius  et  Vanlair;  représentent-ils  des  tubes  nerveux  en  voie  de 
régénéra  Lion  y  C'est  une  question  à  laquelle  il  est  difficile  de  répondre. 
Nous  constaterons  seulement  qu'une  réponse  affirmative  s'accorderait 
bien  avec  les  particularités  cliniques  que  nous  avons  sig'nalées.  «  La 
clinique,  dit  Leyden(l),  nous  fait  envisager  comme  vraisemblable 
la  faculté  de  régénération  de  la  moelle  chez  l'homme  sans  pourtant  la 
prouver  d'une  manière  précise.  A  la  suite  de  blessures,  d'hémor- 
rhagies  et  de  ramollissement,  il  n'est  pas  rare  de  constater  des  amé- 
liorations graduelles  si  frappantes  que  force  est  d'admettre  une 
régénération  partielle  des  endroits  lésés.  »  Ces  considérations  s'appli- 
quent pleinement  à  la  syphilis  médullaire. 

D.  —  Particularités  dans  l'évolution  des  lésions.  Formes  anato- 

MIQUES  SPÉCIALES 

Nous  n'avons  envisagé,  jusqu'ici,  que  la  lésion  principale  du  tissu 
nerveux,  celle  qui  résulte  des  altérations  des  vaisseaux  ou  de  la  pie- 
mère  considérée  comme  membrane  nourricière  de  la  moelle.  Il  existe 
encore  un  certain  nombre  d'autres  modifications  qui,  sauf  exception, 
n'ont  qu'une  importance  secondaire. 

L'inflammation  spécifique  d'abord  localisée  au  système  vasculaire 
et  au  système  lymphatique  de  la  pie-mère  peut  dans  quelques  cas 
s'étendre  davantage  et  envahir  le  parenchyme  nerveux  lui-même.  On 
voit  alors  l'infiltration  émanée  du  tissu  de  la  pie-mère  ou  d'un  vais- 
seau intramédullaire  gagner  le  parenchyme  voisin  et  constituer  un 
tissu  embryonnaire  dense  qui  pénètre  dans  la  moelle  sous  forme  de 
coin  ou  apparaît  comme  un  îlot  en  pleine  substance.  Cette  prolifé- 
ration intéresse  des  portions  de  parenchyme  resté  sain  jusque-là 
ou  déjà  atteint  par  la  dégénérescence  ;  elle  se  présente  dans  tous 
les  cas  avec  des  apparences  particulières  qui  permettent  d'en  recon- 
naître l'origine  et  de  la  distinguer  des  autres  modifications  patholo- 
giques que  nous  avons  décrites.  L'infiltration  spécifique,  qu'elle  ait 
pour  origine  la  pie-mère  ou  un  vaisseau  de  cette  membrane,  ou  qu'elle 
se  développe  autour  d'un  vaisseau  situé  dans  le  tissu  même  de  la 
moelle,  est  formée  par  un  amas  de  cellules  embryonnaires  qui  tantôt 
se  groupent  en  un  nodule  assez  nettement  circonscrit,  tantôt  s'éten- 

(1)  Leyden.  Loc.  cit.,  p.  62. 


—  159  — 


dent  d'une  façon  diffuse  dans  le  tissu  environnant.  Il  ne  s'agit  là,  en 
somme,  que  d'une  extension  du  processus  qui  atteint  primitivement 
les  parois  des  vaisseaux  et  les  gaines  périvasculaires,  puis  les  fentes 
lymphatiques  de  la  pie-mère  et  qui  préside  à  la  formation  des  petites 
gommes  miliaires  dont  nous  avons  déjà  parlé  au  début  de  cette  des- 
cription. 

Nous  insisterons  sur  ce  fait  que,  si  ces  lésions  ont  une  extrême 
importance  au  point  de  vue  de  la  caractéristique  du  processus,  elles 
ne  sont  en  général  qu'assez  peu  développées  et  souvent  tardives,  la 
lésion  principale  étant  la  nécrose  anémique  du  parenchyme  nerveux. 
Ces  infiltrations  gommeuses  se  reconnaissent  à  la  disposition  con- 
iluente  des  noyaux  embryonnaires  et  à  la  présence  fréquente  de 
cellules  géantes  ;  enfin  quelquefois,  bien  qu'assez  rarement,  et  seule- 
ment lorsque  la  néoplasie  est  considérable,  on  observe  des  signes  de 
dégénérescence  caséeuse  centrale.  Ces  modifications  pour  n'être  pas 
absolument  spéciales  à  la  syphilis  permettent  au  moins  d'établir  une 
distinction  formelle  entre  l'infiltration  gommeuse  et  les  autres  alté- 
rations qui  atteignent  les  régions  voisines. 

Plus  tard,  lorsque  l'affection  est  plus  ancienne,  les  régions  qui  ont 
été  envahies  par  l'infiltration  syphilitique  se  distinguent  encore  des 
parties  où  siège  la  sclérose  névroglique  consécutive  à  la  nécrose 
anémique.  En  effet,  l'infiltration  g'ommeuse  cicatrisée  prend  l'aspect 
d'un  tissu  conjonctif  très  dense  qui  souvent  se  dispose  en  forme  de 
coin  reposant  par  sa  base  sur  la  pie-mère,  avec  le  tissu  de  laquelle 
il  se  continue,  et  s'enfonçant  plus  ou  moins  profondément  dans  le 
parenchyme  médullaire.  Dans  quelques  cas,  l'inflammation  de  la  pie- 
mère  a  déterminé  une  adhérence  des  membranes  extérieures  et  l'on 
peut  observer,  comme  dans  notre  cas  n°  III  (fig.  15),  des  points  où  les 
trois  membranes  soudées  et  la  partie  adjacente  du  tissu  médullaire 
forment  une  masse  continue  constituée  par  du  tissu  fibreux  de 
cicatrice. 

Aux  altérations  portant  sur  la  moelle  même,  il  faut  joindre  les 
lésions  qui  atteignent  directement  les  racines  et  entrent  en  ligne  de 
compte  dans  la  détermination  des  symptômes  et  aussi  dans  la  produc- 
tion de  zones  de  dégénération  secondaire  dans  la  moelle.  Pour  les 
racines  antérieures,  il  y  a  d'abord  une  cause  banale  de  destruction 
des  tubes,  c'est  la  dégénérescence  wallérienne  secondaire  aux  altéra- 


—  160  — 


tions  des  cellules  des  cornes  antérieures  ;  mais  les  lésions  radicu- 
laires  sont  surtout  une  conséquence  directe  de  l'inflammation  qui 
envahit  les  tissus  vasculaire,  lymphatique  et  conjonctif  des  cordons. 
Ici,  on  trouve  très  nettement  le  point  de  départ  de  l'infiltration  dans 
la  paroi  des  vaisseaux  ;  elle  s'insinue  ensuite  dans  les  espaces 
conjonctifs  interfasciculaires  et  envahit  ainsi  le  corps  de  la  racine 
(pl.  I,  fig.  6). 

La  destruction  des  tubes  nerveux  dans  les  racines  semble  résulter 
plutôt  de  l'envahissement  progressif  par  l'infiltration  que  des  troubles 
circulatoires;  en  effet,  dans  les  formes  qui  se  terminent  par  une  mort 
rapide,  alors  que  l'infiltration  n'est  pas  encore  très  développée  et 
qu'elle  reste  localisée  aux  régions  périvascidaires,  les  racines  sont 
peu  altérées,  tandis  que  la  nécrose  de  la  moelle  est  très  intense.  Il  en 
était  ainsi  dans  notre  cas  n°  1. 

Au  contraire,  lorsqu'une  cer laine  durée  de  l'affection  a  permis 
l'extension  de  l'inflammation,  le  périnèvre  est  épaissi  et  infiltré,  les 
tubes  nerveux  sont  détruits  par  l'infiltration  qui  envahit  le  corps  du 
faisceau. 

Dans  la  suite,  lorsque  les  lésions  sont  cicatrisées,  le  cordon  radi- 
culaire  est  composé  d'un  tissu  scléreux  qui  diffère  de  la  sclérose 
névroglique  de  la  moelle  par  la  prédominance  de  l'élément  conjonctif. 

Les  altérations  radiculaires  sont  le  plus  ordinairement  peu  accen- 
tuées, cependant,  dans  quelques  cas,  elles  prennent  une  importance 
capitale  ;  aussi  quelques  auteurs  ont-ils  admis  une  forme  spéciale  de 
névrite  et  périnévrite  spinales  fibreuses  et  gommeuses  (1). 

Les  phénomènes  d'inflammation  des  méninges,  l'envahissement  de 
la  moelle  par  l'infiltration  gommeuse,  la  production  de  néoplasies 
circonscrites  présentent  une  extension  plus  ou  moins  marquée  dans 
les  cas  ordinaires  de  syphilis  médullaire,  mais  ils  sont  en  général 
assez  peu  développés.  Toutefois,  un  certain  nombre  de  formes  ana- 
tomiques  spéciales  résultent  du  développement  exagéré  de  ces 
altérations. 

Ainsi,  on  observe  dans  quelques  cas  une  inflammation  gommeuse 
considérable  des  méninges,  donnant  lieu  à  ces  dépôts  épais  qui  ont 
été  constatés  dans  plusieurs  autopsies  à  la  surface  des  membranes. 

(1)  Jdrgens.  Ueber  Syphilis  des  Kiickeiimarks  und  seiner  Hiiute.  Cliarite  Anna- 
len,  1885,  p.  729. 


—  161  — 


L'inflammation  détermine  leur  adhérence,  puis  la  sclérose  s'établit  et 
ainsi  se  trouve  constituée  la  pachy méningite  sypliilitique. 

D'autres  fois,  l'infiltration  gommeuse  développée  autour  d'un  vais- 
seau des  méninges  ou  de  la  moelle  prend  l'aspect  d'une  néoplasie 
circonscrite  et  forme  une  tumeur  volumineuse.  Il  s'agit  alors  d'un  de 
ces  cas  rares  de  gomme  de  la.  moelle. 

Mais  ce  ne  sont  là,  en  somme,  que  des  formes  exceptionnelles,  et 
l'altération  du  tissu  médullaire,  dans  ces  cas,  résulte  à  la  fois  de  la 
compression  et  des  troubles  circulatoires,  car,  ni  les  lésions  vascu- 
laires  ni  leurs  conséquences  que  nous  avons  décrites  ne  sont  exclues 
de  ces  formes  spéciales. 


S. 


11 


2,  —  Les  symptômes. 


CONSIDÉRATIONS  GÉNÉRALES 

Les  manifestations  cliniques  de  la  syphilis  médullaire  revêtent  des 
aspects  multiples,  en  raison  de  la  variabilité  des  lésions.  Cependant, 
puisque,  ainsi  que  nous  avons  essayé  de  le  démontrer,  certaines 
altérations  extramédullaires  comme  les  lésions  osseuses  du  rachis, 
et  d'autres  manifestations  intrinsèques  comme  la  pachyméningite 
et  les  gommes  circonscrites,  sont  des  phénomènes  rares,  il  reste 
une  certaine  fixité  dans  le  processus  des  altéralions  vasculaires  et 
méningées  qui  constituent  la  majorité  des  cas.  On  doit  donc  observer 
une  ressemblance  entre  les  différents  types  cliniques  qui  répondent  à 
ces  altérations  ;  et  de  fait,  l'étude  des  observations  publiées  jusqu'ici 
permet  de  décrire  un  type  clinique  assez  constant  qui  répond  au  plus 
grand  nombre  des  cas. 

Toutefois,  il  existe  bien  des  variantes  même  de  cette  forme  com- 
mune, et  il  est  assez  facile  d'en  rendre  compte  si  l'on  veut  bien  se  rap- 
peler que  le  processus,  tout  en  restant  le  même,  peut  être  plus  ou 
moins  rapide,  atteindre  la  moelle  à  des  hauteurs  variables,  être  plus 
ou  moins  étendu,  rester  cantonné  à  la  moelle  ou  s'accompagner  d'alté- 
rations analogues  dans  d'autres  parties  des  centres  nerveux,  comme 
le  cerveau  on  le  mésocéphale.  Enfin,  pour  être  généralement  diffuses, 
les  altérations  vasculaires  peuvent  quelquefois  prédominer  dans  cer- 
tains systèmes  de  vaisseaux  et  donner  lieu  à  des  symptômes  qui  rap- 
pellent certaines  affections  systématiques  de  la  moelle. 

A  toutes  ces  différences  dans  l'évolution  et  la  localisation  du  pro- 
cessus anatomique  correspondent  des  variations  dans  l'aspect,  la 
marche,  l'intensité  et  la  complexité  des  symptômes.  En  laissant  de 
côté  les  formes  compliquées  de  symptômes  cérébraux  importants 
(formes  cérébro-spinales  proprement  dites),  les  formes  pseudo- 
systémsLtiques  et  celles  qui  correspondent  à  une  lésion  anato- 


—  163  — 


mique  spéciale  (pachyméningite,  gommes,  syphilis  osseuse  du 
rachis),  nous  décrirons  d'abord  la  forme  commune. 

La  plupart  des  auteurs  qui  ont  étudié  la  paraplégie  syphilitique 
établissent  une  distinction  formelle  entre  les  cas  qui  apparaissent 
rapidement  et  ceux  qui  évoluent  au  contraire  lentement;  et  pour  eux, 
formes  aiguës  et  formes  chroniques  répondent  à  peu  près  à  la  divi- 
sion en  formes  graves  et  formes  moyennes  ou  bénignes. 

L'exactitude  de  ce  parallèle  n'est  pas  absolue.  Intensité  et  soudai- 
neté sont  en  général  deux  caractères  associés,  mais  ils  ne  sont  nulle- 
ment inséparables  l'un  de  l'autre.  Si,  en  effet,  c'est  le  plus  souvent  la 
grande  extension  des  lésions  vasculaires  qui  détermine  dans  la  moelle 
des  lésions  à  la  fois  rapides  et  étendues,  il  pourra  se  faire  qu'une 
lésion  développée  assez  rapidement  soit  circonscrite  et  que  les  symp- 
tômes après  une  entrée  en  scène  bruyante  se  modèrent  promptement 
en  constituant  une  forme  bénigne. 

Aussi  bien,  des  altérations  progressives  pourront  s'étendre  lente- 
ment, mais  envahir  des  régions  considérables,  et  l'on  verra  l'affection, 
d'abord  bénigne,  s'accentuer  progressivementou  même  s'aggraver  par 
des  accidents  brusques. 

On  n'a  pas  encore  tenté  jusqu'ici  de  donner  une  description  clinique 
complète  de  la  syphilis  médullaire,  et,  à  part  le  mémoire  de  Erb  (1), 
qui  fournit  un  tableau  assez  net  de  la  forme  la  plus  commune,  et  l'ou- 
vrage de  Gaj  kiewicz  (2),  on  ne  trouve  dans  les  différents  auteurs 
que  des  indications  isolées  sur  la  nature  et  la  marche  des  symptômes. 

Nous  n'entreprendrons  point  ici  l'historique  de  la  partie  clinique 
de  la  syphilis  médullaire,  nous  étant  déjà  attaché  à  rechercher  dans 
les  auteurs  les  lésions  dont  la  connaissance  a  permis  d'établir  l'iden- 
tité de  cette  affection. 

Avant  la  publication  de  Erb,  nous  signalerons  seulement,  comme 
travaux  récents  fournissant  des  indications  cliniques  d'ensemble,  ceux 
de  MM.  Gros  et  Lancereaux,  Ladreitde  La  Charrière,  Zam- 
baco,  Leyden,  Fournier,  Mauriac,  Hutchinson,  Boadbent, 
Ross,  Caizergues,  Julliard,  Savard,  Oppenheim,  Siemer- 
ling,  Jiïrgens,  Proux,  Gilbei't  et  Lion,  Breteau  (3),  etc.  Enfin 

(1)  Eeb  Ueb  t  syiihilitische  Spinalparalyse. -A't'KroZof/.  Centralhl.,  mars  1892. 

(2)  Gajkiewicz.  Sjiphili.'i  du  .sy.itènie  nerveux.  Paris,  1892. 

(3)  Voir  Index  bibliographique. 


—  164  — 


la  question  a  été  bien  éclairée  par  les  travaux  de  fraîche  date  de 
MM.  Gajkiewicz,  Kuh,  Goldflam,  Lamy  (1). 

Tous  ces  auteurs  séparent  les  formes  aiguës  et  les  formes  chroni- 
ques, qui  offrent  des  différences  non  seulement  dans  la  rapidité  et  la 
gravité  des  symptômes,  mais  aussi  dans  leur  nature  :  la  paralysie 
flasque,  l'atrophie  musculaire  et  les  troubles  trophiques  graves  étant 
surtout  l'apanage  des  formes  aiguës  et  graves,  au  contraire  les  phéno- 
mènes spasmodiques  caractérisant  les  formes  chroniques  et  d'intensité 
moyenne. 

Caizergues  (2)  signale  l'exagération  ordinaire  des  réflexes  et  la 
rareté  de  leur  abolition.  Julliard  (3)  remarque  que  bien  souvent  les 
troubles  de  la  sensibilité,  par  leur  légèreté,  «  contrastent  étrangement 
avec  l'intensité  des  lésionsmotrices  ».  Vinache  (4)  fournit  un  certain 
nombre  d'indications  sur  le  début  et  l'évolution  de  l'affection.  Les 
premiers  symptômes  seraient  un  sentiment  de  torpeur,  de  lourdeur  et 
des  douleurs  irradiées  dans  les  jambes  et  dans  le  tronc,  ou  bien  des 
troubles  génito-urinaires.  L'auteur  fait  ressortir  la  marche  oscillante 
des  manifestations,  la  dissémination  et  la  «  fragmentation  »  des 
symptômes,  la  prédominance  des  troubles  moteurs  et  l'association 
possible  d'autres  symptômes  nerveux  d'origine  extraspinale. 

D'après  I-Iammond(5),  il  existerait  une  forme  assez  tardive,  débu- 
tant par  une  douleur  irradiée  de  la  région  rachidienne  vers  les  extré- 
mités, et  se  caractérisant  ensuite  par  une  raideur  musculaire  qui 
s'installe  progressivement.  Alors  survient  la  paraplégie  qui  envahit 
une  jambe,  puis  les  deux.  La  sensibilité  n'est  que  peu  intéressée,  les 
sphincters  au  contraire  sont  troublés  dans  leur  fonctionnement. 
L'anesthésie  et  les  troubles  trophiques  graves  n'apparaissent  que 
tardivement.  La  guérison  lente  s'observe.  Mais  la  paralysie  peut 
apparaître  rapidement  et  être  complète  en  quelques  jours.  Dans  ce 
cas,  elle  constitue  le  premier  symptôme,  ou  n'est  précédée  que  de 
quelques  Iroubles  vagues  dans  les  membres  inférieurs.  Les  troubles 
urinaires  et  les  altérations  du  décubitus  sont  très  accentués,  et  le 

(1)  Voir  Index  MMiographique. 

(2)  Caizergues.  Thèse,  Montpellier^  1878. 

(3)  Jltlliaed.  Thèse,  Lyon,  1879. 

(4)  Vinache.  Thèse,  Paris,  1880. 

(5)  Hammond.  a  treatise  on  tlie  diseuses  ofthemrvous  System,  1880. 


—  165  — 


pronostic  grave.  Le  trailement  est  sans  action  sur  cette  forme,  qui 
aboutit  ordinairement  à  la  mort  par  infection  septique. 

Proux  (i)  a  observé  plusieurs  exemples  de  cette  forme  aiguë  à 
début  brusque  et  a  remarqué  que,  peu  de  temps  après  l'infection 
syphilitique,  l'état  général  du  malade  s'affaiblit,  il  apparaît  dans  les 
reins  des  douleurs  vagues  qui  se  propagent  dans  les  jambes,  celles-ci 
sont  le  siège  de  fourmillements  et  présentent  une  faiblesse  et  une 
lourdeur  inaccoutumées.  Bientôt  se  manifestent  les  symptômes  para- 
lytiques qui,  en  moins  de  vingt-quatre  heures, obligent  le  malade  à  pren- 
dre le  lit.  Les  cas  à  début  brusque  observés  par  Proux  présentent  ceci 
de  remarquable  qu'ils  n'ont  pas  été  aussi  graves  qu'ils  le  sont  d'ordi- 
naire. L'auteur  a,  en  effet,  constaté  dans  la  plupart  une  amélioration 
très  prononcée  et  même  la  guérison  complète  ou  à  peu  près.  Ce  fait 
prouve  bien  que  la  soudaineté  du  début  ne  commande  pas  nécessaire- 
ment un  pronostic  grave.  Un  trouble  circulatoire  passager  peut  être 
l'origine  d'une  paralysie  brusque  qui  ne  persistera  pas,  à  la  condition 
que  l'anémie  du  segment  médullaire  intéressé  n'ait  pas  duré  assez 
longtemps  pour  amener  la  nécrose  du  tissu  nerveux.  Le  même  phé- 
nomène s'observe  dans  les  paralysies  par  artérite  cérébrale. 

Proux  indique  aussi  la  possibilité  d'un  début  progressif;  dans  ce 
cas,  la  paralysie  commence  généralement  par  un  côté  avant  d'inté- 
resser les  deux  membres,  elle  va  très  rarement  jusqu'à  l'impotence 
fonctionnelle  complète.  La  vessie,  le  rectum  et  les  fonctions  génitales 
sont  régulièrement  intéressés.  Les  troubles  de  la  sensibilité  objective 
existent  toujours,  mais  sont  très  modérés  ;  quant  aux  douleurs,  elles 
sont  d'importance  très  variable  et  n'ont  rien  de  caractéristique.  Les 
troubles  trophiques  sont  peu  accentués,  l'atrophie  musculaire  est 
modérée  et  ne  s'accompagne  pas  de  modifications  dans  les  réactions 
électriques. 

La  marche  de  la  myélopathie  est  oscillante,  les  accidents  aigus 
peuvent  récidiver. 

Breteau  (2)  décrit  aussi  deux  formes. 

Une  forme  à  marche  lente, qui  commence  souvent  par  des  douleurs, 
douleurs  lombaires  et  en  ceinture,  sourdes,  irradiées,  quelquefois 
très  intenses.  Puis  apparaissent  dans  les  membres  inférieurs  un  seu- 
il) Proux.  Thèse,  Bordeaux,  1886-1887. 
(2)  Breïeau.  Thèse,  Paris,  1889. 


—  166  — 


timent  de  lourdeur,  de  l'engourdissement  et  des  fourmillements  dans 
les  extrémités.  Avec  la  faiblesse  musculaire,  la  marche  devient  hési- 
tante, sautillante,  les  pieds  traînent  sur  le  sol,  dont  ils  heurtent  les 
aspérités,  les  chutes  sont  fréquentes.  Les  réflexes  rotuliens  sont 
exagérés.  La  perception  du  contact  et  de  la  température  est  ordinai- 
rement altérée,  tandis  que  les  autres  modes  de  la  sensibilité  sont 
respectés.  Il  existe  des  troubles  de  la  miction  et  de  la  défécation  dès 
le  début  ou  dans  le  cours  de  l'affection. 

Enfin  les  symptômes,  bien  que  n'étant  jamais  absolument  unilaté- 
raux, peuvent  prédominer  d'un  côté. 

La  forme  rapide  est  précoce;  comme  la  précédente,  elle  débute 
souvent  par  des  douleurs,  mais  les  phénomènes  paralytiques  appa- 
raissent très  vite  ,  les  troubles  moteurs  et  sensitifs  atteignent 
bientôt  leur  maximum  d'intensité;  les  sphincters  participent  à  la 
paralysie  (rétention  d'urine,  puis  incontinence)  ;  les  réflexes  sont 
abolis  ;  les  lésions  du  décubitus  précoces.  Souvent  l'affection  revêt 
une  allure  ascendante,  ou  prédomine  d'un  côté. 

Les  descriptions  de  Proux  et  de  Breteau  nous  paraissent  repré- 
senter un  tableau  très  fidèle  des  aspects  les  plus  ordinaires  de  l'affec- 
tion; elles  ont  cependant  été  assez  peu  remarquées,  et  il  est  curieux 
de  constater  le  peu  de  place  donnée  jusqu'ici  dans  les  traités  clas- 
siques à  une  affection,  en  somme,  assez  fréquente,  et  souvent  bien 
caractéristique. 

Il  est,  en  effet,  une  forme  assez  commune,  résultant  d'une  localisa- 
tion accoutumée  des  lésions  dans  la  région  dorsale,  et  constituant  une 
véritable  entité  clinique.  Bien  de  nos  maîtres  en  France  ont  observé 
ces  malades  à  démarche  spéciale,  ne  quittant  jamais  leur  canne, 
infirmes  plutôt  que  malades,  capables  de  travailler,  mais  toujours 
incommodés  par  l'irrégularité  de  leurs  sphincters  et  qui,  pour  la  plu- 
part, après  avoir  erré  de  service  en  service,  allaient  échouer  k  l'hos- 
pice de  Bicêtre  ou  à  la  Salpètrière. 

En  les  interrogeant,  on  apprenait  que  plusieurs  mois,  plusieurs 
années  auparavant,  ils  avaient  été  beaucoup  plus  paralysés,  puis,  que 
leur  état  s'était  amélioré,  mais  que  depuis  déjà  longtemps  ils  en 
étaient  au  même  point;  ou  bien  c'est  peu  à  peu  que  leurs  jambes 
s'étaient  paralysées.  En  tous  cas,  les  uns  et  les  autres  avaient  eu  des 
douleurs  de  reins  plus  ou  moins  violentes.  Actuellement,  ils  ne 


—  167  — 


souffrent  plus,  mais  leurs  jambes  sont  raides,  ils  sont  gênés  pour 
uriner  ou  urinent  malgré  eux.  En  les  examinant,  on  trouve  une  exagé- 
ration marquée  du  réflexe  rotulien,  la  force  des  jambes  est  presque 
intacte,  mais  les  mouvements  sont  embarrassés. 

Le  malade  avouant  des  antécédents  syphilitiques,  on  le  mettait  au 
traitement  mixte,  sans  résultat  d'ailleurs  le  plus  souvent,  et.  après 
(juelques  semaines  de  séjour,  il  quittait  l'hôpital.  On  connaissait  bien 
ces  malades,  on  se  les  transmettait  d'un  service  à  l'autre  avec  le  dia- 
gnostic de  myélite  transverse  syphilitique,  tout  le  monde  s'enten- 
dait sur  leur  cas,  mais  personne  n'avait  entrepris  de  donner  de  leur 
affection  une  description  générale.  Le  professeur  Erb  a  le  premier 
tracé  le  tableau  suivant. 

«  Les  malades  présentent,  dans  leur  maintien,  la  marche,  les  mouve- 
ments, le  tableau  de  la  paraplégie  spinale  spastique;  les  réflexes  sont 
exagérés,  mais  la  contracture  est  modérée;  la  vessie  est  régulière- 
ment intéressée,  par  contre  la  sensibilité  n'est  que  très  peu  touchée, 
bien  qu'on  puisse  toujours  déceler  une  certaine  atteinte  de  cette  fonc- 
tion. 11  n'y  a  pas  de  douleurs  considérables,  l'atrophie  musculaire 
manque;  les  bras,  la  tête,  les  nerfs  crâniens  sont  indemnes. 

«  La  marche  de  l'affection  est  le  plus  ordinairement  progressive,  les 
symptômes  mettent  des  semaines,  des  mois  et  même  des  années  à 
évoluer;  ce  sont  des  paresthésies,  çà  et  là  des  douleurs  fugaces,  de  la 
lassitude,  de  la  faiblesse  et  de  la  raideur  des  jambes,  des  troubles 
vésicaux.  Ce  dernier  symptôme  reste  souvent  isolé  pendant  des  mois 
et  des  années. 

«  Dans  la  suite,  l'aflection  progresse  en  s'aggravant,  tantôt  jusqu'à 
la  parésie  spastique  très  accentuée,  rarement  jusqu'à  la  paralysie 
complète  ;  la  paraplégie  complète  s'améliore  toujours  et  revient  à 
l'état  de  parésie  spastique.  Les  malades  offrent  le  type  de  la  démarche 
spasmodique  :  ils  se  traînent  lentement,  avec  de  grands  efforts,  les 
jambes  raides  ;  on  voit  qu'à  la  parésie  s'ajoute  surtout  une  raideur 
musculaire  très  intense.  En  effet,  l'état  paralytique  est  peu  prononcé, 
il  n'y  a  qu'une  parésie  plus  ou  moins  marquée,  et  souvent  une  force 
musculaire  encore  bien  développée. 

«  Un  fait  encore  plus  remarquable,  c'est  le  peu  de  développement  de 
l  état  de  contracture  qui,  dans  quelques  cas,  est  à  peine  marqué.  On 
trouve,  au  contraire,  dans  les  réflexes  rotuliens,  une  exagération 


—  168  — 


plutôt  très  accentuée  que  modérée  (clonus  du  pied  et  de  la  rotule). 

«  Les  troubles  de  la  sensibilité  sont  très  légers,  souventtrès  difficiles 
à  constater  ;  on  note  cependant  presque  toujours  quelques  phéno- 
mènes subjectifs  ;  quant  aux  troubles  objectifs,  ils  manquent  très 
souvent  ;  ils  ne  sont,  en  tous  cas,  jamais  importants  et  ne  s'étendent 
qu'à  quelques-uns  des  modes  de  la  sensibilité,  ou  sont  peu  étendus  ; 
on  n'observe  pas  d'anesthésie  (paraplégique)  à  limite  supérieure 
nette. 

«  La  faiblesse  vésicale  est  presque  constante,  la  paralysie  du  rectum 
l'est  moins.  La  rétention  et  l'incontinence  peuvent  exister  alternati- 
vement ou  simultanément,  ces  phénomènes  ne  sont  pas  toujours  très 
prononcés  ;  quelquefois,  cependant,  il  faut  user  de  la  sonde  pour 
vider  la  vessie.  Les  fonctions  génitales  sont  généralement  compro- 
mises. Tels  sont  les  principaux  symptômes.  Le  décubitus  se  produit 
accidentellement  (dans  les  cas  très  graves)  ;  l'atrophie  musculaire 
fait  le  plus  souvent  défaut,  la  réaction  électrique  reste  intacte. 

«  Les  parties  supérieures  du  corps  se  maintiennent  normales  ;  les 
bras,  le  cou,  la  tète  restent  libres  ;  les  pupilles,  les  muscles  des  yeux 
sont  indemnes  ;  de  même,  la  mémoire,  l'intelligence,  la  parole,  du 
moins  tant  qu'il  s'agit  d'un  cas  non  compliqué. 

«  Cette  description  s'applique  à  la  majorité  des  cas.  Il  est  possible 
d'observer  des  variantes  dans  l'intensité  des  manifestations  :  la  parésie 
ou  la  contracture  pourront  être  plus  intenses  ou  plus  faibles,  les 
troubles  de  la  sensibilité  ou  des  sphincters  plus  ou  moins  nets,  mais 
en  général  l'affection  reproduit  dans  ses  principaux  traits  le  tableau 
caractéristique  précédent. 

«  La  maladie,  dans  sa  marche, a  une  tendance  évidente  àl'amélioration, 
surtout  avec  l'aide  d'un  traitement  énergique,  si  bien  que  les  malades 
peuvent  souvent  reprendre  leurs  occupations,  se  marier  même,  etc. 
Cette  amélioration  remarquable  s'observe  dans  la  moitié  des  cas. 
D'autres  fois,  l'affection  reste  stationnaire  pendant  des  dizaines 
d'années,  quelquefois  même  elle  progresse  jusqu'à  la  terminaison 
fatale.  » 

Au  cours  de  sa  description,  l'auteur  fait  remarquer  que  dans  quel- 
ques cas  l'affection  évolue  très  rapidement  et  aboutit  à  la  paraplégie 
complète  en  quelques  jours  :  paralysie  motrice  et  sensitive,  paralysie 


—  169  — 


des  sphincters  et  décubitus  (1).  11  se  demande  s'il  s'agit  là  d'une  forme 
spéciale  ou  bien  d'une  simple  variante  dans  l'évolution  de  la  forme 
ordinaire.  Nous  nous  sommes  déjà  expliqué  sur  la  signification  de 
ces  symptômes  aigus  :  ils  indiquent  simplement  une  extension  plus 
rapide  ou  une  localisation  plus  grave  de  l'altération  commune.  Et  loin 
de  les  considérer  comme  des  accidents  exceptionnels,  nous  pensons 
qu'ils  s'observent  souvent  soit  au  début,  soit  dans  le  cours  de  la  para- 
plégie spinale  syphilitique. 

Certes,  le  tableau  clinique  tracé  par  Erb  se  rapporte  à  la  forme 
ordinaire  de  la  paralysie  spinale  syphilitique  à  sa  période  d'état  ; 
l'auteur  fait  même  remarquer  que,  contrairement  à  l'opinion  qui  donne 
comme  caractéristique  de  la  syphilis,  l'irrégularité  et  la  din'usion  des 
symptômes  (Julliard),  le  type  qu'il  décrit  offre  une  grande  fixité. 
Mais  pour  nous,  ce  n'est  là  qu'une  forme  de  la  myélopathie  syphili- 
tique et  c'est  précisément  parce  que  les  circonstances  dans  lesquelles 
se  produisent  les  lésions  de  la  moelle  sont  à  peu  près  identiques  dans 
les  différents  cas  que  l'aspect  clinique  présente  une  certaine  cons- 
tance. La  paraplégie  spasmodique  succède  à  une  altération  transverse 
de  la  moelle  qui  ne  détruit  pas  les  centres  gris  correspondant  aux 
membres  inférieurs.  Cette  seule  particularité  suffit  à  établir  une  pro- 
fonde différence  en  tre  le  type  clinique  que  nous  étudions  et  la  para- 
lysie constamment  flasque  et  toujours  très  grave  qui  résulte  de  la 
destruction  de  ces  centres.  Dans  les  conditions  ordinaires  réalisées 
par  la  paraplégie  syphilitique  commune,  la  lésion  étant  moins  grave, 
l'évolution  de  l'affection  présente  toutes  ses  périodes  et  le  (ableau 
clinique  est  complet.  Si  le  foyer  tranverse  se  produit  brusquement,  il 
donne  d'abord  lieu  à  une  paraplégie  flasque,  puis  une  fois  les  premiers 
accidents  dissipés,  les  symptômes  paralytiques  s'effacent  plus  ou  moins 
complètement,  et  ce  sont  surtout  les  phénomènes  spasmodiques  qui 
persistent  dans  les  membres  inférieurs.  Ou  bien  l'altération  s'étaldit 
lentement,  sans  déterminer  d'ictus  et  les  symptômes  spasmodiques 
s'installent  progressivement. 

Mais  si  la  lésion  est  très  étendue,  si  elle  intéresse  des  centres  spi- 
naux importants  au  lieu  de  porter  sur  de  simples  faisceaux  conduc- 
teurs, l'affection  marche  bien  plus  vite,  et  une  lésion  qui  ne  se  dis- 

(1)  Erb.  Loc,  cit.  :  «  In  einzelnen  Fàllen  vird  auch  eine  rapidere  Entwicklung 
des  Leidens  beobachtet,  etc.  »,  p.  162. 


—  170  — 


tingue  de  celle  de  la  forme  commune  que  par  quelques  particularités 
dans  l'étendue  ou  la  localisation  donne  lieu  à  un  aspect  clinique  bien 
différent.  La  paralysie  est  étendue,  intense,  sans  rémission  ;  des  trou 
bles  marqués  de  la  sensibilité  s'y  joignent,  des  lésions  trophiques 
graves  se  manifestent  et  l'évolution  est  rapide. 

La  phase  des  phénomènes  spasmodiques  et  l'ensemble  des  symp- 
tômes qui  constituent  la  paralysie  spinale  spastique  ne  peuvent  donc 
être  réalisés  que  dans  certains  cas  spéciaux  qui  permettent  la  survie 
du  sujet  et  c'est  précisément  parce  que  ce  type  clinique  ne  se  produit 
que  dans  certaines  conditions  qu'il  présente  une  fixité  particulière. 

Voici  comment  nous  comprenons  l'ivolution  dés  symptômes  de  la 
paraplégie  syphilitique  :  nous  avons  essayé  de  démontrer  que  les 
lésions  vasculaires  commandaient  la  plupart  des  altérations  du  tissu 
médullaire;  le  tableau  clinique  dépend  de  l'étendue  et  de  la  rapidité 
d'extension  des  lésions. 

Les  premiers  symptômes  qui  traduisent  la  souffrance  de  l'axe 
spinal  apparaissent  généralement  d'une  façon  insidieuse;  dans 
d'autres  cas,  le  début  est  très  rapide  et  peut  même  être  tout  à  fait 
foudroyant  ;  d'autres  fois  enfin,  les  symptômes  s'accentuent  progressi- 
vement pour  atteindre  un  degré  d'intensité  variable.  Il  est  beaucoup 
plus  fréquent  de  voir,  après  une  première  période  pendant  laquelle 
les  signes  restent  diffus  et  assez  peu  marqués,  se  produire  une  aggra- 
vation brusque  sous  la  forme  d'une  attaque  de  paraplégie.  Cet 
accident  marque  un  premier  stade  dans  l'évolution  de  la  maladie,  car 
de  deux  choses  l'une  :  ou  bien  la  paralysie  intense,  flasque  et  accom- 
pagnée d'une  anesthésie  plus  ou  moins  marquée,  persiste  en  raison 
de  l'étendue  ou  de  la  localisation  des  lésions  et  la  mort  survient  à 
échéance  variable,  mais  toujours  brève;  ou  bien  les  symptômes  para- 
lytiques s'amendent  et  les  symptômes  spasmodiques  s'établissent 
constituant  une  nouvelle  phase  de  la  maladie  qui  revêt  alors  l'aspect 
clinique  classique. 

Les  malades  peuvent  d'ailleurs  arriver  lentement  à  cette  période 
spasmodique  sans  passer  par  l'attaque  de  paraplégie,  ce  qui  ne  les 
empêche  nullement  de  présenter  dans  la  suite  des  accidents  aigus 
analogues  à  ceux  qui  précèdent  d'ordinaire  l'établissement  des  phé- 
nomènes spasmodiques. 


—  171  — 


A.  —  Période  prodromique 

A  la  période  d'établissement  des  altérations  vasculaires  et  ménin- 
gées correspond  une  phase  clinique  déterminée.  En  effet,  les  altéra- 
tions vasculaires  ne  sont  pas  tout  d'abord  assez  accentuées  pour 
provoquer  la  nécrose  anémique  des  éléments  nerveux,  mais  elles  pro- 
duisent des  troubles  circulatoires  diffus  et  passagers  dans  des  régions 
variées  de  la  moelle  ;  d'autre  part,  l'inflammation  s'étend  aux  méninges, 
peut  atteindre  les  racines  d'une  façon  précoce  et  toutes  ces  modifica- 
tions se  traduisent  par  des  symptômes  qui  indiquent  l'état  de  souffrance 
de  l'organe. 

Enfin,  la  syphilis  médullaire  est  très  fréquemment  précédée  ou 
accompagnée  de  troubles  cérébraux  même  en  dehors  des  cas  où  ces 
symptômes  ont  une  importance  assez  marquée  pour  constituer  par 
leur  association  avec  les  symptômes  spinaux  la  forme  dite  cérébro- 
spinale. 

Tous  ces  phénomènes  constituent  la  période  prodromique  et 
nous  les  diviserons,  pour  en  faciliter  l'étude,  en  symptômes  extrin- 
sèques (cérébraux)  et  symptômes  intrinsèques  (spinaux). 

La  jjériode  prémonitoire  a  été  mentionnée  déjà  par  plusieurs 
auteurs,  mais  c'est  surtout  M.  Lamy  qui,  dans  une  thèse  récente, 
l'a  présentée  avec  sa  véritable  signification  et  a  décrit  les  dilTcrents 
aspects  qu'elle  peut  revêtir. 

a)  Symptômes  extrinsèques  (cérébraux). 

Si  nous  plaçons  ici  la  description  de  signes  qui  sembleraient  devoir 
sortir  du  cadre  de  la  forme  pure  de  syphilis  médullaire  que  nous 
étudions,  c'est  qu'en  réalité  ils  se  présentent  avec  une  grande  fréquence 
dans  la  période  qui  précède  l'établissement  des  phénomènes  spinaux 
graves.  Le  fait  n'a  rien  de  surprenant  si  l'on  songe  que  l'axe  cérébro- 
spinal forme  un  système  continu  dont  toutes  les  parties  constituées  par 
un  même  tissu  offrent  dans  une  certaine  mesure  la  même  impression- 
nabilité.  Le  virus  syphilitique  répandu  dans  les  systèmes  sanguin  et 
lymphatique  des  centres  nerveux  peut  atteindre  toutes  les  parties  d  une 
façon  diffuse  avant  de  présenter  une  localisation  soit  cérébrale,  soit 
spinale,  soit  même  cérébro-spinale.  Aussi  les  phénomènes  cérébraux 


—  172  — 


se  mêlent-ils  souvent  aux  symptômes  spinaux  dans  la  période  qui 
précède  cette  localisation. 

Cependant,  l'ordre  d'apparition  de  ces  symptômes  diffus  prodromi- 
ques  ne  semble  pas  absolument  abandonné  au  hasard,  et  le  cerveau 
paraît  présenter  pour  la  syphilis  une  susceptibilité  plus  grande  que 
la  moelle,  ainsi  que  le  prouve  d'ailleurs  la  plus  grande  fréquence  des 
accidents  de  syphilis  cérébrale.  Aussi  bien,  même  dans  les  cas  de 
localisation  spinale,  note-t-on  souvent  à  une  époque  antérieure  plus 
ou  moins  éloignée  un  certain  nombre  de  signes  cérébraux,  mais  ce 
n'est  pas  là  une  loi  absolue. 

Jùrgens,  s'appuyant  sur  quelques  observations  anatomiques, 
avait  émis  l'opinion  que  les  lésions  syphilitiques  de  la  moelle  étaient 
toujours  précédées  de  manifestalions  analogues  dans  l'encéphale  et 
que  l'affection  progressait  de  haut  en  bas;  mais,  la  plupart  des  cas 
de  Jùrgens  ont  trait  à  des  formes  spéciales  de  pachy méningite 
cervicale  provenant  de  l'extension  d'une  méningite  basilaire.  Dans 
ces  cas,  les  nerfs  crâniens  sont  très  atteints  les  malades  présentent 
des  signes  de  syphilis  cérébro-spinale  et  les  symptômes  céplialiques 
persistent  d'une  façon  constante.  Ce  n'est  pas  la  forme  la  plus  com- 
mune de  la  syphilis  médullaire,  car,  dans  cette  dernière,  lorsque  l'af- 
fection est  arrivée  à  sa  période  d'état,  le  plus  souvent  «  les  bras,  la 
tête,  les  nerfs  crâniens  restent  indemnes  »  (Erb).  L'examen  anato- 
mique  montre  alors  dans  la  moelle  une  lésion  plus  ou  moins  étalée, 
mais  nettement  spinale  et  sans  continuité  dans  le  cerveau. 

Si  la  proposition  de  Jiirgens  ne  peut  s'appliquer  qu'à  quelques 
cas  particuliers,  loin  de  constituer  une  loi  générale,  la  clinique  nous 
apprend  cependant  que  les  phénomènes  cérébraux  sont  souvent  très 
précoces.  Charcot  et  son  élève  Lamy  ont  bien  fait  ressortir  tout  le 
parti  qu'on  pouvait  tirer  de  la  connaissance  de  ces  manifestations 
antérieures  pour  le  diagnostic  de  l'affection  spinale  éventuelle. 

Il  y  a  lieu  toutefois  d'établir  des  distinctions  dans  l'importance  de  ces 
phénomènes  :  la  céphalée,  par  exemple,  rentre  dans  le  cadre  ordinaire 
des  manifestations  générales  de  la  syphilis  ;  lorsqu'elle  est  isolée  et 
qu  elle  se  présente  avec  les  caractères  d'une  céphalée  syphilitique  com- 
mune, elle  n'a  rien  de  pathognomonique  de  la  syphilis  cérébrale;  il 
n'en  est  pas  de  même  des  troubles  oculaires  passagers,  des  paralysies 
plus  ou  moins  persistantes,  etc.;  ces  signes  indiquent  bien  une  loca- 


—  173  — 


lisation  cérébrale.  Il  est  évident  que  ces  derniers  symptômes  pré- 
sentent une  grande  importance  comme  caractéristique  de  l'affection 
lorsque  des  accidents  spinaux  se  manifestent  à  leur  tour,  mais  ils 
n'indiquent  nullement  que  le  processus  a  suivi  une  marche  descen- 
dante. La  seule  conclusion  qu'on  en  puisse  tirer  au  point  de  vue 
anatomique,  c'est  que  le  cerveau  a  été  atteint  avant  la  moelle  et  que 
le  fait  est  fréquent.  11  est  d'ailleurs  bien  naturel,  puisque  le  cerveau 
est  plus  susceptible  que  la  moelle  et  plus  souvent  intéressé.  Mais, 
ordinairement,  lorsque  la  syphilis  se  porte  sur  la  moelle,  les  accidents 
cérébraux  sont  passagers,  ils  disparaissent  même  d'ordinaire  complè- 
tement à  la  période  d'état  de  l'affection  spinale.  Enfin,  ils  manquent 
quelquefois  totalement,  et  il  est  des  malades  qui,  à  part  la  céphalée 
précoce  banale,  n'ont  présenté  avant  leur  attaque  de  paraplégie  aucun 
symptôme  cérébral  saillant.  A  vrai  dire,  dans  la  plupart  de  nos 
observations,  nous  n'avons  pas  noté  de  phénomènes  cérébraux  bien 
marqués  parmi  les  prodromes  immédiats  de  l'affection. 

Les  phénomènes  cérébraux  qui  précèdent  l'attaque  de  paraplégie 
spinale  ne  peuvent,  en  effet,  pas  tous  être  rangés  dans  la  période 
prémonitoire.  On  doit  en  écarter  ceux  qui  précèdent  de  longue  date 
les  premiers  signes  de  l'affection  spinale,  car  ils  relèvent  d'une  pre- 
mière poussée  distincte.  Ils  ne  diffèrent  cependant  pas  dans  leur  nature 
de  ceux  qui  se  manifestent  immédiatement  avant  les  phénomènes 
prémonitoires  spinaux,  ou  en  même  temps  que  ceux-ci.  Les  accidents 
cérébraux  immédiatement  précurseurs  de  la  localisation  spinale  ne 
présentent  pas,  en  général,  de  fixité  ;  on  n'observe  pas,  par  exemple, 
une  paralysie  persistante  par  ramollissement  cérébral  suivie  aussitôt 
d'une  paralysie  spinale  de  même  intensité.  Il  semble  que  l'altération 
qui  va  se  produire  oscille  d'une  région  à  l'autre  de  l'axe  cérébro- 
spinal, mais  qu'une  fois  produite  en  un  point,  elle  épuise  son  activité 
dans  cette  localisation. 

Les  accidents  cérébraux  ordinaires  de  la  période  prémonitoire  sont 
une  céphalée  plus  ou  moins  violente,  des  symptômes  diffus,  tantôt 
légers,  tantôt  graves,  des  vertiges,  des  vomissements,  de  la  diplopie 
avec  des  paralysies  oculaires  passagères;  quelquefois  des  troubles 
sensoriels  intéressant  principalement  la  vue.  On  observe  quelquefois 
un  délire  violent  avec  perte  de  connaissance  et  même  un  état  comateux 
(obs.  127,  135). 


—  174  — 


D'autres  fois,  ce  sont  des  troubles  intellectuels.  Enfin,  ces  symp- 
tômes peuvent  revêtir  des  aspects  multiples  et  leurs  principaux  carac- 
tères sont  la  diffusion  et  la  variabilité. 

b)  Symptômes  intrinsèques  (spinaux). 

Les  phénomènes  spinaux  prémonitoires  ont  un  bien  plus  grand 
intérêt  que  les  symptômes  cérébraux  comme  révélateurs  de  l'affection 
qui  va  se  dérouler,  car  ils  sont  les  premiers  indices  de  la  localisation 
spinale.  On  observe  d'ailleurs  une  grande  variété  dans  la  durée  et 
l'intensité  de  cette  période  qui  peut,  dans  certains  cas,  être  si  peu 
marquée  qu'elle  passe  inaperçue. 

Les  symptômes  peuvent  intéresser  d'une  façon  diffuse  la  motilité, 
la  sensibilité,  le  fonctionnement  des  sphincters,  ou  bien  se  localiser 
avec  une  certaine  prédilection  sur  l'une  ou  l'autre  de  ces  fonctions. 

Troubles  de  la  sensibilité.  —  Les  troubles  de  la  sensibilité  sont 
souvent  les  premiers  en  date.  MM.  Gilbert  et  Lion  les  ont  notés 
vingt  fois  sur  trente-six  cas  au  début  de  l'affection.  Ils  sont  de  deux 
ordres  :  les  uns  sont  localisés  dans  la  région  rachidienne,  ils  ont 
généralement  le  caractère  de  véritables  douleurs  ;  les  autres,  qui  ont 
une  distribution  périphérique,  affectent  les  membres,  surtout  les 
membres  inférieurs  et  revêtent  plutôt  la  forme  de  sensations  subjec- 
tives anormales  que  les  Allemands  désignent  sous  le  nom  de  pares- 
thésies. 

Douleur  rachidienne.  —  La  nature  et  l'intensité  de  cette  manifes- 
tation sont  sujettes  à  de  nombreuses  variations.  Tantôt  il  s'agit 
simplement  d'une  sensation  pénible  dans  les  reins,  un  sentiment  de 
courbature  accompagnée  de  raideur.  Les  mouvements  exagèrent 
généralement  ces  symptômes  et  les  malades  éprouvent  une  sensation 
de  tiraillement  désagréable  lorsqu'ils  se  penchent  en  avant,  ou  même 
seulement  lorsqu'ils  inclinent  la  tête  un  peu  fortement.  Pour  certains 
malades,  c'est  surtout  le  décubitus  dorsal  qui  exagère  la  douleur, 
aussi  souffrent-ils  davantage  lorsqu'ils  sont  couchés. 

Dans  ces  cas,  la  douleur  est  sourde,  contusive,  et  généralement 
continue,  mais  elle  peut  présenter  des  exacerbations,  soit  spontanées, 
soit  à  l'occasion  de  certains  mouvements.  Il  n'est  pas  rare  de  voir  ce 
symptôme  atteindre  une  plus  grande  intensité,  mais  il  est  exceptionnel 


—  175  — 


de  rencontrer  des  malades  se  plaignant  de  douleurs  atroces.  Assez 
fréquemment,  les  douleurs  se  manifestent  particulièrement  la  nuit. 
Cette  rachialgie  nocturne,  mentionnée  dans  quelques  observations 
de  Ladreit  de  Lacharrière,  a  été  signalée  par  Leyden  et  par 
Mayaud  (1)  qui  indique  une  «  rachialgie  localisée,  ordinairement 
intense,  surtout  la  nuit  ».  Mais  c'est  particulièrement  Charcot  (2)  et 
ses  élèves,  L a my  (3)  et  Londe  (4)  qui  ont  fait  ressortir  l'importance 
de  ce  symptôme  qu'on  peut  comparer  à  la  céphalée  nocturne  syphi- 
litique. 

Le  siège  de  la  douleur  rachidienne  est  tantôt  la  région  lombaire, 
tantôt  la  région  dorsale  entre  les  deux  épaules  ;  ces  deux  localisations 
sont  bien  plus  fréquentes  que  celles  qui  affectent  la  région  cervicale 
ou  la  région  sacrée.  Dans  certaines  formes  spéciales,  la  rachialgie 
cervicale  est  très  caractéristique  ;  succédant  à  une  céphalée  violente 
accompagnée  de  phénomènes  cérébraux  variés,  et  semblant  la  pro- 
longer, elle  indique  une  extension  de  la  méningite  basilaire  à  la 
partie  cervicale  de  la  moelle  (Jùrgens,  Goldtlam,  Lamy).  Dans  les 
cas  ordinaires  que  nous  étudions,  c'est  surtout  une  douleur  de  reins 
plus  ou  moins  violente  qui  peut  être  assez  peu  marquée  pour  ne,  se 
manifester  qu'à  la  pression  ou  à  la  percussion  des  apophyses 
épineuses.  Dans  les  cas  où  elle  a  une  certaine  intensité,  elle  est 
toujours  exagérée  par  cette  exploration. 

A  la  douleur  locale  rachidienne  se  joignent  souvent  des  douleurs 
irradiées.  La  douleur  en  ceinture  est  la  plus  fréquente  ;  elle  peut 
avoir  les  caractères  d'une  douleur  intercostale  ordinaire,  ou  bien 
s'accompagner  d'un  sentiment  de  constriction.  Elle  siège  rarement 
dans  les  premiers  nerfs  intercostaux  ;  plus  souvent,  elle  irradie 
dans  les  hypochondres,  la  ceinture  pelvienne  ou  le  pli  de  l'aine. 
Un  de  nos  malades  se  plaignait  d'une  vive  douleur  au  creux  de 
l'épigastre,  douleur  en  broche  qui  rejoignait  un  point  placé  entre 
les  deux  épaules.  Les  irradiations  douloureuses  peuvent  également 
gagner  la  région  fessière  ou  la  partie  supérieure  des  cuisses. 

Phénomènes  sensitifs  périphériques.  —  Les  membres  inférieurs 

(1)  Mayaud.  Syphilis  du  syst.  nerveux.  Thèse,  Paris,  1873. 

(2)  Chaecot.  Méclcclne  moderne,  17  juin  1893. 

(3)  Lamy.  Thèse,  Paris,  1893. 

(4)  Londe.  Médecine  moderne,  26  juillet  1893. 


—  176  — 


peuvent  être  également  le  siège  de  douleurs,  mais  celles-ci  sont 
généralement  beaucoup  moins  marquées  que  les  douleurs  rachi- 
diennes.  Il  est  exceptionnel  d'entendre  les  malades  se  plaindre  d'élan- 
cements douloureux  dans  les  jambes,  ils  éprouvent  plutôt  des  picote- 
ments ou  des  fourmillements.  Le  plus  ordinairement,  c'est  un 
sentiment  d'inquiétude  dans  les  jambes,  une  sorte  d'engourdissement 
désagréable.  Quelques  malades  éprouvent  une  sensation  de  froid  ou 
de  cbaleur  et  même  de  cuisson  ;  un  de  nos  malades  comparait  cette 
sensation  à  celle  qui  résulterait  d'un  bain  de  pieds  sinapisé. 

La  sensibilité  objective  dans  les  membres  inférieurs  est  générale- 
ment peu  altérée  à  cette  période;  cependant  certains  malades,  en 
même  temps  qu'ils  sentent  leurs  jambes  engourdies,  perdent  la  notion 
du  contact  avec  le  sol  ou  apprécient  mal  la  résistance  du  plancher, 
ils  croient  marcher  sur  de  la  laine,  sur  un  tapis  de  caoutchouc; 
d'autres  se  plaignent  d'un  certain  degré  d'hyperesthésie,  ils  sont 
plus  sensibles  à  l'impression  du  froid,  ou  ressentent  plus  vivement 
que  de  coutume  les  chocs  qui  peuvent  résulter  de  la  maladresse  de 
leurs  mouvements. 

Troubles  moteurs.  —  Les  troubles  moteurs  s'associent  en  effet  le 
plus  souvent  aux  altérations  de  la  sensibilité  dans  les  membres  infé- 
rieurs. Il  arrive  dans  quelques  cas  (11  fois  sur  36,  d'après  MM.  Gil- 
bert et  Lion)  que  ces  troubles  de  la  motilité  sont  prédominants  au 
début.  L'engourdissement  des  jambes  ne  va  pas  sans  une  certaine 
raideur,  les  malades  se  plaignent  d'avoir  les  jambes  lourdes,  surtout 
après  un  certain  temps  de  repos  ;  ou  bien  la  fatigue  survient  rapide- 
ment, les  malades  ne  peuvent  fournir  une  longue  course,  ils  butent 
fréquemment. 

De  même,  à  l'hyperesthésie  se  joint  ordinairement  une  hyperex- 
citabilité  réflexe  déjà  appréciable,  les  malades  ont  souvent  du  trem- 
blement dans  les  jambes,  lorsqu'elles  sont  placées  dans  une  fausse 
position  ;  un  choc  un  peu  brusque,  un  faux  pas  détermine  facilement 
une  secousse  réflexe  dans  les  jambes. 

Dès  cette  époque,  si  le  malade  consulte  un  médecin  sur  les  symp- 
tômes qu'il  éprouve,  celui-ci  reconnaît  déjà,  par  la  percussion  des 
tendons  rotuliens,  une  certaine  exagération  des  réflexes  tendineux; 
d'autres  fois,  au  contraire,  ils  sont  diminués,  ou  peuvent  varier  d'un 
jour  à  l'autre. 


—  177  — 


Il  existe  presque  toujours  en  même  temps  une  certaine  faiblesse 
accompagnant  la  raideur,  la  fatigue  survient  rapidement,  les  jambes 
fléchissent  parfois,  les  malades  éprouvent  de  la  difficulté  à  monter  les 
escaliers,  à  courir,  etc. 

TliOUBLES  DANS  LE  FONCTIONNEMENT  DES  SPHINCTERS.  —  LeS  trOubleS 

de  la  miction  ont  une  importance  considérable,  tant  par  leur  fré- 
quence comme  phénomènes  précoces,  que  par  leur  valeur  diagnos- 
tique. Ces  signes,  joints  aux  troubles  légers  et  variables  de  la  motilité 
et  de  la  sensibilité,  affirment,  d'une  manière  presque  certaine,  l'ori- 
gine spinale  des  accidents. 

La  précocité  des  phénomènes  urinaires  a  été  depuis  longtemps 
reconnue.  Caizergues  (1),  en  1878,  signalait  la  prédominance  des 
accidents  urinaires  parmi  les  «  prodromes  »  des  myélites  tertiaires  ; 
Julliard  (2),  Vinache  (.3),  Savard  (4),  indiquent  également  la 
précocité  de  ces  antécédents.  Sénéchal  (5)  a  particulièrement 
insisté  dans  sa  thèse  sur  les  accidents  urinaires  comme  phénomènes 
prémonitoires  des  myélites  syphilitiques,  et  décrit  complètement 
toutes  les  modalités  cliniques  ;  il  donne  la  relation  de  douze  observa- 
tions où  ces  accidents  ont  devancé,  d'un  temps  plus  ou  moins  long, 
les  autres  symptômes  spinaux.  Dans  nos  observations,  nous  avons 
également  relevé  ces  symptômes,  notamment  dans  un  cas  où  ils  ont 
précédé  de  plusieurs  semaines  les  autres  signes;  ils  peuvent  même 
rester  isolés  pendant  bien  plus  longtemps.  Les  troubles  urinaires 
spinaux,  à  cette  période,  offrent  une  modalité  et  une  intensité  très 
variables  suivant  les  cas.  Ils  se  développent,  en  général,  insidieuse- 
ment et  progressivement.  D'autres  fois,  ils  apparaissent  brusque ■ 
ment  ou  rapidement,  et  le  plus  souvent,  dans  ce  cas,  le  malade  a  déjà 
éprouvé  quelques-uns  des  troubles  que  nous  avons  signalés  dans  le 
domaine  de  la  motilité  ou  de  la  sensibilité.  Cependant  la  rétention 
d'urine  peut  survenir  brutalement,  sans  être  annoncée  par  aucun  phé- 
nomène. Dans  un  cas  rapporté  par  Sénéchal,  le  malade  «  un  jour, 
neuf  mois  après  l'apparition  de  son  chancre,  se  trouva  tout  à  coup 

(1)  Caizergues.  Thèse,  Montpellier,  1878. 

(2)  Julliard.  Thèse,  Lyon,  1879. 

(3)  Vinache.  Thèse,  Paris,  1880. 

(4)  Savard.  Thèse,  Paris,  1882. 

ip)  SÉNÉCHAL.  Troubles  urinaires  prémonitoires  des  myélites  syphilitiques.  Thèse, 
Lille,  1886. 

S.  12 


—  178  — 


dans  l'impossibilité  d'uriner  et  d'aller  à  la  selle  ».  Nous  avons  égale- 
ment observé  ce  début,  et  nous  verrons  plus  loin  que  cette  apparition 
subite  de  la  rétention  d'urine  présage  à  brève  échéance  le  développe- 
ment d'une  paraplégie  rapide.  Dans  le  cas  de  Sénéchal,  en  parti- 
culier, le  malade  était  le  lendemain  complètement  paraplégique.  Le 
plus  souvent,  comme  nous  l'avons  dit,  le  malade  éprouve  d'abord  de 
la  difficulté  dans  la  miction,  «  il  est  forcé  de  pousser  pour  uriner  »,  il 
ne  peut  le  faire  qu'après  un  certain  temps,  il  existe  de  l'hésitation 
dans  la  miction.  De  plus,  le  jet  d'urine,  ordinairement  mince  et  sans 
force,  n'est  pas  toujours  continu,  il  s'arrête  bientôt,  et  le  malade  est 
obligé  de  faire  de  nouveaux  efforts  pour  vider  sa  vessie.  Cet  arrêt 
peut  se  manifester  plusieurs  fois  au  cours  de  la  miction,  qui  se  fait 
ainsi  en  «  plusieurs  actes  ».  Enfin,  la  miction  terminée,  le  malade 
n'est  pas  au  bout  de  ses  peines,  car  alors  qu'il  se  rhabille,  souvent  un 
mince  filet  d'urine  s'écoule  et  vient  mouiller  ses  vêtements.  A  cette 
époque,  il  est  rare  que  la  rétention  se  manifeste  à  un  degré  accentué, 
et  les  malades  ont  rarement  à  faire  usage  de  la  sonde. 

Il  est  plus  ordinaire  de  voir  se  joindre  à  cette  rétention  légère  une 
répétition  fréquente  dans  le  besoin  de  la  miction;  ce  phénomène  peut 
n'être  qu'une  conséquence  de  la  déplétion  insuffisante  de  la  vessie, 
mais  il  est  dû  aussi  souvent  à  la  faiblesse  du  sphincter  vésical.  Il  se 
manifeste  par  des  envies  fréquentes  et  impérieuses  d'uriner  et  cette 
pollakiurie  s'associe  fréquemment  à  la  difficulté  dans  la  miction 
(dijsurie).  Le  malade  dans  ce  cas  a  une  envie  impérieuse  d'uriner,  il 
sent  pertinemmemt  que  s'il  n'obéit  pas  à  cette  injonction,  il  va  uriner 
dans  son  pantalon,  et  cependant,  au  moment  où  il  se  présente  aux 
latrines,  il  est  obligé  de  se  livrer  à  de  violents  efforts  pour  satisfaire 
ce  besoin  impérieux. 

Comme  la  rétention,  l'incontinence  se  manifeste  rarement  à  cette 
période  comme  un  phénomène  très  accentué  et  les  malades  ne  perdent 
pas  leurs  urines  involontairement,  ils  ont  généralement  le  temps  de 
prendre  leurs  dispositions  pour  éviter  cet  accident. 

Le  sphincter  anal  est  moins  fréquemment  le  siège  de  troubles 
analogues,  il  peut  arriver  que  dans  les  efi'orts  que  font  les  malades 
pour  vider  leur  vessie,  il  se  produise  une  émission  de  gaz  intestinaux 
ou  même  de  matières  fécales,  mais  cet  accident  est  purement  fortuit, 
il  n'occupe  qu'exceptionnellement  le  premier  plan.  On  observe  plus 


—  179  — 


souvent  un  certain  degré  de  paresse  du  rectum  avec  constipation. 

Parmi  les  phénomènes  prémonitoires,  on  doit  également  signaler 
certains  troubles  dans  le  fonctionnement  des  organes  génitaux.  Ces 
troubles  se  caractérisent  soit  par  une  dépression,  soit  par  une  exalta- 
tion des  forces  viriles.  Le  premier  fait  est  le  plus  fréquent  ;  les 
malades  n'ont  pas  toujours  à  cet  égard  toute  la  franchise  désirable, 
mais  on  peut  dire  que  c'est  un  symptôme  presque  constant  :  les 
érections  sont  lentes  et  incomplètes,  l'acte  sexuel  plus  ou  moins 
imparfait.  D'autres  fois  les  malades  éprouvent  des  érections  fré- 
quentes intempestives  qui  peuvent  aller  jusqu'à  la  pollution  nocturne 
répétée  et  même  diurne  (Kuh). 

Les  principaux  caractères  de  la  période  prémonitoire  sont  l'extrême 
variabilité  des  symptômes  et  leur  diffusion.  D'un  jour  à  l'autre,  l'état 
des  réflexes  se  modifie,  les  jambes  deviennent  par  instants  plus  lour- 
des, quelques  malades  éprouvent  une  sorte  à' effondrement  des 
jambes.  Tous  ces  symptômes  se  rapprochent  des  accidents  cérébraux 
{paralysies  variables)  qui  résultent  de  l'artérite  et  ces  oscillations 
sont  bien  en  rapport  avec  des  troubles  circulatoires  passagers.  Un 
malade  observé  par  M.  Dejerine  présentait  un  phénomène  remar- 
quable qu'on  pourrait  désigner  sous  le  nom  de  claudication  inter- 
mittente spinale.  Ce  sujet,  en  effet,  n'éprouvait  en  temps  ordinaire 
qu'une  légère  lourdeur  des  jambes  et,  lorsqu'il  se  mettait  en  marche, 
il  pouvait  les  mouvoir  aisément,  mais  à  mesure  que  la  course  se  pro- 
longeait, les  jambes  devenaient  plus  pesantes,  la  fatigue  survenait 
rapidement  et  bientôt  le  malade  ne  pouvait  plus  avancer,  il  était  forcé 
de  s'asseoir.  Ce  n'est  qu'après  un  certain  temps  qu'il  recouvrait 
l'usage  de  ses  membres,  et  voyait  le  même  phénomène  se  reproduire 
à  l'occasion  d'un  nouvel  exercice. 

Il  n'y  a  qu'un  symptôme  qui,  lorsqu'il  existe,  offre  une  certaine 
permanence,  c'est  la  douleur  rachidienne.  Cette  douleur  doit  être 
rapportée  à  l'envahissement  des  méninges  par  l'inflammation,  elle  est 
en  effet  particulièrement  développée  dans  les  formes  à  évolution  lente, 
alors  que  l'inflammation  périvasculaire  s'étend  aux  parties  voisines. 

Elle  est  au  contraire  très  peu  marquée  et  fait  même  parfois  absolu- 
ment défaut  dans  la  plupart  des  formes  rapides  ou  foudroyantes  ;  car 
alors,  les  lésions  vasculaires,  d'emblée  très  intenses  et  très  étendues, 
produisent  la  nécrose  anémique  du  tissu  nerveux  avant  que  l'inflam- 
mation ait  envahi  le  tissu  des  méninges. 


—  180  - 


La  durée  de  la  période  prémonitoire  et  l'intensité  des  phénomènes 
qu'elle  comporte  sont  susceptibles  de  grandes  variations  suivant  les  cas. 

Les  symptômes  peuvent  osciller  quelquefois  pendant  des  mois, 
rarement  des  années,  les  malades  dans  ce  cas  ne  sont  pas  arrêtés 
dans  leurs  occupations,  ils  bénéficient  parfois  d'une  amélioration 
passagère  qui  leur  permet  d'entreprendre  un  voyage,  de  se 
marier,  etc. 

Le  plus  souvent,  les  symptômes  prémonitoires  durent  quelques 
semaines,  ils  augmentent  progressivement  tout  en  oscillant  jusqu'à 
l'attaque  de  paraplégie. 

Enfin,  dans  quelques  cas,  cette  période  semble  manquer  complète- 
ment ou  du  moins  les  symptômes  sont  si  légers  qu'ils  passent  inaper- 
çus ;  cette  particularité  a  été  bien  mise  en  relief  par  M.  Lamy  (1). 

B.  —  Attaque  de  paraplégie  et  péuioue  de  paralysie  aiguë 

A  mesure  que  les  lésions  vasculaires  s'accentuent,  la  nutrition  de 
la  moelle  devient  plus  précaire,  et  il  arrive  un  moment  où  les  éléments 
nerveux  d'abord  simplement  troublés  dans  leur  fonctionnement,  sont 
atteints  dans  leur  vitalité.  La  destruction  du  parenchyme  peut  s'éten- 
dre graduellement  ou  frapper  d'emblée  des  régions  assez  étendues. 
Les  symptômes,  selon  le  cas,  s'accentuent  progressivement  ou  bien 
présentent  une  aggravation  brusque,  et  l'on  observe  toutes  les  gra- 
dations dans  la  rapidité  du  début  jusqu'à  la  paraplégie  apoplecti- 
forme. 

Le  plus  ordinairement,  les  phénomènes  évoluent  de  la  façon  sui- 
vante :  le  malade  qui  depuis  quelque  temps  présente  les  symptômes 
que  nous  avons  décrits  éprouve  une  certaine  recrudescence  des  signes  : 
il  a  les  jambes  plus  lourdes,  il  souffre  davantage  dans  les  reins,  il  a 
même  parfois  des  étourdissements,  des  vertiges,  mais  il  peut  continuer 
son  travail  ;  c'est  alors  qu'un  jour  en  revenant  de  l'atelier,  en  trans- 
portant un  fardeau,  en  voulant  courir  après  un  omnibus,  etc.  (voir 
les  observations),  à  la  suite  d'une  fatigue  ou  sans  cause  occasion- 
nelle, il  sent  ses  jambes  plier  sous  lui.  Généralement,  il  ne  tombe  pas 
brusquement,  il  a  le  temps  de  s'appuyer  sur  un  meuble,  de  se  traîner 
jusqu'à  un  banc. 

(1)  Lamy,  Loc,  cit.,  p.  81, 


—  181  — 


Ce  symptôme  n'est  pas  toujours  solennel,  il  peut  n'être  qu'un 
simple  avertissement.  C'est  ainsi  que  souvent  le  malade,  au  bout  de 
quelques  instants,  est  capaljle  de  se  remettre  debout,  ses  jambes  sont 
encore  faibles,  on  doit  le  soutenir,  mais  il  peut  marcher  et  rentrer 
chez  lui. 

D'autres  fois,  ce  n'est  qu'au  bout  de  plusieurs  jours  que  les  jambes 
reprennent  leurs  fonctions  ;  le  malade,  après  quelques  jours  de  repos, 
se  lève  et  marche,  se  retrouvant  dans  le  même  état  qu'avant  son  acci- 
dent ou  ne  présentant  qu'une  légère  aggravation  des  symptômes  qui 
précèdent  l'attaque. 

Ces  accidents  peuvent  se  reproduire  plusieurs  fois  avant  l'appari- 
tion des  symptômes  de  paralysie  définitive,  ils  pourraient  être  rangés 
dans  la  période  précédente  sous  le  nom  de  petites  attaques  de  para- 
plégie prémonitoires.  On  voit  quelquefois  se  produire,  dans  les  mêmes 
circonstances,  une  rétention  d'urine  brusque  et  transitoire. 

Il  est  à  remarquer  que  ces  accidents  brusques,  passagers,  se  pré- 
sentent généralement  de  jour,  pendant  la  période  d'activité  du  malade  ; 
c'est  une  sorte  de  syncope  delà  moelle  qui,  mal  irriguée,  ne  suffit  pas 
à  sa  tâche,  mais  reprend  par  le  repos  ses  propriétés  physiologiques. 

Les  accidents  nocturnes  sont  au  contraire  plus  graves  et  plus  per- 
sistants, ainsi  qu'il  résulte  des  observations  cliniques.  En  somme, 
avant  l'établissement  des  phénomènes  graves  et  persistants  de  para- 
plégie, on  observe  souvent  un  ou  plusieurs  petits  ictus  spinaux  qui 
annoncent  l'imminence  d'une  atteinte  plus  grave. 

L'attaque  solennelle,  suivie  de  paralysie  définitive,  apparaît  dans 
les  mêmes  conditions  que  les  petits  accidents  aigus,  passagers. 

Souvent  sans  cause  occasionnelle,  mais  parfois  aussi  à  la  suite  d'un 
excès  (ivresse,  surmenage,  excès  de  coït,  etc.),  ou  d'un  refroidisse- 
ment, les  jambes  s'engourdissent,  deviennent  lourdes,  sont  le  siège 
de  fourmillements,  exceptionnellement  de  douleurs  vives,  le  malade 
est  forcé  de  s'asseoir,  il  ne  peut  se  relever,  on  doit  le  porter  chez  lui. 
Beaucoup  plus  rarement,  il  tombe  comme  foudroyé  dans  la  rue.  Il  est 
tout  à  fait  exceptionnel  que  cette  attaque  apoplectiforme  s'accom- 
pagne de  perte  de  connaissance  comme  dans  notre  cas  n°  I  ;  le  plus 
ordinairement,  le  malade  conserve  la  mémoire  des  moindres  détails 
qui  ont  accompagné  l'accident.  Très  souvent,  le  malade  est  frappé  de 
paralysie  pendant  la  nuit  ;  la  veille,  il  s'estcouché  comme  à  l'ordinaire 


—  182  — 


sans  avoir  éprouvé  d'aggravation  dans  les  symptômes  vagues  qu'il 
présente  depuis  un  certain  temps,  parfois  même,  se  trouvant  dans 
une  période  de  rémission,  et  il  se  réveille  le  matin  paralysé  des  jambes 
plus  ou  moins  complètement.  Rien,  pendant  son  sommeil,  n'est  venu 
l'avertir  de  son  état  ;  le  même  fait  s'observe  communément  dans  les 
paralysies  cérébrales. 

Les  accidents  n'ont  pas  toujours  la  même  soudaineté,  la  faiblesse 
des  jambes  s'accroît  en  une  journée,  trente-six  heures  ou  davantage, 
jusqu'à  ce  que  le  malade  soit  obligé  de  prendre  le  lit,  et,  pendant  un 
ou  deux  jours  encore,  la  paralysie  s'aggrave.  11  est  très  fréquent,  dans 
cette  circonstance,  de  voir  la  paralysie  envahir  d'abord  une  jambe 
tandis  que  l'autre  membre  reste  intact  ou  seulement  affaibli  pendant 
plusieurs  jours  avant  d'être  intéressé  à  son  tour. 

La  paralysie  des  jambes  est  souvent  précédée,  de  quelques  heures 
ou  de  quelques  jours,  par  une  rétention  brusque  d'urine  ;  elle  s'accom- 
pagne parfois  d'une  exagération  des  douleurs  rachidiennes  ou  d'une 
sensation  subjective  assez  vive  dans  les  jambes,  comme  un  élancement 
vif,  une  sensation  de  crampe.  11  est  beaucoup  plus  fréquent  de  voir 
l'attaque  se  produire  sans  aucun  phénomène  douloureux  immédia- 
tement précurseur  ou  contemporain. 

On  pourrait  multiplier  les  tableaux  cliniques  qui  représentent  le 
mode  d'établissement  de  la  paralysie,  car  les  circonstances  qui  accom- 
pagnent cet  accident,  peuvent  se  combiner  de  bien  des  manières  ;  on 
trouvera,  dans  les  observations  annexées  à  ce  travail,  tous  les  détails 
propres  à  compléter  cette  esquisse  rapide.  Nous  voulons  simplement 
indiquer  ici  que  les  phénomènes  paralytiques  aigus  si  fréquents  au 
début  de  la  paralysie  spinale  syphilitique  peuvent  apparaître  tantôt 
d'une  façon  absolument  foudroyante,  tantôt  assez  brusquement,  ou 
bien  rapidement  en  quelques  heures,  en  quelques  jours. 

La  paralysie  spinale  une  fois  constituée  (et  nous  n'envisageons  ici 
que  le  cas  le  plus  fréquent  où  elle  intéresse  seulement  les  membres 
inférieurs),  elle  se  caractérise  par  les  signes  suivants  : 

Motilité.  —  Après  l'attaque  de  paraplégie,  le  malade  est  naturel- 
lement forcé  de  garder  le  lit  et  les  mouvements  des  jambes  sont 
plus  ou  moins  compromis  selon  le  cas.  Tantôt  le  malade  est  absolu- 
ment incapable  de  leur  imprimer  aucun  mouvememt,  tantôt,  et  c'est 
le  cas  le  plus  ordinaire,  il  peut  encore  remuer  les  orteils,  fléchir 


—  183  — 


lentement  les  jambes,  les  déplacer  latéralement,  sans  que  le  talon 
puisse  quitter  le  plan  du  lit.  Toujours,  les  symptômes  paralytiques 
sont  assez  prononcés,  ils  peuvent  être  prédominants  dans  un  membre 
qui  reste  absolument  inerte  tandis  que  l'autre  garde  quelques  mouve- 
ments. 

De  même  que  les  mouvements  spontanés,  les  mouvements  réflexes 
sont  ordinairement  amoindris  ou  supprimés.  A  cette  période,  en  effet, 
la  paralysie  est  généralement  flasque,  sans  que  la  suppression  des 
réflexes  soit  un  indice  certain  de  la  destruction  des  centres  gris  du 
renflement  lombaire.  L'activité  des  centres  spinaux  réflexes  et  tro- 
phiques  peut  n'être  que  momentanément  compromise  par  un  reten- 
tissement circulatoire  et  les  phénomènes  résultant  de  cette  suppression 
temporaire  peuvent  n'être  que  passagers.  C'est  encore  à  des  troubles 
circulatoires  qu'il  faut  attribuer  certains  phénomènes,  comme  les 
secousses  musculaires  brusques  qui  surviennent  souvent  à  cette 
période  de  l'affection  et  traduisent  une  excitation  des  centres  réflexes 
moteurs  spinaux. 

Dans  quelques  cas,  à  cette  période,  les  réflexes  sont  conservés  et 
même  quelquefois  exagérés,  le  renflement  lombaire  est  alors  néces- 
sairement conservé.  Nous  citerons  comme  exemple  notre  cas  n°  I  : 
une  paraplégie  subite  par  ramollissement  médullaire  étendu  de  la 
région  dorsale  supérieure  avec  intégrité  du  renflement  lombaire 
s'accompagna  dès  l'origine  d'une  exagération  manifeste  des  réflexes 
rotuliens. 

L'exaltation  de  la  réflectivité  dans  les  centres  conservés  n'est 
qu'exceptionnellement  assez  prononcée  tout  d'abord  pour  donner  lieu 
d'emblée  à  une  contracture  perrasinente  ;  mais  ce  phénomène  peut 
assez  rapidement  acquérir  une  grande  intensité  :  au  bout  de  quelques 
semaines  de  séjour  au  lit,  les  jambes  se  placent  dans  l'extension  ou  la 
demi-flexion,  affectant  souvent  une  position  constante  dans  laquelle 
elles  restent  fixées  avec  une  grande  énergie. 

En  même  temps  que  les  jambes,  les  muscles  de  la  portion  inférieure 
du  tronc  sont  souvent  atteints,  le  malade  ne  peut  alors  s'asseoir  sur 
son  lit,  il  lui  est  également  impossible  de  se  maintenir  sur  son  séant 
lorsqu'on  l'a  aidé  à  prendre  cette  position. 

Dans  les  conditions  ordinaires,  quand  la  paralysie  reste  flasque, 
les  muscles  des  jambes,  des  reins,  de  l'abdomen  perdent  leur  tonus 


—  184  — 


normal,  ils  sont  mous  et  relâchés.  Cependant,  ainsi  que  nous  l'avons 
dit,  dans  les  premiers  jours  qui  suivent  l'attaque  de  paraplégie,  les 
malades  éprouvent  quelquefois  des  secousses  brusques  dans  les 
jambes  et  même  une  sorte  de  tressautement  de  tout  le  tronc. 

Sensibilité.  —  Au  moment  où  s'installe  cette  paralysie,  les  troubles 
de  la  sensibilité  objective  ne  manquent  jamais  dans  les  parties  para- 
lysées. Le  type  le  plus  complet  est  représenté  par  une  anesthésie 
absolue  se  superposant  à  la  paraplégie  flasque  et  intéressant  la  moitié 
inférieure  du  corps  jusqu'à  une  limite  supérieure  variable.  Mais  à 
côté  de  ce  maximum  d'intensité,  il  y  a  une  série  de  types  atténués. 

Comme  les  phénomènes  de  paralysie  motrice,  les  troubles  de  la 
sensibilité  peuvent  être  plus  ou  moins  prononcés,  souvent  ils  n'inté- 
ressent qu'un  ou  deux  modes  de  la  perception  en  laissant  les  autres  à 
peu  près  intacts,  ou  bien  sont  très  légers.  On  peut  ainsi  observer 
tous  les  degrés  dans  la  diminution  ou  l'aberration  de  la  perception, 
dans  l'erreur  de  localisation.  Les  troubles  de  la  sensibilité  sont  tou- 
jours comparativement  moins  accentués  que  les  troubles  moteurs. 
Ils  peuvent  comme  ceux-ci  perdre  leur  caractère  de  phénomènes 
paralytiques  et  indiquer  au  contraire  une  exaltation  fonctionnelle  des 
conducteurs  et  des  centres  sensitifs  spinaux.  Il  existe  parfois  en  effet 
une  véritable  hyperesthésie  et  le  moindre  frôlement  sur  la  peau 
peut  être  douloureux.  De  plus,  dans  la  distribution  ou  la  succession 
des  symptômes,  il  n'y  a  aucune  constance,  on  trouve  à  côté  des 
régions  où  le  pincement,  la  piqûre,  sont  à  peine  perçus,  des  zones 
où  la  moindre  excitation  est  très  vivement  sentie. 

En  dehors  de  ces  troubles  objectifs,  les  malades  accusent  souvent 
des  sensations  subjectives  variées  dans  les  membres  inférieurs. 

Souvent  ils  se  plaignent  d'éprouver  dans  les  jambes  des  fourmille- 
ments ou  une  sorte  de  frémissement,  un  engourdissement  plus  ou 
moins  continu.  Rarement  ce  sont  des  élancements  douloureux  ou  une 
sensation  de  brûlure  ;  le  plus  fréquemment,  c'est  un  sentiment  de 
froid.  Parfois  cependant  il  se  produit  une  douleur  périphérique  au 
moment  de  l'attaque  de  paralysie  ;  un  de  nos  malades  ressentit  comme 
un  coup  de  fouet  dans  les  mollets  et  crut  qu'on  l'avait  frappé  par 
derrière. 

Quant  aux  douleurs  lombaires,  elles  sont  variables  et  leur  intensité 
n'est  nullement  proportionnelle  à  la  gravité  de  la  paralysie,  puisque 


—  185  — 


au  contraire,  il  est  plus  fréquent  de  voir  une  paraplégie  sévère  s'ins- 
taller brusquement  sans  être  accompagnée  de  douleurs  rachidiennes 
importantes.  Cependant,  dans  quelques  cas,  ce  phénomène  peut  pré- 
céder, accompagner  l'attaque  de  paraplégie  et  persister  avec  la  para- 
lysie, les  douleurs  sont  même  parfois  assez  violentes  pour  contribuer 
dans  une  certaine  mesure  à  déterminer  l'impotence  fonctionnelle  et 
l'immobilité  du  malade. 

Sphincters.  —  Les  troubles  des  sphincters  ne  manquent  jamais, 
on  observe  très  généralement  une  paralysie  vésicale  complète,  l'urine 
s'accumule  dans  la  vessie  qui  ne  peut  se  vider  en  raison  de  l'inertie 
des  parois,  et  le  réservoir  atteint  souvent  une  dilatation  énorme  avant 
que  son  contenu  s'écoule  par  regorgement.  Mais  bientôt  les  sphinc- 
ters cèdent  et  l'urine  s'écoule  goutte  à  goutte  et  presque  sans  inter- 
ruption. Cependant,  la  vessie  paralysée  contient  constamment  200  à 
300  gr.  d'urine  malgré  l'écoulement  continuel  et  ne  peut  être  vidée 
complètement  que  par  le  cathétérisme.  L'écoulement  continu  de 
l'urine  s'accompagne  souvent  de  la  perte  du  besoin  d'uriner  ;  la  sen- 
sation du  passage  de  l'urine  à  travers  le  sphincter  uréthral  disparaît 
également.  La  paralysie  rectale  ou  le  relâchement  du  sphincter  anal 
prédominent  suivant  les  circonstances  et  amènent  soit  une  constipation 
opiniâtre,  soit  l'incontinence  des  matières  fécales. 

Les  phénomènes  intéressant  la  motilité,  la  sensibilité  et  les  réser- 
voirs constituent  les  trois  grands  traits  du  tableau  clinique  de  la  para- 
plégie spinale  à  son  début,  mais  ils  sont  susceptibles  de  variations  et 
peuvent  s'accompagner  d'autres  symptômes. 

Au  moment  où  la  paraplégie  s'établit,  il  n'y  a  pas  d'ordinaire  de 
réaction  générale  marquée,  la  fièvre  manque  et  les  fonctions  organi- 
ques s'accomplissent  normalement.  Parfois  cependant,  le  pouls  est 
plein,  fréquent,  le  malade  éprouve  des  frissonnements,  des  vertiges,  des 
vomissements,  un  malaise  général,  une  sensation  d'étoufïement.  La 
mort  peut  survenir  dès  les  premiers  jours  qui  suivent  l'attaque  de 
paraplégie,  dans  certaines  formes  excessivement  graves  qui  résultent 
de  l'atteinte  d'un  segment  étendu  de  la  moelle  ou  de  la  participation 
plus  ou  moins  directe  de  centres  spinaux  importants.  Dans  ces  cas, 
aux  troubles  de  paralysie  motrice  et  sensitive,  au  relâchement  des 
sphincters,  qui  atteignent  leur  maximum  d'intensité,  se  joignent  des 
symptômes  de  paralysie  bulbaire  aiguë  :  la  respiration  est  précipitée 


—  186  — 


et  entrecoupée,  des  accidents  cardiaques  se  développent,  joints  au 
hoquet,  aux  vomissements  et  aux  vertiges,  ils  annoncent  une  termi- 
naison fatale,  prochaine,  qui  peut  se  produire  au  hout  de  quelques  jours 
seulement,  avant  que  les  lésions  de  décubitus  se  soient  dévelop- 
pées. 

Mais  cette  terminaison  précoce  est  exceptionnelle  ;  le  plus  souvent, 
l'affection  se  prolonge  davantage  et  son  évolution  ultérieure  dépend 
de  la  gravité  de  la  lésion  anatomique. 

Lorsque  l'attaque  de  paraplégie  est  légère,  l'amélioration  peut  se 
manifester  rapidement,  avant  l'établissement  des  lésions  trophiques 
importantes,  et  le  malade  entre  presque  immédiatement  dans  la  phase 
de  paraplégie  spasmodique  de  faible  ou  de  moyenne  intensité. 

Dans  les  formes  graves,  au  contraire,  les  accidents  de  décubitus  ne 
tardent  pas  à  se  manifester,  et  de  deux  choses  l'une  :  ou  bien  ils  s'ac- 
centuent progressivement  jusqu'à  la  mort  du  malade,  ou  bien  celui-ci, 
après  un  séjour  plus  ou  moins  prolongé  au  lit,  six  mois,  un  an,  deux 
ans  et  davantage  (obs.  135),  résiste  aux  lésions  trophiques,  à  l'infec- 
tion secondaire  et  présente,  après  la  disparition  de  ces  accidents,  le 
tableau  clinique  d'une  paraplégie  spasmodique  excessivement  pro- 
noncée. 

Dans  les  formes  graves,  lorsque  la  mort  n'est  pas  survenue  dès  les 
premiers  jours  (or  cette  éventualité  est  exceptionnelle),  les  symptômes 
que  nous  avons  décrits  persistent  et  s'accompagnent  de  nouvelles 
manifestations.  La  paraplégie  reste  complète  ou  à  peu  près,  elle  se 
maintient  flasque,  ce  qui  indique  une  destruction  ou  une  altération  des 
centres  du  renflement  lombaire,  ou  fait  place  à  un  état  de  raideur 
musculaire  plus  ou  moins  prononcée.  Entre  la  suppression  complète 
des  réflexes  et  la  contracture  fixe,  il  y  a  toutes  les  nuances.  Ces  états 
différents  peuvent  d'ailleurs  s'entremêler,  prédominer  l'un  ou  l'autre 
dans  un  membre  ou  dans  celui  du  côté  opposé. 

Les  troubles  de  la  sensibilité  gardent  rarement  (excepté  dans  les 
formes  excessivement  graves),  l'importance  qu'ils  avaient  au  début; 
c'est  plutôt  une  atténuation  de  la  perception  sensitive  dans  tous  les 
modes  qu'une  anesthésie  complète.  Parfois  elle  porte  principalement 
sur  l'une  des  qualités  :  tact,  douleur,  température;  à  l'exclusion  plus 
ou  moins  intégrale  des  autres.  On  peut  dire  que  la  persistance  d'une 
anesthésie  ou  l'aggravation  de  ce  symptôme  sont  des  signes  du  plus 


—  187  — 


fâcheux  pronostic,  car  Fanestliésie  ne  se  manifeste  que  dans  les  cas 
de  destruction  profonde  d'un  segment  étendu  de  la  moelle. 

L'atrophie  des  muscles  paralysés  existe  toujours  dans  une  cer- 
taine mesure,  ce  phénomène  se  présente  d'ailleurs  suivant  les  cas  avec 
une  intensité  variable  dont  l'appréciation  est  de  la  plus  haute  impor- 
tance. En  effet,  l'atrophie  musculaire  relève  de  la  destruction  des 
centres  gris  spinaux  qui  correspondent  aux  régions  paralysées.  Dans 
les  cas  de  ramollissement  médullaire  siégeant  au-dessus  du  renflement 
lombaire,  les  muscles  des  membres  inférieurs  sont  privés  de  l'action 
de  la  volonté  et  le  malade  devient  paraplégique,  mais  conservant  leur 
relation  avec  le  centre  médullaire  resté  intact,  ils  gardent  leur  vitalité 
et  leurs  propriétés  contractiles,  ainsi  que  le  prouvent  la  vivacité  des 
réflexes  et  l'énergie  de  la  contracture  dont  ils  sont  bientôt  le  siège. 

Si,  au  contraire,  les  centres  gris  de  la  moelle  lombaire  sont  atteints 
par  la  nécrose,  les  muscles  paralysés  restent  flasques,  les  réflexes  sont 
supprimés,  l'atrophie  musculaire  s'établit. 

I/atrophie  musculaire  est  précédée  de  modifications  de  plus  en  plus 
accentuées  dans  les  réactions  électriques  des  muscles  paralysés  : 
diminution  puis  abolition  de  la  contractilité  faradique,  abolition  de  la 
conctractilité  galvanique  avec  inversion  des  formules  normales  de  la 
réaction. 

La  contractilité  idio-musculaire  est  d'abord  exagérée,  la  percussion 
du  corps  musculaire  détermine  une  contraction  lente  mais  intense  et 
propagée;  à  mesure  que  l'atrophie  fait  des  progrès,  cette  propriété 
s'atténue  puis  disparaît. 

L'atrophie  musculaire  est  surtout  manifeste  dans  les  membres 
inférieurs  :  c'est  là  que  l'on  a  l'habitude  de  la  rechercher,  mais  elle 
peut  être  décelée  également  dans  les  parties  inférieures  du  tronc.  Il 
est  à  remarquer  que,  dans  ces  dernières  régions,  elle  échappe  assez 
facilement  à  l'examen,  car  elle  est  facilement  masquée  par  l'adipose, 
ou,  en  l'absence  de  celle-ci,  elle  peut  être  prise  pour  une  simple  éma- 
ciation.  Il  semble,  d'autre  part,  que  la  destruction  de  la  substance 
grise  dans  la  région  dorsale  de  la  moelle  ait  des  conséquences  moins 
sévères  au  point  de  vue  de  la  nutrition  des  muscles,  que  celle  des 
centres  gris  des  renflements  lombaire  et  cervical.  En  effet,  dans  plu- 
sieurs cas  où  la  substance  grise  de  la  région  dorsale  était  altérée  sur 
une  longue  étendue,  l'atrophie  musculaire  ne  constituait  pas  un 


-  188  — 


symptôme  saillant  du  tableau  clinique  (voir  obs.  111,  cas  n°  IV). 
Sans  qu'il  y  ait  destruction  complète  de  la  substance  grise  dorsale 
ou  lombaire,  cette  partie  de  la  moelle  peut  être  intéressée  dans  une 
certaine  mesure;  aussi,  dans  quelques  cas,  voit-on  associés  l'amyo- 
trophie  et  les  phénomènes  spasmodiques. 

Les  autres  altérations  trophiques  sont  d'autant  plus  prononcées 
que  les  centres  gris  de  la  moelle  sont  plus  compromis,  aussi  les 
lésions  du  décubitus  apparaissent-elles  d'une  façon  très  précoce 
lorsque  la  paralysie  des  membres  inférieurs  reste  flasque  et  s'accom- 
pagne d'atrophie  musculaire  rapide,  mais  elles  se  montrent  également 
à  la  suite  de  lésions  étendues  des  cordons  blancs,  ou  lorsque  la  lésion 
médullaire  siège  au-dessus  du  renflement  lombaire  qui  reste  assez 
peu  atteint.  (Voir  nos  cas  n"  II  et  n"  III.) 

L'accident  le  plus  fréquent  est  le  développement  d'une  escarre 
dans  la  région  sacrée  (1)  :  la  peau  rougit,  prend  une  teinte  livide, 
s'indure,  devient  insensible,  le  tissu  cellulaire  sous-cutané  est  frappé 
de  gangrène.  La  peau,  noirâtre  et  sèche,  est  bientôt  entourée  d'un 
cercle  d'élimination  et  la  perte  de  substance  s'étale  et  gagne  en  pro- 
fondeur. Des  lésions  analogues  s'observent  au  niveau  des  trochanters, 
des  talons,  dans  tous  les  points  où  une  saillie  osseuse  repose  sur 
le  plan  du  lit.  Ces  altérations  ne  sont  pas  toujours  le  fait  d'une 
pression  continue;  on  voit,  dans  les  derniers  temps,  des  plaques  noi- 
râtres, phlycténulaires,-  sur  les  jambes,  sur  la  face  dorsale  des  pieds, 
en  dehors  de  tout  point  de  contact  avec  la  surface  du  lit. 

Les  téguments  présentent  encore  d'autres  modifications  d'ordre 
dystrophique  :  la  peau  est  sèche  et  écailleuse,  les  poils  croissent  d'une 
façon  exagérée,  ou  restent  secs  et  cassants.  Il  existe  aussi  des  troubles 
vaso-moteurs  qui  se  manifestent  par  des  variations  dans  la  tempé- 
rature, la  sécrétion  cutanées,  par  de  l'œdème  des  membres  infé- 
rieurs, etc. 

Cependant,  l'incontinence  d'urine  persiste,  l'urine  est  trouble, 
ammoniacale,  souvent  albumineuse,  riche  en  globules  de  pus,  en 
cellules  épithéliales,  en  germes. 

Les  déjections  qui  s'écoulent  continuellement  accélèrent  par  leur 
contact  le  développement  des  ulcérations  gangréneuses. 

(1)  Aenozan.  Des  lésions  trophiques  consécutives  aux  nialadiésdu  système  ner  ceux. 
Thèse  d'agrégation,  Paris,  1880. 


—  189  — 


Le  malade  présente  bientôt  de  la  fièvre  et  du  délire,  il  s'amaigrit, 
perd  l'appétit,  tombe  dans  le  marasme  et  meurt  d'infection  purulente 
ou  de  toute  autre  complication. 

La  mort  n'est  pas  le  terme  fatal  de  cette  succession  d'accidents.  On 
peut  voir  des  malades  qui,  après  avoir  présenté  une  paraplégie 
intense,  des  escarres  considérables,  des  accidents  d'infection  urinaire, 
résistent  à  tous  ces  symptômes.  Bien  qu'étant  encore  dans  l'obligation 
de  garder  le  lit,  ils  survivent  à  la  période  des  troubles  trophiques 
graves  et  bénéficient  d'une  certaine  amélioration.  Un  de  nos  malades 
(obs.  135)  représente  le  type  de  cette  forme  clinique.  Il  est  à  remar- 
quer que  l'absence  d'atrophie  musculaire  marquée  et  le  développement 
de  contractures,  même  très  accentuées,  au  cours  d'une  paraplégie 
d'ailleurs  très  grave,  sont  des  circonstances  qui  laissent  quelque 
espoir  pour  l'avenir  ;  car,  bien  que  l'intensité  des  phénomènes  indique 
une  lésion  très  prononcée,  on  est  au  moins  prévenu  que  les  centres 
gris  du  renflement  lombaire  ne  sont  pas  détruits. 

C.  —  Période  de  pabaplégie  spasmodique 

Nous  arrivons  à  la  période  dans  laquelle  les  phénomènes  paralyti- 
ques s'amendent  et  sont  dominés  par  l'exagération  des  phénomènes 
spasmodiques. 

Tous  les  malades  n'atteignent  pas  cette  phase.  Quelques-uns  meu- 
rent rapidement  à  la  suite  de  phénomènes  bulbaires,  d'autres  succom- 
bent aux  progrès  des  symptômes  paralytiques  en  dix,  vingt  jours,  au 
bout  de  plusieurs  semaines,  ou  bien  après  des  mois,  des  années,  selon 
l'intensité  de  l'affection;  tantôt  sans  grande  rémission  dans  les  symp- 
tômes, d'autres  fois  après  plusieurs  poussées  d'aggravation. 

Pour  les  autres,  il  est  plusieurs  façons  d'arriver  à  la  période  spas- 
modique. Tantôt  c'est  lentement  et  progressivement  que  les  symptô- 
mes s'établissent,  la  nécrose  des  éléments  nerveux  se  fait  peu  à  peu, 
n'envahit  pas  d'emblée  des  régions  étendues  de  la  moelle,  mais  reste 
cantonnée  dans  les  zones  marginales,  frappant  les  conducteurs  plus 
que  les  centres  et  les  phénomènes  paralytiques  sont  masqués  par 
l'état  spasmodique.  Chez  ces  malades,  l'attaque  de  paraplégie  manque, 
ils  ne  sont  pour  ainsi  dire  jamais  forcés  de  prendre  le  lit  et  la  maladie 
arrive  à  sa  période  d'état  sans  à-coup. 


—  190  — 


Bien  plus  souvent,  au  cours  du  développement  de  raffection,  sur- 
viennent une  ou  plusieurs  petites  attaques  passagères  qui  laissent 
après  une  courte  période  de  phénomènes  paralytiques  aigus  une  cer- 
taine exagération  des  symptômes  antérieurs. 

D'autres  malades  sont  frappés  par  l'attaque  que  nous  avons  décrite, 
ils  gardent  le  lit  pendant  quatre,  six,  dix  mois  et  présentent  dans  la 
suite  les  signes  d'une  paraplégie  spasmodique  d'intensité  moyenne. 
C'est  le  cas  le  plus  fréquent. 

Enfin,  les  formes  graves  qui  n'ont  pas  abouti  à  la  mort  obligent  le 
malade  à  garder  le  lit  pendant  de  longues  années  et  les  phénomènes 
spasmodiques  alleignent  leur  maximum  d'intensité. 

Il  faudrait  donc,  pour  nous  conformer  à  la  réalité  des  faits,  décrire 
plusieurs  types  de  malades,  selon  la  gravité  de  l'affection.  Pour  éviter 
des  redites,  nous  supposerons  deux  cas  : 

1°  Celui  d'un  malade  qui,  à  la  suite  d'une  attaque  sévère  de  para- 
plégie, a  résisté  à  l'intensité  des  accidents,  mais  qui  malgré  une  cer- 
taine amélioration  est  forcé  de  garder  le  lit. 

2°  Celui  d'un  malade  qui  est  atteint  d'une  paraplégie  spasmodique 
de  moyenne  intensité  développée  progressivement  ou  succédant  à  une 
attaque  de  paraplégie  plus  ou  moins  accentuée,  et  qui  a  conservé  dans 
une  certaine  mesure  l'usage  de  ses  membres  inférieurs. 

1°  Dans  le  premier  cas,  le  malade  est  incapable  de  se  tenir  debout, 
à  plus  forte  raison  de  marcher. 

Le  plus  souvent,  la  faiblesse  et  la  raideur  des  reins  ont  disparu  en 
grande  partie  et  tous  les  phénomènes  se  concentrent  dans  les  membres 
inférieurs. 

Deux  phénomènes  principaux  commandent  toutes  les  manifesta- 
tions, ce  sont  la  paralysie  et  la  contracture. 

La  paralysie  est  généralement  dominée  par  la  contracture,  il  s'agit 
plutôt  d'une  parésie  plus  ou  moins  accentuée.  La  raideur  musculaire, 
au  contraire,  peut  atteindre  le  plus  haut  degré  d'intensité. 

Dans  certains  cas  d'impotence  fonctionnelle  très  prononcée,  les 
malades  opposent  encore  une  résistance  considérable  aux  mouvements 
communiqués,  soit  que  cette  résistance  résulte  d'une  action  volontaire, 
soit  qu'elle  relève  de  la  contracture  réflexe  des  muscles  antagonistes. 

Quelquefois  cependant,  il  se  joint  à  la  raideur  musculaire  une  véri- 
table paralysie  et  même  de  l'atrophie  musculaire.  Ordinairement,  les 


—  191  — 


signes  indiquent  la  persistance  des  centres  gris  de  la  région  lombaire, 
mais  ces  centres  gris,  séparés  du  cerveau  par  une  lésion  qui  inter- 
cepte les  conducteurs  cérébro-spinaux,  échappent  aux  incitations 
volontaires,  ils  i'onclionnent  automatiquement  et  réagissent  sponta- 
nément sous  l'iniluence  des  excitations  qu'ils  reçoivent  de  la  périphé- 
rie. L'exagération  de  la  réflectivité  médullaire  domine  tous  les  symp- 
tômes et,  dans  la  forme  intense  que  nous  étudions,  elle  se  traduit  par 
une  activité  musculaire  pour  ainsi  dire  permanente.  La  contracture 
qui,  dans  les  formes  légères,  reste  latente,  est  ici  permanente.  Les 
jambes  sont  raidies  dans  l'extension  ou  dans  la  demi-flexion,  les  pieds 
sont  ordinairement  fixés  dans  une  position  équine,  le  malade  est  inca- 
pable de  mouvoir  ses  membres  inférieurs,  tant  à  cause  de  l'intensité 
de  la  contracture  que  par  suite  de  l'interruption  des  faisceaux  conduc- 
teurs des  incitations  volontaires.  En  effet,  la  contracture  s'exagère 
ordinairement  lorsque  le  malade  veut  faire  un  mouvement,  et  s'oppose 
à  l'exécution  de  ce  mouvement  avec  d'autant  plus  d'énergie  que  le 
malade  fait  plus  d'efforts  pour  y  parvenir. 

Lorsque  les  mouvements  sont  possibles,  ils  sont  toujours  lents  et 
incomplets. 

La  contracture  est  également  exagérée  par  les  mouvements  pas- 
sifs et  le  membre  qui,  reposant  sur  le  lit,  paraît  assez  souple,  se 
place  ordinairement  en  extension  forcée  dès  qu'on  le  soulève.  Si  l'on 
cherche  à  fléchir  la  jambe,  à  relever  le  pied,  on  éprouve  une  résistance 
qui  peut  être  invincible. 

Les  réflexes  tendineux  sont  toujours  très  exagérés  :  en  percutant 
le  tendon  rotulien,  on  détermine  une  extension  brusque  de  la  jambe, 
et  souvent  une  série  de  secousses  qui  peuvent  gagner  l'autre 
membre.  Il  suffit  parfois  de  percuter  la  face  antéro-interne  du  tibia 
pour  arriver  au  même  résultat  {réflexe  périostique).  La  trépidation 
épileptoïde  du  pied  s'obtient  facilement  ainsi  que  le  tremblement 
rotulien  que  l'on  provoque  de  la  façon  suivante  :  en  appuyant  sur  le 
bord  supérieur  de  la  rotule,  on  abaisse  brusquement  cet  os,  et  on 
cherche  à  le  maintenir  par  une  pression  énergique  ;  il  se  produit  à  la 
suite  de  la  traction  du  triceps  crural  une  série  de  secousses  qui  se 
répètent  aussi  longtemps  que  dure  la  traction. 

Souvent  la  contracture  est  si  marquée  qu'elle  s'oppose  à  la  produc- 
tion des  réflexes.  En  effet,  la  jambe  dans  l'extension  forcée,  le  pied 


—  192  — 


fortement  abaissé  sont  maintenns  dans  une  position  que  toute  explo- 
ration a  pour  résultat  de  rendre  plus  rigide  encore. 

Les  malades  ne  sont  pas  plus  maîtres  de  régler  le  jeu  de  leurs 
sphinctei's  que  les  mouvements  de  leurs  jambes.  Tantôt  c'est  l'incon- 
tinence  d'urine  qui  domine  et  tantôt  la  réfeniion;  le  plus  ordinaire- 
ment, c'est  un  mélange  des  deux.  Au  début,  existe  souvent  une 
rétention  d'urine  suivie  d'incontinence  ;  lorsque  l'affection  en  est  à 
sa  période  d'état,les  sphincters  ne  laissent  pas  écouler  continuellement 
l'urine,  la  miction  se  fait  par  instants  spontanément,  sans  force, 
rarement  sans  que  le  malade  soit  averti  par  aucune  sensation,  mais 
en  dehors  de  sa  volonté.  D'autres  fois,  la  miction,  malgré  les  efforts 
du  malade,  ne  peut  s'exécuter  et  l'urine  s'amasse  dans  la  vessie. 

Les  centres  spinaux  du  fonctionnement  des  réservoirs,  comme  ceux 
du  mouvement  des  membres  inférieurs,  sont  privés  des  incitations 
cérébrales,  mais  réagissent  sous  l'influence  des  excitations  périphé- 
riques. Les  malades  savent  bien  que  certaines  excitations  cutanées 
peuvent  déterminer  tel  ou  tel  acte  réflexe  :  l'un,  ne  pouvant  étendre 
les  jambes  raidies  dans  la  demi-flexion,  parvenait  à  provoquer  le 
mouvement  d'extension  en  se  grattant  fortement  avec  les  ongles  la 
peau  de  la  face  antérieure  des  cuisses;  un  autre  déterminait  la  miction 
en  se  pinçant  la  peau  de  l'abdomen  ou  l'extrémité  de  la  verge. 

La  constipation  est  d'ordinaire  opiniâtre,  elle  peut  être  inter- 
rompue par  des  crises  de  coliques,  une  débâcle  diarrhéique  avec 
incontinence  des  matières  fécales. 

Des  secousses  se  produisent  parfois  spontanément  dans  les  jambes 
et  dans  les  muscles  du  tronc,  elles  font  sauter  le  malade  dans  son 
lit  et  parfois  le  réveillent  la  nuit.  Elles  sont  quelquefois  provoquées 
par  la  moindre  excitation  périphérique;  un  malade  se  plaignait 
d'éprouver  de  semblables  secousses,  lorsqu'on  balayant  la  salle,  un 
infirmier  venait  à  heurter  le  pied  de  son  lit. 

Parfois,  il  existe  de  véritables  crises  de  contracture,  les  membres 
modérément  raidis  s'étendent  ou  se  fléchissent  lentement  mais  invin- 
ciblement, les  orteils  se  crispent  et  le  phénomène  se  prolonge  plus  ou 
moins  longtemps  ;  en  tous  cas,  le  malade  est  incapable  de  le  modérer, 
son  intervention  ne  ferait  que  l'exagérer. 

La  sensibilité  objective,  à  cette  période,  est  dans  la  majorité  des 
cas  très  peu  atteinte,  elle  est  même  souvent  conservée  presque  inté- 


—  193  — 


gralement.  Dans  quelques  cas,  il  existe  une  diminution  inégale  dans  les 
différents  modes  de  perception  ;  jamais  il  n'y  a  d'anesthésie  absolue  à 
cette  période.  Lorsque  l'anesthésie  complète  s'est  présentée  au  début, 
ou  bien  le  malade  est  mort  ou  bien  elle  s'est  profondément  amendée. 

Le  plus  souvent  c'est  une  perversion  de  la  sensation,  surtout  une 
exagération  de  la  perception,  le  malade  présente  une  véritable  hy- 
peresthésie  qui  ne  porte  pas  sur  tous  les  modes  d'excitation  ;  elle 
peut  même  ne  se  manifester  qu'à  l'occasion  de  certaines  impressions 
comme  le  contact  d'un  corps  froid,  le  chatouillement,  etc.,  tandis 
qu'une  pression  énergique,  une  piqûre  seront  moins  pénibles. 

Enfin  les  zones  d'anesthésie  légère  ou  d'hyperesthésie  sont  parfois 
mêlées. 

On  n'observe  de  diminution  prononcée  de  la  sensibilité  que  dans 
les  cas  graves,  où  l'élément  spasmodique  est  assez  peu  marqué,  où 
domine  au  contraire  l'atrophie  musculaire  (cas  n°  III).  L'anesthésie 
manque  au  contraire  absolument  ou  est  remplacée  par  l'iiyperesthésie 
quand  les  muscles  conservent  leur  volume,  quand  les  contractures 
sont  très  développées  (obs.  135).  Le  réflexe  cutané  plantaire  est  alors 
très  marqué. 

Quant  aux  troubles  subjectifs  de  la  sensibilité,  ils  sont  en  général 
effacés  à  cette  période,  il  est  très  rare  que  le  malade  se  plaigne  encore 
de  douleurs  lombaires,  il  accuse  seulement  une  sorte  d'engourdis- 
sement ou  de  refroidissement  dans  les  jambes.  Il  est  cependant  possi- 
ble, dans  la  plupart  des  cas,  de  réveiller,  par  la  pression  des  apophyses 
épineuses,  une  douleur  sourde  dans  un  segment  plus  ou  moins  étendu 
du  rachis. 

Dans  la  forme  que  nous  venons  de  décrire,  le  malade  est  très  pris 
des  jambes,  il  ne  peut  se  lever  et  est  condamné  à  rester  au  lit  pendant 
un  temps  parfois  très  long  qui  se  chiffre  par  années.  A  moins  de  com- 
plications, dans  les  cas  ordinaires,  les  membres  supérieurs,  le  domaine 
des  nerfs  crâniens  sont  indemnes,  l'intelligence  est  parfaite,  les  fonc- 
tions organiques  régulières,  l'état  général  excellent.  Les  escarres  sont 
guéries  ou  en  bonne  voie  de  cicatrisation,  mais  le  malade  n'est  pas 
à  l'abri  de  la  cystite  et  des  accidents  infectieux  qui  peuvent  en  résulter. 

2°  Le  plus  souvent,  les  symptômes  paréto-spasmodiques  ne  sont  pas 
aussi  accentués,  les  malades  sont  capables  de  marcher  et  présentent 
alors  le  tableau  complet  de  l'affection  décrite  par  Erb. 

S.  13 


—  194  — 


Ils  sont  d'ailleurs  atteints  dans  une  mesure  très  variable  d'un  sujet 
à  l'autre  ;  la  forme  moyenne  revêt  l'aspect  suivant  : 

Lorsqu'ils  sont  au  lit,  les  malades  présentent  le  tableau  atténué  des 
signes  que  nous  avons  déjà  décrits.  La  contracture  en  particulier  est 
beaucoup  moins  développée,  elle  est  même  parfois  pour  ainsi  dire 
latente,  aussi  les  membres  peuvent-ils  être  maniés  assez  facilement, 
sans  qu'on  éprouve  une  grande  résistance  De  même,  Vélément  paré- 
tique  est  fort  peu  accentué,  les  malades  exécutent  de  nombreux  mou- 
vements avec  leurs  jambes  qui  restent  assez  souples.  Les  mouvements 
sont  assez  précis,  mais  ils  sont  toujours  gênés  par  la  raideur  qui  ne 
manque  jamais. 

Il  ne  faudrait  pas  croire  en  effet  que  chez  tous  les  malades  capables 
de  marcher,  la  contracture  est  presque  nulle  ou  même  peu  prononcée  ; 
nous  avons  au  contraire  rencontré  de  ces  malades  chez  qui  elle  attei- 
gnait un  degré  excessif,  même  au  repos  ;  chez  les  autres  elle  était 
toujours  très  manifeste.  Nous  n'avons  remarqué  de  contraste  bien 
frappant  entre  le  faible  développement  de  la  contracture  et  le  degré 
accentué  d'exaltation  des  réflexes  que  dans  les  formes  très  légères. 

Les  mouvements  volontaires  sont  en  général  exempts  d'incoordi- 
nation, mais  présentent  parfois  une  certaine  brusquerie,  les  membres 
se  détendent  un  peu  comme  un  ressort. 

Les  réflexes  tendineux  des  membres  inférieurs  (réflexe  rotulien, 
réflexe  du  tendon  d'Achille,  des  extenseurs,  réflexes  périostiques,  etc.), 
sont  d'ordinaire  très  marqués,  on  provoque  aussi  facilement  le  trem- 
blement de  la  rotule  et  le  phénomène  du  pied. 

Si  la  raideur  musculaire  est  en  général  peu  saillante  lorsque  le 
malade  est  au  lit,  en  plein  repos  ;  la  contracture  ordinairement  latente 
ne  tarde  pas  à  se  manifester  lorsqu'il  entre  en  activité  et  elle  s'exagère 
à  mesure  que  le  mouvement  se  complique. 

Dès  que  le  malade  est  assis,  les  mouvements  sont  déjà  moins  libres, 
les  genoux  se  rapprochent  et  il  ne  peut  les  écarter  que  difficilement. 
Si  on  lui  ordonne  de  croiser  une  cuisse  sur  l'autre,  il  soulève  un  peu 
le  pied  au-dessus  du  sol,  mais  il  ne  parvient  pas  à  exécuter  le  mouve- 
ment prescrit,  sans  le  secours  de  ses  mains.  Ce  n'est  pas  tant  la 
faiblesse  musculaire  que  la  raideur  qui  s'oppose  au  mouvement,  on 
en  acquiert  bien  vite  la  certitude  en  explorant  la  résistance  muscu- 
laire aux  mouvements  passifs.  Si  l'on  ordonne  au  malade  d'allonger 


—  195  — 


la  jambe  et  de  s'opposer  à  la  flexion  communiquée,  on  constate  que 
les  muscles  se  contractent  bien  et  que  la  résistance  est  assez  éner- 
gique ;  mais  les  jambes  sont  raides,  on  les  déplace  diflicilement,  on 
sent  une  sorte  de  résistance  permanente  que  le  malade  ne  fait  qu'exa- 
gérer quand  il  cherche  à  aider  au  mouvement. 

Souvent  les  jambes  sont  prises  de  tremblement  lorsqu'elles  sont 
dans  une  fausse  position,  lorsque  la  pointe  qui  tend  à  s'abaisser  repose 
seule  sur  le  plancher. 

Les  mouvements  spontanés  sont  d'autant  moins  libres  qu'ils 
sont  plus  compliqués,  aussi  est-ce  dans  la  marche  que  la  roideur 
atteint  son  maximum  d'intensité. 

De  même  que  la  démarche  de  l'ataxique  donne  la  mesure  de  l'incoor- 
dination motrice  dont  il  est  atteint,  de  même  le  malade  frappé  de 
paraplégie  spinale  spasmodique  offre  dans  la  marche  une  allure 
caractéristique  de  son  affection.  L'élément  dominant  est  la  raideur 
des  jambes  bien  que  les  malades  ne  soient  pas  tous  atteints  au  même 
degré  ;  quelques-uns  ne  peuvent  avancer  sans  le  secours  de  béquilles, 
d'autres  ne  quittent  jamais  leurs  deux  cannes,  d'autres  enfin  peuvent 
à  la  rigueur  marcher  assez  longtemps  sans  cet  appui. 

Lorsque  le  malade  se  met  en  marche,  les  différents  segments  des 
membres  inférieurs  se  placent  dans  une  position  fixe  qu'ils  ne  quittent 
plus:  les  jambes  sont  étendues,  mais  l'extension  n'est  généralement 
pas  complète,  les  genoux  sont  légèrement  fléchis,  ont  tendance  à  se 
tourner  l'un  vers  l'autre,  et  à  se  rapprocher  ;  les  pieds  sont  abaissés 
en  sorte  que  la  pointe  appuie  fortement  sur  le  sol  et  est  aussi  un  peu 
tournée  en  dedans.  A  chaque  pas,  le  malade  se  soulève  d'une  manière 
exagérée  sur  le  pied  qui  reste  en  arrière  ;  la  jambe  portée  en  avant  reste 
raide,  la  pointe  du  pied  racle  le  sol  dont  elle  heurte  les  aspérités,  les 
genoux  frottent  l'un  contre  l'autre  et  les  jambes  ont  tendance  à  se 
croiser.  Les  mouvements  se  passent  dans  l'articulation  coxo-fémorale 
tout  en  étant  très  limités  ;  parfois  même  cette  articulation  est  com- 
plètement immobilisée  par  la  contracture  des  muscles  pelvi-trochan- 
tériens  (obs.  136).  Dans  ces  conditions,  la  projection  alternative  de 
l'une  et  de  l'autre  jambe  n'est  possible  que  par  un  balancement  latéral 
du  tronc  et  un  mouvement  de  rotation  du  bassin  qui  impriment  à  la 
marche  un  cachet  particulier.  Le  mouvement  de  balancement  et  de 
rotation  du  tronc  joint  au  rapprochement  des  genoux  légèrement 


—  m  — 


fléchis  et  à  la  convergence  des  pieds  donne  à  la  démarche  une  alhire 
qui  rappelle  celle  des  canards,  aussi  a-t-elle  été  caractérisée  par  le 
terme  de  «  démarche  des  gallinacés  ». 

Les  malades  ont  le  corps  penché  en  avant,  les  yeux  fixés  sur  le  sol 
dont  ils  redoutent  les  aspérités,  ils  avancent  péniblement,  raclant  le 
plancher,  usant  en  peu  de  temps  le  bout  de  la  semelle  de  leurs  sou- 
liers malgré  la  ferrure  dont  on  a  soin  de  le  garnir  dans  certains 
hospices  (Bicètre).  On  sent  qu'ils  font  à  chaque  pas  un  effort  consi- 
dérable ;  inclinés  en  avant,  les  deux  mains  appuyées  sur  des  cannes 
qu'ils  tiennent  toujours  devant  eux,  ils  semblent  tirer  leurs  jambes 
après  eux  et  traîner  des  semelles  de  plomb. 

On  comprend  que,  selon  l'intensité  de  la  contracture  et  de  la  parésie, 
la  marche  est  plus  ou  moins  pénible.  Certains  malades  ne  peuvent 
faire  que  quelques  pas  avec  beaucoup  de  peine,  d'autres'  au  contraire 
font  de  longues  courses  en  s"aidant  de  leur  canne,  mais  ils  éprouvent 
une  fatigue  rapide  à  cause  des  efforts  que  nécessite  la  raideur  de  leurs 
membres.  Ils  ne  peuvent  jamais  prendre  une  allure  un  peu  vive, 
encore  moins  courir,  ils  butent  souvent  en  marchant,  éprouvent  une 
grande  difficulté  à  monter  un  trottoir  ou  des  escaliers,  font  des  chutes 
fréquentes  et  redoutent  particulièrement  les  terrains  inégaux  comme 
les  rues  mal  pavées. 

Les  malades  qui  n'ont  subi  qu'une  très  légère  atteinte  et  n'offrent 
qu'une  esquisse  de  paraplégie  spasmodique  se  reconnaissent  encore 
à  leur  démarche,  leur  allure  peut  être  assez  rapide,  mais  ils  avancent 
à  petits  pas,  sur  la  pointe  des  pieds,  les  jambes  serrées  ;  à  chaque 
pas  ils  se  soulèvent  vivement  comme  si  leurs  jambes  étaient  élastiques-, 
ce  qui  leur  donne  une  allure  sautillante. 

Lorsque  les  malades  sont  immobiles  dans  la  station  debout,  ils  sont 
assez  solides  sur  leurs  jambes,  ils  peuvent  même  supporter  un  homme 
sur  leurs  épaules  dans  les  conditions  ordinaires.  Les  yeux  fermés  ils 
ne  perdent  pas  l'équilibre;  on  observe  cependant  quelquefois  une 
ébauche  du  signe  de  Romherg  ou  même  une  perte  d'équilibre  com- 
plète à  l'occlusion  des  yeux.  Les  malades  qui  présentent  ce  signe  ont 
une  certaine  brusquerie  dans  les  mouvements,  ils  talonnent  en  mar- 
chant, leurs  pas  sont  mal  assurés,  ils  marchent  en  festonnant,  en 
somme  offrent  quelques  traits  du  syndrome  tabétique  (obs.  13(3,  140j. 
Le  fait  n'est  pas  rare  et  l'association  des  phénomènes  tabéto-spas- 


—  197  — 


modiques  s'explique  très  bien  par  la  localisation  des  altérations 
spinales. 

Les  troubles  de  la  sensibilité  sont  des  plus  légers,  dans  ces  formes 
de  moyenne  ou  de  faible  intensité.  Au  point  de  vue  objectif,  ou 
n"observe  souvent  rien  ou  presque  rien.  Pourtant,  dans  ces  formes 
peu  intenses,  on  trouve  une  diminution  de  la  sensibilité  tactile,  la 
perception  est  obtuse,  il  semble  au  malade  qu'on  le  touche  «  à  travers 
un  maillot  »  (obs.  128). 

La  perception  douloureuse  peut  être  amoindrie,  souvent  elle  est 
exaltée,  les  excitations  sont  mal  appréciées,  dénaturées,  exagérées,  un 
corps  froid  comme  un  verre  à  boire  appliqué  sur  la  peau  détermine  la 
sensation  d'une  brûlure,  etc.,  les  localisations  sont  erronées. 

Les  troubles  de  la  sensibilité  objective  ont  leur  siège  dans  les 
membres  inférieurs,  ils  empiètent  quelquefois  sur  la  partie  inférieure 
de  l'abdomen,  mais  ne  sont  jamais  à  cette  période  bien  accusés  ni 
franchement  limités  par  une  ligne  supérieure. 

Ils  offrent  généralement  leur  maximum  d'intensité  dans  les  extré- 
mités; les  malades  apprécient  mal  parfois  la  nature  du  sol  sur  lequel 
leurs  pieds  reposent,  mais  ce  symptôme  est  alors  beaucoup  moins 
fréquent  qu'au  début  de  l'affection. 

En  opposition  avec  l'affaiblissement  de  la  perception  sensitive,  on 
observe  généralement  une  exagération  dans  la  réaction  réflexe  de  la 
moelle  à  la  suite  des  excitations  cutanées. 

Quant  aux  douleurs,  elles  ne  dépassent  guère  la  période  d'accrois- 
sement de  l'affection  et  sont  exceptionnelles  dans  la  pliase  que  nous 
étudions.  C'est  à  peine  si  les  malades  éprouvent  par  instants  une  sen- 
sation de  pesanteur  dans  les  reins.  Le  rachis  est  encore  parfois  un  peu 
sensible  à  la  pression  sur  une  étendue  variable.  On  note  plus  souvent 
une  sensation  de  froid  ou  d'engourdissement  dans  les  membres  infé- 
rieurs. 

11  est  excessivement  rare  d'observer  des  douleurs  viscérales,  cepen- 
dant dans  un  cas  le  malade  s'est  plaint  de  violentes  douleurs  gastri- 
ques dont  la  nature  pouvait  à  la  vérité  être  discutée;  un  autre  malade 
éprouva  des  crises  vésicales  et  rectales  très  violentes  (obs.  127). 

Les  sphincters  sont  régulièrement  atteints  dans  leur  fonctionne- 
ment. Lorsque  les  malades  sont  capables  de  marcher,  ils  n'ont  pas 
d'incontinence  permanente  d'urine,  mais  ils  souffrent  d'envies  impé- 


—  198  — 


rieuses  et  les  besoins  sont  quelquefois  assez  rapprochés  pour  que  les 
malades  soient  astreints  au  port  d'un  urinai  en  caoutchouc.  Faute  de 
cette  précaution,  ils  sont  exposés  à  uriner  dans  leurs  vêtemenls.  Dans 
certains  cas,  la  miction  survient  spontanément  à  l'occasion  d'un  mou- 
vement, au  moment  où  le  malade  se  lève  ou  s'assied,  lorsqu'il  tousse 
ou  fait  un  effort. 

A  côté  de  cette  miction  impérieuse  et  de  l'incontinence  éventuelle, 
les  malades  éprouvent  souvent  de  la  difficulté  à  uriner.  La  miction 
exige  de  grands  efforts,  nécessite  des  positions  bizarres,  et  ne  s'exé- 
cute parfois  qu'à  titre  d'acte  associé  ;  par  exemple  un  malade,  pour 
provoquer  la  miction,  était  forcé  de  piétiner  sur  place.  Enfin  elle  est 
souvent  incomplète,  le  malade  en  se  rhabillant  mouille  ses  vêtements. 

Les  troubles  rectaux  sont  généralement  moins  accusés,  il  existe 
d'ordinaire  une  tendance  marquée  à  la  constipation  ;  parfois  cependant, 
dans  les  efforts  de  la  miction,  les  gaz  intestinaux  s'échappent  et  les 
matières  lorsqu'elles  sont  liquides.  Le  même  accident  peut  se  produire 
spontanément  et  surprendre  le  malade  d'une  façon  inopinée  ;  ce  symp- 
tôme est  parfois  assez  gênant  pour  que  le  malade,  bien  qu'ayant  les 
jambes  assez  valides,  renonce  à  toute  course  un  peu  éloignée. 

Les  fonctions  géyiitales  sont  presque  toujours  sérieusement  com- 
promises, l'impuissance  est  le  plus  souvent  définitive,  on  observe 
cependant  quelquefois  une  certaine  amélioration  de  ce  côté  et  l'agé- 
nésie  n'est  pas  aussi  absolue  que  dans  la  période  initiale  de  l'affection. 
Dans  quelques  formes  légères  suivies  d'une  guérison  presque  complète, 
les  malades  ont  pu  se  marier  et  avoir  des  enfants,  mais  le  fait  n'a 
jamais  été  noté,  que  nous  sachions,  à  l'égard  d'un  malade  encore  en 
pleine  période  d'état  de  son  affection. 


I  3.  —  L'évolution. 


MARCHE.   DURÉE.    TERMINAISONS.  COMPLICATIONS 

La  marche  de  l'affection  présente  de  grandes  variations  ;  en  effet  la 
paralysie  peut  apparaître  presque  sans  prodromes,  atteindre  en  quel- 
ques heures  son  maximum  d'intensité  et  amener  rapidement  la  mort 
(en  trois,  dix,  vingt  jours,  quelques  semaines).  D'autres  fois,  au  con- 
traire, les  symptômes  se  montrent  lentement,  insidieusement,  évoluent 
pendant  des  mois  et  des  années. 

Il  semblerait  naturel  d'établir  immédiatement  une  division  entre 
les  formes  aiguës  et  les  formes  chroniques,  mais  entre  ces  deux 
extrêmes,  il  existe  bien  des  intermédiaires  et  les  accidents  aigus  loin 
d'être  spéciaux  aux  formes  rapides  s'observent  communément  au 
cours  des  formes  à  évolution  lente. 

Le  type  clinique  le  plus  complet  évolue  de  la  façon  suivante. 
Quelques  mois  ou  peu  d'années  après  l'infection  syphilitique,  le  sujet 
éprouve  un  certain  nombre  de  symptômes  spinaux  ou  cérébro-spinaux 
diffus,  ce  sont  ceux  que  nous  avons  décrits  dans  la  période  prémo- 
yiitoire,  et  présente  parfois  quelques  petits  accidents  aigus  passagers  : 
rétention  d'urine,  faiblesse  brusque  mais  transitoire  des  jambes,  puis 
finalement  une  atlaque  de  para,plégie  qui  peut  atteindre  son  maxi- 
mum en  quelques  heures. 

D'autres  fois,  il  n'y  a  pas  à  proprement  parler  d'ictus  spinal,  mais 
à  un  moment  donné  les  accidents  aigus  de  la  période  prémonitoire 
s'accentuent  assez  rapidement,  en  deux,  trois,  huit  jours.  Dans  les 
deux  cas,  le  malade  est  obligé  de  prendre  le  lit.  Alors  se  déroulent 
les  accidents  de  la  seconde  période  qui  confinent  le  malade  au  lit 
pendant  un  temps  plus  ou  moins  long  selon  leur  gravité. 

Dans  la  forme  moyenne,  au  bout  de  quatre,  six,  dix  mois,  les 
symptômes  graves  ont  disparu,  l'amélioration  est  survenue,  le  malade 
se  lève  et  entre  dans  la  phase  de  paraplégie  spasmodique. 


—  ^200  — 


Cette  dernière  période  présente  la  durée  la  plus  longue.  La  plupart 
des  malades,  après  avoir  bénéficié  d'une  certaine  amélioration  restent 
dans  un  état  stationnaire  pendant  des  dizaines  d'années.  D'autres 
(et  pour  ceux-là  la  période  des  accidents  aigus  a  été  d'ordinaire 
courte)  s'améliorent  lentement  mais  d'une  façon  sensible,  si  bien  qu'ils 
arrivent  à  un  état  tout  à  fait  satisfaisant  ;  ils  gardent  cependant  pres- 
que toujours  quelque  chose  de  leur  affection  :  de  la  raideur  des 
jambes,  une  difficulté  dans  la  miction,  etc.  Quelquefois,  par  contre, 
les  symptômes  de  la  période  aiguë  ont  une  gravité  exceptionnelle  et 
c'est  pendant  des  années  que  les  malades  restent  cloués  au  lit. 
Cependant,  l'affection  suivant  une  pente  favorable,  les  troubles 
trophiques  disparaissent,  la  contracture  reste  excessivement  intense; 
puis  à  la  longue,  après  quatre,  cinq  années  et  davantage,  le  malade 
parvient  à  se  remettre  debout  ;  ce  n'est  toutefois  qu'après  bien  des 
années  encore  qu'il  pourra  se  servir  de  ses  jambes  si  une  affection 
intercurrente  ou  une  complication  n'est  pas  venue  abréger  son  exis- 
tence. Enfin,  parfois  les  symptômes,  après  une  entrée  en  scène  brusque 
ou  à  la  suite  d'une  aggravation  lente  mais  progressive,  conservent 
leur  caractère  de  gravité  ;  au  lieu  de  s'atténuer  après  avoir  atteint  une 
certaine  intensité,  ils  persistent  et  s'accentuent  jusqu'à  la  mort. 
L'affection  dans  ce  cas  a  duré  dix,  quinze,  vingt  mois  et  le  malade  ne 
s'est  pas  relevé.  La  mort  est  alors  le  résultat  de  l'extension  progres- 
sive de  l'altération  de  la  moelle,  comme  elle  peut  être  la  conséquence 
d'une  lésion  qui  atteint  d'emblée  son  maximum  dans  certaines  formes 
suraiguës. 

Dans  les  formes  suraiguës,  la  période  prodromique  manque  sou- 
vent ou  passe  inaperçue,  le  malade  est  frappé  brutalement  d'une 
attaque  apoplectiforme  et  la  mort  survient  au  bout  de  dix,  vingt, 
trente  jours,  deux  mois,  quelquefois  d'avantage,  en  tous  cas  dans 
un  délai  assez  restreint.  En  opposition  avec  ces  cas  suraigus,  il 
existe  des  exemples  assez  nombreux  de  malades  qui  arrivent  lentement, 
sans  à-coup,  à  la  période  de  paraplégie  spasmodique;  leur  affection 
s'accentue  peu  à  peu,  puis  reste  stationnaire  pendant  des  années  et 
finalement  présente  une  certaine  amélioration.  Beaucoup  de  ces 
malades  n'ont  jamais  été  obligés  de  garder  le  lit  pendant  plusieurs 
jours,  les  phénomènes  se  sont  développés  peu  à  peu,  la  raideur  s'est 
installée  en  même  temps  qu'un  certain  degré  de  parésie  ;  les  symp- 


—  201  — 


tomes  douloureux  et  paralytiques  s'enchevêtrent  et  les  différentes 
phases  que  nous  avons  décrites  n'existent  plus. 

Cependant,  dans  ces  formes  à  évolution  chronique,  il  survient 
parfois  des  aggravations  brusques,  et  les  malades  rentrent  alors  dans 
le  cadre  que  nous  avons  tracé. 

En  interrogeant  avec  soin  les  malades  dont  l'affection  présente 
l'ensemble  d'une  évolution  chronique,  on  trouve  souvent  dans  leurs 
antécédents  de  petits  accidents  aigus  qui,  sans  faire  perdre  à  l'affec- 
tion son  caractère  de  forme  chronique,  établissent  une  transition  entre 
les  différentes  formes  que  nous  avons  signalées. 

Enfin,  il  existe  certaines  formes  atténuées  dans  lesquelles  l'affection 
semble  ne  pas  dépasser  la  période  prémonitoire,  les  symptômes  se 
prolongent  pendant  quelquefois  des  mois  et  des  années  avec  leur 
caractère  de  faible  intensité,  les  antécédents  aigus  ou  graves  manquent 
et  laguérison  complète  peut  être  obtenue  par  un  traitement  spécifique 
bien  entendu. 

Bien  que  la  période  pendant  laquelle  les  accidents  progressent  pré- 
sente souvent  une  très  longue  durée  (plusieurs  mois,  des  années)  et 
qu'elle  puisse  offrir  à  intervalles  plus  ou  moins  éloignés  des  phases 
d'aggravation,  le  plus  ordinairement,  lorsque  la  phase  aiguë  s'est 
manifestée,  si  l'amélioration  est  survenue  et  a  abouti  à  la  phase  sta- 
tionnaire,  on  n'observe  pas  de  récidive. 

Ce  que  nous  avons  dit  des  différents  modes  d'évolution  de  l'affection 
montre  que  la  durée  totale  est  excessivement  variable,  elle  dépend 
surtout  du  mode  de  terminaison. 

On  peut  observer  quatre  modes  de  terminaison: 

La  mort  ; 

L'état  stationnaire  après  une  certaine  amélioration  ; 
L'amélioration  progressive  ; 
La  guérison. 

La  mort  peut  être  très  précoce,  dans  les  formes  suraiguës,  à  la 
suite  d'accidents  bulbaires.  Nous  ferons  remarquer  incidemment  que 
ces  derniers  accidents  peuvent  également  se  montrer  plus  tard  au 
cours  de  l'évolution  de  l'affection  et  avoir  les  mêmes  conséquences. 

Dans  les  autres  formes  graves,  la  mort  résulte  ordinairement  des 
lésions  de  décubitus,  et  elle  est  d'autant  plus  prématurée  que  ces  alté- 
rations se  développent  plus  rapidement.  Des  escarres  profondes  met- 


—  202  — 


tent  à  nu  le  sacrum  et  les  trochanters,  le  canal  sacré  peut  même  être 
ouvert  et  le  canal  rachidien  entrer  en  communication  avec  le  clapier 
purulent  et  gangréneux.  La  peau  est  décollée  par  des  abcès  qui  fusent 
jusque  dans  la  fesse  ou  la  région  lombaire.  Les  urines  deviennen 
troubles,  ammoniacales,  on  observe  de  la  cystite  purulente.  Les  ma- 
lades succombent  alors  à  une  infection  purulente  avec  des  abcès  dans 
les  viscères  ou  à  une  pyélonéphrite  ascendante,  à  une  néphrite  infec- 
tieuse avec  abcès  miliaires  multiples. 

On  peut  observer  également  l'ulcération,  la  perforation  de  la  vessie 
et  une  péritonite  suraiguë. 

La  mort  est  le  terme  fréquent  des  formes  aiguës,  mais  elle  peut 
également  succéder  aux  formes  qui  s'aggravent  progressivement. 

La  persistance  à  l'état  chronique  d'une  paraplégie  spasmodique 
d'intensité  variable  est  pour  ainsi  dire  l'aboutissant  naturel  des  acci- 
dents qui  répondent  à  l'établissement  du  ramollissement  médullaire 
syphilitique.  Les  malades  arrivent  à  cette  phase  soit  en  passant  par  une 
phase  d'accidents  aigus,  soit  lentement  et  progressivement.  De  toutes 
façons,  la  destruction  d'une  certaine  étendue  du  parenchyme  médul- 
laire une  fois  effectuée,  le  tissu  nerveux  pourra  peut-être  se  régénérer 
dans  une  certaine  mesure,  mais  la  lésion  scléreuse  une  fois  développée 
persiste  et  s'oppose  à  la  reconstitution  ad  integrum  du  tissu  dégénéré. 
Le  fait  est  prouvé  par  les  autopsies  faites  dix,  quinze,  vingt  ans  après 
le  début  de  l'affection  (cas  n"  IV,  n"  V,  n"  VL  n°  VII). 

Aussi  bien  les  malades  peuvent-ils  présenter  une  certaine  amélio- 
ration, encore  que  cette  amélioration  ne  survienne  qu'après  de  longues 
années,  mais  la  guérison  complète  est  très  rare  et  ne  s'observe  que 
dans  certaines  circonstances  spéciales. 

Lorsque  l'affection  ne  dépasse  pas  la  période  prodromique,  alors 
que  les  altérations  vasculaires  ne  sont  pas  assez  prononcées  pour 
amener  la  nécrose  du  tissu  nerveux,  les  lésions  primitives  vasculaires 
et  méningées,  sous  l'influence  du  traitement  ou  pour  toute  autre  cause, 
s'arrêtent  dans  leur  évolution  et  même  rétrocèdent.  Les  symptômes 
disparaissent  alors  peu  à  peu  et  la  moelle  peut  reprendre  intégrale- 
ment sés  fonctions. 

Dans  ce  cas,  le  tableau  symptomatique  est  très  atténué,  et  la  ma- 
ladie a  pour  ainsi  dire  avorté. 

Mais  il  est  remarquable  de  voir  certaines  paraplégies  spinales  à 


-  '203  — 


début  suraigu,  revêtant  tout  d'abord  les  aspects  des  formes  les  plus 
graves,  s'améliorer  en  quelques  jours,  en  quelques  semaines  et  même 
se  terminer  par  une  guérison  complète.  Il  faut  admettre  que,  dans  ces 
cas,  un  trouble  circulatoire  très  étendu  a  déterminé  dans  une  portion 
considérable  de  la  moelle  une  suppression  brusque  des  propriétés 
physiologiques,  mais  que  l'anémie  n'a  pas  été  assez  prononcée  pour 
faire  disparaître  la  vitalité  du  tissu  compromis  dans  son  fonctionne- 
ment et  amener  la  nécrose. 

Le  même  phénomène  s'observe  à  la  suite  de  certaines  hémiplégies 
liées  à  des  troubles  circulatoires  du  cerveau,  la  paralysie  peut  appa- 
raître brusquement,  avec  un  caractère  d  intensité  remarquable,  et 
disparaître  au  bout  d'un  certain  temps  sans  laisser  de  traces. 

Ce  serait  peut-être  le  cas  d'appliquer  à  ces  paralysies  le  terme  de 
paralysies  foyictioimelles. 


§4.  —  Formes  anatoini<|ue$  et  clinîtiues. 


Les  éléments  qui  servent  à  caractériser  les  différentes  formes  de 
l'affection  sont  empruntés  à  la  marche,  à  l'intensité  et  à  la  localisa- 
tion des  lésions. 

On  peut  ainsi  distinguer  : 

Des  formes  aiguës  et  des  formes  chroniques  ; 

Des  formes  graves  et  des  formes  légères. 

Nous  avons  déjà  suffisamment  insisté  sur  les  caractères  de  ces 
formes,  en  indiquant  les  différents  modes  d'évolution  et  les  différents 
degrés  de  gravité. 

Mais  nous  n'avons  considéré  qu'une  seule  localisation,  celle  qui 
correspond  à  la  forme  commune. 

A.  —  F'ORME  COMMUNE 

Dans  cette  forme,  la  destruction  des  éléments  nerveux  occupe  une 
étendue  plus  ou  moins  considérable  des  régions  dorsale  ou  lombaire 
de  la  moelle. 

Lorsque  le  foyer  intéresse  toute  la  coupe  de  la  moelle  et  se  produit 
rapidement,  l'affection  a  un  début  brusque  et  se  montre  très  sévère, 
la  paraplégie  est  totale,  l'atrophie  musculaire  et  les  troubles  trophiques 
graves  se  manifestent  rapidement,  et  la  mort  est  la  terminaison  ordi- 
naire. Dans  les  cas,  au  contraire,  qui  parcourent  les  différents  stades 
que  nous  avons  décrits  et  qui  aboutissent  soit  après  un  début  aigu, 
soit  par  une  évolution  progressive  à  la  phase  de  paraplégie  spasmo- 
dique  persistant  à  l'état  chronique,  la  destruction  des  éléments 
nerveux  prend  l'aspect  d'une  lésion  transverse  assez  mal  limitée,  qui 
occupe  un  étage  variable  de  la  région  dorsale,  mais  laisse  ordinaire- 
ment intact  le  renflement  lombaire.  La  lésion  n'envahit  pas  toute 
l'étendue  transversale  du  segment  intéressé,  elle  est  surtout  marquée 
dans  la  substance  blanche.  La  substance  grise,  toutefois,  n'est  pas 


—  205  — 


intacte,  quoi  qu'on  en  ait  dit.  Dans  notre  cas  n°  IV,  où  il  n'a  pas  été 
noté  d'atrophie  musculaire  bien  caractérisée,  les  lésions  de  la  substance 
grise  étaient  cependant  très  accentuées  dans  la  région  dorsale.  Il  est 
à  remarquer  cependant  que  les  centres  gris  de  la  région  lombaire 
conservent  d'ordinaire  leur  intégrité  complète  ;  aussi  l'atrophie  muscu- 
laire épargne-t-elle  les  membres  inférieurs. 

Souvent,  les  lésions  dégénératives,  au  lieu  de  constituer  un  foyer 
plus  ou  moins  bien  limité,  sont  disséminées  sur  une  longue  étendue  de 
la  moelle;  elles  affectent  particulièrement  les  zones  marginales  dont  la 
nutrition  souffre  en  premier  lieu  de  l'altération  des  vaisseaux  périphé- 
riques. Mais  l'ensemble  des  altérations  produit,  en  définitive,  les  effets 
d'une  lésion  transverse,  ainsi  que  le  prouve  la  dégénérescence  se-^on- 
daire  des  cordons  de  GoU  et  des  faisceaux  pyramidaux. 

Lorsque  les  lésions  sont  très  disséminées,  la  sclérose  secondaire 
du  cordon  de  GoU  et  des  pyramides  latérales  étant  seule  bien  carac- 
térisée, l'affection  peut  simuler  une  sclérose  combinée  primitive, 
mais  ce  n'est  là  qu'une  apparence.  En  effet,  dans  ce  cas,  les  lésions 
primitives  répandues  çà  et  là,  peu  étendues,  ne  constituent  aucun 
foyer  ;  elles  peuvent  échapper  à  l'examen  ou  paraître  négligeables. 
Cependant  de  nombreux  tubes  nerveux  sont  détruits,  tantôt  isolément, 
tantôt  par  petits  groupes,  un  peu  partout,  principalement  dans  les 
zones  marginales  ;  toutes  ces  lésions  sont  rassemblées  dans  les  fais- 
ceaux ascendants  ou  descendants  qui  dégénèrent  secondairement, 
et  leur  altération,  plus  concentrée,  paraît  primitive. 

Cette  disposition  est  assez  particulière  aux  formes  lentes  dans 
lesquelles  il  n'existe  pas  de  foyers  étendus  de  nécrose,  mais  des  lésions 
diffuses  causées  par  des  troubles  circulatoires  peu  accentués,  mais 
persistants  et  très  disséminés.  C'est  sans  doute  de  cette  façon  qu'il 
faudrait  interpréter  certaines  observations  de  paraplégie  syphilitique 
dont  la  lésion  anatomique  semblait  constituée  par  une  sclérose  primi- 
tive des  cordons  de  Goll  et  des  faisceaux  pyramidaux.  Tel  est  peut- 
être  le  cas  rapporté  par  T.  Williamson  (1). 

Un  homme,  quelques  mois  après  un  chancre,  avait  été  pris  subite- 
ment d'une  rétention  d'urine  et  d'une  faiblesse  de  la  jambe  gauche, 

(1)  T.  Williamson.  The  changes  inthe  spinal  cord  in  a  case  of  syphilitic  para- 
plegia;  sclerosis  of  the  latéral  pyramidal  tracts  and  Goll's  columns,  with  peripheral 
sclerosis.  3Ied.  C'hronicle,  1891,  n"  4. 


-  206  — 


puis  d'une  paraplégie  presque  subite.  Les  phénomènes  s'amendèrent, 
mais  la  paraplégie  reparut  brusquement  quelques  mois  après.  Elle 
fut  alors  définitive  et  persista  jusqu'à  la  mort  du  malade,  neuf  ans 
après.  Les  principaux  symptômes  furent  la  paralysie  avec  roideur 
très  prononcée  des  jambes,  incontinence  des  urines  et  des  matières 
fécales,  cystite  ammoniacale,  constipation,  douleurs  à  l'épigastre, 
nausées,  éructations;  mais  pas  de  constriction  tlioracique,  et  la  sensi- 
bilité des  jambes  était  intacte.  C'est  un  tableau  clinique  que  nous 
connaissons  bien.  On  trouva,  à  l'autopsie,  une  sclérose  du  faisceau 
pyramidal  dans  toute  la  longueur  de  la  moelle,  une  sclérose  du  cordon 
de  Goll  et  du  faisceau  cérébelleux  direct,  depuis  la  partie  supérieure 
de  la  région  dorsale  ;  il  existait,  de  plus,  une  dégénérescence  de  la 
zone  marginale  dans  la  partie  cervicale  de  la  moelle. 

Il  est  probable  que,  dans  les  cas  de  cette  nature,  les  lésions  primi- 
tives sont  diffuses  et  très  disséminées,  ou  qu'elles  prédominent  dans 
le  territoire  du  système  vasculaire  postéro-latéral  qui  intéresse  préci- 
sément les  fibres  tributaires  des  cordons  de  Goll  et  des  faisceaux 
pyramidaux. 

B.  —  Autres  localisations 

Les  altérations  peuvent  présenter  leur  maximum  d'intensité  dans 
des  régions  de  la  moelle  autres  que  la  région  dorsale  et  donner  lieu 
à  des  aspects  cliniques  qui  s'écartent  de  ceux  de  la  forme  commune. 

Bien  que  les  lésions  nécrobiotiques  qui  constituent  l'élément  prin- 
cipal des  altérations  dans  la  syphilis  médullaire  se  rassemblent 
souvent  en  foyer,  elles  ne  sont  pas  exclusivement  limitées  à  une  région; 
aussi,  toute  localisation  précise,  telle  qu'elle  a  été  tentée  par  Gajkie- 
wicz  (1),  est-elle  forcément  un  peu  schématique.  L'auteur  décrit 
les  symptômes  cliniques  auxquels  donneraient  lieu  les  localisations 
suivantes  : 

1"  Cône  terminal  de  la  moelle  et  queue  de  cheval  ; 

2°  Partie  inférieure  du  renflement  lombaire  ; 

3°  Partie  supérieure  du  même  renflement  ; 

4°  Région  dorsale  inférieure  ; 

5°  Régions  dorsales  moyenne  et  supérieure  ; 

6°  Renflement  cervical  ; 

(1)  Gajkiewicz.  Syphilis  du  système  nerveux.  Paris,  1892,  p.  124. 


—  207  — 


7°  Partie  supérieure  de  la  moelle. 

Il  est  évident  que  le  tableau  clinique  se  modifie  avec  le  niveau 
auquel  se  trouve  le  maximum  des  altérations  ;  que  selon  la  hauteur 
de  la  région  altérée,  on  verra  l'étendue  des  troubles  moteurs  et  sen- 
sitifs  présenter  une  limite  supérieure  plus  ou  moins  élevée  ;  mais 
cette  multiplication  des  formes  cliniques  ne  répond  pas  à  la  réalité. 

En  somme,  on  ne  peut  établir  de  véritable  distinction  qu'entre  les 
formes  qui  répondent  aux  trois  principales  localisations  suivantes  : 

Renflement  lombaire; 

Région  dorsale  ; 

Région  cervicale. 

Nous  connaissons  les  effets  delà  localisation  dorsale  qui  correspond 
à  la  forme  commune. 

La  destruction  du  renflement  lombaire  produit  une  paraplégie 
flasque  avec  atrophie  musculaire  dans  les  membres  inférieurs,  para- 
lysie des  sphincters,  anesthésie,  troubles  trophiques  graves,  etc.  Ce 
type  clinique  ne  se  distingue  de  la  forme  commune  que  par  l'intensité 
des  symptômes,  les  malades  n'arrivent  généralement  pas  à  la  période 
de  paralysie  spasmodique,  car  la  destruction  des  centres  gris  de  la 
région  lombaire  est  le  plus  souvent  suivie  de  mort  ;  nous  avons  éga- 
lement insisté  sur  cette  forme. 

Lorsque  les  lésions  ont  leur  maximum  dans  la  l'égion  cervicale,  la 
paralysie  envahit  les  quatre  membres,  rarement  les  deux  membres 
supérieurs  seulement;  les  troubles  subjectifs  de  la  sensibilité  affectent 
la  région  cervicale  et  la  ceinture  scapulaire.  L'anesthésie,  lorsqu'elle 
se  manifeste,  remonte  parfois  très  haut,  jusqu'à  la  partie  supérieure 
du  cou,  comme  dans  un  cas  de  Anderson  (1).  La  paralysie  des 
muscles  intercostaux,  la  paralysie  du  diaphragme  produisant  une 
dyspnée  intense,  le  malade  est  tourmenté  par  le  hoquet;  il  peut  s'y 
joindre  des  phénomènes  vaso-moteurs,  des  tî*oubles  oculo-pupillaires, 
des  phénomènes  cardiaques. 

Buttersack  (2)  a  observé  de  la  polyurie  et  de  la  polydipsie, 
M.  Mendel  (.3)  a  noté  ces  mêmes  symptômes  avec  un  certain  degré 
de  glycosurie. 

(1)  Andbeson.  On  a  case  of  syphilitic  disease  of  the  spinal  cord.  (ria-s/juw  incd. 
Journ.,  1888,  S.  4,  XXIX,  273-276,  1  pl. 

(2)  Bdttersack.  Archir.  fiir  Psi/ckiat rie,  Bd  XVtl,  H.  :i,  p.  603. 

(3)  Mendel  (de  Paris).  Ami.  de  âermat.  et  syph.,  mai  1893, 


—  208  — 


C.  —  Hémipahaplégie  syphilitique 

Dans  les  formes  communes  de  la  paralysie  spinale  syphilitique,  on 
observe  souvent  une  prédominance  des  symptômes  d'un  côté  et 
il  est  très  fréquent  de  voir,  au  début,  les  phénomènes  se  localiser 
pendant  un  certain  temps  dans  un  membre  avant  d'envahir  celui  du 
côté  opposé,  mais  généralement  au  bout  de  quelque  temps  les  deux 
jambes  sont  prises. 

Parfois  cependant,  les  phénomènes  paralytiques  restent  pendant 
très  longtemps  unilatéraux,  et  donnent  lieu  au  syndrome  caracté- 
ristique qu'on  désigne  par  le  terme  de  syndrome  de  Brown- 
Séquctrd  du  nom  de  l'auteur  qui  l'a  le  mieux  décrit.  Déjà  en  1867, 
Folet  (1)  rapportait  une  observation  d'hémiparaplégie  avec  anes- 
thésie  croisée  d'origine  syphilitique.  Il  s'agissait  d'un  homme  de 
37  ans  qui,  en  trois  jours,  fut  pris  d'une  paralysie  complète  de  la 
jambe  droite;  la  jambe  gauche,  au  contraire,  était  très  peu  atteinte.  La 
perception  de  la  douleur  et  de  la  température  était  conservée  dans  le 
membre  droit  paralysé,  et  abolie  du  côté  gauche.  Les  troubles  de  la 
motilité  et  les  altérations  de  la  sensibilité  douloureuse  et  thermique 
étaient  donc  croisés.  Après  deux  mois  de  traitement,  l'hémipara- 
plégie  était  améliorée,  mais  l'anesthésie  gauche  persistait  encore. 

Owen  Rees  (2)  signala,  en  1872,  l'hémianesthésie  croisée  avec 
l'hémiplégie  dans  la  syphilis. 

Mais  l'observation  la  plus  célèbre  est  celle  de  MM.  Charcot  et 
Gombault  (3)  (obs.  62),  le  syndrome  de  Brown-Séquard  s'y 
trouve  noté  dans  toute  sa  pureté.  On  observait  la  paralysie  avec 
hyperesthésie  dans  un  membre,  et  une  anesthésie  symétrique  du  côté 
opposé.  Enfin,  à  la  limite  supérieure  des  parties  atteintes,  existait 
une  zone  d'anesthésie  douloureuse. 

Hertel  (4)  a  rapporté  également  un  cas  d'hémilésion  de  la  moelle, 
d'origine  syphilitique. 

Puisque,  ainsi  que  nous  l'avons  constaté,  il  est  fréquent  de  voir  les 
symptômes  au  début  se  localiser  d'un  côté  avant  d'atteindre  les  deux 

(1)  Folet.  Bullet.  thérap.,  18G7. 

(2)  Owen  Eees.  Guy's  Huspital  Reports,  1872,  XVII. 

(3)  Chaecot  et  Gombault.  Areh.  de  pli.ysiol.,  1873. 

(4)  Hbktel.  Charité  Anmlen,  1890,  Bd  XV. 


—  209  — 


membres,  il  pourra  se  faire,  si  l'affection  rétrograde  avant  la  destruc- 
tion définitive  du  tissu  nerveux,  que  les  manifestations  disparaissent 
sans  passer  de  l'autre  côté.  Tel  est  le  cas  dans  une  observation  de 
Caizergues  (1)  concernant  un  sujet  de  23  ans  qui,  vingt-trois  mois 
après  un  chancre  syphilitique,  présenta  des  douleurs  très  vives  dans 
les  lombes  avec  irradiation  dans  les  membres  inférieurs.  En  trois  ou 
quatre  jours,  la  jambe  droite,  d'abord  faible,  se  paralysa  entièrement; 
le  pied  droit  traînait  tandis  que  la  jambe  gauche  était  intacte.  Le 
traitement  mixte  ayant  été  institué  huit  jours  après  le  début  de  l'affec- 
tion, quinze  jours  plus  tard  le  malade  était  guéri. 

D'autres  fois,  sans  être  absolument  unilatéraux,  les  symptômes 
peuvent  présenter  dans  leur  intensité ,  une  disposition  croisée. 
Dans  un  cas  de  Mackenzie  (2),  la  paralysie  était  totale  à  gauche,  et 
très  légère  à  droite,  tandis  que  l'anesthésie  était  absolue  à  droite,  et 
la  sensibilité  seulement  affaiblie  dans  le  membre  complètement 
paralysé. 

D.  —  Formes  pseudo-systématiques 

Nous  n'entreprendrons  pas  de  discuter  ici  l'influence  de  la  syphilis 
sur  le  développement  des  myélites  systématiques  dont  le  processus 
anatomique  est  tout  différent  de  celui  qui  caractérise  la  myélopathie 
syphilitique  que  nous  étudions.  Mais,  au  point  de  vue  clinique,  il  y  a 
1  une  distinction  à  établir  entre  les  affections  systématisées  vraies  et 
certains  syndromes  qui  résultent  de  la  prédominance  des  lésions 
diffuses  dans  certains  systèmes  de  l'axe  spinal. 

Nous  avons  noté,  au  cours  de  la  description  de  la  forme  clinique 
commune  des  symptômes  qui  appartiennent  au  syndrome  tabétique; 
il  arrive  parfois  que  le  tableau  clinique  se  complète  et  simule  plus  ou 
moins  fidèlement  le  tabès  ordinaire.  De  même,  certains  symptômes 
comme  l'atrophie  musculaire,  la  contracture,  le  tremblement,  les 
phénomènes  céphaliques  peuvent  par  leur  prédominance  ou  leur  asso- 
ciation rappeler  la  poliomyélite  antérieure,  la  sclérose  en  plaques,  la 
sclérose  latérale,  etc. 


(1)  Caizergues.  Loc.  cit.,  obs.  XI,  p.  103. 

(2)  Mackenzie.  A  case  of  hemiparaplegia  spinalis.  Tke  Lancd,  9  juin  1881^. 

S.  li 


—  210  — 


a)  Myélopsithie   syphilitique  à  forme  de  tabès  (iJseudo-tabes 

syphilitique). 

Le  syndrome  tabétique  peut  se  montrer  plus  ou  moins  complet  à  la 
suite  d'une  attaque  de  paraplégie  et  dans  la  période  d'amélioration 
de  l'affection,  d'autres  fois  il  se  développe  progressivement  et  repré- 
sente assez  fidèlement  le  tabès  vrai  résultant  de  l'altération  typique 
du  système  radiculaire  postérieur.  Le  plus  ordinairement  toutefois, 
l'affection  conserve  dans  son  évolution  un  certain  nombre  de  traits 
qui  la  distinguent  du  tabès  systématique,  et  le  syndrome  n'est  pour 
ainsi  dire  jamais  pur.  Ce  qu'on  observe  le  plus  souvent,  c'est  l'aspect 
clinique  que  l'on  décrit  sous  le  nom  de  tabès  combiné  dans  lequel 
l'élément  spasmodique  et  l'élément  tabétique  prédominent  suivant  les 
cas. 

Cependant  on  peut  observer  un  tableau  symptomatique  qui  rappelle 
d'une  façon  presque  parfaite  le  tabès  vrai.  Oppenlieim  (1)  en  rap- 
porte un  exemple  remarquable  et  d'autant  plus  probant  que  l'examen 
anatomique  a  montré  les  altérations  propres  à  la  myélopathie  syphi- 
litique :  une  femme  de  31  ans  manifestement  syphilitique  présenta 
des  douleurs  dans  les  jambes  et  une  abolition  des  réilexes.  Ces  symp- 
tômes s'améliorèrent  d'abord  par  le  traitement  spécifique,  mais  ils 
reparurent  bientôt  ;  ce  furent  :  des  douleurs  lancinantes,  des  troubles 
de  la  sensibilité,  l'abolition  des  réilexes,  le  signe  de  Romberg,  des 
trouljles  vésicaux,  des  paralysies  oculaires  avec  immobilité  de  la 
pupille,  des  symptômes  bulbaires,  crises  laryngées,  etc.;  finalement 
la  mort  survint  trois  ans  après  le  début  de  l'affection.  A  l'autopsie, 
on  constata  un  épaississement  des  méninges  avec  infiltration;  un 
foyer  d'altération  transverse  de  la  moelle  à  l'union  des  régions  dor- 
sales moyenne  et  inférieure,  et  long  de  2  à  3  centim.  et  une  dégé- 
nérescence de  la  zone  marginale  dans  le  reste  de  la  moelle.  Il  y  avait 
de  plus  une  dégénérescence  secondaire  ascendante  et  descendante. 
Les  zones  radiculaires  n'étaient  pas  très  affectées,  mais  la  région 
bulbaire  présentait  des  altérations  manifestes.  Les  vaisseaux  de  la 

(1)  Oppenheim.  TJeber  einen  Fall  von  syphilitischer  Erkrankung  des  centralen 
Nervensystems  welche  voriibergeliend  das  klinische  Bild  der  Tabès  dorsalis 
vortâuschte.  Berlin,  lilin.  Wuchm.,  1888,  n°  53,  p.  1061. 


—  211  — 


moelle  offraient  les  lésions  caractéristiques  :  endartérite  et  surtout 
périartérite. 

On  doit  à  Ewald  une  observation  analogue. 

Observation  100  (résumée). 

Ewald.  Ein  unter  dem  klinisclien  Bilde  der  Tabès  vorlaufender  Fall 
von  syphilitischer  (?)  Rûckenmarkserkrankung.  Berlin,  klin.  Wo- 
chenschr.,  1893,  XXX,  284-288 

Histoire  clinique.  —  Homme,  42  ans.  N'aurait  pas  eu  la  syphilis. 
Bonne  santé  or(Hnairenient.  En  1878,  rhumatisme  articulaire;  puis 
plusieurs  manifestations  analogues.  A  la  suite  d'une  poussée  articulaire, 
le  genou  gauche  s'est  tuméfié  et  le  malade  doit  se  servir  d'une  canne. 
Pas  de  douleurs  fulgurantes  ni  de  douleurs  en  ceinture. —  litat  en  1889  : 
difficulté  de  la  marche;  la  jambe  gauche  traîne,  le  pied  droit  talonne. 
Signe  de  Romberg,  pei-te  de  l'équilibre  dans  le  demi-tour.  Arthrite  du 
genou  gauche.  Pied  gauche  en  varus  avec  flexion  plantaire.  Abolition 
des  réflexes  crémastériens  et  des  réflexes  rotuliens.  Sensibilité  objec- 
tive intacte  sauf  pour  la  perception  de  la  pression  et  de  la  température 
au  niveau  des  cuisses.  Pupilles  inégales,  perte  des  réfle.xes  lumineux. 
Intégrité  des  réactions  électriques.  Absence  de  douleurs.  Diagnostic  : 
tabès  dorsal  et  arthropathie  consécutive.  Mort  par  septicémie. 

Examen  histologique  de  la  moelle.  —  Au  niveau  du  renflement  lom- 
baire, épaississement  de  la  dure-mère  correspondant  à  une  prolifération 
cellulaire.  Épanchement  sanguin  dans  la  pie-mère  et  l'arachnoïde.  Dans 
les  racines  rachidiennes,  épaississement  de  la  névroglie  et  dilatation 
des  vaisseaux.  La  pie-mère  est  épaissie,  fibreuse,  ses  vaisseaux,  en 
particulier  l'artère  spinale  antérieure,  ont  leurs  parois  très  altérées  : 
endartérite,  épaississement  de  la  tunique  musculaire  et  infiltration  de 
l'adventice.  Veines  dilatées,  à  parois  infiltrées.  Les  vaisseaux  de  la 
moelle  présentent  les  mêmes  modifications.  Les  travées  pie-mériennes 
intramédullaires  sont  épaissies  surtout  dans  le  cordon  postérieur  qui 
est  envahi  par  la  sclérose.  Les  autres  parties  des  cordons  blancs  sont 
intactes.  Disparition  du  réseau  fibrillaire  des  colonnes  de  Çlarke.  H 
existe  de  plus  des  nodules  d'infiltration  intramédullaire  dans  la  région 
cervico-dorsaie  et  dans  la  région  lombaire. 

On  retrouve  en  somme,  dans  ce  dernier  cas,  les  lésions  communes 
de  la  syphilis  médullaire,  et  l'auteur  fait  lui-même  remarquer  qu'il 
ne  s'agissait  nullement  de  la  sclérose  classique  des  cordons  posté- 
rieurs, mais  de  lésions  d'une  autre  nature  qui,  par  leur  localisation 
prédominante  dans  ces  cordons,  avaient  donné  lieu  au  tableau  clinique 
presque  complet  du  tabès  dorsal. 


—  212  — 


A  côté  de  cette  forme  dont  la  nature  ne  laisse  aucun  doute,  il  existe 
un  certain  nombre  de  faits  anatomiques  dont  l'interprétation  est  assez 
délicate  ;  nous  voulons  parler  des  autopsies  dans  lesquelles  les  auteurs 
ont  constaté  des  lésions  des  cordons  postérieurs,  ne  se  distinguant  en 
rien  de  celles  du  tabès  et  coïncidant  avec  des  altérations  syphilitiques 
caractéristiques  des  vaisseaux  et  des  méninges.  Tels  sont  les  cas  de 
Eisenlohr,  de  Hoffmann,  celui  deMinor  que  nous  avons  déjà 
résumé  (obs.  80)  et  les  observations  suivantes  de  Kuhetde  Dinkler. 

Observation  101  (résumée). 

S.  KuH.  Ein  Fall  vou  Tabès  dorsalis  mit  Meningitis  spinalis  syphilitica. 
Arch.  f.  Psych.,  Bd  XXII,  1891,  p.  690. 

Histoire  cliniqui:.  —  Homme,  20  ans,  chancre  du  gland,  traitement 
mercuriel,  pas  de  symptômes  secondaires.  Décembre  1887,  début  rapide 
de  l'affection  par  de  l'incertitude  des  jambes  et  des  vertiges.  Traitement 
par  des  frictions  mercurielles  puis  par  des  courants  galvaniques.  Etat 
en  février  1888  :  pas  de  douleurs  lancinantes;  de  temps  en  temps,  crampes 
dans  les  jambes  ;  organes  internes  et  sphincters  intacts,  impuissance 
depuis  un  an,  pupilles  paresseuses,  intelligence  et  parole  intactes,  léger 
signe  de  Romberg,  réflexes  patellaires  abolis,  diminution  de  la  perception 
douloureuse  au  niveau  des  orteils. 

Eu  mai,  amélioration.  En  juin,  aggravation,  démarche  ataxique,  trou- 
bles de  la  sensibilité  plus  accentués.  En  septembre,  arthropathie  des 
deux  genoux.  Fin  de  mars  1889,  vertiges,  palpitations,  accès  d'oppres- 
sion, mort  subite. 

Autopsie.  —  Dégénérescence  des  cordons  postérieurs  et  des  zones 
radiculaires.  Au  niveau  de  la  queue  de  cheval,  congestion  très  marquée; 
dure-mère  légèrement  épaissie,  les  autres  enveloppes  molles  sont  infil- 
trées de  cellules.  Altérations  vasculaires  très  prononcées  :  infiltration, 
épaississement  considérable  des  parois.  L'infiltration  embryonnaire 
tantôt  se  limite  à  la  membrane  interne,  tantôt  envahit  toute  la  paroi. 
Sur  quelques  vaisseaux  elle  a  visiblement  son  point  de  départ  dans  les 
vasa-vasorum,  L'endartère  épaissi  forme  sur  quelques  vaisseaux  une 
saillie  qui  pénètre  dans  la  lumière  du  vaisseau  et  la  divise  en  deux, 
La  tunique  moyenne  est  aussi  fréquemment  d'une  épaisseur  anormale. 

L'auteur  pense  que  les  deux  processus  tabès  et  méningite  sont 
d'origine  syphilitique,  mais  que  le  premier  ne  relève  peut-être  pas  du 
second,  car  les  altérations  méningées  paraissent  plus  récentes  que 
celles  des  cordons  postérieurs,  de  plus,  elles  n'étaient  pas  exclusive- 


—  213  — 


ment  limitées  à  la  région  des  cordons  postérieurs,  mais  s'étendaient 
à  toute  la  moelle  et  même  aux  méninges  cérébrales. 

Observation  102  (résumée). 

DiNKLER.  Tabès  dorsalis  incipiens  mit  Meningitis  spinalis  syphilitica. 
Deutsche  Zeitschrift  fur  Nervenheilhunde,  1893.  Bd  III,  4unil  5  II. 
{Revue  Neurolog.,  mars  1893,  p.  120.) 

Histoire  clinique.  —  Homme,  42  ans,  issu  de  parents  nerveux  (mère 
épileptique).  Chancre  à  l'âge  de  27  ans.  Premières  douleurs  fulgurantes 
dans  les  jambes  en  1886  ;  ultérieurement,  troubles  vésicaux.  On  constate 
(avril  1891)  du  myosis  et  de  la  diminution  des  réflexes  pupillaires.  Pas 
d'ataxie ,  pas  de  signe  de  Romberg.  Les  troubles  de  la  sensibilité 
objective  se  bornent  à  une  hypo-algésie  assez  prononcée  des  extrémités 
inférieures  et  à  une  hyperesthésie  de  la  région  dorsale  et  lombaire  du 
rachis.  Réflexes  cutanés  conservés;  les  réflexes  tendineux  des  membres 
supérieurs  sont  très  forts  ;  aux  membres  inférieurs,  le  réflexe  patellaire 
droit  est  plus  faible  que  le  gauche  qui  est  normal.  Le  traitement  spéci- 
fique est  institué  sans  aucun  profit  ;  les  réflexes  rotuliens  sont  abolis 
quelques  semaines  plus  tard.  Octobre  1892,  douleurs  rachidiennes,  en- 
gourdissement des  mains  et  des  jambes  ;  pas  d'ataxie.  Mort  sans  cause 
appréciable  le  7  novembre. 

Autopsie  —  Hémorrhagie  méningée  à  la  base  du  cerveau,  sur  le  cer- 
velet, se  poursuivant  jusque  sous  la  pie-mère  de  la  moelle,  çà  et  là. 
Artérite  noueuse  du  tronc  basilaire.  A  l'œil  nu,  on  constate  dans  la 
moelle  la  dégénération  grise  des  cordons  de  Goll. 

Examen  histologique  de  la  moelle.  —  Dégénération  des  cordons  pos- 
térieurs limitée  aux  cordons  de  Goll  dans  la  région  cervicale,  intéressant 
les  cordons  de  Goll  et  de  Burdach  dans  la  région  dorsale  supérieure 
et  moyenne  et  circonscrite  de  nouveau  à  la  partie  antérieure  des  cor- 
dons de  Goll  dans  la  région  dorsale  inférieure.  Les  zones  de  Lissauer 
sont  dégénérées  dans  toute  la  hauteur.  Cette  dégénération  encore  peu 
avancée,  ne  présente  aucun  caractère  qui  permette  de  la  distinguer  de 
celle  du  tabès  non  syphilitique  et  des  dégénérations  secondaires. 

Méninges.  —  L'ara(;hnoïde  est  épaissie  et  infiltrée  de  cellules  rondes, 
ovales  et  fusiformes.  A  la  hauteur  de  la  septième  racine  dorsale,  sur 
cette  arachnitis  difi'use,  quelques  petites  nodosités  qui  ont  la  constitution 
de  gommes  miliaires.  La  pie-mère  présente  une  infiltration  semblable 
qui  offre  son  maximum  d'intensité  dans  les  régions  cervicale  et  dorsale. 
Participation  des  vaisseaux  (artères  et  veines)  dans  les  mêmes  régions. 

Racines  et  ganglions.  — Les  racines  montrent  une  infltrationde  leur 
enveloppe  et  de  leur  tissu  interstitiel  qui  n'est  que  le  prolongement  de 
la  méningite  spinale  ;  les  fibres  nerveuses  sont  dégénérées  principale- 
ment dans  les  racines  postérieures  de  la  région  dorsale.  Epaississement 


hyalin  de  la  paroi  des  rasa  nervorum.  Quant  aux  ganglions,  ils  sont 
peu  altérés,  mais  on  y  constate  une  hypertrophie  de  leur  enveloppe 
conjonctive,  avec  dégénération  de  quelques  fibres  nerveuses. 

Cerveau.  —  Les  méninges  et  la  substance  cérébrale  ne  présentent 
rien  d'anormal  ;  mais  les  artères  de  la  base  offrent  une  endo-périartérite 
gommeuse  typique. 

L'auteur  considère  la  dégénération  tabétique  d'une  part,  les  altéra- 
tions méningo-vasculaires  d'autre  part,  comme  relevant  également  de 
la  syphilis,  mais  il  n'admet  pas  que  la  première  se  soit  développée 
sous  l'action  des  secondes.  Marinesco  (1)  a  rapporté  un  cas  analogue 
aux  deux  précédents. 

Dans  ces  cas,  s'agit-il  de  lésions  médullaires  développées  sous 
l'influence  des  altérations  vasculaires  et  méningées,  ou  bien  sont-elles 
de  même  nature  que  celles  du  tabès  vrai  et  établissent-elles  par  leur 
coïncidence  avec  des  altérations  spécifiques  une  transition  entre  la 
syphilis  médullaire  commune  et  le  tabès  ?  C'est  une  question  que  nous 
ne  saurions  trancher. 

En  tous  cas,  il  existe  une  forme  de  pseudo-tabes  qui  comporte  les 
altérations  de  la  syphilis  médullaire,  ainsi  que  le  prouvent  les  observa- 
tions d'Oppenheim  et  de  Ewald.  Cette  forme  se  distingue  du  tabès 
vrai  par  le  mode  de  début  et  l'évolution  qui  sont  plus  rapides,  la  fré- 
quence des  accidents  aigus  et  la  sensibilité  au  traitement  spécifique. 

b)  Myélopathie  syphilitique  à  forme  de  sclérose  latérale. 

Parfois,  les  lésions  médullaires  paraissent  presque  exclusivement 
limitées  aux  cordons  latéraux.  Dans  ce  cas,  la  dégénération  primitive 
des  éléments  nerveux  excessivement  disséminée  est  plus  particulière- 
ment développée  dans  ces  cordons  sur  une  étendue  plus  ou  moins 
considérable  de  la  moelle.  La  dégénérescence  secondaire  se  manifeste; 
elle  envahit  au-dessus  le  faisceau  cérébelleux,  au-dessous  le  faisceau 
pyramidal  ;  l'ensemble  simule  une  sclérose  latérale  primitive  et  presque 
systématique.  C'est  peut-être  de  cette  façon  qu'il  faudrait  interpréter 
l'observation  suivante  : 

Observation  103  (résumée). 

MiNKOWSKi.  Primare  Seitenstrangssklerose  nach  Lues.  Deutsch.  Arch. 
f.  klin.  Med.,  Bd  XXXVI,  p.  433. 

Histoire  clinique.  —  Femme,  19  ans.  En  mai,  accidents  primaires. 
(1)  Maeinesco.  Wiener  med.  Wochenschrift,  n»»  51  et  52. 


—  215  — 


Août,  accideuts  secondaires  syphilitiques^  guérison  par  frictions.  Depuis 
cotte  époque,  faiblesse  dans  la  marche,  tremblement  des  membres  infé- 
rieurs, la  faiblesse  s'accentue  rapidement.  A  la  fin  de  l'année,  marche 
impossible  sans  aide,  traînante,  incertaine.  Il  survient  rapidement  un 
tremblement  très  intense  des  membres  inférieurs.  Sensibilité  absolu- 
ment intacte.  Réflexes  cutanés  abolis,  réflexes  tendineux  très  exagérés 
aux  membres  inférieurs,  surtout  à  droite.  La  malade  fait  chaque  jour 
(les  frictions  mercurielles. 

Janvier,  amélioration  sensible.  Février,  la  malade  peut  marcher  sans 
être  soutenue. 

28  juillet,  mort  par  tuberculose  pulmonaire. 

Autopsie.  —  A  la  région  dorsale  de  la  moelle,  les  lésions  siègent 
surtout  sur  le  faisceau  pyramidal  et  le  faisceau  cérébelleux.  Les  tubes 
nerveux  ont  complètement  disparu,  la  myéline  est  atrophiée,  la  névro- 
glieunpeu  plus  développée  que  normalement.  On  trouve  aussi  des  cel- 
lules granuleuses  interstitielles  et  des  corps  amylacés.  Dans  les  fais- 
ceaux cérébelleux  des  cordons  latéraux,  les  tubes  nerveux  ont  presque 
complètement  disparu.  Il  existe  dans  cette  région  un  réseau  de  névro- 
glie  assez  développé.  A  la  région  lombaire,  ces  mêmes  altérations  exis- 
tent, mais  atténuées.  A  la  région  cervicale,  les  lésions  sont  moins 
accentuées  dans  les  faisceaux  pyramidaux,  mais  plus  marquées  dans 
les  faisceaux  cérébelleux. 

Nous  avons  observé  une  disposition  à  peu  près  identique  des  zones 
d'altération  dans  notre  cas  n"  VII. 

En  somme,  cette  forme  se  distingue  si  peu  de  la  forme  commune 
tant  au  point  de  vue  clinique  que  par  la  distribution  des  lésions 
qu'elle  mérite  à  peine  d'être  considérée  comme  une  forme  spéciale. 

c)  MyélopatJiie  sijpliilitique  à  forme  de  sclérose  multiloculaire  et 
de  sclérose  en  plaques. 

Dans  certaines  circonstances,  les  altérations  médullaires  dissémi- 
nées peuvent  donner  lieu  à  certains  symptômes  qui  rappellent  de  loin 
la  sclérose  en  plaques. 

Observation  104  (résumée). 

Mendel.  Syphilis  disséminée  de  l'axe  cérébro-spinal  Annales  de 
dermatologie  et  de  syptiiligraphie,  mai  1893. 

Homme  de  22  ans.  Chancre  périnéal  à  l'âge  de  19  ans.  Avril  1889; 

accidents  secondaires.  Début  de  l'afl'ection  nerveuse  en  janvier  1893. 


—  216  — 


Etat  actuel.  —  Céphalée  persistante,  diplopie,  paralysie  du  moteur 
oculaire  externe  gauche,  exagération  des  réflexes,  sensation  de  coups  de 
canif  dans  les  genoux.  Sensibilité  émoussée  dans  tout  le  côté  gauche 
(hystérie  antérieure),  afî'aiblissement  de  la  mémoire,  vertiges,  bourdon- 
nements, polyurie,  polydipsie,  glycossurie  légère.  Traitement:  Kl,  3gr. 
2  pilules  de  Dupuytren. 

Mai,  diplopie,  la  paralysie  de  la  sixième  paire  gauche  est  guérie,  début 
de  la  paralysie  de  la  troisième  paire  gauche,  ptosis,  mydriase.  Réflexes 
exagérés,  trépidation  épileptoïde.  Douleurs  difl'uses  dans  le  crâne, 
l'abdomen,  la  région  lombaire,  douleurs  presque  fulgurantes  dans  les 
jambes.  Marche  facile,  mais  tremblement  à  l'occasion  des  mouvements 
volontaires,  vomissements. 

Dans  ce  cas,  le  tableau  clinique  n'offre  qu'une  ébauche  très  impar- 
faiLe  de  la  sclérose  en  plaques,  car  le  tremblement  survenant  à 
l'occasion  des  mouvements  volontaires  était  le  seul  signe  qui  rappelât 
cette  affection,  mais  quelquefois,  le  tableau  clinique  est  des  plus 
fidèles  comme  dans  le  cas  rapporté  par  Schuster. 

Observation  105  (résumée). 

Schuster.  Ein  Fall  von  multipler   Sklerose,  etc.  Deutsche  med. 
Wochenschr.,  1885,  n»  51. 

Homme  de  32  ans,  syphilitique.  1<"'  décembre  1884.  Le  sujet  souffre 
depuis  cinq  mois  de  tremblement  des  membres  supérieurs  et  inférieurs, 
marche  en  traînant  les  pieds  et  chancelle.  Exagération  des  réflexes 
tendineux.  Contracture.  Trépidation.  Tremblement  des  mains,  des  bras, 
de  la  tête,  s'exagérant  dans  les  mouvements  volontaires,  tremblement 
de  la  langue.  Nystagmus. 

On  diagnostique  une  sclérose  en  plaques,  le  malade  présente  d'ailleurs 
des  manifestations  syphilitiques  multiples  :  ulcération  syphilitique  du 
pharynx,  ganglions  indurés,  périostite  du  tibia  à  droite.  Frictions  mer- 
curielles^  amélioration  au  bout  de  trois  mois;  à  la  fin  de  juin  1875,  gué- 
rison  complète  des  symptômes  cérébro-spinaux. 

L'action  favorable  et  immédiate  du  traitement  prouve  bien  qu'il  ne 
s'agissait  pas  d'une  sclérose  en  plaques;  cette  observation  reste  un 
exemple  remarquable  de  pseudo-sclérose  en  plaques'  syphilitique. 

d)  Formes  amyotrophiques . 

L'atrophie  des  muscles  paralysés  est  un  symptôme  commun  dans 
les  formes  graves  de  paraplégie  syphilitique.  Elle  se  manifeste  sur- 
tout dans  la  période  qui  suit  l'attaque  de  paraplégie,  et  fait  présager 


—  217  — 


la  persistance  de  symptômes  graves,  car  elle  annonce  la  destruction 
des  centres  gris  spinaux  correspondants.  Ainsi,  dans  les  cas  de  para- 
lysie spinale  qui  se  terminent  par  la  mort,  l'atrophie,  si  elle  a  le 
temps  de  se  manifester,  atteint  ordinairement  un  degré  prononcé  ;  au 
contraire,  dans  les  formes  complètes  qui  aboutissent  à  la  période 
spasmodique,  ce  symptôme  fait  souvent  absolument  défaut,  ou  bien 
n'est  qu'à  peine  indiqué. 

Dans  quelques  cas,  l'atrophie  musculaire  est  un  des  symptômes  les 
plus  saillants  et  peut  donner  à  l'affection  l'aspect  d'une  forme  spé- 
ciale. 

Rodet  (1)  et  Caizergues  ont  rapporté  des  observations  qui,  par 
l'ensemble  des  symptômes  constatés,  rentrent  dans  le  cadre  des 
formes  cliniques  ordinaires  que  nous  connaissons;  les  muscles  para- 
lysés étaient  atteints  d'atrophie.  Nous  avons  vu  que  ce  symptôme 
pouvait  atteindre  un  degré  prononcé  dans  les  formes  communes,  sans 
dénaturer  l'aspect  ordinaire  de  l'affection. 

Mais  dans  un  certain  nombre  de  cas,  cette  atrophie  musculaire 
devenait  pour  ainsi  dire  le  symptôme  capital. 

Telles  sont  l'observation  de  M.  Dejerine  (2),  celles  de  Eison- 
lohr  (3),  Schultze  (4),  Rumpf  (5),  Schmauss  (6),  les  cas  rap- 
portés par  MM.  Rendu  et  Raymond  (7).  Il  faudrait  peut-être  (?j  faire 
également  rentrer  dans  ce  cadre  une  des  observations  de  Cai- 
zergues (8)  :  un  homme  de  33  ans,  ayant  eu,  à  l'âge  de  28  ans,  un 
chancre  suivi  d'éruptions  secondaires,  fut  pris  alors  de  douleurs  et 
de  gêne  des  mouvements  dans  les  membres  inférieurs,  puis  d'une 
atrophie  musculaire  qui  s'étendit  lentement  aux  muscles  du  bassin  et 
des  épaules.  11  n'existait  pas  de  phénomènes  spasmodiques,  ni  de 
troubles  des  sphincters. 

En  général,  l'affection  se  distingue  de  la  téphromyélite  systéma- 
tique par  un  certain  nombre  de  signes  comme  les  douleurs  lombaires 

(1)  EODET.  Gazette  médicale  de  Lyon,  avi'il  1859. 

(2)  Dejeeine.  Archives  de  physiologie,  1876,  p.  430. 

(3)  EiSENLOHR.  Arcli.f.  Psyc.li.,  Bd  VIII,  p.  314. 

(4)  Schultze.  Berlin.  Itlin.  Woohenseln\j\9,%i,  n"  39. 

(5)  RuMPP.  Syphilitische  Erkrank.  des  Nerrensystems. 
((5)  Schmauss.  Deutsch.  Aroh.f.  Idin.  Med.,  Bd  XLIV. 
(7)  Raymond.  Suc.  méd.  des  hôp.,  Paris,  février  1893. 

(S)  Caizergues.  Thèse,  Montpellier,  187:!,  obs.  II,  p.  Cl. 


—  218  — 


et  périphériques,  les  phénomènes  spasmodiques,  les  troubles  des 
sphincters,  etc.;  mais,  ici  comme  pour  le  tabès,  on  s'est  demandé  si 
la  syphilis  ne  pourrait  pas  agir  directement  sur  l'élément  nerveux 
lui-même,  atteindre  les  cellules  ganglionnaires  et  être  un  des  facteurs 
étiologiques  de  l'atrophie  musculaire  progressive  myélopathique. 

Leyden  a  vu  l'atrophie  musculaire  se  développer  à  la  suite  de  la 
syphilis,  mais  il  ne  dit  pas  si  c'est  une  forme  typique. 

Jarisch  (1),  ayant  constaté  dans  une  moelle  d'enfant  mort  sans 
phénomènes  médullaires,  mais  au  milieu  d'un  exanthème  syphili- 
tique, une  diminution  de  nombre,  un  ratatinement  et  des  modifica- 
tions du  protoplasma  cellulaire  des  cellules  des  cornes  antérieures, 
admet  que  ces  altérations  peuvent  se  produire  sous  l'action  directe  du 
poison  syphilitique. 

Chauvet  (2),  au  contraire,  pense  que  «  la  syphilis  n'a  aucune 
influence  sur  le  développement  de  l'atrophie  musculaire  progressive  » 
et,  pour  Siemerling  (3),  l'altération  des  cellules  ganglionnaires 
résulte  soit  d'une  hémorrhagie,  soit  d'un  ramollissement,  soit  d'une 
infiltration  embryonnaire. 

En  réalité,  l'atrophie  musculaire  dans  la  syphilis  répond  toujours, 
comme  les  autres  symptômes,  à  une  altération  deutéropathique  des 
cellules  nerveuses. 

Dans  certains  cas,  le  mécanisme  de  la  destruction  de  ces  cellules 
s'explique  par  la  compression  ou  l'envahissement  des  cornes  anté- 
rieures par  une  infiltration  gommeuse,  comme  dans  les  cas  de  Sie- 
merling (obs.  121,  122,  123).  Mais  la  cause  la  plus  fréquente  est  la 
nécrose  des  éléments,  consécutivement  aux  altérations  des  vaisseaux 
nourriciers  de  la  substance  grise,  absolument  comme  dans  la  forme 
commune.  Cette  opinion  a  été  soutenue,  ainsi  que  nous  l'avons  dit, 
par  Môller  et  par  M.  Lancereaux;  elle  nous  semble  trouver  sa 
confirmation  dans  une  observation  de  Schmauss. 

(1)  .Jakisch.  Vierteljahrschrift  f,  Derm,.,  1881. 

(2)  Chauvet.  Influence  delà  syphilis  sur  les  maladies  du,  système  nerveux  central- 
Thèse  d'agrégation,  Paris,  1880. 

(3)  SIEMEELING.  ArcJt.f.  Psych.,  Bd  XXII,  1891,  p.  270. 


—  219  — 


Observation  106  (résumée). 

ScHMAUSS.  Hyaline  Degeneration  des  Riickeiimarksgefasse.    Polio - 
niyelitis  syphilitica.  Deutsch.  Arch.  f.  klin.  Med.,  Bd  XLIV. 

Histoire  clinique.  —  Homme  présentant  depuis  deux  ans  et  demi  de 
la  faiblesse  des  jambes  et  des  crampes  de  temps  en  temps.  Douleurs 
dans  la  région  sacrée.  Après  une  amélioration  passagère,  depuis  six 
mois,  parésie  progressive  des  jambes  avec  atrophie  musculaire,  aboli- 
tion des  réflexes,  sensibilité  conservée.  Selles  involontaires,  rétention 
d'urine.  Mort  par  tuberculose  pulmonaire.  Infection  syphilitique  vingt 
ans  auparavant. 

E.XAMEN  MICROSCOPIQUE  DE  LA  MOELLE.  —  Méniuges  absolument 
intactes,  tissu  fondamental  et  vaisseaux.  Dans  la  moelle  même,  do  nom- 
breux petits  vaisseaux  présentent  un  épaississement  de  la  membrane 
interne  avec  dégénérescence  hyaline.  Dans  ce  tissu  hyalin  existent  des 
noyaux  étoilés.  Dégénérescence  granuleuse  des  membranes  moyenne 
et  adventice.  Infiltration  à  la  périphérie  des  vaisseaux.  Ces  altérations 
vasculaires  sont  surtout  développées  dans  les  cordons  postérieurs  de 
la  moelle  lombaire.  On  trouve  de  plus  dans  la  partie  supérieure  de  la 
région  lomliaire  une  diminution  de  teinte  des  cornes  antérieures,  surtout 
à  gauche.  H  s'agit  d'un  foyer  de  ramollissement  avec  dégénération  des 
cellules  nerveuses,  gonflement  des  cylindres-axes,  développement  du 
tissu  interstitiel  infiltré  des  noyaux.  Dégénération  du  cordon  antéro- 
latéral  et  des  racines  antérieures. 

Le  malade  de  M.  Raymond  avait  présenté  les  symptômes  d'une 
atrophie  musculaire  disséminée  et  g'énéralisée,  qui  s'était  développée 
progressivement  mais  assez  rapidement  ;  il  existait  de  plus  des  dou- 
leurs lancinantes,  des  contractures,  des  raideurs,  de  l'exagération 
des  réflexes.  Vers  la  fin  survinrent  des  phénomènes  bulbaires.  Le 
sujet  était  sypliilitique. 

L'examen  histologique  a  montré  l'existence  de  lésions  vasculaires 
intenses  réparties  dans  toute  la  moelle  et  dans  la  partie  inférieure  du 
bulbe,  mais  surtout  prononcées  dans  le  renflement  cervical.  La  pie- 
mère  est  le  siège  d'une  inflammation  de  même  nature.  Il  s'agit,  en  somme, 
d'une  méningo-mijâlite  vasculaire  diffuse.  Consécutivement  à  ces 
lésions,  les  éléments  nerveux  ont  subi  une  atrophie  qui  porte  prin- 
cipalement sur  les  cellules  ganglionnaires  des  cornes  antérieures  dans 
presque  toute  l'étendue  de  l'axe  spinal  et  atteint  même  les  noyaux 
bulbaires.  Mais  il  existait  également  des  altérations  des  tubes  nerveux 
des  cordons  blancs  et,  en  conséquence,  un  certain  degré  de  dégénéres- 
cence secondaire  des  cordons  de  Goll  et  des  faisceaux  pyramidaux. 


—  220  — 


Dans  sa  communication  à  la  Société  médicale  des  hôpitaux, 
M.  Raymond  rapporte  encore  l'observation  clinique  d'un  second 
malade  et  rappelle  que  deux  cas  analogues  ont  été  publiés  par  Vul- 
pian  dans  la  clinique  de  la  Charité;  M.  Rendu  a  également  observé 
un  cas  semblable. 

En  somme,  le  processus  d'altération  dans  la  forme  atrophique  est 
le  même  que  celui  des  formes  communes,  le  syndrome  clinique  ne 
diffère  qu'en  raison  de  la  localisation  particulière  dans  les  cornes  anté- 
rieures. Cette  localisation  n'est  d'ailleurs  pas  exclusive  et  on  observe 
conjointement  un  certain  nombre  de  modifications  dans  le  tissu 
médullaire,  modifications  qui,  en  raison  de  leur  moindre  importance, 
se  placent  au  second  plan  (1). 

L'affection  peut  évoluer  plus  ou  moins  rapidement,  et  selon  que  la 
destruction  de  la  substance  grise  se  produira  brusquement  sous 
forme  d'un  foyer  de  ramollissement  de  la  corne  antérieure,  ou  que  les 
cellules  nerveuses  dégénéreront  lentement,  on  aura  un  aspect  clinique 
qui  rappellera  soit  la  poliomnélite  antérieure  aiQuë,  soit  la  polio- 
myélite antérieure  chronique  (l'atrophie  musculaire  progressive 
myélopathique). 

e)  Forme  bulbaire. 

Nous  avons  déjà  signalé  parmi  les  symptômes  de  la  syphilis 
médullaire  commune  certains  signes  indiquant  une  lésion  ou  un 
trouble  fonctionnel  de  la  région  bulbaire. 

Dans  certains  cas,  ces  symptômes  semblent  pouvoir  se  grouper  et 
prendre  l'aspect  d'une  paralysie  labio-glosso-laryngée. 

M.  Mauriac  (2)  a  déjà  attiré  l'attention  sur  ces  accidents  bulbaires 
au  cours  des  manifestations  nerveuses  de  la  syphilis  ;  il  rap- 
porte l'observation  d'un  sujet  syphilitique  qui,  ayant  guéri  d'une 
hémiplégie  cérébrale  à  forme  intermittente,  présenta  une  nou- 
velle attaque  d'encéphalopathie  accompagnée  d'affaiblissement  mus- 
culaire généralisé  et  de  phénomènes  bulbaires:  salivation,  diificulté 
dans  la  déglutition  et  dans  le  mécanisme  de  l'articulation  des  mots. 
Il  existait  en  même  temps  des  troubles  des  sphincters. 

(1)  POUSSAED.  D'une  amyotruphie  spinale  progressive  chez  les  syjihiUtiqjws.  Thèse, 
Paris,  mai  1893. 

(2)  Mauriac.  Gazette  lieMomadaire,  1877. 


—  221  — 


Dans  un  cas  dû  à  M.  Hayem.  le  malade  ayant  présenté  des  troubles 
de  la  langue  et  du  pharynx  (paralysie  de  la  langue,  impossibilité  de 
la  déglutition),  on  trouva  à  l'autopsie  trois  gommes  dans  la  protu- 
bérance et  une  altération  diffuse  s'étendant  jusqu'au  plancher  du 
quartième  ventricule. 

Une  autre  observation  a  été  publiée  par  Chauvet  (1)  :  le  malade, 
un  homme  de  33  ans,  présenta  six  ans  après  un  chancre  des  accidents 
de  syphilis  cérébrale,  et  bientôt  après  tous  les  signes  d'une  paralysie 
labio-glosso-laryngée  :  saillie  des  lèvres,  impossibilité  de  souHler,  de 
siffler,  parésie  des  muscles  rétracteurs  de  la  commissure,  impossi- 
bilité de  tirer  ou  de  relever  la  langue,  mastication  et  déglutition  très 
difficiles,  etc.  Le  malade,  à  la  suite  d'un  traitement  spécifique,  s'amé- 
liora beaucoup. 

Les  altérations  qui  atteignent  le  bulbe  et  les  noyaux  gris  de  cette 
région  ne  diffèrent  en  rien  de  celle  des  autres  parties  de  la  moelle. 
Les  lésions  vascidaires,  l'infdtration  des  méninges  peuvent  aussi  bien 
présenter  leur  maximum  dans  la  partie  supérieure  de  la  moelle  et 
agir  sur  les  éléments  nerveux  de  la  même  manière  que  dans  les  autres 
régions.  Dans  l'observation  de  poliomyélite  syphilitique  rapportée 
par  M.  Raymond,  les  noyaux  du  bulbe  présentaient  des  altérations 
de  même  nature  que  les  autres  parties  de  la  substance  médullaire. 

Ce  n'est  en  somme  qu'une  question  de  localisation. 

E.  —  Formes  spéciales 

Nous  comprenons  sous  ce  titre  les  formes  cliniques  qui  corres- 
pondent aux  lésions  anatomiques  que  nous  avons  décrites  comme 
formes  anatomiques  spéciales  :  la  méningite  et  la  pachyméningite 
syphililiques  et  les  gommes. 

a)  Méningite  et  2:)achyméningite  syphilitiques. 

Les  observations  de  Eisenlohr,  Buttersack,  Oppenheim, 
Jiirgens,  Siemerling,  Lamy,  etc.,  que  nous  avons  résumées, 
établissent  l'existence  et  les  caractères  principaux  de  ces  formes. 

L'infiltration  et  l'épaississement  des  méninges  offrent  un  dévelop- 
pement variable  dans  les  formes  communes  de  la  syphilis  médullaire, 

(1)  Chauvet.  Luc.  cit.,  obs.  XVII,  p.  G4. 


—  222  — 


mais  sont  assez  peu  accentuées,  et  les  altérations  du  tissu  nerveux 
causées  par  les  lésions  vasculaires  sontordinairement  constituées  avant 
que  celles  des  nnéninges  aient  acquis  un  développement  avancé.  Cepen- 
dant, à  mesure  qu'elles  s'accentuent,  ces  dernières  provoquent  des 
symptômes  propres  :  une  exagération  de  la  douleur  et  de  la  raideur 
rachidiennes,des  irradiations  douloureuses,  des  atrophies  musculaires 
partielles,  des  troubles  de  la  sensibilité  objective  en  rapport  avec  des 
lésions  radiculaires,  etc. 

Parfois,  les  méninges  infiltrées  et  épaissies  s'unissent  et  forment 
une  couche  considérable.  La  dure-mère  participe  à  cetépaississement, 
elle  est  atteinte  soit  après  les  membranes  molles,  à  la  suite  d'une 
propagation  émanée  de  celles-ci,  soit  avant  elles,  lorsqu'une  lésion 
détermine  une  pachyméningite  externe. 

En  laissant  de  côté  la  pachyméningite  consécutive  à  la  carie 
osseuse  syphilitique,  la  pachyméningite  s'observe  le  plus  souvent 
à  la  région  cervicale,  et,  dans  ce  cas,  l'affection  revêt  une  allure  un 
peu  particulière. 

C'est  alors  surtout  que  se  trouve  vérifiée  l'opinion  de  Jûrgens,  qui 
considérait  les  lésions  syphilitiques  de  la  moelle  comme  émanées 
d'altérations  analogues  occupant  primitivement  la  base  du  cerveau. 
Les  malades  présentent  d'abord  une  céphalalgie  intense  et  bientôt 
des  douleurs  très  vives  de  la  nuque  accompagnées  d'une  raideur  très 
marquée.  Les  douleurs  irradient  dans  les  régions  interscapulaire, 
sus-claviculaire,  cervicale,  etc.  ;  la  tête  est  immobilisée,  les  mouve- 
ments spontanés  sont  impossibles,  les  douleurs  sont  réveillées  par  la 
pression  locale,  les  tentatives  de  mouvement.  Indépendamment  de  ces 
signes  propres  à  la  méningite,  on  observe  proportionnellement  à  la 
participation  des  racines  et  de  la  moelle,  les  symptômes  que  nous 
avons  décrits  à  propos  de  la  localisation  cervicale  des  lésions  :  para  - 
lysie, atrophie,  troubles  de  la  sensibilité,  troubles  oculo-pupillaires, 
troubles  respiratoires,  etc. 

h)  Gommes  de  la  moelle. 

Si  la  méningite  syphilitique  s'observe  assez  fréquemment,  les 
gommes  de  la  moelle  sont  excessivement  rares.  Il  faut  avouer  que 
leur  existence  ne  s'accuse  par  aucun  signe  bien  caractéristique  ;  le 


—  223  — 


plus  souvent,  d'ailleurs,  elles  coexistent  avec  des  lésions  communes 
dont  les  symptômes  se  mêlent  à  ceux  qui  résultent  de  la  présence  de 
la  tumeur  syphilitique.  Théoriquement,  on  peut  admettre  que  le  déve- 
loppement d'une  gomme,  comme  lésion  exclusive,  provoque  les  symp- 
tômes ordinaires  qui  résultent  d'une  compression  lente  de  la  moelle. 
11  semblerait  même  que  cette  lésion  est  tout  à  fait  propre  à  réaliser  le 
syndrome  de  l'hémilésion  de  la  moelle  ;  cependant  l'observation  clinique 
ne  vient  pas  à  l'appui  de  cette  idée  théorique. 

Daus  les  cas  où  l'on  observe  des  symptômes  d'hémilésion  de  la 
moelle  chez  un  syphilitique,  on  porte  généralement  le  diagnostic  de 
gomme  de  la  moelle,  surtout  s'il  survient  une  amélioration  par  le 
traitement  spécifique.  Et  cependant,  dans  le  cas  de  MM.  Charcot  et 
Gombault^  qui  présentait  le  syndrome  dans  toute  sa  pureté,  l'autopsie 
a  bien  révélé  l'existence  d'une  lésion  unilatérale,  mais  nullement  la 
présence  d'une  gomme. 

L'épaississement  gommeux  ou  fibreux  des  méninges,  les  gommes 
circonscrites  peuvent  siéger  à  divers  étages  de  la  moelle  et  déter- 
miner des  symptômes  en  rapport  avec  ces  localisations  ;  mais  il  est 
une  localisation  sur  laquelle  nous  voulons  appeler  l'attention.  Parfois 
ces  lésions  intéressent  la  queue  de  cheval,  en  sorte  que,  quelle  que 
soit  leur  importance,  le  cordon  médullaire  lui-même  échappe  à  leur 
action  directe  ;  cependant  la  destruction  des  nerfs  de  la  queue  de 
cheval  produit  une  paraplégie  flasque  avec  atrophie  musculaire,  des 
douleurs  généralement  très  vives,  l'anesthésie  des  parties  paralysées, 
des  troubles  trophiques  et  une  paralysie  des  sphincters.  Eisen- 
lohr  (1)  (obs.  49)  a  rapporté  un  cas  de  cette  nature. 

(1)  BiSENLOHE.  Neurol.  CcntralU.,  1884,  n»  4,  p.  73. 


§  5.  —  Diagnostic. 


Les  symptômes  que  nous  avons  décrits  ne  répondent  en  réalité 
qu'à  la  notion  d'existence  d'une  affection  de  la  moelle,  ils  peuvent 
même  indiquer  le  siège  de  l'altération,  mais  ils  ne  donnent  pas  de 
renseignements  sur  la  nature  des  altérations  et  encore  moins  sur  la 
cause  qui  les  a  produites. 

La  nature  de  la  lésion  peut  jusqu'à  un  certain  point  être  indiquée 
par  le  mode  d'apparition  et  la  marche  des  symptômes  ;  par  exemple, 
le  début  brusque  des  accidents,  les  oscillations  des  symptômes  que 
nous  avons  notés  dans  l'évolution  de  la  syphilis  médullaire  sont  assez 
caractéristiques  de  lésions  liées  à  un  trouble  circulatoire;  d'autre  part, 
les  douleurs  lombaires  intenses  avec  irradiation  indiquent  l'inflam- 
mation des  méninges. 

Quant  à  la  cause,  elle  ne  peut  être  élucidée  que  par  l'étude  des 
antécédents  et  la  recherche  d'une  infection  syphilitique  antérieure.  Ce 
facteur  étiologique  prend  une  grande  valeur  quand  il  repose  sur  une 
lésion  primitive  bien  nette,  de  date  récente,  ou  bien  sur  des  accidents 
secondaires  ou  tertiaires  bien  caractéristiques  s'étant  manifestés  à 
une  époque  peu  éloignée  ou  étant  encore  en  cours  d'évolution  au 
moment  de  l'apparition  des  accidents  spinaux. 

En  somme;  l'affection  une  fois  constituée  ne  se  distingue  guère  de 
toute  jya.7^aplégie  spasmodique  par  lésion  transverse  de  la  moelle 
épinière.  Les  phénomènes  sont  en  rapport  avec  la  localisation  des 
lésions  et  non  avec  leur  nature.  Buzzard  compare  la  structure  de  la 
moelle  au  rouage  d'une  montre  :  quelle  que  soit  la  cause  qui  en 
trouble  le  mécanisme,  un  cheveu,  un  gravier,  etc.,  le  résultat  est  tou- 
jours le  même  et  n'indique  nullement  la  nature  du  corps  étranger. 
Aussi  bien,  sans  parler  du  mal  de  Pott,  des  tumeurs  et  de  toutes 
les  lésions  qui  sont  capables  de  déterminer  par  action  locale  une 
lésion  transverse  de  la  moelle,  toufc  cause  infectieuse  agissant  sur  le 
système  vasculaire  lymphatique  et  conjonctif  de  la  moelle  peut  pro- 


—  225  — 


duire  dans  cet  organe  des  altérations  semblables  à  celles  de  la 
syphilis  nnédullaire. 

Cependant,  lorsqu'on  se  trouve  en  présence  d'un  sujet  jeune,  sans 
autre  tare  appréciable  qu'une  infection  syphilitique  antérieure  et  pré. 
sentant  les  symptômes  d'une  affection  spinale  caractérisée  par  l'en- 
semble clinique  que  nous  avons  décrit,  le  groupement  de  ces  circon- 
stances prend  une  grande  valeur  pour  l'affirmation  du  diagnostic  et 
commande  de  toutes  façons  l'emploi  du  traitement. 

Dans  les  formes  complètes,  le  tableau  clinique  est  jusqu'à  un  certain 
point  caractéristique  ;  il  est  bien  entendu  tout  d  abord  qu'on  a  relevé 
dans  les  antécédents  un  chancre  syphilitique  ou  des  accidents  consé- 
cutifs ;  le  malade  a  éprouvé  le  plus  souvent  une  céphalée  particuliè- 
rement intense,  parfois  même  des  symptômes  cérébraux  vagues  et 
intermittents,  des  paralysies  oculaires  surtout.  Ces  signes  ont  déjà 
une  grande  valeur  comme  éléments  de  diagnostic  ;  leur  diffusion  et 
leur  marche  oscillante  sont  bien  propres  à  la  syphilis,  et  ils  sont  les 
premiers  indices  d'une  localisation  nerveuse. 

Si,  dans  ces  conditions,  les  symptômes  spinaux  diffus  que  nous 
avons  décrits  comme  constituant  la  période  prémonitoire  se  produi- 
sent en  continuité  avec  les  manifestations  cérébrales,  parfois  à  la 
suite  d'une  recrudescence  de  ces  symptômes  ou  après  une  période 
d'accalmie  plus  ou  moins  longue,  on  a  le  devoir  de  tenter  l'épreuve 
du  traitement  spécifique.  D'autant  que,  même  en  l'absence  de  commé- 
moratifs  précis,  les  signes  de  la  période  prémonitoire  ont  une  physio- 
nomie assez  particulière  :  la  rachialgie,  surtout  la  rachialgie  nocturne, 
est  un  phénomène  particulièrement  fréquent,  les  troubles  vésicaux, 
les  sensations  subjectives  périphériques,  la  raideur  et  la  faiblesse  des 
jambes,  etc.,  dans  leur  mobilité  et  leurs  variations  d'intensité  d'un 
jour  à  l'autre  sont  bien  en  rapport  avec  la  nature  des  lésions  primi- 
tives propres  à  la  syphilis. 

Lorsque,  à  la  suite  de  ces  symptômes,  survient  Vattaqiie  de 
paralysie,  le  diagnostic  est  éclairé  par  ces  précédents  ;  mais  il  arrive 
parfois  que  les  phénomènes  prémonitoires  caractéristiques  font  défaut, 
et  l'on  n'a  plus  comme  argument  que  l'existence  d'une  infection 
syphilitique  antérieure.  Le  diagnostic  se  fait  alors  par  exclusion,  et 
ce  n'est  qu'après  avoir  écarté  toutes  les  affections  locales  qui  peuvent 
atteindre  la  moelle  par  contiguïté  et  toutes  les  infections  autres  que 
S.  15 


—  226  — 


la  syphilis,  que  l'on  sera  en  droit  de  considérer  cette  dernière  comme 
la  cause  très  probable  de  l'affection.  Dans  tous  les  cas  douteux,  le 
traitement  spécifique  s'impose. 

Lorsque  les  malades  se  présentent  avec  les  signes  de  la  période  de 
paraplégie  spasmodique,  ils  sont  arrivés  à  cet  état  soit  lentement 
et  progressivement,  avec  tout  le  cortège  des  signes  caractéris- 
tiques de  la  période  prémonitoire  qui  se  sont  accentués  progressi- 
vement, soit  en  passant  par  la  période  de  paraplégie  aiguë.  Ce  n'est 
encore  là  que  par  exclusion  le  plus  souvent  qu'on  pourra  établir  le 
diagnostic.  Cependant,  dans  les  cas  où  les  malades  sont  capables  de 
marcher,  l'altération  transverse  de  la  moelle  épinière,  sans  doute  en 
raison  d'une  disposition  particulière  des  lésions  qui  n'affectent  qu'une 
portion  restreinte  et  sensiblement  constante  de  la  moelle  (zone  péri- 
phérique), détermine  une  paraplégie  spasmodique  d'un  aspect  un  peu 
particulier.  Les  malades  offrent  tous  les  symptômes  d'une  myélite 
transverse,  mais  atténués  ;  l'impotence  fonctionnelle  n'est  pas  très 
prononcée,  les  troubles  de  la  sensibilité  objective  et  subjective,  les 
troubles  trophiques  sont  peu  accentués,  la  contracture  est  peu  déve- 
loppée, bien  que  les  réflexes  soient  très  exagérés.  Toutes  ces  particu- 
larités ont  été  bien  mises  en  évidence  par  E  r  b  ;  il  ne  faudrait  toutefois 
pas  exagérer  leur  valeur  diagnostique  ;  ainsi,  dans  les  cas  que  nous 
avons  observés,  la  contracture  était  en  général  assez  prononcée  et 
devenait  par  instants  excessive  chez  certains  sujets. 

Ce  qui  distingue  plus  particulièrement  la  paraplégie  syphilitique, 
soit  à  la  période  aiguë,  soit  à  la  période  spasmodique,  c'est  l'existence 
de  phénomènes  indiquant  une  diffusion  des  lésions  dans  toute  la 
moelle  ou  même  dans  l'axe  cérébro-spinal  tout  entier  :  symptômes 
oculo-papillaires,  phénomèmes  bulbaires  et  céphaliques,  etc. 

Il  faut  d'ailleurs  reconnaître  que,  dans  nombre  de  cas,  ces  derniers 
symptômes  font  complètement  défaut. 

Aux  différentes  périodes  de  son  évolution,  la  myélopathie  syphili- 
tique commune  peut  présenter  des  analogies  avec  un  certain  nombre 
d'autres  affections  dont  elle  devra  être  différenciée. 

A  la  période  jjrérnonitoire,  les  différents  symptômes  sont  rarement 
isolés:  aussi  ne  prendra-t  on  pas  les  douleurs  lombaires  ou  périphé- 
riques, les  troubles  vésicaux,  la  faiblesse  des  jambes  pour  des  signes 
relevant  d'affections  idiopathiques  comme  un  lumbago,  une  névralgie 


—  227  - 


banale,  une  manifestation  rhumatismale  articulaire  ou  musculaire, 
une  affection  vésicale,  etc. 

Ordinairement,  les  symptômes,  dans  leur  ensemble,  indiquent  une 
affection  nerveuse  dont  on  aura  à  déterminer  la  nature  exacte  et  la 
localisation. 

Les  troubles  vésicaux,  les  phénomènes  diffus  céphaliques,  parfois 
des  modifications  dans  l'état  de  la  pupille,  des  douleurs  périphériques 
pourraient  faire  songer  à  la  période  préataxique  du  tabès;  mais  ici, 
à  moins  de  cas  tout  à  fait  particuliers,  on  ne  trouve  pas  d'abolition 
des  réflexes,  les  douleurs  n'ont  pas  le  caractère  fulgurant  propre  au 
tabès,  le  signe  d'Argyll  Robertson  manque,  etc.  Dans  le  tabès,  on 
observe  bien  des  douleurs  en  ceinture,  mais  la  rachialgie  lombaire 
fixe  à  exaspération  nocturne  manque.  Enfin,  et  surtout,  dans  la 
syphilis  médullaire,  les  symptômes  sont  plus  diffus,  marchent  plus 
vite  et  sont  moins  constants  dans  leur  progression. 

Certains  névropathes  atteints  de  syphilis  présentent,  souvent  peu 
de  temps  après  l'infection  ou  même  quatre  ou  cinq  ans  plus  tard,  un 
état  particulier  que  M.  le  professeur  Four  nier  a  décrit  sous  le  nom 
de  neurasthénie  syphilitique .  Les  malades  ont  une  céphalée  intense, 
des  troubles  de  la  sensibilité,  hyperesthésie,  anesthésie.  des  douleurs 
névralgiques  un  peu  partout;  les  jambes  sont  faibles, les  réflexes  pai*- 
fois  exagérés.  On  pourrait  croire  aux  premiers  signes  d'une  affection 
cérébro-spinale,  d'autant  plus  que  les  sujets,  particulièrement  frappés 
de  leur  état,  attirent  l'attention  sur  leur  syphilis  antérieure.  Mais  les 
symptômes  de  lésions  organiques  manquent,  il  n'y  a  pas  de  troubles 
vésicaux  ni  de  phénomènes  oculo-pupillaires,  les  phénomènes  sont 
surtout  diurnes  et  résistent  à  l'action  du  traitement  spécifique  ;  enfin, 
il  s'ajoute  parfois  des  signes  de  nature  franchement  hystérique,  des 
troubles  sensoriels,  un  rétrécissement  du  champ  visuel,  etc. 

Lorsque  la  paraplégie  débute  brusquement  ou  rapidement,  pré- 
cédée ou  non  des  symptômes  prémonitoires,  elle  ne  se  dislingue  guère 
de  celle  qui  résulte  des  myélites  dites  vulgaires.  Ici,  comme  pour  les 
paralysies  brusques  de  la  syphilis  cérébrale,  le  tableau  symptomatique 
dépend  de  la  localisation  et  non  de  la  cause  étiologique  de  la  lésion. 
Cependant,  on  peut  considérer  comme  étant  jusqu'à  un  certain  point 
particuliers  à  la  paraplégie  syphilitique  l'existence  de  ces  troubles 
prémonitoires  oscillants  en  rapport  avec  un  trouble  de  la  circulation 


—  228  — 


et  l'établissement  brusque  de  la  parapk'gie  au  moment  où  se  produit 
le  foyer  de  ramollissement  ischémique. 

Le  développement  subit  de  la  paraplégie  n'est  pourtant  pas  exclu- 
sivement propre  au  ramollissement  médullaire  syphilitique. 

En  dehors  de  tout  traumatisme,  on  devra  écarter  par  un  examen 
méthodique  toutes  les  causes  de  compression  brusque  de  la  moelle 
et  se  rappeler  qu'une  lésion  de  voisinage  développée  môme  lentement 
peut  provoquer  des  accidents  brusques.  Nous  avons  précisément 
observé  dans  le  service  de  M.  Dejerine  un  malade  syphilitique  qui 
fut  frappé  d'une  paraplégie  grave  développée  rapidem.ent  ;  ce  malade 
succomba  en  quelques  mois,  après  avoir  présenté  une  paraplégie 
absolue  avec  atrophie  musculaire,  troubles  vésicaux  et  rectaux,  décu- 
bitus, etc.  On  trouva  à  l'autopsie  un  sarcome  développé  sur  les  lames 
vertébrales  et  comprimant  la  moelle  dans  la  partie  moyenne  de  la 
région  dorsale. 

Lorsque  ces  causes  auront  été  éloignées  au  moins  dans  la  mesure 
du  possible,  on  aura  à  discuter  les  causes  qui  peuvent  intéresser 
directement  la  moelle  ou  ses  enveloppes.  Il  semblerait  qu'en  l'absence 
de  tout  facteur  étiologique  autre  que  la  syphilis,  on  fût  en  droit  d'in- 
criminer cette  dernière  infection,  mais  les  causes  générales  des  myé- 
lites sont  si  peu  connues  qu'on  ne  pourra  jamais  affirmer  qu'il  ne 
s'agit  pas  d'une  myélite  de  cause  ignorée  développée  chez  un  syphi- 
litique. 

Ici,  comme  pour  la  syphilis  cérébrale,  on  tirera  des  arguments  de 
l'infection  syphilitique  récente,  de  l'âge  du  sujet,  de  l'existence  de 
phénomènes  diffus  prémonitoires  ou  concomitants,  enfin  de  l'action  du 
traitement,  bien  qu'à  cette  période  il  n'ait  souvent  pas,  il  faut  l'avouer, 
d'influence  bien  favorable. 

Le  malade  ayant  atteint  la  phase  spasmodique,  le  tableau  sympto- 
matique  est  assez  caractéristique  pour  qu'on  n'hésite  pas  à  reconnaître 
son  origine  spinale. 

La  paraplégie  névritique  se  reconnaît  par  l'absence  de  phénomènes 
spasmodiques,  par  Tatrophie  qui  accompagne  la  paralysie  ;  celle-ci 
frappe  surtout  les  extenseurs  ;  les  troubles  de  la  sensibilité  sont  sou- 
vent précoces  et  très  marqués,  les  réflexes  tendineux  sont  abolis,  les 
troubles  des  sphincters  manquent,  la  démarche  du  malade  est  carac- 
téristique (démarche  du  stepper),  etc. 


—  229  — 


Certaines  affections,  qui  déterminent  des  phénomènes  spasmodiques 
dans  les  membres  inférieurs  et  des  trouljles  de  la  marche,  peuvent 
ressembler  jusqu'à  un  certain  point  à  la  paraplégie  spastique  syphi- 
litique. 

La  coxalgie  sénile  s'accompagne  souvent  dans  les  membres  infé- 
rieurs d'atrophie  musculaire  et  d'un  état  de  contracture  qui  peuvent 
parfois  en  imposer  pour  une  paraplégie  spasmodique  légère.  Nous 
avons  observé  dans  le  service  de  M.  Dujardin-Beaumetz  un  sujet 
de  56  ans,  qui  présentait  une  coxalgie  sénile  double.  Le  malade,  étant 
couché,  avait  les  jambes  assez  souples,  bien  qu'on  pût  constater  une 
exagération  très  marquée  des  réflexes  tendineux,  et  même  le  clonus 
du  pied  ;  mais  dès  qu'il  se  levait,  les  jambes  se  raidissaient,  les  mus- 
cles pelvi-trochantériens  contracturés  fixaient  l'articulation  coxo- 
fémorale  et  déterminaient  une  rotation  externe  très  prononcée  des 
deux  membres  inférieurs.  Le  malade  ne  pouvait  marcher  qu'avec  deux 
cannes,  les  jambes  raides  ;  il  se  plaignait  de  douleurs  et  d'un  senti- 
ment de  lassitude  dans  les  jambes.  A  première  vue,  il  semblait  atteint 
d'une  paraplégie  spinale  spasmodique  légère,  dans  le  type  de  la  para- 
plégie syphilitique,  mais  l'absence  de  troubles  des  sphincters  et  sur- 
tout les  signes  objectifs  fournis  par  l'examen  des  deux  hanches  ne 
laissaient  pas  de  doute  sur  l'origine  de  ces  phénomènes  spinaux. 

La  paraplégie  hystérique  spasmodique  peut  simuler  la  paraplégie 
spinale,  et  lorsqu'elle  survient  chez  des  sujets  atteints  de  syphilis 
antérieurement,  on  comprend  combien  l'erreur  serait  facile  pour  un 
observateur  non  prévenu. 

M.  Souques  (1)  a  particulièrement  insisté  sur  ce  syndrome  et  fait 
ressortir  les  signes  propres  à  dépister  son  origine.  Nous  avons  nous- 
même  observé,  dans  le  service  de  M.  le  professeur  Debove,  un  cas 
bien  instructif. 

Observation  107  (personnelle). 
Recueillie  dans  le  service  de  ÏNLle  professeur  Debove,  à  l'hôpital  Audral. 
M.  J....,  forgeron,  âgé  de  27  ans. 

Antécédents.  —  Père  mort  paralytique  à  48  ans.  Le  sujet  lui-même 
n'a  pas  eu  de  maladie  grave  dans  son  enfance.  A  19  ans,  en  février  1885, 
chancre  (de  la  couronne  du  gland  à  droite  du  frein)  qui  dure  un  mois, 

(I)  Souques.  Syridromcs  hygtéyiqnes  simulateiirs.  Thèse,  Paris,  1891. 


—  230  — 


traitement  local,  pas  de  traitement  interne.  Roséole,  traitement  pen- 
dant un  mois  :  deux  cuillerées  de  sirop  de  Gibert  par  jour  et  une  qua- 
rantaine de  pilules  de  protoiodure  en  tout. 

Dans  la  suite,  plusieurs  poussées  de  sypliilides  cutanées. 

Deux  ans  après  le  chancre,  gomme  ulcérée  sur  la  face  interne  du  tibia 
droit  au-dessus  de  la  malléole  ;  la  cicatrice  existe  encore  très  étendue 
(8  centim.  sur  5  centim). 

Un  an  plus  tard,  fièvre  typhoïde  grave.  Léger  degfé  d'alcoolisme. 
Le  sujet  a  toujours  été  très  impressionnable,  sans  avoir  jamais  présenté 
de  crises  ni  de  phénomènes  nerveux  caractéristiques. 

Maladie  actuelle.  Commémoratifs.  — Au  mois  de  février  1893.  Huit 
ans  après  le  chancre,  douleurs  sourdes  et  lancinantes  dans  les  mollets 
et  dans  les  cuisses,  lourdeur  des  jambes  s'accentuant  progressivement  ;  le 
jambes  sont  faibles,  fléchissent  sous  le, malade.  Le  malade  se  plaint  de 
fatigue  rapide,  il  éprouve  des  vertiges  et  des  éblouissements,  se  plaint 
d'avoir  la  vue  trouble;  céphalalgie  surtout  la  nuit,  pas  de  douleurs 
lombaires. 

État  actuel,  18  mars  1893.  —  Un  mois  après  le  début.  Le  malade 
étant  au  lit  peut  faire  exécuter  à  ses  jambes  tous  les  mouvements  mais 
avec  peine,  la  raideur  des  membres  est  très  prononcée.  Pas  d'incoordi- 
nation motrice,  les  réflexes  rotuliens  sont  très  exagérés,  sans  qu'on 
puisse  provoquer  le  phénomène  du  pied.  L'énergie  musculaire  est  affai- 
blie, mais  il  n'existe  pas  d'atrophie. 

Étant  assis,  il  ne  peut  croiser  que  difficilement  une  cuisse  sur  l'autre, 
il  est  forcé  de  se  rejeter  en  arrière  pour  exécuter  ce  mouvement. 
Raideur  des  jambes. 

Debout,  il  présente  le  signe  de  Romberg  d'une  façon  légère,  et  ne  peut 
se  tenir  en  équilibre  sur  une  seule  jambe  même  les  yeux  ouverts. 

Dans  la  marche,  les  jambes  sont  moins  raides  que  lorsque  le  malade 
est  couché,  cependant  l'allure  est  lente  et  s'accompagne  d'un  balance- 
ment qui  rappelle  celui  des  malades  atteints  de  paraplégie  spasmodi- 
que  ;  les  pieds  sont  lourds  et  heurtent  les  aspérités  du  sol,  l'ascension 
d'un  escalier  est  très  pénible. 

Sensibilité.  —  Le  malade  se  plaint  d'une  céphalalgie  gravative,  con- 
tinue ;  il  n'éprouve  pas  de  douleurs  ni  dans  les  reins  ni  dans  les  jambes, 
mais  se  plaint  d'avoir  les  pieds  toujours  froids  (on  constate,  en  effet,  à 
la  main,  une  diminution  très  marquée  de  la  température  dans  ces  extré- 
mités) et  d'éprouver  sous  la  plante  des  pieds  une  sensation  de  frémisse- 
ment, de  fourmillement.  Lorsqu'il  se  met  debout,  les  pieds  nus,  il 
n'apprécie  pas  exactement  la  nature  du  sol  sur  lequel  il  repose.  Ou 
constate,  au  point  de  vue  olîjectif,  une  abolition  de  la  perception  du  con- 
tact etune  diminution  très  marquée  de  la  sensibilité  à  la  douleur  et  à  la 
température  dans  les  jambes  ;  la  zone  d'anestliésie  est  limitée  brusque- 
ment par  une  ligne  circulaire  un  peu  au-dessus  du  genou  (anesthésie 
en  botte). 


—  231  — 


Le  malade  ne  présente  pas  de  troubles  marqués  des  sphincters, 
cependant  depuis  un  certain  temps,  il  éprouverait  de  l'hésitation  dans 
la  miction  et  sa  puissance  génitale  serait  amoindrie  depuis  deux  à  trois 
mois.  Les  membres  supérieurs  sont  sains. 

Pour  les  organes  des  sens,  on  note  une  diminution  marquée  de 
l'acuité  visuelle  et  auditive,  surtout  à  gauche.  Eufin  il  existe  un  rétré- 
cissement prononcé  du  champ  visuel,  concentrique  et  bilatéral. 

On  voit  combien  l'affection  simulait  de  près  une  paraplégie  spinale 
syphilitique  ;  cependant,  un  certain  nombre  de  signes  manquaient  ou 
étaient  insolites  ;  il  n'existait  pas  de  douleurs  lombaires  ni  de  troubles 
vésicaux  nets;  contrairement  à  ce  qui  s'observe  dans  la  paraplégie 
spinale  syphilitique,  la  raideur  était  plus  prononcée  au  lit  que 
pendant  la  marche.  Enfin  le  malade  présentait  des  signes  non  douteux 
de  nature  hystérique  :  l'anestliésie  segmcntaire,  une  diminution  de 
l'acuité  sensorielle  et  un  rétrécissement  accentué  du  champ  visuel. 

Une  fois  l'origine  spinale  de  la  paraplégie  bien  établie,  on  recher- 
chera d'abord,  par  l'examen  du  rachis,  s'il  n'existe  pas  de  lésion 
vertébrale. 

Bien  que  les  lésions  de  syphilis  osseuse  du  rachis  constituent  une 
véritable  rareté,  si  l'on  constatait  une  saillie  osseuse  de  la  colonne 
verté])rale,  on  devrait,  dans  le  doute,  avoir  recours  au  traitement 
spécifique. 

On  écartera  également  les  autres  altérations  osseuses,  comme  le 
mal  de  Pott;  le  cancer  vei^tébral,  qm  se  distingue  par  une  marche 
plus  rapide,  des  douleurs  violentes,  l'existence  d'une  tumeur  primi- 
tive en  un  autre  point  du  corps,  l'état  général,  etc.  ;  enfin,  toutes  les 
causes  de  compression  de  la  moelle. 

L'absence  de  ces  causes  palpables  permet  d'admettre  (en  faisant  la 
part  des  lésions  cachées  indiagnostiquables  et  des  surprises)  qu'il 
s'agit  d'une  altération  primitive  de  la  moelle  ;  et  dans  ces  conditions, 
la  connaissance  de  l'infection  syphilitique  antérieure  entraîne  un  peu 
forcément  le  diagnostic,  surtout  si  l'affection  se  présente  avec 
cet  ensemble  un  peu  particulier  que  Erb  a  reconnu  à  la  para- 
plégie spinale  syphilitique.  Hâtons-nous  d'ajouter  que,  dans  ce 
dernier  cas,  le  diagnostic,  tout  en  étant  vraisemblable,  n'est  pas 
absolument  certain,  car  il  est  possible  d'observer,  et  nous  avons 
nous-même  rencontré,  dans  le  service  de  M.  Dejerine,  des  malades 
qui  présentent  une  affection  reproduisant  fidèlement  le  tableau  de  la 
paraplégie  syphilitique,  sans  qu'il  soit  possible  de  retrouver,  dans  les 


—  232  — 


antécédents,  aucun  indice  de  syphilis,  ni  même  aucune  cause  étiolo- 
gique  à  laquelle  on  puisse  rapporter  l'affection  spinale  dont  ils  sont 
atteints. 

Nous  avons  vu  que  la  syphilis  médullaire  pouvait  revêtir  des 
aspects  cliniques  rappelant  certaines  maladies  systématiques  de  la 
moelle. 

Le  pseudo-tabes  syphilitique  se  distingue  du  tabès  ordinaire  par 
une  évolution  beaucoup  plus  rapide  des  symptômes,  de  fréquentes 
oscillations  dans  leur  gravité,  par  l'existence  de  la  rachialgie  lombaire, 
par  une  sensibilité  marquée  au  traitement  spécifique.  Il  faut  avouer 
cependant  que,  dans  nombre  de  cas,  il  est  bien  difficile  de  se  prononcer. 

La  pseudo-sclérose  en  plaques  syphilitique  présente  d'ordinaire 
un  tableau  très  incomplet  de  l'affection  qu'elle  simule  ;  cependant, 
dans  quelques  cas,  la  ressemblance  peut  être  assez  trompeuse;  enfin, 
il  est  des  formes  frustes,  ou  exclusivement  spinales  de  la  sclérose  en 
plaques  qui  ne  se  distinguent  que  difficilement  de  certains  aspects  de 
la  syphilis  médullaire.  L'existence  fréquente  d'accidents  aigus,  les 
oscillations  et  les  variations  d'intensité  dans  les  symptômes,  enfin 
l'influence  favorable  du  traitement  sont  des  arguments  en  faveur  d'une 
lésion  syphilitique. 

Les  formes  amyotrophiques  se  distinguent  toujours  des  poiiomyé- 
lites  systématiques  par  un  certain  nombre  de  signes  qui  indiquent  la 
participation  diffuse  delà  moelle  tout  entière.  Il  existe  des  douleurs 
lombaires^  des  phénomènes  spasmodiques,  des  troubles  des  sphinc- 
ters, une  marche  oscillante,  etc.,  caractères  qui  n'existent  pas  dans  les 
formes  d'amyotrophie  spinale  systématique. 

Une  affection  contre  laquelle  il  est  bon  de  se  mettre  en  garde  lors- 
qu'on pense  avoir  affaire  à  une  amyotrophie  spinale  syphilitique, 
c'est  la  polynévrite  généralisée  à  forme  de  paralysie  générale  spi- 
nale antérieure  subaiguë  de  Duchenne  (de  Boulogne)  ;  on  observe 
dans  ce  cas  des  douleurs,  une  paralysie  avec  atrophie,  et  même  des 
paralysies  oculaires  ;  l'affection,  qui  est  susceptible  de  guérison  spon- 
tanée, peut  paraître  influencée  par  un  traitement  spécifique  ;  tout 
semble  indiquer  une  paralysie  syphilitique,  mais  les  phénomènes 
spasmodiques  font  complètement  défaut,  et  le  mécanisme  des  sphinc- 
ters est  respecté. 

Parfois,  les  phénomènes  spasmodiques  dans  la  syphilis  médullaire 
s'accompagnent  d'atrophie  musculaire  et  de  dissociation  dans  les 


-  233  — 


sensibilités  (Oppenli ei m).  L'affection  pourra  rappeler  la  sijringo- 
myélie  (1);  mais  ici  encore,  la  marche  rapide  et  oscillante,  la  coexis- 
tence d'autres  symptômes  indiquant  une  distribution  diffuse  des 
lésions,  établissent  que  le  syndrome  syringomyélique  n'est  qu'un 
élément  combiné  à  d'autres  manifestations  de  syphilis  médullaire. 

Les  formes  bulbaires  s'écartent  également  des  affections  systéma- 
tiques des  noyaux  de  cette  région  par  la  diffusion  et  l'absence  d'isole- 
ment des  symptômes. 

Nous  n'insisterons  pas  sur  le  diagnostic  de  la  loCcilisation  des 
altérations  aux  divers  étages  de  la  moelle.  Le  siège  de  la  douleur 
rachidienne  et  des  irradiations  en  ceinture,  la  participation  de  telle  ou 
telle  partie  (muscles  intercostaux,  diaphragme,  etc.),  l'étendue  des 
troubles  moteurs  et  sensitifs  indiquent  la  hauteur  à  laquelle  siège  le 
maximum  des  lésions. 

Existe-t-il  des  aspects  cliniques  particuliers  en  rapport  avec 
certaines  formes  anatomiques  spéciales  de  la  syphilis  médullaire 
comme  la  pachyméningite  ou  les  productions  gommeuses  ? 

La  pachyméningite ,  par  les  symptômes  spéciaux  que  nous 
avons  décrits,  par  la  localisation  ordinaire  dans  la  région  cervicale, 
présente  un  aspect  caractéristique. 

Quant  aux  gommes  de  la  moelle,  elles  échappent  ordinairement  au 
diagnostic  ou  plus  exactement  on  a  eujusqu'ici  une  tendance  à  attri- 
buer à  ces  productions  une  importance  qui  est  démentie  par  Tétude 
anatomique.  En  présence  d'une  hémiparaplégie  spinale  améliorée  à 
la  suite  d'un  traitement  iodo-mercuriel,  on  résiste  en  effet  difficile- 
ment à  l'idée  qu'il  s'agit  d'une  gomme  ayant  comprimé  momentané- 
ment la  moelle,  et  cependant,  en  raison  de  la  rareté  de  ces  produc- 
tions dans  la  moelle,  on  ne  peut  considérer  ce  diagnostic  que  comme 
bien  incertain.  On  se  souviendra  cependant  qu'un  épaississement  des 
méninges  ou  des  productions  gommeuses  pourront  comprimer  la  queue 
decheval  en  donnantlieu  à  dessymptômesdenévritesciatique intense, 
à  des  douleurs  très  violentes,  et  produire  une  paraplégie  flasque 
avec  atrophie  des  muscles,  troubles  trophiques  cutanés,  anesthésie 
cutanée  et  paraplysie  des  sphincters. 

(1)  Beevor.  Syphilitic  tumors  of  spinal  cord,  with  symptoiiis  simulating  syrin- 
gomyelia.  Lrnurt,  London,  1893,  II,  1252. 


§  6.- 


Pronostic  et  traitement. 


Ce  que  nous  savons  de  l'évolution  anatomique  des  lésions  d'une 
part,  et  d'autre  part  l'observation  clinique  fournissent  d'importantes 
notions  sur  le  pronostic  de  l'affection  et  sur  les  indications  du  traite- 
ment. 

Dans  la  première  période,  alors  que  les  lésions  des  vaisseaux  et 
des  méninges  ne  produisent  dans  le  tissu  nerveux  que  des  troubles 
fonctionnels,  l'influence  du  traitement  spécifique  est  toute-puissante. 
Si  elle  intervient  à  temps,  l'inflammation  vasculaire  et  méningée 
pourra  être  modérée,  les  lésions  primitives  rétrograderont  avant  la 
nécrose  du  tissu  nerveux  et  les  symptômes  s'amenderont  peu  à  peu 
jusqu'à  la  guérison  complète. 

Lorsque, au  contraire,  le  ramollissement  ischémique  ou  la  destruc- 
tion par  compression  sont  survenus,  le  traitement  iodo-mercuriel  est 
sans  action  sur  les  lésions  dégénératives.  A  cette  période  cependant 
il  est  encore  indiqué,  car  il  préviendra  de  nouveaux  désordres  en 
s'opposant  à  l'extension  des  altérations  primitives  et  pourra  même,  en 
amenant  une  rétrocession  des  lésions  inflammatoires,  favoriser  la 
réparation  du  tissu  nerveux. 

En  dehors  du  traitement  prophylactique,  l'emploi  de  la  médication 
iodo-mercurielle  s'impose  dès  qu'apparaissent  les  premiers  signes 
d'une  manifestation  nerveuse  chez  un  syphilitique.  Il  faut  agir  vite  et 
frapper  fort  car  les  lésions  syphilitiques  se  développent  parfois  très 
rapidement, ainsi  que  le  prouvent  certains  cas  dans  lesquels  des  phé- 
nomènes de  la  plus  haute  gravité  apparaissent  dans  une  période  très 
courte. 

Les  malades  seront  soumis  à  des  frictions  quotidiennes  avec  3  à 
6  gr.  d'onguent  napolitain  en  une  ou  deux  séances  avec  la  technique 
connue  et  en  observant  les  précautions  hygiéniques  recommandées 
(soins  de  la  bouche,  etc.).  L'iodure  de  potassium  sera  employé  concur- 
remment à  des  doses  assez  fortes,  4  et  6  gr.  et  même  davantage  par 
jour. 


—  235  — 


On  devra  associer,  à  cette  époque,  au  traitement  spécifique  l'emploi 
de  la  révulsion  sur  la  colonne  vertébrale  sous  forme  de  pointes  de  feu 
pratiquées  au  moyen  du  thermocautère. 

C'est  lorsque  les  phénomènes  prodromiques  se  manifestent  lente- 
ment et  alors  qu'il  ne  s'est  pas  encore  produit  d'accidents  aigus  que 
l'action  du  traitement  est  le  plus  favorable,  car  alors  les  lésions  primi- 
tives peuvent  être  arrêtées  dans  leur  évolution  avant  la  destruction  des 
éléments  nerveux.  Il  est  malheureusement  assez  rare  que  l'on  puisse 
agir  à  temps  et  le  plus  souvent  les  malades,  du  moins  à  l'hôpital,  ont 
déjà  été  frappés  d'accidents  graves,  lorsqu'ils  se  présententà  l'examen. 
Enfin  il  ne  faut  pas  se  dissimuler  que,  dans  certains  cas,  malgré  un 
traitement  précoce  et  bien  entendu,  les  symptômes  progressent  et 
s  aggravent. 

Lorsqu'il  s'est  manifesté  une  attaque  de  paralysie,  le  pronostic 
dépend  naturellement  de  la  localisation  de  l'altération  :  le  ramollisse- 
ment de  la  région  cervicale  est  le  plus  grave,  une  localisation  dans  la 
région  lombaire  est  toujours  plus  redoutable  qu'une  lésion  de  la  région 
dorsale. 

Les  formes  aiguës  sont  ordinairement  plus  graves  que  les  formes 
qui  se  développent  lentement,  précisément  parce  que  les  lésions 
primitives  étant  plus  étendues  et  plus  intenses,  la  nécrose  des  éléments 
nerveux  survient  avant  qu'ait  pu  se  produire  l'action  résolutive  du 
traitement.  Cependant,  ici  comme  pour  les  paralysies  cérébrales, 
l'apparition  brusque  des  symptômes  n'indique  pas  nécessairement  une 
destruction  achevée  du  tissu  nerveux  intéressé;  les  symptômes,  pour 
intenses  qu'ils  étaient  au  début,  ont  pu  dans  certains  cas  s'améliorer 
à  tel  point  que  les  malades  ont  guéri  presque  complètement  dans  la 
suite. 

Aussi,  lorsqu'on  verra  se  produire  des  accidents  brusques,  ne 
devra-t-on  pas  considérer  la  partie  comme  perdue,  il  est  peut-être 
encore  temps  d'agir  sur  les  lésions  primitives  fraîches  dont  la  rétro- 
gradation permettra  le  rétablissement  d'un  courant  nutritif  momen- 
tanément et  incomplètement  interrompu.  Si  cette  condition  se  réalise, 
le  tissu  nerveux  dont  les  fonctions  physiologiques  seules  ont  été  sus- 
pendues, maisdontla  vitalité  propre  n'a  pas  été  compromise,  reprendra 
ses  propriétés  et  les  symptômes  s'amenderont  rapidement. 

Sinon,  les  symptômes  persistent,  les  altérations  trophiques  appa- 


—  236  — 


raissent  dans  les  parties  paralysées,  indiquant  la  nécrose  manifeste 
et  irrémédiable  du  parenchyme  nerveux. 

Bien  que  l'on  puisse  observer  la  guérison  à  la  suite  d'une  attaque 
brusque  de  paraplégie  intense,  on  ne  devra  pas  fonder  de  trop  grandes 
espérances  sur  cette  heureuse  éventualité  qui  n'est  en  réalité  qu'une 
exception.  Tout  au  contraire,  les  formes  aiguës  paient  le  plus  lourd 
tribut  à  la  mortalité  dans  l'affection  qui  nous  occupe  et  dans  les  cas 
que  l'on  peut  considérer  comme  heureux,  lorsque  la  lésion  médullaire 
se  limite  après  une  certaine  amélioration,  le  malade  reste  atteint  d'une 
paraplégie  spasmodique  qui  persiste  à  l'état  chronique  et  présente 
une  intensité  proportionnelle  à  celle  des  premiers  accidents  aigus. 

Cependant,  alors  même  que  la  persistance  des  signes  graves  et 
l'apparition  des  troubles  trophiques  auront  établi  que  la  destruction 
du  parenchyme  nerveux  est  consommée,  on  aura  encore  le  devoir 
d'insister  sur  le  traitement  spécifique  dans  le  but  : 

1"  D'entraver  le  développement  de  nouvelles  altérations  primitives. 

2°  D'amener,  si  possible,  la  rétrogradation  des  lésions  inflamma- 
toires déjà  constituées  et  de  permettre  ainsi  à  des  parties  du  tissu 
nerveux  seulement  compromises  légèrement  de  recouvrer  leurs  pro- 
priétés. 

A  cette  période,  il  est  nécessaire  d'ajouter  au  traitement  spécifique 
la  médication  tonique  et  les  précautions  hygiéniques  minutieuses.  On 
devra  surveiller  le  fonctionnement  des  réservoirs,  pratiquer  s'il  y  a 
lieu  le  cathétérisme  avec  les  précautions  antiseptiques  recommandées, 
obvier  à  la  constipation  qui  peut  aller,  faute  d'attention,  jusqu'à  l'obs- 
truction intestinale. 

Bien  que  le  décubitus  relève  essentiellement  de  la  lésion  médul- 
laire, deux  circonstances  favorisent  le  développement  des  escarres  ; 
ce  sont  la  pression  locale  longtemps  prolongée  et  la  macération  de  la 
peau  par  les  déjections.  On  diminuera  faction  nocive  de  la  première 
en  modifiant  souvent  la  position  du  malade,  en  faisant  usage  de  mate- 
las à  air  ou  à  eau,  etc.;  une  propreté  scrupuleuse  écartera  l'effet  irri- 
tant de  la  seconde. 

Lorsque,  en  dépit  de  ces  précautions,  une  escarre  se  sera  développée, 
il  sera  possible  d'en  limiter  l'extension  par  une  surveillance  cons- 
tante et  des  pansements  antiseptiques.  En  somme,  à  cette  période, 
deux  accidents  surtout  sont  à  redouter,  c'est  la  cystite  purulente  et 
l'infection  des  plaies. 


-  237  — 


On  emploiera  les  préparations  toniques  et  fébrifuges,  le  quinquina, 
les  préparations  martiales,  la  quinine,  l'arsenic,  etc.,  selon  les  indica- 
tions fournies  par  l'état  général.  A  cette  période,  le  pronostic  doit 
être  réservé,  tant  qu'il  ne  se  manifeste  pas  une  amélioration  notable. 
Les  symptômes  propres  à  assombrir  le  pronostic  sont  les  manifesta- 
tions d'origine  bulbaire,  les  troubles  respiratoires,  la  paralysie  du 
diaphragme,  les  troubles  tropbiques  graves,  le  développement  d'une 
cystite  purulente  avec  albuminurie  et  surtout  l'apparition  d'une  fièvre 
hectique  indiquant  l'infection  de  l'économie. 

Si  le  malade  franchit  la  période  des  troubles  tropbiques  graves,  de 
nouvelles  indications  thérapeutiques  surgissent. 

D'abord,  le  traitement  iodo-mercuriel,  qui  aura  été  continué  dans 
la  mesure  de  la  tolérance  offerte  par  le  malade,  pourra  être  restreint 
et  réduit  à  l'usage  de  l'iodure  ;  mais  l'attention  sera  toujours  fixée  sur 
l'allure  de  l'affection,  et  même  si  les  symptômes  n'accusent  pas  une 
reprise  des  manifestations  primitives,  il  sera  bon  de  revenir  au  traite- 
ment mixte  après  une  période  de  repos. 

De  plus,  les  membres  paralysés  seront  soumis  à  des  mouvements 
méthodiques,  à  des  frictions,  au  massage,  à  l'action  des  courants 
faradiques.  Ces  derniers  exercent  une  action  favorable  sur  l'atrophie 
musculaire,  mais  ils  produisent  parfois  une  exagération  de  la  con- 
tracture et  sont  alors  contre-indiqués.  On  fait  en  Allemagne  un  usage 
fréquent  des  courants  galvaniques  appliqués  sur  la  colonne  verté- 
brale. Les  malades  se  trouvent  souvent  bien  de  pointes  de  feu  légères 
appliquées  sur  la  colonne  vertébrale  et  fréquemment  répétées.  Les 
bains  sulfureux  sont  également  favorables.  Enfin  les  malades  seront 
envoyés  aux  eaux  thermales  sulfureuses  ou  chlorurées  sodiques. 

Lorsque  le  malade  se  présente  avec  les  signes  d'une  paraplégie 
spasmodique,  ou  bien  il  est  encore  dans  la  période  d'augment  d'une 
affection  qui  se  développe  lentement  sans  accidents  aigus  et  sans 
phénomènes  graves;  dans  ces  conditions,  le  traitement  iodo-mercuriel 
et  la  révulsion  locale  sont  les  principales  bases  du  traitement;  ou 
bien  il  est  dans  une  période  d'état  stationnaire,  succédant  soit  à  des 
accidents  aigus,  soit  à  un  développement  progressif.  Dans  ce  dernier 
cas,  si  les  accidents  de  la  période  de  croissance  sont  encore  récents, 
on  devra  insister  sur  le  traitement  mixte;  si,  au  contraire,  l'état  est 
stationnaire  depuis  plusieurs  mois,  on  n'emploiera  plus  que  l'iodure 


—  238  - 


de  potassium  à  faible  dose  (1  à  2  gr.),  toujours  prêt  à  reprendre  l'usage 
du  mercure  à  la  moindre  alerte.  On  doit,  en  effet,  être  prévenu  que 
le  malade  n'est  pas  à  l'abri  des  rechutes. 

Dans  cette  période  d'état  stationnaire  qui  est  l'aboutissant  ordinaire 
de  la  paraplégie  syphilitique  commune,  le  tissu  scléreux  a  remplacé 
les  éléments  nerveux  nécrosés,  et  la  thérapeutique  n'a  que  peu  d'ac- 
tion sur  cette  altération.  Cependant  on  devra  prescrire  le  massage,  la 
gymnastique  médicale,  les  bains  sulfureux  et  le  séjour  dans  les  sta- 
tions thermales. 

Dans  ces  conditions,  on  voit  généralement  les  malades  bénéficier 
d'une  amélioration  très  lente  et  toujours  restreinte,  qui  semble  devoir 
être  attribuée  à  une  régénérescence  partielle  des  éléments  nerveux  au 
milieu  du  tissu  de  sclérose. 

Il  est  assez  difficile  de  donner  une  formule  générale  de  la  gravité 
de  la  syphilis  médullaire,  car  tout  dépend  de  la  localisation  et  de 
l'intensité  des  lésions,  et  l'affection  présente,  à  cet  égard,  de  grandes 
variations. 

La  syphilis  médullaire  est  toujours  une  maladie  sérieuse,  car  si 
elle  ne  menace  pas  toujours  l'existence,  il  est  rare  qu'elle  guérisse 
complètement. 

Dans  la  statistique  de  MM.  Gilbert  et  Lion,  sur  52  cas,  16  se 
sont  terminés  par  la  mort  et  14  ont  abouti  à  la  guérison. 

Sur  53  observations  relevées  par  Kuh,  il  y  a  eu  6  morts  et  5  gué- 
risons. 

Parmi  les  23  cas  inédits  que  nous  publions,  nous  avons  9  cas  de 
mort  par  les  progrès  de  l'affection  et  1  seul  cas  de  guérison  presque 
complète. 

Il  est  vrai  que,  poursuivant  particulièrement  l'étude  anatomique  de 
l'affection,  nous  avons  surtout  recherché  les  formes  graves.  Nous 
n'en  persistons  pas  moins  à  considérer  la  guérison  complète  comme 
un  événement  rare,  lorsqu'il  s'est  produit  des  accidents  aigus.  La 
plupart  des  malades  présentent,  après  une  période  d'accidents  aigus, 
une  amélioration  parfois  très  notable,  mais  l'aboutissant  naturel  est 
la  paralysie  spasmodique  persistant  à  l'état  chronique,  et  en  rapport 
avec  une  cicatrice  scléreuse  incurable  d'une  portion  du  parenchyme 
médullaire. 


I  7.  —  Conditîon!«  éliologiques. 


A.  —  Fréquence 

Il  est  assez  difficile  de  donner  une  idée  exacte  de  la  fVéquence  de  la 
paraplégie  syphilitique;  les  opinions  des  différents  auteurs  ne  s'ac- 
cordent pas  toujours  à  cet  égard,  bien  que  la  plupart  tendent  à  consi- 
dérer cette  affection  comme  assez  rare.  Cependant, dès  1846,Ricord 
écrivait  :  «  Je  suis  absolument  convaincu  qu'un  grand  nombre  de 
paraplégies  dépendent  de  la  syphilis  à  sa  troisième  période.  » 

Bazin  allait  plus  loin  :  «  La  paraplégie  syphilitique,  dit-il,  est  si 
commune  que  je  me  crois  en  droit  d'affirmer  qu'elle  constitue  à  elle 
seule  les  deux  tiers  environ  de  tous  les  cas  de  paraplégie  réunis.  » 

La  paraplégie  spinale  syphilitique  est  toutefois  moins  fréquente 
que  les  autres  manifestations  paralytiques  relevant  de  la  syphilis, 
surtout  de  la  syphilis  cérébrale.  Lagneau  père  et  Zambaco  consi- 
déraient la  paraplégie  comme  un  accident  syphilitique  peu  commun 
et  même  très  rare  en  comparaison  des  accidents  de  syphilis  céré- 
brale. Cette  dernière  opinion  est  certainement  exagérée,  car  sur 
120  cas  de  paralysie  syphilitique  rapportés  par  Lad  reit  de  Lachar- 
rière,  nous  relevons  i8  cas  de  paraplégie. 

Caizergues  regarde  les  altérations  syphilitiques  de  la  moelle 
comme  fréquentes  à  la  période  secondaire;  Julliard  au  contraire  les 
considère  comme  rares  et  Eulenburg  (1)  émet  même  des  doutes  sur 
l'influence  possible  de  la  syphilis  dans  le  ramollissement  ou  l'inflam- 
mation chronique  de  la  moelle.  Rosenthal  (2),  tout  en  admettant  la 
réalité  des  myélopathies  syphilitiques,  renonce  à  donner  une  appré- 
ciation de  leur  fréquence.  Erb  (3)  établil  à  la  fois  l'influence  mani- 

(1)  Eulenburg.  Lchrhuch  der  Nervenhrankheiten,  2"  édit.,  1878,  2"^  partie, 
p.  362. 

(2)  Rosenthal.  Klinih  der  Rilclienmarkshramli.,  2«  édit.,  1876,  p.  355. 

(3)  Erb.  Kranklwitcn  des  Ruchenmarks,  2°  édit.,  1878,  p.  410. 


—  240  — 


feste  de  la  syphilis  sur  le  développement  des  myélites  chroniques  et 
l'existence  assez  fréquente  de  la  myélite  aiguë  à  une  époque  rappro- 
chée de  la  date  de  l'infection. 

Proux  (1),  au  contraire,  pense  que  :  «  la  paraplégie  précoce  dans 
la  syphilis  constitue  un  accident  rare.  »  C'est  aussi  l'opinion  de 
Hammond  (2)  qui  croit  plutôt  à  l'existence  des  formes  subaiguës. 

Gowers  (3),  par  contre,  est  bien  convaincu  de  l'existence  des 
formes  aiguës  au  début  de  la  syphilis,  mais  ne  se  prononce  pas  sur  la 
fréquence  des  myélopathies  syphilitiques  chroniques  bien  qu'il  con- 
sidère la  syphilis  comme  un  facteur  étiologique  important. 

D'après  Kuh,  la  lecture  des  observations  publiées  entraîne  la 
conviction' que  la  syphilis  a  une  influence  manifeste  sur  le  développe- 
ment des  myélites  aiguës  et  chroniques,  mais  il  est  difficile  d'appuyer 
cette  opinion  sur  une  preuve  statistique  tant  à  cause  de  la  complexité 
de  certains  cas  qu'à  cause  de  l'incertitude  de  plusieurs  autres. 

Les  aspects  cliniques  de  la  paraplégie  syphilitique  ne  distinguent 
en  effet  nullement  cette  affection  des  autres  paraplégies  spinales  et 
c'est  surtout  sur  l'aspect  des  lésions  anatomiques  constatées  à  l'exa- 
men microscopique  qu'on  devra  établir  la  nature  syphilitique  de 
l'affection  observée  durant  la  vie  du  malade.  11  faut  même  avouer 
que,  dans  l'état  actuel  de  nos  connaissances,  les  lésions  syphilitiques 
n'ont  pas  toujours  de  caractère  bien  spécifique.  Cependant,  si  dans 
certaines  myélites  chroniques  survenues  chez  des  sujets  syphilitiques, 
on  constate  àcôté  de  lésions  presque  cara^  téritiques,  comme  des  infil- 
trations gommeuses  circonscrites  par  exemple,  d'autres  altérations 
comme  une  inflammation  diffuse  des  vaisseaux  et  des  méninges,  on 
pourra  admettre  que  ces  lésions  ont  la  même  origine. 

Quant  à  l'existence  des  myélopathies  syphilitiques  aiguës,  elle 
nous  semble  prouvée  par  ce  fait  qu'on  retrouve  dans  ces  formes 
certaines  altérations  propres  aux  formes  chroniques. 

Dès  1859,  T  rousseauetRicord  avaient  observé  des  myélites  ai  guës 
chez  des  jeunes  gens  en  pleine  période  secondaire  ;  les  lésions  cons- 
tatées à  l'autopsie  étaient  une  inflammation  avec  ramollissement  de  la 
moelle.  Trousseau  admettait  nettement  l'origine  syphilitique  de 

(1)  Peoux.  Thèse,  Bordeaux,  1887. 

(2)  Hammond.  Loo.  cit. 

(3)  GoWEKS.  Biseases  uf  thc  nervuus  System,  2"  édit.,  1892. 


—  241  — 


ces  altérations,  mais  Ricord  n'osait  se  prononcer.  De  nombreuses 
observations  ont  été  depuis  publiées,  et,  bien  que  l'on  soit  encore  à  la 
recherche  de  l'élément  spécifique  capable  de  caractériser  les  altéra- 
tions anatomiques  de  ces  formes,  on  s'accorde  aujourd'hui  à  recon- 
naître la  réalité  des  myélites  aiguës  d'origine  syphilitique. 

Au  reste,  entre  les  formes  chroniques  et  les  formes  aiguës,  il  ne 
nous  semble  pas  exisler  une  séparation  aussi  tranchée,  car  entre 
les  cas  extrêmes,  on  observe  tous  les  intermédiaires.  Nous 
avons  de  plus  essayé  de  démontrer  que,  dans  tous  les  cas,  les 
lésions  initiales  ont  beaucoup  d'analogie  et  que  les  variétés  d'aspect 
des  altérations  constatées  à  l'autopsie  tiennent  à  des  différences  dans 
l'extension  des  lésions  primitives  et  dans  le  degré  d'ancienneté  des 
altérations  secondaires. 

On  peut  se  faire  une  idée  delà  fréquence  de  la  myélopatliie  syphi- 
litique en  consultant  la  statistique  de  M.  le  professeur  Fournier  (1) 
qui,  sur  1,085  cas  de  syphilis  nerveuse,  n'a  rencontré  que  77  cas  de 
syphilis  médullaire,  à  côté  de  416  cas  de  syphilis  cérébro-spinale. 

L'opinion  de  Erb  nous  fournit  un  autre  terme  de  comparaison, 
l'auleur  considère  la  paraplégie  syphilitique  comme  dix  fois  moins 
fréquente  que  le  tabès,  car  pour  environ  400  cas  de  tabès  observés 
par  lui  en  dix  ans,  il  compte  à  peine  30  à  35  cas  de  paraplégie  spinale 
syphilitique. 

B.  —  Conditions  résultant  de  la  nature  du  virus 

a)  Date  cVapparitioyi.  —  La  distinction  dans  l'évolution  de  la 
syphilis  en  période  secondaire  et  période  tertiaire  a  une  raison  plu- 
tôt clinique  qu'anatomique,  car  la  nature  des  lésions  primitives  ne 
change  pas.  Cependant  il  n'en  est  pas  moins  intéressant  de  se 
demander  si  la  paraplégie  sypliilitique  est  un  accident  précoce  ou 
tardif.  L'étude  des  observations  montre  qu'il  peut  être  l'un  et  l'autre, 
mais  qu'il  se  manifeste  de  préférence  à  une  époque  assez  proche  de 
l'infection  primitive. 

Sur  88  observations  de  Valdemar-Steenber g  (2),  8  malades 
avaient  encore  des  accidents  secondaires,  10  n'en  n'avaient  plus 
depuis  quelques  mois,  22  depuis  deux  ans,  48  avaient  eu  des 


(1)  FOUBNJEE.  In  BOULLOCHE.  LoC.  cit. 

(2)  Valdemar-Steenbeeg.  Kiôbenhaven,  1860. 

S. 


16 


—  242  — 


accidents  secondaires  et  tertiaires.  L'auteur  arrive  à  cette  con- 
clusion que  la  syphilis  de  la  moelle  est  surtout  un  accident  de  la 
période  tertiaire. 

Cependant  Ladreit  de  Lacharrière  (1)  fait  la  remarque  sui- 
vante :  ((  Presque  tous  les  auteurs  ont  jusqu'à  présent  rangé  les  acci- 
dents nerveux  parmi  les  manifestations  tardives  ou  tertiaires  de  la 
syphilis.  En  étudiant  les  observations  que  je  publie,  il  est  facile  de  se 
convaincre  que  telle  n'est  point  la  règle,  et  que  les  désordres  du 
système  nerveux  peuvent  appartenir  à  une  époque  beaucoup  plus 
récente  de  la  maladie.  » 

Heubner  et  Keyes  (2)  considèrent  le  terme  de  six  mois  comme  une 
date  fréquente.  M.  Mauriac  a  vu  se  produire  des  accidents  spinaux 
(rois  mois  après  le  chancre  et  Richet  a  même  observé  un  cas  un 
mois  après  l'infection. 

Pour  M.  Fournier  (3),  le  maximum  de  fréquence  est  entre  la 
quatrième  et  la  dixième  année  ;  c'est  à  peu  près  la  conclusion  de 
Jespersen  (4)  qui  donne  la  quatrième  année  comme  l'époque  la  plus 
favorable  à  l'éclosion  des  accidents;  c'est  aussi  celle  de  Buzzard(5) 
et  de  Broadbent  (6)  qui  indiquent  la  cinquième  année. 

Le  Petit  (7)  rapporte  dans  sa  thèse  trois  cas  qui  se  sont  produits 
entre  le  quatrième  et  le  dixième  mois,  il  considère  la  syphilis  de  la 
moelle  comme  une  manifestation  tertiaire  qui  peut  survenir  tantôt  de 
bonne  heure,  un  à  deux  ans  après  le  chancre,  tantôt  beaucoup  plus 
tard,  à  une  échéance  de  dix  à  vingt  années. 

Caizergues  (8)  incrimine  surtout  la  période  secondaire  (entre 
deux  et  dix  ans)  tandis  que  Julliard  (9)  et  Hammond  (10)  sont  du 
même  avis  que  Steenberg. 

Vinache  (11), dans  cinq  cas  personnels,  observe  un  écart  considé- 
rable entre  un  minimum  de  huit  mois  et  un  maximum  de  vingt  ans 

(1)  Ladreit  de  lachabrière.  Thèse,  Paris,  1861. 

(2)  Keyes.  Syphilis  of  nerv.  syst.,  Nem-Yorh  med.  Journ.,  nov.  1870. 

(3)  Fournier.  Leçons  .mr  la  syph.  médtill.,  Hôpit.  Saint- Louis,  1876. 

(4)  Jespersen.  Kiobenhaven,  1874. 

(5)  Buzzard.  Lanoet,  de  fév.  à  mai  1873. 

(6)  Broadbent.  Laneet,  janv.,  fév.,  1874. 

(7)  Le  Petit.  Thèse^  Paris,  1878. 

(8)  Caizergues.  Thèse,  Montpellier,  1878. 

(9)  Julliard.  Thèse,  Lyon,  1879. 

(10)  Hammond.  A  treatisc  on  the  diseases  ofthe  nervous  systviii,  1881. 

(11)  Vinache.  Thèse,  Paris,  1880. 


—  243  — 


comme  laps  de  temps  entre  la  date  de  l'infection  et  celle  des  accidents 
spinaux.  11  admet  cependant  avec  Caizergues  une  plus  grande  fré- 
quence dans  la  deuxième  année. 

La  statistique  de  Savard  (1)  repose  sur  74  cas  qui  se  répartissent 
de  la  façon  suivante  :  26  entre  six  mois  et  un  an,  48  entre  un  an  et 
vingt-cinq  ans,  avec  un  maximum  entre  la  deuxième  et  la  huitième 
année. 

D'autres  cas  plus  précoces  ont  été  depuis  signalés  par  M.  Deje- 
rine  (2)  et  par  Breteau  (3). 

Dans  les  55  observations  relevées  par  MM.  Gilbert  et  Lion  (4), 
sur  47  fois  où  l'époque  de  l'infection  a  été  déterminée,  les  accidents 
spinaux  sont  apparus  : 

16  fois  du    3«  au    6e  mois. 
7      —      7«  au  12»  — 
14      —     14«  au  24«  — 

avec  un  maximum  de  fréquence  au  sixième  mois. 

Sur  les  22  cas  observés  par  E  rb  (5),  dans  lesquels  la  date  de  l'ap- 
parition du  chancre  a  été  relevée,  13  fois  (soit  plus  de  la  moitié  des 
cas),  les  symptômes  médullaires  sont  apparus  dans  les  trois  premières 
années;  18  fois  moins  de  cinq  ans  après,  et  4  fois  seulement,  plus 
tard,  entre  la  neuvième  et  la  vingtième  année.  «  L'affection  apparaît 
relativement  tôt  après  l'infection  syphilitique,  et  il  n'est  pas  rare  de 
la  voir  dans  la  première  année.  » 

M.  Boulloche  (6),  dans  70  cas  de  la  pratique  de  M.  le  professeur 
Fournier,  note  le  début  de  la  paraplégie  : 


Pendant  la        année   8  fois. 

—  2'     —   18  — 

—  —    10  — 

—  4"=     —    10  — 

De  la  5«  à  la  10=   —    17  — 

—  10"  -  25'=   —    8  — 


Soit  62  cas  sur  100  avant  la  cinquième  année. 

(1)  Savaed.  Thèse,  Paris,  1882. 

(2)  DeJERINE.  Bévue  de  médec'mi;  janv.  ISSi. 

(3)  Beeteau.  Thèse,  Paris,  1889. 

(t)  Gilbert  et  Lion.  De  la  syph.  médull.  précoce.  Arch.  de  méd.,  1889. 

(5)  Eeb.  Neurol.  CentralU.,  1892,  p.  165. 

(6)  Boulloche.  Arm.  de  dermat.,  cet.  1891. 


—  244  — 


Muchin  (1),  sur  20  cas,  en  compte  9  dans  les  six  premières  années, 
9  autres  entre  six  et  dix  ans  et  2  après  dix  ans,  mais  aucun  après  la 
quinzième  année. 

Kuh  (2),  réunissant  52  cas  empruntés  aux  différents  auteurs,  établit 
la  statistique  suivante  : 

Le  début  des  accidents  syphilitiques  s'est  manifesté  après  le 
chancre  : 

Moins  de  1  an  dans       7  cas.  Entre    6  et  10  ans  dans  5  cas. 

Entre  1  et  2  ans  dans  13  —  —    10  et  15     —         6  — 

—  2  et  4     —        14  —  Après  16  ans    dans        1  — 

—  4  et  5     —  2   —  _  Après  20  ans      —          4  — 

En  somme,  36  cas  sur  52,  soit  69  p.  100  avant  la  sixième  année. 
Goldflam  (3),  sur  18  cas  personnels,  observe  : 

Avant  6  mois   4  cas. 

Après  6  mois     2  — 

Après  1  an   3  — 

Dans  le  cours  de  la  2«  année   4  — 

Après  2  ans   5  — 

Les  23  cas  que  nous  avons  observés  se  répartissent  ainsi  : 

Dans  la  l"  année   3  cas  (dont  1  au  6e  mois). 

—  2e    —    4  — 

—  3e    —    3  — 

—  4"    —    1  — 

—  5^    —    3  — 

—  6'=    —    4  — 

Entre  6  et  11  ans   6  — 

Soit  17  cas  sur  23  (74  p.  100)  dans  les  six  premières  années. 

Les  trois  cas  les  plus  graves  sont  survenus  quatorze  mois,  deux  ans 
et  sept  ans  après  l'infection. 

Ces  résultats  concordent  avec  ceux  de  Boulloche  et  de  Kuh. 

b)  Gravité  de  la  syphilis  à  V origine.  —  Une  semble  pas  exister  de 
rapport  constant  entre  le  degré  de  malignité  de  l'infection  syphili- 
tique et  la  localisation  spinale.  D'ailleurs,  dans  l'espèce,  ce  qui 
constitue  la  gravité  de  la  syphilis,  c'est  plutôt  la  localisation  que  la 


(1)  MtrcHiN.  Centralhl.  f.  NervenlieUU.  w.  Psych.,  mai  1892. 

(2)  Kuh.  Deutsche  Zidtschr.  f.  Nervenheillt.,  1893,  Bd  III,  p.  286. 

(3)  Goldflam.  Ueber  Ruckenmarkssyphilis.  Wien.  Klinik.,  1893,  41-96. 


~  245  — 


malignité  du  virus.  Cepenflaiil,  plusieurs  autours  se  sont  attacliés  à 
rechercher  si  certaines  formes  de  la  syphilis  ne  s'attaquaient  pas  plus 
volontiers  au  système  nerveux.  Broadbent,  en  1874,  avait  cru 
remarquer  que  les  lésions  spinales  étaient  plus  souvent  précédées 
par  des  accidents  secondaires  bénins  et  fugaces. 

M.  Mauriac  (1)  écrit,  quelques  années  plus  tard  :  «  Un  fait  qui 
me  frappa  beaucoup  lorsque  j'observai,  pour  la  première  fois,  des 
cas  de  syphiloso  cérébro-spinale,  ce  fut  la  bénignité  des  accidents 
primitifs.  Tous  ces  malades  ont  eu  un  chancre  infectant  superficiel, 
qui  n'a  manifesté  aucune  tendance  à  l'ulcération  et  qui  s'est  guéri  en 
quelques  jours,  sans  laisser  aucune  trace.  Et  ce  que  je  dis  du  chancre 
s'applique  aussi  bien  aux  manifestations  générales  de  la  maladie. 
Des  infections  érythémateuses  ou  papuleuses,  des  plaques  muqueuses, 
tels  étaient  les  accidents  qui  précédaient,  accompagnaient  ou  sui- 
vaient les  attaques  de  syphylose  cérébro-spinale.  On  peut  dire  qu'ils 
ont  toujours  été  insignifiants,  eu  égard  à  la  gravité  de  la  lésion 
viscérale.  » 

M.  Fournier  incrimine  également  la  syphilis  bénigne  ou  d'inten- 
sité moyenne  :  sur  vingt-deux  cas,  il  ne  note  qu'une  fois  une  syphilis 
grave  à  l'origine,  neuf  fois  une  forme  moyenne  et  douze  fois  des 
accidents  bénins  au  début. 

Tous  les  auteurs  ne  sont  pas  de  cet  avis.  Vinache,  sur  cinq 
malades,  constata  quatre  fois  des  accidents  assez  sévères  au  début. 
Proux  signale  aussi  des  formes  graves  à  l'origine.  Dans  quarante- 
deux  observations  de  MM.  Gilbert  et  Lion,  où  les  accidents  secon- 
daires, intermédiaires  ou  tertiaires  ont  été  signalés,  on  trouve 
vingt-sept  fois  des  accidents  secondaires  qui  ont  été  graves  dans  huit 
cas,  et  seize  fois  des  accidents  tertiaires  qui  se  sont  montrés  très 
sévères  chez  six  malades,  soit  quatorze  syphilis  malignes. 

Ces  auteurs  pensent  que  l'opinion  de  M.  Fournier  sur  la  syplii- 
lis  cérébrale  «  à  laquelle  les  syphilis  originairement  moyennes  ou 
bénignes  paraissent  fournir  le  plus  fort  contingent  (2)  »,  n'est  pas 
applicable  aux  myélopathies  syphilitiques.  Cependant  Boulloche 
remarque  que  dans  soixante  et  onze  cas  de  syphilis  médullaire, 
observés  par  M.  le  professeur  Fournier  dans  sa  pratique  extra- 

(1)  Mauriac.  Ann.  de  dermat.  et  de  syph.,  1879,  p.  96. 

(2)  Fournier.  La  syphilis  du  cerveau,  p.  14. 


-  246  — 


hospitalière,  il  n'est  pas  fait  mention  d'accidents  graves  à  l'origine  de 
la  syphilis. 

Dans  les  cinquante-deux  cas  rapportés  par  Kuh,  la  syphilis  était 
en  général  de  moyenne  intensité  et  sensible  au  traitement  :  chez  six 
malades,  on  n'avait  pas  observé  de  symptômes  secondaires,  six  autres 
au  contraire  avaient  déjà  présenté  des  manifestations  tertiaires;  enfin, 
dans  trois  cas  de  syphilis  maligne,  l'affection  spinale  s'était  mani- 
festée moins  de  deux  ans  après  le  chancre,  malgré  un  traitement  spé- 
cifique antérieur  énergique. 

Dans  nos  propres  observations,  nous  n'avons  noté  que  deux  fois  des 
accidents  antérieurs  graves,  les  autres  cas  avaient  été  précédés  de 
manifestations  légères  et  même  parfois  tout  à  fait  frustes.  Nous 
n'avons  relevé  qu'un  seul  exemple  de  chancre  extragénital  (chancre 
de  la  lèvre),  le  sujet  fut  atteint  quatorze  mois  plus  tard  d'une  myélo- 
pathie  syphilitique  excessivement  grave  qui  se  termina  par  la  mort 
(cas  n°  III). 

c)  Influence  du  traitement  arttérieur.  —  Les  avis  sont  partagés 
sur  l'efficacité  d'un  traitement  méthodique  au  début  des  accidents 
syphilitiques  comme  moyen  prophylactique  des  localisations  spinales. 

Valdemar  Steenberg  avait  attribué  au  traitement  tardif  ou 
incomplet  une  influence  funeste  :  sur  quatre-vingt-neuf  cas  de  lésions 
nerveuses  syphilitiques,  il  notait  vingt-cinq  malades  qui  n'avaient 
suivi  aucun  traitement.  Jullien  (i)  a  émis  une  opinion  qui  semble  bien 
paradoxale  et  nous  ramène  à  l'époque  des  antimercurialistes.  Se 
fondant  sur  les  apparences  que  fournit  sa  statistique,  il  considère  le 
mercure  comme  un  adjuvant  des  accidents  nerveux.  En  effet,  sur 
deux  cent  trente-sept  cas  d'infection  syphilitique,  cinquante-neuf 
malades  qui  n'avaient  pas  suivi  de  traitement  n'ont  pas  eu  d'accidents 
nerveux;  parmi  quarante-sept  qui  avaient  pris  du  mercure  ab  initio, 
sept  furent  frappés  de  localisation  spinale,  et  parmi  cent  onze  autres 
qui  s'étaient  traités  delà  même  façon  après  l'apparition  des  accidents 
secondaires,  onze  présentèrent  des  lésions  nerveuses;  enfin  sept 
malades  qui  avaient  pris  de  l'iodure  de  potassium  sont  restés 
indemnes. 

Sans  aller  aussi  loin  que  Jullien,  certains  auteurs  pensent  que  le 
traitement  ne  prévient  nullement  l'apparition  des  paraplégies  ;  telle  est 

(1)  Jullien.  Traité  des  maladies  vétiériennes,  1878. 


—  247  — 


Topinion  de  Leyden  .  de  M.  Mauriac.  MM.  Gilbert  et  Lion  sont 
d'avis  au  contraire  que  l'intluence  du  traitement  n'est  pas  indifférente, 
ainsi  qu'il  résulte  de  la  statistique  suivante  :  sur  cinquante-six  cas 
de  syphilis  médullaire,  quinze  fois  seulement  le  traitement  a  été 
méthodique  et  répété,  dix  fois  il  n'est  pas  indiqué,  six  fois  il  a  été 
nul.  liuit  fois  négligé,  dix-sept  fois  n'a  été  appliqué  que  pendant 
quelques  mois  seulement. 

Boulloche  constate  que  dans  cinquante-deux  des  cas  qu'ila  publiés 
où  il  est  fait  mention  du  traitement  antérieur,  il  a  été  nul  dix  fois  et 
insuffisant  vingt-quatre  fois  ;  dans  dix-huit  cas,  au  contraire,  le  trai- 
tement a  été  méthodique  et  prolongé.  Parmi  ces  derniers,  dix  fois  le 
début  a  été  précoce,  il  s'est  montré  dans  les  deux  premières  années. 
Il  résulte  de  ce  relevé  que  les  accidents  médullaires  sont  deux  fois  plus 
fréquents  chez  les  syphilitiques  qui  n'ont  pas  pris  de  mercure  ou  qui 
on  ont  pris  d'une  façon  insutTisante. 

Dans  cinquante-deux  observations  de  sources  diverses  recueillies 
par  Kuh,  trente-trois  fois  les  accidents  primitifs  ou  secondaires  ont 
été  traités,  mais  la  durée  du  traitement  n'a  pas  toujours  été  indiquée, 
il  a  été  certainement  insuffisant  dans  dix  cas. 

Nous  avons  nous-même  remarqué  que  la  plupart  de  nos  malades  ne 
s'étaient  pas,  ou  s'étaient  très  incomplètement  soignés,  le  plus  sou- 
vent ils  n'avaient  été  soumis  au  traitement  iodo-mercuriel  que  lorsque 
des  accidents  secondaires  ou  tertiaires  gênants  les  avaient  amenés  à 
l'hôpital.  L'importance  du  traitement  prophylactique  ne  nous  paraît 
pas  douteuse;  rien  ne  permet  de  supposer  que  ce  traitement  puisse 
favoriser  une  localisation  nerveuse  du  virus;  bien  au  contraire,  tout 
moyen  capable  d'en  atténuer  la  malignité  contribue  à  diminuer  les 
chances  de  localisations  nerveuses  ou  autres. 

C.  —  Conditions  inhérentes  au  sujet 

1°  Causes  prédisposantes.  —  Hérédité.  — •  L'hérédité  névropa- 
thique  ne  semble  pas  avoir  un  r(51e  bien  important  dans  la  détermi- 
nation des  localisations  spinales  syphilitiques.  L'exagération  de  la 
vulnérabilité  du  tissu  nerveux  par  une  prédisposition  héréditaire 
favorise  surtout  le  développement  des  affections  parenchymateuses, 
mais  ce  facteur  étiologique  ne  parait  guère  devoir  entrer  en  ligne  de 


—  248  — 


compte  lorsqu'il  s'agit  de  lésions  inflammatoires  portant  sur  le  tissu 
interstitiel. 

L'hérédité  intervient  d'une  tout  autre  façon  dans  les  cas  de  trans- 
mission du  germe  spécifique  des  ascendants  au  jeune  sujet.  Bien 
que  les  affections  nerveuses  soient  des  manifestations  rares  de  la 
syphilis  congénitale,  cependant  la  syphilis  héréditaire  peut  atteindre 
la  moelle,  ainsi  que  le  prouvent  les  observations  de  M.  Potain  (1), 
de  Jiirgens  (2),  de  Siemerling  (3),  de  Kohts  (4),  etc. 

D'après  Jiirgens  (5),  la  moelle  n'est  atteinte  que  secondairement 
le  plus  souvent  et  les  altérations  les  plus  fréquentes  sont  les  ostéo- 
chondrites  et  les  périostiques  vertébrales. 

Sexe.  —  Tous  les  auteurs  s'accordent  à  reconnaître  que  le  sexe 
masculin  fournit  le  contingent  de  beaucoup  le  plus  considérable  aux 
cas  de  paraplégie  syphilitique.  Cette  proposition  s'applique  à  tous  les 
cas  de  paraplégie  en  général,  car  M.  Brown- Séquard  (6),  sur 
150  cas  de  paralysie,  en  relève  110  chez  l'homme  et  40  chez  la  femme. 
Valdemar,  sur  89  lésions  nerveuses  syphilitiques,  n'en  constate  que 
3  cas  chez  la  femme. 

Par  contre,  les  deux  cas  personnels  de  Julliard  ont  été  observés 
chez  la  femme.  Caizergues  signale  trois  cas  analogues. 

On  trouve  une  femme  parmi  les  cinq  malades  de  Vinache  et 
quatre  seulement  dans  les  56  cas  relevés  par  MM.  Gilbert  et 
Lion  chez  les  différents  auteurs.  Dans  71  nouveaux  cas  rapportés 
par  B  oulloche,  on  n'en  trouve  que  5. 

Enfin  Kuh,  sur  62  observations  de  provenances  diverses,  n'en 
signale  que  6  cas.  Môller,  sur  5  cas,  rencontre  2  femmes. 

Nous  n'avons  nous-même  observé  qu'un  seul  cas  analogue  ;  il  est 
vrai  que  la  plupart  de  nos  observations  ont  été  recueillies  dans  un 
hospice  d'hommes  (Bicêtre).  Nous  donnerons  l'examen  anatomique 
qui  se  rapporte  à  cette  observation  en  y  joignant  un  cas  de  Leyden, 

(1)  Potain.  In  thèse  de  Savard,  p.  52. 

(2)  JuRGENS.  Charité  AnnaUn,  1885. 

(3)  Siemerling.  Arch.  f.  Pmjch.,  Bd  XX,  H.  1,  p.  102. 

(4)  Kohts.  Festschri/t  fur  Henoeh,  1890,  p.  36. 

(5)  .JUEGENS.  BeutscJie  med.  Woclienschr . ,  1888,  n»  25. 

(6)  Brown-Séqcard.  Leçons  swr  les  paralysies  des  membres  inférieurs, 
Paris,  1865. 


—  249  — 


un  cas  de  Greiff,  et  3  cas  de  Siemerling  qui  ont  trait  également  à 
des  femmes. 

En  somme,  l'affection  est  beaucoup  plus  rare  chez  la  femme,  il  est 
difficile  de  dire  exactement  dans  quelle  proportion.  Le  chiffre  de  1/10" 
exprime  peut-être  approximativement  ce  rapport. 

Quant  à  la  raison  de  cette  disproportion,  il  ne  faut  pas  la  rechei"- 
cher  seulement  dans  la  rareté  relative  de  la  syphilis  chez  la  femme, 
mais  plutôt  dans  les  causes  occasionnelles  et  localisatrices  (excès, 
surmenage,  etc.)  qui  sont  plus  propres  au  sexe  masculin. 

Age.  —  La  paraplégie  syphilitique  peut  atteindre  des  sujets  de 
tout  âge,  mais  elle  est  surtout  fréquente  dans  la  période  qui  précède 
l'âge  moyen  de  la  vie. 

Dreschfeld  et  Buzzard  placent  le  maximum  de  fréquence  entre 
25  et  30  ans,  Broadbent  entre  30  et  40  ans,  Steenberg  entre  20  et 
30  ans,  Caizergues  entre  25  et  35  ans. 

Vinache  signale  des  cas  entre  19  et  55  ans,  mais  considère  la 
période  d'état  de  la  vie  comme  l'époque  la  plus  favorable  à  l'éclosion 
des  accidents. 

Savard  donne  la  statistique  suivante  : 

1  seul  cas   à  18  ans 

16  cas   de  20  à  30  — 

32  —    de  30  à  40  — 

10  —    de  40  à  50  — 

10  —    de  50  à  60  — 

et  1  seul  cas  „   au-dessus  de  60  — 

MM.  Gilbert  et  Lion  pensent  que  la  syphilis  médullaire  est  à  peu 
près  aussi  fréquente  entre  30  et  40  ans  qu'entre  20  et  30.  En  effet,  ils 
ont  relevé  : 

20  cas   de  20  à  30  ans 

19  —   de  30  à  40  — 

3  —    de  40  à  50  — 

5  —    de  50  à  58  - 

Dans  les  observations  très  résumées  de  M.  Boulloche,  l'âge  des 
malades  n'est  pas  indiqué  le  plus  souvent  ;  cependant  nous  avons 
relevé  3  cas  à  22  ans  ;  les  cas  les  plus  nombreux  atteignent  des  sujets 
entre  25  et  35  ans,  mais  un  malade  âgé  de  69  ans  fut  frappé  d'une 
paraplégie  qui  se  développa  rapidement  six  mois  après  le  chancre  et 
amena  la  mort  en  huit  mois. 


—  250  — 


Kuh  donne  les  chiffres  suivants  : 

6  cas   de  20  à  25  ans 

12  —    de  26  à  30  — 

11  —    de  31  à  35 

15  —    de  36  à  40  — 

8  —    de  41  à  45  — 

3  —    de  46  à  50  — 

1   —    à  55  — 

Soit  44  (78,5  p.  100)  avant  41  ans  et  12  (22,5  p.  100)  après.  Nos 
23  cas  inédits  se  répartissent  ainsi. 

5  cas   de  20  à  25  ans 

8   -    de  25  à  30  - 

4  —    de  30  à  35  — 

3  —   de  35  à  40  — 

Deux  cas  sont  survenus  après  50  ans,  l'un  à  52  ans,  onze  mois  après 
le  chancre,  l'autre  à  53  ans,  dix-sept  mois  après  l'infection.  Soit 
13  cas  entre  20  et  30  ans  pour  8  entre  30  et  40  ans,  le  maximum  étant 
entre  25  et  30  ans. 

L'époque  d'apparition  de  la  maladie  étant  toujours  assez  proclie  de 
celle  de  l'infection,  il  s'ensuit  naturellement  que,  dans  l'âge  de  la  vie 
où  la  contamination  est  le  plus  fréquente,  l'affection  est  elle-même 
plus  commune.  Elle  est  rare  à  un  âge  avancé,  et  lorsqu'elle  sur- 
vient à  cette  époque,  c'est  précisément  parce  que  le  sujet  a  été  infecté 
tardivement. 

Maladies  antérieures.  —  Le  rhumatisme  semble  être  une  cause 
prédisposante  importante,  c'est  du  moins  l'impression  qui  ressort  de 
la  constatation  faite  par  Kuh  ;  parmi  les  56  observations  qu'il  a  réu- 
nies, il  note  11  fois  des  attaques  de  rhumatisme  articulaire  dans  le 
passé  pathologique  des  malades. 

Presque  toutes  les  manifestations  infectieuses  ou  diathésiques  ont 
été  relevées  dans  les  antécédents,  mais  aucune  ne  se  montre  aussi  fré- 
quemment que  le  rhumatisme.  Vinache  fait  jouer  aussi  un  certain 
rôle  aux  affections  organiques  des  organes  génito-urinaires. 

Il"  Causes  occasionnelles  et  localisatrice.  —  Surmenage  de  la 
moelle.  —  La  plupart  des  auteurs  accordent  une  certaine  importance 
aux  exercices  fatigants  qui  déterminent  une  suractivité  fonctionnelle 
de  la  moelle. 


—  251  — 


OwenRees  incrimine  les  grandes  fatigues,  Caizergues  les  mar- 
ches forcées  et  la  station  debout  prolongée,  d'où  l'influence  funeste  de 
certaines  professions  :  facteur,  garçon  de  café,  coiffeur,  sergent  de 
ville,  garçon  de  salle  (Vinache). 

Vinache  fait  remarquer  que  ce  sont  surtout  les  gens  qui  se  servent 
beaucoup  de  leurs  jambes,  mais  Kuh  n'a  rien  observé  de  semblable. 

Les  excès  vénériens  rentrent  dans  la  même  catégorie  de  faits  ;  on 
leur  attribue  généralement  une  influence  funesie  très  marquée,  bien 
qu'ils  ne  soient  consignés  que  dans  un  petit  nombre  d'observations. 
Ladreit  de  Lacharrière  accuse  surtout  le  coït  debout. 

Caizergues,  Vinache  acceptent  cette  opinion,  Savard  la 
développe  en  faisant  remarquer  que  la  localisation  si  fréquente  des 
lésions  dans  la  région  lombaire  s'explique  peut-être  par  la  présence 
du  centre  génito-spinal  en  ce  point  de  l'axe  nerveux. 

Kuh  n'a  noté  les  excès  de  coït  que  4  fois  dans  56  observations 
Tous  les  excès  ont  été  incriminés  :  excès  de  boissons  (Jespersen, 
Moore),  d'aliments  (Ladreit  de  Lacharrière)  ;  aussi  raU'ection 
est-elle  plus  fréquente  dans  les  grands  centres  indus':riols  :  grandes 
villes,  grands  ports  de  mer  (C  aizergues). 

Influence  du  froid.  —  Vinache,  J  ulliard,  Caiz  ergue  s  signa- 
lent l'influence  du  froid,  la  fréquence  de  l'affection  dans  les  pays 
septentrionaux  et  à  l'époque  des  saisons  froides. 

Kuh  remarque  que  la  plupart  des  cas  qu'il  a  relevés  ont  débuté 
au  cours  de  la  saison  froide  et  que,  parmi  ceux  qui  se  sont  produits 
en  été,  beaucoup  ont  été  précédés  d'un  refroidissement  (pluie,  bain 
froid,  douche  froide).  Il  attribue  une  influence  particulièrement 
nuisible  à  la  fatigue  suivie  de  refroidissement. 

Les  traumatismes  sont  considérés  comme  propres  à  favoriser  le 
développement  de  l'affection,  ils  sont  cependant  très  rarement  notés 
dans  les  observations.  On  incrimine  surtout  ceux  qui  portent  directe- 
ment ou  indirectement  sur  la  région  rachidienne  ;  Vinache  va 
jusqu'à  faire  remarquer  que,  dans  un  cas  de  Moxon,  un  syphilitique 
s'étant  fracturé  la  jambe  gauche,  sept  ans  après  il  survint  une  para- 
plégie qui  débuta  à  gauche  (?). 

Dans  nos  propres  observations,  nous  n'avons  relevé  comme 
circonstances  accompagnant  le  début  de  la  paralysie  ou  plulùt 
l'attaque  de  paraplégie  que  deux  fois  le  refroidissement  brusque. 


—  252  — 


deux  fois  un  excès  de  travail,  une  fois  le  surmenage  intellectuel,  une 
fois  l'excès  de  coït  et  une  fois  l'ivresse  alcoolique.  Dans  un  cas  il  y 
avait  eu  une  chute  grave  d'un  lieu  élevé  trois  ans  auparavant.  Un  de 
nos  malades  semblait  prédisposé  aux  affections  de  la  moelle  par  ce 
fait  qu'il  avait  uriné  au  lit  jusqu'à  l'âge  de  12  ans. 

Nous  pensons  que  la  localisation  des  lésions  primitives  vasculaires 
et  méningées  n'est  guère  influencée  par  ces  causes  occasionnelles, 
mais  lorsque  les  altérations  primitives  sont  constituées,  ces  causes 
ont  une  grande  importance  pour  la  détermination  des  accidents 
brusques  qui  indiquent  l'atteinte  du  tissu  nerveux. 

Point  n'est  besoin  d'ailleurs  d'une  cause  bruyante  :  dans  l'état 
précaire  où  se  trouve  alors  la  circulation  de  la  moelle,  le  moindre 
exercice  devient  un  surmenage  pour  un  tissu  dont  la  nutrition  est  déjà 
compromise,  et  la  plus  faible  influence  peut  être  la  cause  d'une 
nécrose  brusque  des  parties  anémiées. 


8.  —  Conclusions. 


I.  —  La  syphilis  paraît  agir  sur  le  tissu  nerveux  de  deux  façons, 
l"  Directement,  en  s'attaquant  à  l'élément  parenchymateux.  Elle 

détermine  ainsi,  au  début  de  rafîeclion,  les  premiers  troubles  nerveux 
vagues  de  la  période  secondaire  et  tardivement  peut-être  certaines 
affections  systématiques  comme  le  tabès,  etc.  (affections  parasyphi- 
litiques  de  M.  Fournier).  Ce  premier  mode  d'action  est  mal  élucidé, 
il  n'existe  aucune  caractéristique  anatomique  qui  permette  de  recon- 
naître l'origine  des  affections  qu'on  lui  attribue. 

2°  Indirectement,  en  produisant  une  inflammation  de  l'élément  vas- 
culaire,  lymphatique  et  conjonctif  du  tissu  nerveux.  L'altération  du 
parenchyme  est  secondaire  à  ces  lésions  primitives.  La  réalité  de  ce 
processus  n'est  pas  discutable,  elle  est  affirmée  par  l'aspect  des  lésions 
inflammatoires  qui,  sans  être  exclusivement  particulières  à  la  syphilis, 
sont  cependant  jusqu'à  un  certain  point  caractéristiques  de  cette 
infection.  Le  processus  peut  frapper  toutes  les  parties  de  l'axe  cérébro- 
spinal, mais  il  se  localise  parfois  exclusivement  à  la  moelle. 

II.  —  La  syphilis  médullaire  apparaît  à  une  époque  assez  rappro- 
chée de  la  date  de  l'infection,  avec  un  maximum  entre  la  fin  de  la 
première  année  et  la  fin  de  la  sixième.  Elle  est  beaucoup  plus 
fréquente  chez  l'homme. 

III.  —  L'inflammation  débute  par  les  parois  vasculaires  et  les  parties 
périvasculaires,  elle  frappe  particulièrement  les  petits  vaisseaux  de 
la  périphérie  de  la  moelle. 

Dans  les  gros  vaisseaux,  elle  atteint  la  tunique  interne  et  surtout 
la  tunique  externe  en  se  développant  autour  des  vasa  vasorum. 

De  là,  elle  gagne  les  gaines  lymphatiques  périvasculaires,  puis  le 
système  lymphatique  des  méninges,  et  enfin  la  cavité  arachnoïdienne 
tout  entière. 


—  254  — 


L'infection  se  fait  donc  par  voie  sanguine,  mais  diffuse  rapidement 
dans  le  système  lymphatique  où  elle  évolue  dès  lors  d'une  manière 
indépendante. 

A  ce  stade,  les  lésions  sont  constituées  par  : 

Une  inflammation  des  parois  vasculaires  qui  atteint  son  maximum 
dans  les  veines  et  les  petits  vaisseaux  ; 

Une  infiltration  généralement  diffuse  du  stroma  conjonctif  des 
méninges  ; 

Une  irritation  de  toutes  les  surfaces  baignées  par  le  liquide  céphalo- 
rachidien  (surface  des  méninges,  parois  ventriculaires). 

Ces  lésions  inflammatoires  se  caractérisent  par  leur  tendance  aux 
formations  nodulaires  (gommes  miliaires  des  méninges,  des  vaisseaux 
et  de  la  moelle). 

IV.  —  Les  altérations  du  parenchyme  nerveux,  éléments  nobles  et 
névroglie,  sont  secondaires  aux  lésions  primitives.  Elles  peuvent 
résulter  : 

1°  D'un  trouble  de  nutrition,  en  raison  des  lésions  vasculaires  et  de 
celles  de  la  membrane  nourricière  tout  entière  de  la  moelle  ; 

2°  De  l'envahissement  du  parenchyme  médullaire  par  l'infiltration 
spécifique. 

V.  —  Le  premier  de  ces  processus  est  de  beaucoup  le  plus  impor- 
tant, du  moins  ordinairement.  C'est  lui  qui  commande  les  principales 
manifestations  cliniques  de  l'affection. 

VL  — ■  Selon  l'intensité,  la  distribution  et  la  rapidité  d'évolution 
des  lésions  primitives,  la  nécrose  anémique  du  tissu  nerveux  apparaît  : 

Tantôt  brusquement,  sous  la  forme  d'un  foyer  de  ramollissement 
transverse  qui  peut  siégera  divers  étages  de  la  moelle  ou  prédominer 
dans  tel  ou  tel  département  vasculaire  ; 

Tantôt  lentement,  et  alors  la  destruction  des  éléments  est  accompa- 
gnée d'un  processus  de  réaction  substitutive  du  tissu  névroglique  qui 
remplace  peu  à  peu  les  éléments  dégénérés. 

VIL  —  A  la  nécrose  du  parenchyme  nerveux,  qu'elle  ait  frappé  en 
bloc  tous  les  éléments  d'une  région  étendue  ou  qu'elle  ait  progressé 
lentement,  succède  la  réaction  du  tissu  interstitiel  névroglique. 

Cette  période  de  réaction  substitutive  est  favorisée  par  le  retour 


—  255  — 


partiel  de  la  circulation  (circulation  collatérale,  développement  des 
vasa  vasorum,  apparition  de  néo-capillaires  dans  les  vaisseaux  obli- 
térés). Elle  aboutit  à  la  sclérose  névroglique  du  tissu  dégénéré. 

A  ce  stade,  l'aspect  anatomique  se  caractérise  par  la  sclérose  névro- 
glique, les  altérations  des  vaisseaux  et  l'épaississement  du  tissu 
conjonctif,  qui  pénètre  dans  la  moelle  en  accompagnant  les  vaisseaux. 

VIII.  —  Bien  que  les  lésions  nécrobiotiques  suivies  de  sclérose  con- 
stituent l'altération  principale,  il  faut  faire  la  part  de  certaines  lésions 
médullaires  et  surtout  radiculaires  qui  résultent  de  Tenvahissement 
du  tissu  nerveux  par  une  infdtration  s'étendant  excentriquement  d'un 
point  des  méninges  ou  d'une  gaine  périvasculaire.  Ce  processus  peut 
dans  certains  cas  prendre  une  importance  particulière. 

IX.  —  Les  lésions,  tout  en  conservantles  mêmes  caractères,  peuvent 
varier  dans  leur  distribution. 

Elles  sont  généralement  diffuses;  mais  elles  peuvent  prendre 
l'aspect  d'une  lésion  transverse  plus  ou  moins  intense,  plus  ou  moins 
bien  limitée,  et  siégeant  à  des  étages  divers  de  la  moelle. 

Elles  peuvent  aussi  se  distribuer  plus  irrégulièrement  sur  une 
longue  étendue  de  l'axe  spinal. 

Dans  tous  les  cas,  elles  sont  prédominantes  dans  la  zone  marginale. 

La  localisation  dorsale  est  la  plus  fréquente. 

Que  les  lésions  soient  continentes  ou  qu'elles  soient  disséminées,  le 
résultat  est  toujours  le  même,  elles  produisent  l'effet  d'une  lésion 
transverse  et  s'accompagnent  d'une  dégénérescence  secondaire  ascen- 
dante et  descendante  des  tubes  nerveux  interrompus.  Les  lésions 
affectent  plus  particulièrement  le  territoire  du  système  vasculaire 
spinal  postéro-latéral.  Elles  peuvent  d'ailleurs  prédominer  dans  divers 
systèmes  de  cordons  :  cordons  latéraux,  cordons  postérieurs,  sub- 
stance grise  des  cornes  antérieures,  et  provoquer  des  syndromes  qui 
simulent  certaines  affections  systématiques  de  la  moelle. 

X.  —  L'évolution  clinique  de  la  forme  commune  est  la  suivante  : 
A  la  période  d'établissement  des  altérations  primitives  vasculaires  et 
méningées,  correspond  une  phase  de  phénomènes  prémonitoires  diffus. 

A  la  période  de  ramollissement  et  de  dégénérescence  des  éléments 


—  256  — 


nerveux,  une  attaque  de  paraplégie  suivie  d'une  période  de  phéno- 
mènes paralytiques  et  de  troubles  trophiques  graves. 

A  la  période  de  sclérose,  répond  la  paraplégie  spasmodique  chro- 
nique. 

Le  début  brusque  peut  se  manifester  sans  être  précédé  de  la  phase 
prodromique. 

D'autres  fois,  les  malades  arrivent  lentement  à  la  phase  de  paraplégie 
spasmodique  sans  passer  par  la  phase  aiguë.  Enfin  d'autres  atteignent 
progressivement  la  période  des  accidents  graves  en  passant  par  la 
phase  spasmodique. 

XI.  —  La  mort  peut  survenir  dans  les  premières  périodes  de  l'affec- 
tion, du  fait  de  la  localisation  ou  de  l'étendue  des  lésions,  ou  plus 
tard  par  les  progrès  de  l'affection  ou  par  une  complication. 

L'aboutissant  ordinaire  de  l'affection  est  une  paraplégie  spasmo- 
dique persistant  à  l'état  chronique  après  une  amélioration  plus  ou 
moins  marquée. 

La  guérison  complète  n'est  possible  que  dans  certaines  conditions, 
lorsque  les  altérations  primitives  vasculaires  et  méningées  ont  pu 
être  enrayées  avant  la  destruction  définitive  du  parenchyme  nerveux. 

La  réorganisation  du  tissu  nerveux  nécrosé,  si  elle  est  possible,  ne 
se  manifeste  que  dans  des  limites  restreintes. 

XII.  —  Dans  certaines  circonstances,  l'inflammation  primitive 
s'accentue  dans  les  méninges,  produisant  une  méningite  ou  une  pachy- 
méningite  syphilitique,  ou  bien  elle  prend  l'aspect  d'une  néoplasie 
gommeuse  circonscrite  volumineuse  ;  cette  dernière  forme  est  très 
rare. 

XIII.  —  Le  traitement  iodo-mercuriel  est  commandé  dès  l'appari- 
tion des  premiers  symptômes,  il  n'a  d'action  que  sur  les  productions 
inflammatoires  primitives  et  reste  sans  influence  sur  les  lésions  nécro- 
biotiques  constituées. 

XIV.  —  La  syphilis  médullaire  est  une  affection  toujours  sérieuse. 
La  mort  peut  survenir  en  dépit  du  traitement,  surtout  dans  les  formes 
aiguës. 


—  257  — 


Quand  elle  n'est  pas  mortelle,  la  maladie  aboutit  le  plus  souvent  à 
une  infirmité  plus  ou  moins  accentuée. 

En  dehors  des  cas  heureux  mais  rares  où  la  guérison  complète 
peut  être  obtenue,  l'amélioration  ne  dépasse  pas  une  certaine  limite 
qui  est  fixée  par  l'importance  d'une  cicatrice  scléreuse  incurable  de 
la  moelle. 


S. 


17 


il 


DEUXIÈME  PARTIE 


Observations  justificatives. 


CHAPITRE  PREMIER 


observatioins  cliniques  avec  autopsie  et  examen  histologique 
(personnelles) 

•SOMMAIRE  :  Cas  n"      I.  —  Mort  GOheuresnprèsrottaquedeparaplégie. 

Cas  n"     II.  —  Mort  5  mois  après  le  début  de  l'afTection 
Cas  n°    III.  —  Mort  15  mois  après  le  début  de  l'afFection. 
Cas  n»    IV.  —  Mort  10  ans  après  le  début  de  l'affection. 
Cas  n°     V.  —  Mort  12  ans  après  le  début  de  l'affection. 
Cas  n"    VI.  —  Mort  14  ans  après  le  début  de  l'affection. 
Cas  n"  VII.  —  Mort  20  ans  après  le  début  de  l'affection. 
Cas  n»  VIII.  —  Mort  17  ans  après  le  début  de  l'affection. 
(Pas  d'examen  histologique.) 


Il 


Cas  n"  I.  —  Observation  108  (personnelle). 


llÉsUiMÉ  CLINIQUE.  —  Homme,  .34  ans,  entraîneur  de  chevaux.  1890, 32  ans, 
chancre  induré.  Juin  1892,  rachialgie,  sensations  pénibles  dans 
la  marche,  troubles  des  sphincters,  troubles  de  la  marche.  28  juillet 
1892,  paraplégie  brusque,  anesthésie  des  membres  inférieurs,  para- 
lysie des  sphincters,  coma,  asphyxie.  Mort  soixante  heures  après 
l'attaque  de  parapjtégie. 

Autopsie.  —  Intégrité  du  cerveau  et  des  méninges  rachidiennes  ; 
ramollissement  de  la  moelle  au  niveau  de  la  région  dorsale  supé- 
rieure avec  déformation  complète  de  la  substance  grise  et  gonfle- 
ment du  tissu  de  toute  la  coupe.  Pas  de  dégénérescence  secondaire. 

Examen  microscopique.  —  Altéralions  extrêmement  prononcées  des 
vaisseaux,  surtout  des  veines  (phlébite  oblitérante),  ynoins  marquées 
pour  les  artères  [périarlérite  généralisée,  endartérite  légère  et  loca- 
lisée], participation  de  tous  les  vaisseaux  de  petit  calibre.  Intégrité 
de  la  pie-mère  excepté  dans  les  zones  périvasculaires.  Intégrité  des 
racines.  Dans  la  substance  médullaire  :  épaississemerit  fibreux  et 
infiltration  embryonnaire  des  parois  vasculaires,  oblitération  de 
nombreux  vaisseaux.  Les  lésions  vasculaires  se  retrouvent  dans 
toute  la  hauteur  de  la  moelle  et  du  bulbe;  elles  sont  surtout  pro- 
noncées au  niveau  de  la  région  dorsale  supérieure.  En  ce  point,  le 
parenchyme  nerveux  est  désorganisé  (^'amollissement)  :  le  paren- 
chyme de  la  substance  grise  est  bouleversé  ;  les  cellules  en  voie  de 
régression.  Les  tubes  nerveux  présentent  les  premiers  degrés  de 
la  dégénérescence  :  gonflement  des  gaines,  hypertrophie  des  cylin- 
dres-axes, etc.,  mais  pérsistancc  de  la  myéline.  Les  modifications  des 
vaisseaux  diminuent  d'intensité  à  mesure  qu'on  s'éloigne  au-dessus 
ou  au-dessous  de  ce  foyer.  De  même,  le  parenchyme  nerveux  est 
régulièrement  sain  dans  les  régions  cervicale,  dorsale  inférieure  et 
lombaire. 

Diagnostic  anatomique.  —  Ramollissement  médullaire  consécutif 
aux  lésions  vasculaires. 

Histoire  clinique  de  la  maladie.  —  Victor  II...,  conducteur  de 
chevaux,  âgé  de  34  ans,  est  transporté  le  jeudi  soir,  28  juillet  1892,  à 
rhôjjital  Cochin,  dans  le  service  de  ^I.  Dujardin-Beaumetz.  Le  lende- 
main matin  nous  le  trouvons  dans  l'état  suivant  : 

Etat  actuel.  —  Le  malade  est  étendu  sur  le  dos,  plongé  dans  un 


—  262  — 


demi-coma,  la  respiration  est  précipitée,  le  pouls  rapide,  les  urines 
s'écoulent  dans  le  lit.  Il  ne  peut  être  tiré  de  son  état  de  torpeur  et  on 
lui  pince  les  jambes  sans  qu'il  fasse  aucun  mouvement  de  défense.  Il 
semble  donc  exister  une  anestliésie  très  marquée  des  membres  inférieurs, 
car  une  forte  excitation  de  la  peau  des  membres  supérieurs  détermine 
au  contraire  des  mouvements  de  la  part  du  malade. 

Si  on  essaye  de  le  soulever  ou  de  le  retourner,  les  bras  remuent 
spontanément,  mais  les  membres  inférieurs  restent  immobiles  ou  traî- 
nent sur  le  lit;  les  jambes  soulevées  retombent  lourdement,  ce  qui 
indique  une  paralysie  complète  du  mouvement  dans  ces  membres.  La 
percussion  des  tendons  rotuliens  indique  une  exaltation  marquée  des 
réflexes  tendineux.  Incontinence  d'urine  par  regorgement,  paralysie 
vésicale,  constipation. 

Le  diagnostic  porté  est  celui  de  paraplégie  myéiopathique, 

Evolution  de  la  maladie.  —  Le  samedi  matin,  le  malade  est  dans  le 
même  état;  depuis  la  veille  il  n'est  pas  sorti  de  son  état  de  torpeur,  le 
coma  tend  même  à  se  prononcer.  La  paraplégie  est  toujours  aussi  mar- 
quée, l'incontinence  des  urines  persiste.  La  respiration  s'embarrasse  de 
plus  en  plus  et  le  malade  succombe  dans  la  soirée. 

Désirant  nous  éclairer  sur  l'origine  de  cette  affection,  nous  nous 
sommes  adressé  aux  parents  et  aux  compagnons  de  travail  de  notre 
sujet  et  nous  avons  recueilli  les  renseignements  suivants  : 

Aiitécédents.  —  H...  était  d'ordinaire  bien  portant,  dès  son  jeune  âge 
il  travailla  au  métier  de  conducteur  de  chevaux,  il  marchait  très  bien  et 
courait  même  souvent,  car  son  état  consistait  à  conduire  les  chevaux  au 
marché  et  à  les  faire  trotter  en  les  tenant  par  la  bride,  pour  les  montrer 
à  l'acheteur. 

A  l'âge  de  21  ans,  il  est  appelé  sous  les  drapeaux  et  accomplit  régu- 
lièrement son  congé. 

En  rentrant  du  régiment,  il  se  maria  et  eut  quatre  enfants,  il  reprit 
d'ailleurs  son  métier. 

A  l'âge  de  32  ans,  en  1890,  il  contracta  la  syphilis  dans  un  commerce 
extra-conjugal.  Les  parents  qui  nous  donnèrent  ce  renseignement  ne 
j'urent  nous  fixer  la  date  exacte  de  la  contamination.  Toujours  est-il  que 
le  malade  dut  se  faire  soigner  à  l'hôpital  du  Midi  et  que  cet  accident 
amena  bientôt  une  séparation  de  cor[)S  avec  sa  femme. 

A  partir  de  cette  époque.  H...  mena  une  existence  assez  vagabonde  et 
fut  perdu  de  vue  par  ses  parents. 

Maladie  actuelle.  Commémoratifs.  —  Vers  la  fin  du  mois  de  juin  1892, 
II...  fut  reçu  par  un  de  ses  amis  qui  le  logea.  A  cette  époque,  il  se  plai- 
gnait de  quelques  douleurs  dans  le  dos  et  de  sensations  pénibles  dans  les 
jambes  ;  la  marche  était  également  défectueuse  et  l'on  avait  remarqué 
qu'il  traînait  quelquefois  les  jambes.  Il  présentait  aussi  quelques  troubles 
vésicaux,  car  la  femme  de  son  hôte,  en  faisant  son  lit,  avait  constaté 


—  263  — 


qu'il  urinait  au  lit  presque  tous  les  jours.  Néanmoins,  ces  symptômes 
étaient  assez  légers,  car  H...  continuait  à  vaquer  à  ses  occupations,  il 
allait  tous  les  jours  au  marché  aux  chevaux. 

Le  mercredi  matin,  27  juillet,  l'ami  qui  l'hébergeait  le  priant  de  veiller 
sur  lui  et  de  ne  pas  continuer  à  uriner  au  lit  car  il  gâtait  son  matelas, 
H...  prit  mal  l'observation  et  quitta  la  maison. 

Le  lendemain,  jeudi,  il  tombait  paraplégique  dans  la  rue,  vers  le 
milieu  de  la  journée  et  était  transporté  à  l'hôpital  Cochin.  Nous  avons 
vu  qu'il  succomba  le  samedi  soir,  30  juillet,  soixante  heures  environ 
après  l'attaque  de  paraplégie. 

Autopsie.  —  Lundi  matin,  trente-quatre  heures  après  la  mort.  Le 
cadavre  extérieurement  ne  présente  aucune  particularité;  il  n'existe  pas 
de  troubles  trophiques  cutanés,  ni  d'atrophie  musculaire  ;  on  constate 
seulement  au  niveau  du  dos  une  rougeur  diffuse  très  marquée  qui  tient 
au  décubitus  dorsal  post  mortem.  Pas  d'escarre  au  sacrum,  mais  en  ce 
point  une  exagération  de  la  rougeur,  qui  est  couleur  lie  de  vin. 

L'examen  des  viscères  thoraco-abdominaux  ne  permet  de  constater 
aucune  altération  organique  macroscopique,  à  part  une  congestion  mar- 
quée de  tous  les  organes,  congestion  surtout  accentuée  à  la  base  des 
poumons.  A  l'ouverture  du  crâne  et  de  la  dure-mère,  il  s'écoule  une 
grande  quantité  de  liquide  céphalo-rachidien  ;  les  veines  de  la  pie-mère 
sont  particulièrement  dilatées,  mais  la  méninge  se  détache  partout  très 
facilement  de  la  substance  corticale  du  cerveau  et  les  coupes  macros- 
copiques faites  sur  cet  organe  à  l'état  frais  ne  montrent  aucune  lésion. 

Les  veines  rachidiennes  sont  gorgées  de  sang  ;  la  dure-mère  n'est 
pas  épaissie;  en  aucun  point  elle  n'adhère  anormalement  ni  à  la  paroi 
osseuse  ni  à  la  pie-mère  médullaire.  La  pie-mère,  à  part  un  certain  degré 
de  congestion,  ne  présente  aucune  altération  macroscopique.  Le  feuillet 
libre  de  l'arachnoïde  est  un  peu  trouble. 

La  consistance  de  la  moelle  est  très  diminuée  dans  la  partie  supérieure 
de  la  région  dorsale  ;  lorsqu'on  fait  des  coupes  transversales  de  la 
moelle  à  ce  niveau,  le  tissu  médullaire  fait  hernie,  il  est  presque 
diffluent.  La  substance  grise  ne  se  distingue  plus  de  la  substance 
blanche;  la  surface  de  coupe  n'a  pas  la  teinte  normale  blanc  mat,  elle 
est  jaune  rosé  et  présente  un  piqueté  hémorrhagique  surtout  manjué 
dans  la  partie  centrale.  Les  régions  cervicale  et  dorso-lombaire  ont  une 
consistance  et  une  apparence  normales  à  la  coupe. 

Examen  macroscopique  après  durcissement.  —  Après  quelques 
semaines  de  séjour  dans  le  liquide  de  MïiUor.  les  altérations  sont  plus 
visibles.  Dans  les  régions  cervicale,  dorsale  inférieure  et  lombaire,  les 
surfaces  de  coupes  faites  sur  l'organe  à  l'état  frais  ont  conservé  leur 
apparence,  la  substance  grise  apparaît  avec  sa  coloration  jaune  et  sa 
configuration  normales,  la  substance  blanche  a  pris  par  l'action  du  sel 
chromique  une  teinte  bruce  telle  qu'on  l'observe  dans  les  mêmes  condi- 


—  S64  — 


tions  sur  les  moelles  salues.  Dans  la  région  dorsale  supérieure^  au  con- 
traire, où  la  moelle  à  l'état  frais  avait  paru  ramollie,  la  surface  de  coupe 
n'est  pas  restée  franche,  la  substance  médullaire  a  fait  hernie,  formant 
un  champignon  qui  déborde  le  contour  de  l'enveloppe  pie-mérienne 
sectionnée.  Après  abrasion  par  une  coupe  horizontale  de  ce  bourrelet, 
on  constate  que  la  substance  grise  centrale  a  perdu  sa  conflguratiun 
normale:  elle  forme  une  masse  irrégulièrement  quadrilatère,  à  bords 
diffus,  qui  occupe  la  partie  antérieure  de  la  surface  de  coupe. 

D'autre  part,  la  substance  blanche  a  bien  pris  la  teinte  brune  ordi- 
naire, mais  elle  est  craquelée  et  plus  friable  que  de  coutume. 

Cette  modification  dans  la  forme  de  la  substance  grise  et  les  altéra- 
tions de  la  substance  blanche  ont  leur  maximum  d'intensité  sur  les 
coupes  faites  au  niveau  de  l'émergence  des  troisième,  quatrième  et  cin- 
quième racines  dorsales,  surtout  au  niveau  de  la  quatrième.  Au-dessus 
et  au-dessous  de  cette  région,  la  substance  grise  présente  encore  une 
certaine  déformation,  mais  l'aspect  des  cornes  et  de  la  commissure  grise, 
ainsi  que  leurs  rapports  mutuels,  sont  à  peu  près  normaux. 

En  somme,  il  s'agit  vraisemblablement  d'un  foyer  de  ramollissement 
de  la  région  dorsale  supérieure  de  la  moelle  avec  déformation  de  la 
substance  grise.  Les  autres  régions  de  la  moelle  sont  relativement  saines 
et  il  n'existe  pas  de  dégénération  secondaire  ni  ascendante  ni  descen- 
dante. 

Examen  microscopique.  —  De  nombreuses  coupes  ont  été  pratiquées 
sur  toute  la  hauteur  de  la  moelle  après  durcissement  complet,  et  l'exa- 
men a  été  surtout  minutieux  au  niveau  du  foyer  de  ramollissement. 
Pour  l'étude  de  ce  foyer,  la  région  a  été  divisée  en  huit  segments  dans 
l'intervalle  compris  entre  la  première  racine  dorsale  et  la  septième. 

Le  segment  1  comprend  les  fibres  radiculaires  inférieures  de  la  pre- 
mière racine  dorsale  et  supérieures  de  la  deuxième  racine  dorsale. 

Le  segment  2,  les  fibres  radiculaires  inférieures  de  la  deuxième  racine 
dorsale. 

Le  segment  3,  les  fibres  supérieures  de  la  troisième  dorsale. 

Le  segment  4,  les  fibres  inférieures  de  la  troisième  dorsale. 

Le  segment  5,  les  fibres  supérieures  de  la  quatrième  dorsale. 

Le  segment  6,  les  fibres  intérieures  de  la  quatrième  dorsale. 

Le  segment  7,  toute  la  cinquième  racine  dorsale. 

Le  segment  8,  toute  la  sixième  racine  dorsale. 

Les  segments  1,  2,  3,  6,  7,  8  ont  été  coupés  horizontalement. 

Le  segment  4,  coupé  longitudinalement  dans  le  sens  transversal. 

Le  segment  5,  coupé  longitudinalement  dans  le  sens  antéro-postérieur. 

Des  coupes  horizontales  ont  été  pratiquées  dans  tout  le  reste  de  la 
moelle  et  dans  le  bulbe  rachidien. 

La  plupart  des  segments  de  moelle  sortis  du  liquide  de  Miiller  ont  été 
lavés  à  l'eau  puis  à  l'alcool  et  inclus  dans  le  collodion  ;  mais  pour  un 


—  265  — 


certain  nombre  de  segments,  nous  avons  employé  le  microtome  à  con- 
gélation; dans  ce  cas,  la  pièce  sortie  du  liijuide  de  Millier  était  simple- 
ment lavée  à  l'eau  et  congelée.  Ce  procédé  nous  a  permis  d'écarter 
l'action  de  l'alcool  et  de  l'éther,  qui  ont  l'inconvénient  de  faire  disparaître 
en  partie  certains  éléments,  comme  les  corps  granuleux,  par  exemple, 
et  de  modifier  l'affinité  élective  des  tissus  pour  certaines  colorations 
délicates. 

Les  coupes  ont  été  colorées  par  différentes  méthodes  :  carmin  ammo- 
niacal, picro-carmin,  hématoxyline  alunée  et  éosine  pour  l'étude  des 
cléments  conjonctivo-vasculaires  et  névrogliques,  les  cellules  nerveuses 
et  les  cylindre-axes;  méthodes  de  Pal  et  de  Weigert  pour  la  myéline,  etc., 
j)uis  montées  dans  la  glycérine  «m  le  baume. 

Examen  des  coupes  du  segment  0  (IV"  dors.),  segment  où  les  altéra- 
tions alteigyient  leur  plus  haut  degré.  Aspect  général  des  coupes 
colorées  par  le  carmin  ou  par  la  niétiiode  de  Weigert.  faible  gros- 
sisseiiient  (ob.  a  variable  Zeiss;  oc.  1)  (fîg.  1). 

L'aire  delà  coupe  est  plus  grande  qu'à  l'état  normal,  elle  a  le  diamètre 
d'une  coupe  du  renflement  cervical.  La  substance  grise  n'a  plus  sa  forme 
normale,  elle  revêt  l'aspect  d'une  masse  quadrilatère  à  bords  diffus  et 
semble  avoir  été  repoussée  en  totalité  vers  la  partie  antérieure.  Elle 


FiG.  1.  —  Cas  no  1.  —  Coupe  au  niveau  de  la  quatrième  racine  dorsale,  foyer  de 
ramollissement  (méthode  de  Pal). 

fait  pour  ainsi  dire  hernie  dans  le  sillon  antérieur.  Le  canal  central 
surtout  est  rejeté  en  avant,  repoussant  la  commissure  antérieure  qui 
forme  une  anse  dont  la  convexité  vient  en  contact  avec  la  pie-mère 
périphérique. 


La  masse  de  la  substance  grise  présente  un  certain  nombre  de  pro- 
longements :  un  prolongement  antérieur  dans  le  sillon  médian,  un 
postérieur  dans  le  sillon  médian  postérieur,  deux  latéraux  qui  repré- 
sentent les  cornes  antérieures,  enfin  deux  latéraux  postérieurs  qui  se 
portent  en  s'effilant  jusqu'à  la  sortie  des  racines  postérieures  et  qui 
représentent  les  cornes  correspondantes.  Sur  les  coupes  au  carmin,  la 
coloration  de  cette  masse  est  d'un  rose  foncé,  on  voit  de  plus  des  taches 
irrégulières,  d'un  rouge  plus  intense,  qui  correspondent  au  canal  central 
et  à  des  vaisseaux  entourés  d'un  tissu  d'apparence  homogène.  Sur  les 
coupes  au  Weigert,  le  fond  général  est  jaunâtre, parsemé  d'amas  noirâtres 
à  bords  diffus.  En  somme,  le  tissu  de  la  substance  grise  paraît  complète- 
ment bouleversé  comme  dans  un  foyer  de  ramollissement. 

La  substance  blanche  n'a  plus  le  caractère  d'un  fond  à  coloration 
régulière  :  le  tissu  est  craquelé,  les  tractus  radiés  sont  irréguliers, 
sinueux  ;  ils  ne  sont  pas  épaissis  dans  leur  ensemble,  mais  présentent  en 
certains  points  des  renflements  plus  colorés  par  le  carmin.  Le  paren- 
chyme n'est  pas  coloré  régulièrement,  il  existe  des  points  plus  forte- 
ment teintés  en  rouge  qui  correspondent  à  des  faisceaux  de  tubes 
nerveux  modifiés.  Dans  les  coupes  au  Weigert,  l'ensemble  de  la  sub- 
stance blanche  a  bien  pris  l'hémaloxyline,  ce  qui  indique  que  la  myéline 
a  persisté  surplace;  il  existe  seulement  quelques  régions  où  la  coloration 
noire  est  plus  discrète  et  est  remplacée  par  une  teinte  jaunâtre;  ces 
régions  correspondent  à  celles  qui  se  colorent  plus  fortement  par  le 
carmin. 

On  trouve  encore  dans  les  coupes  de  ce  segment  deux  petits  foyers 
hémorrliagiques  ;  ils  sont  situés  à  une  hauteur  différente,  mais  occupent 
tous  deux  à  droite  et  à  gauche  la  partie  du  cordon  latéral  voisine  de  la 
périphérie. 

La  pie-nière  parait  légèrement  épaissie,  surtout  dans  les  parties  laté- 
rales de  la  circonférence  de  la  coupe;  mais  cet  épaississement  est  plus 
apparent  que  réel,  il  est  surtout  dû  à  l'hypertrophie  des  parois  des 
vaisseaux,  surtout  des  veines,  qui  y  sont  contenus.  Les  vaisseaux  sont 
en  effet  énormes,  un  grand  nombre  ne  présentent  pas  de  lumière.  Sur 
la  partie  latérale  gauche,  on  trouve  un  amas  de  vaisseaux  très  dilatés 
et  thrombosés  (pl.  I,  fig.  1).  Dans  les  points  où  la  pie-mère  ne  [>résente 
pas  de  vaisseaux  visibles  à  ce  grossissement,  elle  reprend  son  apparence 
normale. 

Elude  des  élémeiits  de  la  coupe  précédente  à  un  fort  grossissement 
(obj.  7  Leitz  et  F.  Zeiss  ;  oc.  1  et  3)  ;  mêmes  colorations  et  emploi  de 
l'hémaloxyline  alunée  avec  éosine  ou  carmin  (pl.  1,  fig.  1). 

Pie-mère.  —  D'une  façon  générale,  les  éléments  de  la  pie-mère  se 
colorent  difficilement;  les  fibres  lamineuses  seules  qui  constituent  la 


—  267  — 


charpente  de  la  incmbi'ano  prennent  bien  le  carmin,  elles  forment  des 
traclus  qui  ont  une  épaisseur  normale  et  doivent  être  distingués  des 
éléments  compris  dans  les  mailles  qu'ils  constituent.  Dans  les  points 
oiî  la  pie-mère  ne  contient  pas  de  vaisseaux,  ces  tractus  lamiaeux 
apparaissent  en  coupe  longitudinale  ou  transversale,  et  dans  les  fentes 
qui  les  séparent  on  trouve  des  noyaux  mal  colorés  et  des  cellules  gra- 
nuleuses qui  n'ont  pas  non  plus  d'affinité  pour  les  matières  colorantes. 
Ces  éléments  n'ont  aucune  cohésion,  ils  sont  mêlés  à  une  matière 
granuleuse  qui  comble  les  vides  et  se  colore  en  rose  par  le  carmin.  Ils 
paraissent  représenter  des  éléments  de  résorption  circulant  dans  les 
fentes  lymphatiiiues  de  la  méninge,  sans  faire  partie  du  tissu. 

Sous  la  pie-mère  existe  une  épaisse  couche  de  la  môme  matière  gra- 
nuleuse, qui  s'infiltre  entre  les  tubes  de  la  moelle.  Elle  correspond  à  la 
couche  névroglique  sous-pie-mérienne  de  Gierke.mais  les  éléments  qui 
la  constituent  sont  indistincts,  granuleux  et  confondus  par  l'interposition 
d'un  liquide  albumineux  abondant  coagulé  par  les  réactifs. 

Au  niveau  des  vaisseaux,  l'apparence  est  tout  à  fait  dilférente.  L'épais- 
seur de  la  pie-mère  est  notablement  augmentée;  les  parois  vasculaires 
et  le  tissu  péiivasculaire  sont  infiltrés  de  noyaux.  Ce  sont  surtout  les 
veines  qui  sont  altérées  :  sur  la  coupe  que  nous  décrivons,  il  n'en  existe 
pas  une  seule  qui  soit  intacte.  Celles  qui  possèdent  encore  une  lumière 
centrale  sont  aplaties,  les  parois  sont  très  épaissies  et  farcies  de  noyaux 
arrondis,  dont  les  uns  se  colorent  encore  par  l'hématoxyline  alunée,  les 
autres  sont  réfractaires  à  toute  coloration  (pl.  I,  fig.  3)  ;  il  existe  de  plus 
un  grand  nombre  d'éléments  fusiformes,  ondulés  et  parallèlement  concen- 
triques qui  se  colorent  à  peine.  On  trouve  encore  dans  certaines  parois 
des  blocs  d'une  substance  à  laquelle  on  ne  peut  trouver  d'autre  structure 
qu'une  apparence  granuleuse.  Ces  blocs  sont  opaques,  ils  se  colorent 
uniformément  en  rose  gris.  Ils  sont  quelquefois  comme  isolés  au  nnlieu 
du  tissu  environnant,  d'autres  fois  ils  sont  irréguliers,  s'infiltrant  entre 
les  noyaux  voisins.  Quelques-uns  présentent  à  la  périphérie  des  noyaux 
mal  colorés.  Ils  ont  à  peu  près  le  diamètre  d'une  cellule  géante  ordinaire 
et  représentent  suit  de  véritables  cellules  géantes,  soit  des  foyers  de 
nécrose  (pl.  I,  fig.  2). 

Sur  la  plupart  des  veines,  le  tissu  que  nous  venons  de  décrire  com- 
pose régulièrement  toute  l'épaisseur  de  la  paroi  veineuse;  cependant, 
au  niveau  de  la  limite  interne,  la  paroi  se  colore  plus  fortement  par  le 
carmin  et  présente  une  structure  ûbrillaire  plus  fine. 

La  lumière  du  vaisseau  est  toujours  très  étroite,  comparée  à  l'épais- 
seur delà  paroi,  elle  est  aplatie,  irrégulière,  présentant  des  angles.  Le 
contenu  est  formé  d'un  très  petit  nombre  de  globules  rouges,  il  comprend 
surtout  de  nombreux  globules  blancs  granuleux,  dont  les  noyaux  se 
colorent  mal,  des  cellules  endothéliales  allongées  qui  se  sont  détachées 
de  la  paroi  interne  et  d'une  substance  granuleuse  indistincte.  Tous  ces 


—  268  — 

éléments  sont  visiblement  en  voie  de  nécrose  et  il  est  vraisemblable 
que  pendant  la  vie  du  sujet  la  circulation  était  interrompue  dans  ces 
vaisseaux. 

Dans  certaines  veines,  le  calibre  est  réduit  à  une  simple  fente  dont 
les  parois  sont  accolées  et  semblent  adhérentes.  Le  plus  grand  nombre 
des  veines  perméables  est  rempli  par  desthrombus  à  différentes  périodes 
de  leur  évolution.  Sur  la  coupe  qui  nous  occupe,  il  existe  dans  la  partie 
gauche  une  veine  énorme  remplie  par  un  caillot.  La  paroi  veineuse  est 
constituée  par  le  tissu  que  nous  avons  décrit;  au  niveau  de  la  paroi 
interne,  apparaissent  de  nombreux  noyaux  bien  colorés  qui  envahissent 
la  lumière  du  vaisseau  et  le  remplissent  complètement.  Il  n'existe  pas 
de  limite  tranchée  entre  la  paroi  et  le  caillot;  cependant  celui-ci  est 
parcouru  par  des  tractus  fibrineux  qui  le  divisent  en  segments  et  for- 
ment une  couche  concentri({ue  à  la  limite  de  la  paroi  veineuse.  Des 
amas  de  globules  rouges  sont  mêlés  aux  globules  blancs,  ils  sont 
surtout  massés  au  centre  du  cailhjt  (pl.  I,  fig.  1). 

Dans  d'autres  veines,  le  caillot  est  en  pleine  régression,  le  contenu 
n'est  plus  alors  représenté  que  par  une  masse  à  peu  près  amorphe  et 
sans  affinité  pour  les  colorants. 

Enfin,  certaines  veines  sont  complètement  oblitérées  par  l'épaississe- 
ment  delà  paroi,  elles  forment  un  cordon  plein  mal  coloré  qui  contient  de 
nombreux  noyaux  indistincts  et  des  éléments  granuleux  fusiformes 
disposés  circulairement  autour  d'un  point  plus  ou  moins  central. 
Quelques-uns  de  ces  cordons  ont  une  apparence  tout  à  lait  amorphe; 
ils  paraissent  constitués  par  une  substance  hyaline  dans  laquelle  se 
trouvent  logées  des  couches  de  substance  grauulo-pigmeutaire,  vestigea 
des  noyaux  dégénérés,  qui  forment  des  stries  concentriques  (pl.  I,  fig.  4). 

Les  veines  que  nous  venons  d'étudier  sont  pour  la  plupart  contenues 
dans  la  pie-mère,  mais  les  mêmes  remarques  sont  applicables  à  celles 
qui  cheminent  dans  l'espace  sous-arachnoïilien  :  on  trouve  ainsi  de 
nombreuses  veines  représentées  par  un  cordon  plein  isolé  entre  la  pie- 
mère  et  l'arachnoïde.  Dans  ce  cas,  le  vaisseau  n'est  entouré  d'aucune 
néoformation,  il  est  atteint  directement  (pl.  L  fig.  3). 

Toutes  ces  veines  forment  autour  de  la  moelle  une  ceinture  presque 
continue,  quelques-unes  sent  si  volumineuses  qu'elles  sont  visibles 
même  à  l'œil  nu. 

Les  artères  sont  beaucoup  moins  affectées,  les  gros  troncs  du  moins 
paraissent  presque  intacts. 

L'artère  spinale  antérieure  n'est  pas  épaissie,  sauf  au  niveau  de  la 
tunique  adventice,  qui  a  une  épaisseur  double  de  celle  de  la  membrane 
musculaire  etdel'endartère  réunis.  La  tunique  adventice  est  composée 
de  tissu  fibreux  adulte,  mêlé  de  nombreux  noyauxembryounaires  qui  se 
colorent  peu  par  l'hématoxyline.  La  tunique  moyenne  n'est  pas  épaissie 
ni  infiltrée,  l'endartère  forme  une  couc/ie  un  peu  plus  développée  que 
normalement.  Le  calibre  du  vaisseau  est  absolument  aplati. 


—  269  — 


Les  deux  groupes  des  artères  spinales  postéro-latéralcs  présentent 
des  modifications  semblables.  Dans  le  groupe  du  côté  gauche,  les  parois 
sont  plus  affectées,  la  tunique  moyenne  a  le  double  de  sou  épaisseur 
normale,  mais  l'endartère  est  intact. 

En  dehors  de  ces  vaisseaux,  dont  l'intégrité  relative  permet  de  recon- 
naître la  nature  artérielle,  tous  les  autres  vaisseaux  de  calibre  plus 
faible  sont  atteints,  et  il  est  alors  impossible  de  dire  si  ces  petits  vais- 
seaux sont  des  artérioles  ou  des  veinules. 

En  somme,  tous  les  vaisseaux  de  la  pie-mère  dans  cette  région  sont 
plus  ou  moins  altérés.  Les  veines  sont  de  beaucoup  les  plus  atteintes; 
la  paroi  est  envahie  dans  toute  son  épaisseur  et  la  lumière  est  souvent 
oblitérée  soit  par  unthrombus,  soit  par  un  rétrécissement  concentrique. 
Pour  les  artères,  le  processus  paraît  manifestement  débuter  par  la 
tunique  externe.  Dans  les  grosses  artères,  la  tunique  moyenne  semble 
opposer  une  barrière  efficace  à  la  progrcfsion  de  l'infiltration  vers  les 
parties  centrales.  Dans  les  petites  artères,  au  contraire,  cette  barrière 
est  franchie,  njais  l'éiiaississement  de  la  tunique  externe  est  toujours 
prédominante.  Les  plus  petits  vaisseaux  de  la  pie-mère  sont  les  uns 
complètement  oblitérés,  les  autres  constitués  par  une  paroi  très  épaisse, 
d'apparence  hyaline,  colorée  en  rose  par  le  carmin,  avec  une  lumière 
très  petite  à  demi  boucliée  par  des  cellules  endothéliales.  Celles-ci  sont 
saillantes  et  le  noyau  bourgeonne  dans  la  lumière  du  vaisseau. 

Les  lésions  de  la  pic-mère,  avons-nous  dit,  sont  limitées  aux  régions 
périvasculaires.  En  effet,  c'est  en  ces  points  seulement  que  l'on  trouve 
les  infiltrations  nucléaires,  et  toutes  les  traînées  de  noyaux  sont  com- 
mandées par  le  trajet  d'un  vaisseau. 

Le  prolongement  méuingien  du  sillon  médian  antérieur  n'existe  plus, 
carie  sillon  est  comblé  par  la  saillie  de  la  substance  grise;  on  trouve 
seulement  en  ce  point  une  infiltration  très  marquée  dont  les  éléments, 
peu  colorés,  se  distinguent  mal.  Dans  le  prolongement  du  septum  pos- 
térieur, on  trouve  des  renflements  constitués  par  des  vaisseaux  très 
épaissis  et  presque  totalement  bouchés. 

Le  feuillet  libre  de  l'arachnoïde  est  légèrement  épaissi  :  le  stroma 
fibreux  n'est  pas  notablement  augmenté,  mais  la  membrane  est  infiltrée 
par  un  certain  nombre  de  cellules  mal  colorées,  granuleuses  et  sans 
cohésion,  et  aussi  par  une  substance  amorphe  coagulée  qui  est  plutôt 
étalée  à  sa  surface  que  contenue  dans  son  épaisseur.  On  y  trouve  de  plus 
des  vaisseaux  volumineux  et  oblitérés  qui  déterminent  par  leur  pré- 
sence des  nodosités. 

Il  n'existe  pas  d'adhérences  en  général  avec  la  pie-mère  ni  avec  les 
racines  qui  traversent  l'espace  sous-arachno'idien.  Dans  cet  espace,  on 
trouve  des  vaisseaux  libres  dont  les  parois  sont  épaissies  et  la  lumière 
souvent  oblitérée,  sans  qu'il  existe  d'adiiérence  de  ces  vaisseaux  avec 
les  méninges  voisines. 

Les  racines  rachîdiennes  sont  relativement  très  peu  altérées,  elles  ne 


—  270  — 


sont  englobées  par  aucune  prolifération,  le  périnèvre  n'est  pas  épaissi, 
mais  dans  l'intérieur  même  de  la  racine, les  vaisseaux  sont  très  altérés.  Ils 
sont  souvent  le  point  de  départ  d'une  infiltration  nucléaire  vivaco  qui  en- 
vahit quelquefois  complètement  la  paroi  du  vaisseau  placé  au  centre  et 
irradie  en  poussant  des  prolongements  plus  ou  moins  longs  dans  l'inter- 
stice des  faisceaux  de  tubes  nerveux.  Les  tubes  nerveux  sont  sains  pour  la 
plupart,  on  ne  trouve  que  quelques  cylindres-axes  un  peu  gonflés  avec 
une  gaine  de  myéline  presque  intacte.  Ces  légères  altérations  sont  can- 
tonnées au  voisinage  des  proliférations  périvasculaires.  Le  tissu  périfas- 
ciculaire  n'est  nullement  épaissi  (pl.  I,  flg.  5  et  6). 

Parenchyme  médullaire.  —  La  substance  même  de  la  moelle  offre  des 
modifications  très  prononcées.  Nous  étudierons  :  1°  le  tissu  interstitiel  : 
vaisseaux,  tissu  conjonctif  etnévroglie;  2°  le  tissu  nerveux  proprement 
dit  :  cellules  et  tubes  nerveux. 

1°  Les  tractus  conjonctivo-vasculaires  qui  partent  de  la  pie-mère  ne 
présentent  pas  d'une  façon  générale  d'augmentation  marquée  dans  leur 
épaisseur;  en  quelques  points  seulement,  qui  correspondent  à  la  section 
des  vaisseaux,  on  trouve  une  infiltration  circonscrite  périvasculaire. 
Les  noyaux  qui  constituent  ces  nodules  ne  sont  pour  la  plupart  pas 
colorés  par  l'hématoxyliae  ;  quelques-uns,  toutefois,  sont  encore  sen- 
sibles à  la  coloration.  Ils  envahissent  la  paroi  vasculaire  et  pénètrent 
même  dans  la  lumière  du  vaisseau  qui  parait  thrombosée.  La  masse 
intravasculaire  est  en  effet  composée  de  globules  blancs  granuleux,  de 
globules  rouges  déformés,  et  parcourue  par  un  reticulum  fibrineux.  Le 
nodule  périvasculaire,  la  paroi  du  vaisseau  et  le  caillot  central  forment 
une  masse  dont  les  éléments  indistincts  sont  unis  par  une  substance 
fondamentale  amorphe,  granuleuse  et  colorée  en  rose.  Ces  modifications 
se  retrouvent  avec  une  intensité  variable  sur  tous  les  vaisseaux  intra- 
médullaires  compris  dans  la  coupe. 

En  deux  ou  trois  points,  on  trouve  dans  l'épaisseur  de  la  moelle,  mais 
au  voisinage  de  la  méninge,  un  amas  nucléaire  plus  considérable,  qui  a 
l'apparence  d'une  gomme  miliaire  (pl.  I,  fig.  8).  Par  un  examen  minutieux, 
on  trouve  toujours  au  centre  de  ce  nodule  un  vaisseau  plus  ou  moins 
reconnaissable  ou  quelques  globules  rouges. 

Le  tissu  interstitiel  n'a  aucune  apparence  de  prolifération,  il  semble 
au  contraire  complètement  dégénéré.  En  dehors  des  régions  périvascu- 
laires, on  ne  trouve  pour  ainsi  dire  pas  de  noyaux  colorés.  Le  tissu 
conjonctif  et  le  tissu  névroglique,  qu'il  est  impossible  de  différencier, 
ne  sont  plus  représentés  que  par  une  substance  granuleuse  unifor- 
mément colorée  en  rose,  qui  s'infiltre  entre  tous  les  éléments.  Cette 
substance  est  particulièrement  épaisse  dans  l'espace  sous-pie-mérien, 
au  niveau  des  encoches  de  la  périphérie  de  la  moelle  et  dans  les  fentes 
qui  sillonnent  le  parenchyme  nerveux.  Enfin  elle  est  surtout  abondante 
dans  la  substance  grise  oîi  elle  se  présente  soit  sous  l'aspect  de  masses 


—  271  — 


compactes  isolées  ou  périvasculaires,  soit  sous  l'apparence  d'un  exsudât 
diffus  qui  englobe  tous  les  éléments  nécrosés  du  parenchyme  nerveux. 

Dans  les  deux  points  oîi  nous  avons  indiqué  une  hémorrhagie,  les 
globules  sanguins  se  sont  infiltrés  entre  les  tubes  nerveux  sans  pro- 
duire d'effraction  et  sans  donner  lieu  à  des  foyers  hémorrhagiques  bien 
limités. 

2°  Les  éléments  du  tissu  nerveux  sont  tous  en  voie  de  dégénération. 
Dans  la  substance  blanche,  on  ne  trouve  pour  ainsi  dire  pas  un  tube 
nerveux  sain.  Les  moins  altérés  montrent  un  cylindre-axe  légèrement 
gonflé  avec  une  gaine  de  myéline  à  peu  près  intacte.  D'autres  tubes 
sont  très  dilatés,  le  cylindre-axe  énorme  occupe  le  centre;  il  est  tantôt 
d'un  rouge  intense  (par  le  carmin),  tantôt  à  peine  coloré  en  rose  et 
granuleux  ;  à  la  périphérie,  on  trouve  un  reste  de  la  gaine  de  myéline 
qui  forme  une  couche  très  mince.  Sur  les  préparations  colorées  par  la 
méthode  de  Weigert,  cette  gaine  de  myéline  amincie  apparaît  comme 
un  cercle  mince  bleu  noirâtre.  Enfin  certains  cylindre- axes  énormes 
sont  totalement  dépourvus  de  gaines  et  mis  à  nu.  D'autres  tubes  sont 
comme  dilatés,  donnant  lieu  à  une  vacuole  dont  le  centre  est  occupé 
tantôt  par  un  détritus  granuleux  clair,  tantôt  par  une  cellule  granuleuse 
nucléée  ou  par  un  fragment  de  cylindre-axe  noueux,  granuleux  et 
pelotonné  (pl.  L  ûg-  7  et  8). 

Toutes  ces  altérations  sont  disséminées  irrégulièrement  et  atteignent 
à  un  degré  varié  les  tubes  nerveux  de  toutes  les  régions  des  cordons 
blancs.  Cependant  on  trouve  des  points  où  les  cylindres-axes  gonflés  sont 
groupés  en  faisceaux.  Ces  régions  apparaissaient  comme  des  taches 
plus  rouges  sur  les  coupes  colorées  au  carmin.  Les  faisceaux  coupés 
longitudinalement  (fibres  radiculairos)  présentent  les  mêmes  modifica- 
tions, les  tubes  sont  fragmentés,  moniliformes,  plus  ou  moins  dissociés. 

Tous  ces  éléments  sont  séparés  par  la  substance  interstitielle  granu- 
leuse amorphe  où  l'on  ne  distingue  que  quelques  noyaux  peu  colorés 
et  de  nombreuses  cellules  granuleuses,  qui  représentent  probablement 
les  cellules  dégénérées  de  la  névroglie.  On  trouve  encore  quelques  gra- 
nulations myéliniques  libres  colorées  en  bleu  noirâtre  par  l'hématoxy- 
line  de  Weigert,  mais  pas  de  corps  granuleux  vrais. 

D'une  façon  générale,  les  gaines  de  myéline,  bien  qu'irrégulières 
et  quelquefois  fragmentées,  ont  persisté  sur  place,  et  les  coupes  colo- 
rées au  Weigert  ou  au  Pal  ne  montrent  pas  de  taches  de  sclérose,  mais 
seulement  une  faible  diminution  de  teinte  en  certains  points  que 
nous  avons  signalés  (fig.  1). 

Dans  la  substance  grise,  le  parenchyme,  plus  friable  et  plus  désorga- 
nisé, est  d'une  analyse  beaucoup  plus  difficile,  car  les  élections  colorantes 
sont  très  peu  définies.  Sur  un  fond  uniformément  granuleux  et  coloré 
en  rose  par  le  carmin,  se  détacheut  des  amas  de  noyaux  un  peu  plus 
teintés  qui  englobent  les  vaisseaux,  des  cellules  granuleuses  de  dia- 


—  272  — 


mètre  variable  avec  un  noyau  mal  coloré,  des  blocs  arrondis  d'un  rouge 
foncé  et  d'aspect  colloïde  et  des  fragments  de  cylindre-axe  boursouflés 
ou  enroulés  en  tire-bouchon.  Les  cellules  nerveuses  sont  dispersées, 
mais  plus  répandues  dans  les  parties  latérales,  elles  sont  fortement 
teintées,  pigmentées,  ont  perdu  leurs  prolongements.  Quelques-unes 
se  présentent  sous  l'aspect  d'une  masse  arrondie,  uniformément  colorée 
et  sans  noyau  distinct.  Nous  n'avons  pas  trouvé  de  cellules  hypertro- 
phiées, mais  un  grand  nombre  de  cellules  très  atrophiées. 

Segments  4  et  5  coupés  longitudinalement  (troisième  et  quatrième 
racines  dorsales). 

Les  coupes  longitudinales  pratiquées  dans  ces  segments,  et  colorées 
par  les  mêmes  méthodes,  présentent  des  altérations  analogues,  mais 
avec  des  apparences  qui  permettent  de  compléter  la  description  précé- 
dente. L'état  des  vaisseaux  et  du  tissu  interstitiel  est  celui  que  nous 
avons  décrit.  Dans  l'intérieur  du  tissu  médullaire,  nous  trouvons,  au 
milieu  d'un  amas  embryonnaire  péri vasculaire,  deux  cellules  géantes 
dont  les  noyaux  multiples  sont  mal  colorés. 

Les  fibres  nerveuses  de  la  substance  blanche  ont  leur  disposition 
longitudinale  et  leur  ordination  parallèle  normales.  Sur  les  coupes 
colorées  par  l'hématoxyline  de  Weigert,  ces  fibres  sont  moniliformes, 
un  peu  ondulées  et  présentent  des  renflements  en  forme  de  vacuole  dont 
le  centre  est  clairet  rempli  de  détritus  jaunâtres  et  la  périphérie  colorée 
eu  bleu  noirâtre.  On  voit  également,  dans  les  interstices  des  tubes, 
des  granulations  myélini([ues  noirâtres  ou  des  boules  de  myéline  qui 
ont  le  même  aspect  que  les  vacuoles.  Les  modifications  des  cylindres-axes 
sont  plus  appréciables  dans  les  coupes  colorées  par  le  carmin.  Les 
cylindres-axes  sont  ordinairement  ondulés  et  irréguliers,  ils  forment  sou- 
vent des  zigzags  comme  une  ficelle  relâchée.  On  rencontre  presque 
toujours,  dans  les  vacuoles  que  nous  avons  décrites,  un  cylindre-axe 
pelotcmné,  un  peu  grenu,  enveloppé  d'une  substance  différente  de  la 
myéline  et  qui  se  colore  en  rose  par  le  carmin.  Il  semble  alors  qu'on 
ait  sous  les  yeux  un  renflement  énorme  du  cylindre-axe,  tandis  qu'en 
réalité  celui-ci  n'est  représenté  que  par  le  cordon  enroulé  qui  occupe 
le  centre.  On  peut  obtenir  des  figures  très  nettes  de  cette  disposition  en 
faisant  usage  de  la  méthode  indiquée  par  Strœbe  (1). 

La  gaine  de  myéline  n'est  pas  colorée,  le  cylindre-axe  enroulé  est  coloré 

(1)  Les  coupes  sont  reçues  dans  une  solution  aqueuse  concentrée  de  Lieu  d'ani- 
line où  elles  séjournent  de  dix  minutes  àune  heure.  Elles  sont  ensuite  lavées  à  l'eau 
distillée  et  portées  dans  un  bain  d'alcool  alcalinisé  —  20  :\30  gouttes  d'une  solution 
alcoolique  de  potasse  caustique  à  1  /lOO  pour  un  verre  de  montre  rempli  d'alcool  absolu. 
—  Elles  changent  alors  de  couleur  et  virent  au  bleu  brun  ;  au  bout  d'une  minute, 
elles  sont  lavées  à  l'eau  distillée  et  la  coloration  des  cylindres  axes  est  obtenue.  Sac. 
de  psyeh.  de  Berlin,  mars  1893. 


—  273  — 


en  bleu  foncé  au  centre  de  la  vacuole  et  entouré  d'une  masse  colorée 
en  bleu  pâle.  Cette  dernière  substance  représente  soit  une  transsudation 
du  cylindre-axe  altéré,  soit  une  agglomération  du  protoplasma  indifférent 
qui  entoure  cet  organe. 

On  trouve  ainsi  sur  la  coupe  longitudinale  une  quantité  de  taches 
bleues  disposées  en  séries  et  réunies  entre  elles  par  les  cylindres-axes 
ondulés  et  colorés  en  bleu  foncé  qui  indiquent  la  continuité  des  fibres 
nerveuses. 

Enfin  on  trouve  de  véritables  cylindres-axes  énormes  renflés  en  forme 
de  gourde,  de  massue,  etc.,  tels  qu'ils  ont  été  décrits  parles  différents 
auteurs.  Dans  ce  cas  le  cordon  renflé  est  coloré  en  rose  uniforme  par 
le  carmin  ou  présente  une  apparence  granuleuse  ou  même  vacuolaire. 

Tous  ces  degrés  d'altération  sont  disséminés  dans  tous  les  points  de 
la  préparation  ;  toutefois  les  cylindres-axes  hypertrophiés  se  disposent 
souvent  en  faisceaux;  ils  sont  alors  presque  tangents  et  dépourvus  de 
gaine  de  myéline.  Enfin  on  voit  çà  et  là  des  boules  sphériques  isolées, 
colorées  en  rose,  ayant  l'apparence  de  corps  amyloïdes  et  qui  semblent 
formées  par  des  fragments  de  cylindres-axes  renflés. 

Tous  les  espaces  qui  séparent  les  fibres  nerveuses  et  les  détritus  des 
tubes  sont  remplis  par  une  substance  homogène,  grenue,  sans  trace 
d'apparence  fihrillaire.  On  y  trouve  encore  des  cellules  granuleuses 
mal  colorées,  qui  peuvent  être  considérées  indistinctement  soit  comme 
des  globules  blancs,  soit  comme  des  cellules  névrogliqiies  altérées. 

Les  modifications  de  la  substance  grise  sont  celles  que  nous  avons 
déjà  décrites.  Tous  les  éléments  du  tissu  sont  disposés  sans  ordre  et 
assez  indistincts.  Les  vaisseaux  qui  cheminent  dans  le  sillon  antérieur 
sont  infiltrés  ou  oblitérés. 

Segment  3  (troisième  racine  dorsale  partie  supérieure).  Coupes  trans- 
versales (fig.  2). 

L'aspect  général  des  coupes  est  à  peu  près  le  même  que  pour  le 
segment  6.  La  configuration  de  la  substance  grise  est  encore  modifiée, 
mais  à  un  bien  moindre  degré  et  cette  substance  occupe  à  peu  près  la  place 
ordinaire.  Toutefois  le  tissu  qui  la  compose  est  encore  profondément 
bouleversé,  le  canal  central  déplacé  est  entouré  d'une  masse  diffuse. 
La  substance  blanche  présente  une  coloration  générale  plus  régulière, 
mais  l'ensemble  de  la  figure  est  encore  déformé  par  le  fait  de  la  faible 
résistance  du  tissu  à  l'état  frais. 

La  pie-mère  n'offre  pas  d'épaississement  notable  en  dehors  des  points 
qui  correspondent  aux  vaisseaux.  Ceux-ci  sont  aussi  altérés  que  dans 
les  coupes  précédentes,  et  les  altérations  sont  aussi  beaucoup  plus  pro- 
noncées au  niveau  des  veines.  Ou  retrouve  dans  ces  vaisseaux  toutes 
les  apparences  que  nous  avons  décrites.  Ils  ne  sont  cependant  pas  aussi 
uniformément  hypertrophiés,  et  sont  moins  saillants. 

S.  18 


—  274  — 


L'artère  spinale  antérieure  est  perméable, mais  vide  de  sang  et  aplatie. 
Elle  est  entourée  par  un  épaississement  fibreux  modéré  de  la  pie-mère 
qui  se  confond  avec  la  tunique  adventice  et  semble  avoir  déterminé 
l'aplatissement  du  vaisseau.  L'endartère  est  également  légèrement 
épaissi  en  un  point  ;  la  tunique  musculaire  paraît  intacte.  Une  des 
artères  radiculaires  postérieures  présente  un  épaississement  marqué  et 
régulièrement  répartie  de  la  membrane  interne.  Pour  les  plus  petits 
vaisseaux,  la  distinction  est  assez  difficile  à  établir,  ils  sont  tous  très 
épaissis  ou  obturés.  Les  vaisseaux  du  sillon  antérieur  sont  très  atteints, 
la  paroi  est  très  épaissie  et  la  lumière  réduite  à  une  fente. 

Dans  le  voisinage  du  canal  central,  on  trouve  deux  vaisseaux  volu- 
mineux qui  sont  tous  deux  ici  placés  à  gauche.  L'un  d'eux  aTapparence 
d'un  bloc  fibreux  à  contour  irrégulier  et  creusé  de  deux  à  trois  petites 
fentes  sinueuses  remplies  de  cellules  endothéliales  desquamées  ;  l'autre 
n'est  considérablement  épaissi  que  sur  un  côté  et  possède  une  lumière 
perméable  remplie  de  globules  rouges.  Ces  vaisseaux,  bien  que  d'appa- 


FiG.  2.  —  Cas  n°  I.  —  Coupe  au  niveau  de  la  troisième  racine  dorsale. 

rence  veineuse,  ont  la  signification  d'artères  (artères  sulco-commis- 
surales). 

Dans  la  substance  blanche,  les  septa  conjonctifs  ne  sont  pas  épaissis 
en  dehors  des  points  qui  correspondent  à  la  coupe  des  vaisseaux  dont 
les  parois  sont  infiltrées.  La  substance  grise  présente  les  altérations 
que  nous  avons  signalées,  les  cellules  nerveuses  sont  moins  altérées  et 
occupent  une  situation  à  peu  près  normale. 

Dans  la  substance  blanche  les  tubes  nerveux  présentent  à  peu  près 
tous  uniformément  les  signes  de  la  dégénérescence  au  début  avec  une 
certaine  prédominance  dans  les  régions  périphériques  de  la  moelle.  La 
lésion  commune  est  un.  gonflement  irrégulier  des  gaines  de  myéline, 


—  275  — 


mais  on  trouve  encore  trois  groupes  de  cyliudres-axes  gonflés  et  presque 
dépouillés  de  gaine. 

Un  des  caractères  les  plus  remarquables,  c'est  le  peu  d'aflRnité  de 
tous  les  éléments  pour  les  matières  colorantes  appropriées.  La  myéline 
seule  a  conservé  intactes  ses  propriétés  électives  pour  l'hématoxyline 
de  Weigert. 

Segments  let2  {première  et  deuxième  racines  dorsales.  Coupes  trans- 
versales. 

L'aspect  général  des  coupes  est  beaucoup  moins  modifié,  cependant 
la  moellesembleencore  gonflée. Le  dessin  de  la  substance  grise  est  à  peu 
près  régulier,  la  corne  droite  seule  est  un  peu  déformée. 

L'étude  attentive  des  différents  points  de  la  coupe  permet  de  recon- 
naître des  altérations  analogues  à  celles  que  nous  avons  décrites.  La 
pie-mère  n'est  pas  épaissie  en  dehors  des  points  qui  correspondent  aux 
vaisseaux,  mais  les  éléments  fibreux  qui  la  composent  se  colorent  tou- 
jours difficilement.  Les  altérations  vasculaires  sont  presque  aussi 
accentuées  que  dans  les  régions  sous-jacentes.  Presquetoutes  les  veines 
visibles  sont  absolument  oblitérées,  mais  elles  présentent  un  dévelop- 
pement moindre  que  plus  bas.  Le  tissu  qui  compose  ces  cordons  veineux 
est  toujours  le  même,  il  est  constitué  par  une  masse  fondamentale 
trouble  et  homogène  semée  de  nombreux  noyaux  disposés  concentri- 
quement.  Dans  l'épaisseur  delà  paroi,on  trouve  de  plus  de  petits  blocs  de 
tissu  nécrosé.  Au  centre,  on  trouve  soit  quelques  cellules  plus  colorées, 
soit  un  détritus  mal  défini. 

La  paroi  de  la  veine  spinale  postérieure  (qui  est  d'ailleurs  complète- 
ment oblitérée)  présente  un  nodule  embryonnaire  qui  fait  une  saillie 
extérieure  considérable.  Cette  masse  est  composée  de  noyaux  vivaces 
qui  tranchent  par  leur  vive  coloration  sur  le  reste  de  la  paroi;  elle 
représente  une  petite  gomme  développée  dans  la  paroi. 

On  ne  trouve  que  quelques  très  rares  veines  de  calibre  qui  présen- 
tent une  petite  lumière  où  les  globules  sanguins  manquent  le  plus 
souvent. 

Dans  les  racines,  l'altération  des  veines  est  moins  avancée  et  l'on 
peut  par  l'étude  de  ces  vaisseaux  se  faire  une  idée  du  processus  qui  les 
atteint.  Notamment  une  grosse  veine  des  racines  antérieures  placée 
dans  le  milieu  d'un  faisceau,  est  très  dilatée  et  contient  des  globules  de 
sang  normaux  (pl.  L  ûg-  5).  Contrairement  à  ce  qui  se  passe  pour  les 
autres  vaisseaux,  les  parois  de  cette  veine  se  colorent  bien  ;  les  plans 
fibro-élastiques  sont  très  ondulés  et  dissociés  par  l'interposition  de 
nombreux  noyaux  embryonnaires  qui  se  colorent  fortement  ;  ceux-ci 
sont  surtout  abondants  d'un  côté  du  vaisseau,  et  en  ce  point  la  paroi  off're 
naturellement  une  plus  grande  épaisseur.  Quant  au  point  de  départ  de 
l'infiltration,  il  est  assez  diflficile  de  l'indiquer,  car  dans  l'endroit  de  la 


-  276  — 


paroi  où  elle  existe,  elle  est  à  peu  près  régulièrement  répartie  depuis 
l'endothélium  jusqu'à  la  gaine  lympliaticiue  ;  elle  semble  toutefois  un 
peu  plus  marquée  dans  les  couches  externes. 

Ici  encore,  les  artères  sont  beaucoup  moins  malades,  elles  présentent 
cependant  toutes  une  périartérite  manifeste. 

L'artère  spinale  antérieure  n'offre  qu'un  très  léger  degré  d'altération 
au  niveau  de  l'endartère,  mais  le  vaisseau  est  complètement  affaissé,  le 
calibre  aplati  d'avant  en.  arrière  est  réduit  à  une  simple  fente  transver- 
sale. Cet  aplatissement  plus  ou  moins  complet  existe  dans  toutes  les 
artères.  Dans  une  des  artères  spinales  postérieures  du  côté  droit,  la  paroi 
interne  est  très  épaissie  et  le  vaisseau  a  pris  la  forme  d'un  cordon  cylin- 
drique. La  membrane  élastique  distendue  est  refoulée  à  la  périphérie, 
la  lumière  centrale  est  ponctiforme. 

Les  vaisseaux  de  petit  calibre  sont  tous  indistinctement  intéressés, 
épaissis  ou  oblitérés  et  sont  souvent  le  point  de  départ  d'une  infiltration 
embryonnaire  excentrique  peu  étendue. 

Dans  la  substance  médullaire,  les  tractus  partis  de  la  pie-mère  ne 
sont  pas  d'une  façon  générale  élargis,  cependant  à  leur  point  de  jonction 
avec  la  méninge  ils  ont  souvent  la  forme  de  coins  qui  ne  se  prolongent 
pas  bien  loin  dans  la  substance  de  la  moelle.  Ces  tractus  présentent 
encore  sur  leur  trajet  des  renflements  qui  correspondent  à  des  vaisseaux 
dont  les  parois  sont  toujours  considérablement  épaissies  en  comparaison 
du  calibre.  Tantôt  ces  parois  sont  fibreuses,  tantôt  elles  sont  infiltrées  de 
noyaux  qui  envahissent  même  la  lumière  du  vaisseau  et  se  propagent 
excentriquement  dans  le  tissu  nerveux  voisin  à  une  courte  distance. 
Ces  amas  embryonnaires  sont  d'ailleurs  peu  nombreux  dans  les  coupes 
de  cette  région  et  ils  se  trouvent  ordinairement  placés  dans  les  régions 
voisines  de  la  pie-mère  ;  cependant  il  en  existe  aussi  dans  la  substance 
grise. 

En  dehors  de  ces  amas  embryonnaires  périvasculaires  il  n'existe  pas 
d'augmentation  du  nombre  des  noyaux  dans  le  reste  de  la  coupe. 

L'artère  sulco-commissurable  est  perméable,  mais  les  parois  sont 
épaissies  et  fibreuses. 

Les  modifications  du  tissu  nerveux  sont  peu  marquées  dans  cette 
région.  Les  cellules  des  cornes  antérieures  ont  une  apparence  normale, 
les  fibrilles  nerveuses  abondantes  et  bien  ordonnées,  excepté  dans  la 
corne  antérieure  droite  oii  il  existe  un  léger  désordre.  Les  fibres  de  la 
substance  blanche  possèdent  toutes  leur  gaine  de  myéline  à  peu  près 
intacte;  cependant,  dans  tous  les  points  de  la  coupe, on  trouve  des  cylin- 
dres-axes hypertrophiés  entourés  d'une  gaine  de  myéline  gonflée.  Ces 
altérations  sont  d'ailleurs  plus  prononcées  dans  les  zones  périphériques. 
Ajoutons  que  le  tissu  qui  sépare  les  fibres  est  un  peu  gonflé  et  trouble: 
les  cellules  araignées  qui  sont  encore  distinctes  n'ont  plus  leur  appa- 
rence anguleuse  ni  leurs  prolongements  déliés  ;  elles  forment  sur  les 
coupes  colorées  par  le  carmin  de  petites  taches  rouges  d'aspect  trouble 


—  277  — 


à  contours  dififus  avec  de  gros  prolongements  ondulés  et  courts.  A  part 
les  altérations  vasculaires  que  nous  avons  signalées,  les  racines  ner- 
veuses ne  présentent  pas  de  modifications,  le  périnèvre  n'est  pas 
épaissi  ni  infiltré  de  noyaux,  les  tubes  nerveux  sont  intacts. 

RÉGION  CERVICALE.  —  Dans  la  région  cervicale,  la  moelle  présente 
une  conformation  normale  ;  le  tissu  nerveux  est  sain.  La  pie-mère  n'est 
pas  épaissie,  mais  les  veines  sont  encore  énormes  et  en  grande  partie 
oblitérées.  Les  prolongements  dos  sillons  antérieur  et  postérieur  ne 
sont  pas  élargis,  mais  présentent  des  renflements  qui  correspondent  à  la 
coupe  de  vaisseaux. 

Dans  la  région  cervicale  inférieure,  deux  grosses  veines  voisines  de 
l'artère  spinale  antérieure  sont  oblitérées,  d'autres  veines  placées  à 
l'origine  du  septum  postérieur  sont  dans  le  même  état.  Dans  le  voisi- 
nage des  racines,  on  trouve  des  veines  semblables  dont  quelques-unes 
présentent  encore  au  centre  une  lumière  en  forme  de  fente.  Le  tissu 
qui  compose  ces  vaisseaux  nous  est  déjà  connu  :  une  substance  fonda- 
mentale amorphe,  hyaline  ou  trouble,  semée  de  nombreux  noyaux 
arrondis  ou  fusiformes  réfractaires  à  l'imprégnation  par  le  carmin  ou 
l'hématoxyline,  telle  est  son  apparence  habituelle.  Une  particularité 
qui  ressort  de  l'étude  des  coupes  pratiquées  dans  cette  région,  c'est  que 
les  veines  sont  le  plus  souvent  libres,  elles  font  saillie  à  la  surface  de 
la  pie-mère  ou  sont  même  complètement  isolées  dans  l'espace  sous- 
arachnoïdien.  Elles  ne  sont  englobées  par  aucune  infiltration  embryon- 
naire en  sorte  que  le  cordon  veineux  forme  un  tout  compact  dont 
toutes  les  parties  ont  la  même  structure.  Les  quelques  veines  qui  sont 
enclavées  entre  les  plans  fibreux  de  la  méninge  se  distinguent  nettement 
du  tissu  environnant,  elles  sont  souvent  entourées  par  une  couronne  de 
cellules  granuleuses  logées  dans  la  gaine  lymphatique. 

L'artère  spinale  antérieure  est  manifestement  épaissie  dans  sa  tunique 
adventice,  l'endartèrc  est  sain  ;  la  lumière  encore  aplatie  présente 
cependant  un  certain  calibre.  Les  artères  spinales  postérieures  ont  le 
même  aspect. 

Le  tissu  nerveux  (tubes  et  cellules)  est  sain,  mais  il  existe  encore  une 
exagération  dans  l'épaisseur  des  tractus  qui  séparent  les  groupes  de 
tubes  nerveux.  Aux  points  de  rencontre  de  ces  cloisons,  on  trouve  géné- 
ralement un  petit  vaisseau  à  garois  très  épaisses,  fibreuses  ou  très 
rarement  infiltrées  de  noyaux,  en  sorte  que  l'épaississemcnt  des  cloi- 
sons est  toujours  bien  le  fait  d'une  altération  vasculaire.  Les  cellules 
névrogliques  de  tout  le  parenchyme  sont  également  gonflées.  Enfin, 
bien  qu'il  n'existe  dans  les  cordons  postérieurs  aucune  trace  de  dégéné- 
ration  secondaire  ascendante  des  tubes  nerveux,  le  tissu  interstitiel 
qui  sépare  les  tubes  est  ici  un  peu  plus  gonflé,  les  cellules  araignées 
arrondies,  en  sorte  que  les  préparations  colorées  par  le  carmin  et  vues 
à  un  faible  grossissement,  présentent  une  teinte  rose  un  peu  plus  intense 


—  278  - 


dans  la  partie  moyeune  des  cordons  de  Goll  et  de  Burdach.  Il  n'existe 
d'ailleurs  dans  le  parenchyme  aucune  trace  d'inflammation  diffuse,  les 
noyaux  ne  sont  pas  augmentés  de  nombre. 

A  la  région  cervicale  supérieure  les  altérations  des  veines  diminuent 
d'intensité  ;  les  veines  sont  moins  grosses,  elles  ne  sont  pas  toutes  obli- 
térées mais  présentent  toujours  une  paroi  extrêmement  épaissie  compa- 
rée, à  la  lumière  centrale.  Les  artères  sont  plus  ouvertes,  la  paroi  est  tou- 
jours augmentée  d'épaisseur,  mais  c'est  surtout  aux  dépens  de  la  tunique 
adventice.  De  place  en  place,  on  trouve  encore  un  épaississement  localisé 
de  l'endartère  qui  fait  une  légère  saillie  dans  la  lumière  du  vaisseau. 

Le  parenchyme  de  la  moelle  est  sain  en  général,  à  part  quelques  modi- 
fications légères  des  petits  vaisseaux. 

Bulbe.  —  Dans  cette  région,  les  modifications  du  tissu  nerveux  sont 
très  peu  marquées.  Les  éléments  propres,  cellules  et  tubes  nerveux, 
sont  intacts.  On  trouve  seulement  dans  l'épaisseur  du  parenchyme  quel- 
ques petits  vaisseaux  épaissis  à  parois  fibreuses  ou  infiltrées  de  noyaux. 

L'artère  centrale  voisine  du  canal  central  se  montre  dans  toute  la 
hauteur  du  bulbe  notablement  épaissie  et  entourée  en  certains  points 
d'un  exsudât  colloïde. 

La  pie-mère  ne  présente  aucune  altération,  les  veines  sont  encore  très 
notablement  modifiées  surtout  celles  qui  correspondent  à  la  partie  pos- 
térieure ;  néanmoins  elles  sont  moins  saillantes  et  la  plupart  ont  encore 
une  lumière  centrale.  Deux  ou  trois  grosses  veines  postérieures  sont 
oblitérées. 

Les  artères  antérieures,  postérieures  et  celles  qui  accompagnent  les 
racines  sont  toutes  atteintes  de  périartérite  fibreuse,  quelques-unes 
présentent  au  niveau  de  l'endartère  des  foyers  d'infiltration  qui  font 
saillie  dans  la  lumière  du  vaisseau.  Une  artère  logée  dans  le  sillon  inter- 
pyramidal est  le  siège  d'une  endartérite  régulièrement  répartie  qui 
double  l'épaisseur  de  la  paroi  du  vaisseau. 

Si  maintenant,  en  partant  du  foyer  principal  d'altération  de  la  moelle 
placé  au  niveau  de  la  quatrième  racine  dorsale,  on  examine  des  coupes 
pratiquées  dans  des  étages  de  plus  en  plus  inférieurs,  on  constate  la 
même  dégradation  dans  l'intensité  des  modifications. 

Segment  7.  {Cinquième  racine  dorsale.) 

A  ce  niveau,  la  substance  grise  est  encore  déformée  et  l'ensemble  de 
la  moelle  gonflé. 

Les  vaisseaux  de  la  pie-mère  présentent  les  altérations  que  nous  con- 
naissons ;  quant  à  la  méninge  elle-même,  elle  n'est  toujours  épaissie  que 
dans  les  points  qui  correspondent  à  ces  vaisseaux.  Le  septum  médian 
antérieur  est  infiltré  de  noyaux  ;  Tartère  spinale  antérieure  rejetée  sur 


—  279  — 


le  côté  est  complètement  aplatie.  Dans  Tépaisseur  du  parenchyme  de 
la  moelle,  on  trouve  de  petits  foyers  embryonnaires  localisés  exclusive- 
ment autour  des  vaisseaux  ;  ces  amas  sont  particulièrement  développés 
dans  les  régions  périphériques  de  la  moelle,  ils  se  continuent  souvent 
avec  la  pie-mère,  mais  leur  point  de  départ  est  toujours  un  vaisseau. 
Dans  la  substance  grise,  on  trouve  quatre  ou  cinq  gros  vaisseaux  dont 
deux  seulement  sont  encore  perméables,  très  dilatés  et  remplis  de 
globules  rouges. 

Les  éléments  propres  du  tissu  nerveux  sont  moins  atteints  que  plus 
haut,  les  cellules  des  cornes  antérieures  et  des  colonnes  de  Clarke  occu- 
pent leur  place  habituelle  et  sont  presque  normales,  excepté  dans  le 
prolongement  antérieur  de  la  corne  droite  où  les  cellules  sont  déplacées 


FiG.  3.  —  Cas  n"  I.—  Coupe  au  niveau  de  la  cinquième  "racine  dorsale. 

et  très  atrophiées.  Les  tubes  nerveux  sont  encore  notablement  modifiés 
surtout  dans  les  parties  périphériques  de  la  moelle.  On  trouve  comme  plus 
haut  plusieurs  groupes  de  cylindres-axes  hypertrophiés. 
Le  tissu  interstitiel  est  partout  un  peu  gonflé  et  trouble. 

Segment  8.  {Sixième  racine  dorsale.) — La  moelle  reprend  un  aspect 
à  peu  près  normal  ;  la  substance  grise  est  bien  conformée  et  bien 
limitée,  les  éléments  du  tissu  nerveux  sont  très  peu  modifiés,  on  trouve 
cependant  encore  des  cylindres-axes  hypertrophiés  disposés  par  fais- 
ceaux.Dans  la  substance  blanche, de  nombreux  petits  vaisseaux  sont  enva- 
his par  une  infiltration  nucléaire.  Les  vaisseaux  de  la  pie-mère  sont  tou- 
jours modifiés  du  moins  pour  les  veines  et  les  vaisseaux  de  petit  calibre. 
Presque  toutes  les  veines  visibles  sont  très  grosses  et  souvent  oblité- 
rées. Les  artères  de  calibre  sont  presque  saines  et  à  partir  de  ce  point 
largement  béantes  et  pleines  de  sang. 


—  280  — 


La  pie-mère  n'est  pas  épaissie,  le  septum  médian  antérieur  délié 
montre  deux  renflements  produits  par  deux  artères  épaissies  mais  per- 
méables. 

Huitième  racine  dorsale.  —  L'aspect  général  de  la  moelle  à  ce 
niveau  est  peu  modifié,  cependant  la  substance  grise  est  un  peu  tassée 
latéralement  au  niveau  de  la  commissure,  qui  présente  trois  gros  vais- 
seaux à  parois  très  épaisses. 

Les  altérations  sont  à  peu  près  les  mêmes  qu'au  niveau  de  la  sixième 
racine  dorsale.  Les  veines  do  la  pie-mère  et  celles  de  l'arachnoïde  sont 
encore  très  grosses  et  pour  la  plupart  bouchées,  celles  qui  accompagnent 
les  racines  sont  plus  souvent  perméables. 

Les  artères  spinales  antérieures  et  postérieures  sont  béantes  mais 
offrent  presque  toutes  un  léger  degré  d'endartérite  régulièrement 
répartie  ;  toutefois  la  périartérite  fibreuse  est  dominante. 

Dans  l'épaisseur  de  la  moelle,  on  trouve  encore  de  nombreux  petits 
foyers  embryonnaires  périvasculaires,  quelques-uns  semblent  occupés 
au  centre  par  une  cellule  géante.  Cette  apparence  paraît  due  à  une 
modification  de  l'eudothélium  vasculaire. 

En  effet,  au  milieu  de  l'amas  embryonnaire,  on  trouve  la  lumière  du 
petit  vaisseau  souvent  encore  remplie  par  des  globules  rouges  tandis 
que  les  cellules  endothéliales  proliférées  se  placent  perpendiculairement 
à  la  paroi  interne.  Lorsque  l'oblitération  est  complète, les  globules  rouges 
peuvent  disparaître,  et  les  cellules  endothéliales  conservant  leur  orien- 
tation donner  lieu  à  une  apparence  de  cellules  géantes. 

Les  éléments  nerveux  du  parenchyme  de  la  moelle  et  des  racines 
sont  régulièrement  intacts.  Le  périmère  des  racines  est  intact. 

Onzième  racine  dorsale.  —  Sur  les  coupes  pratiquées  dans  le  segment 
de  la  moelle  correspondant,  on  constate  à  peu  près  les  mêmes  altérations. 
Les  modifications  des  veines  de  la  pie-mère  sont  encore  très  pronon- 
cées, il  existe  un  certain  nombre  de  grosses  veines  oblitérées  et  mal 
colorées  dans  l'espace  sous-arachnoïdien.  Les  artères  sont  relativement 
intactes.  Les  plus  petits  vaisseaux  de  la  pie-mère  et  de  la  moelle  sont 
au  contraire  encore  épaissis  ou  infiltrés  de  noyaux.  Le  parenchyme 
nerveux  est  à  peu  près  sain,  on  note  cependant  l'existence  de  quelques 
cylindres-axes  hypertrophiés  dans  les  cordons  latéraux. 

Deuxième  racine  lombaire.  —  A  ce  niveau,  les  lésions  des  veines  dimi- 
nuent d'intensité,  on  ne  trouve  plus  sur  les  coupes  que  quatre  ou  cinq 
grosses  veines  complètement  oblitérées;  les  autres,  bien  que  très  épais- 
sies sont  encore  perméables.  Ces  veines  sont  souvent  entourées  d'une 
couronne  de  cellules  granuleuses  brunes  logées  dans  la  gaine  lympha- 
tique. 

L'artère  spinale  antérieure  dédoublée  présente  des  parois  très 


—  281  — 


épaisses  comparativement  au  calibre,  mais  l'endartère  est  peu  modifié. 

Les  petits  vaisseaux  sont  toujours  très  affectés,  dans  la  pie-mère 
comme  dans  la  moelle. 

Dans  la  portion  terminale  de  la  moelle,  les  altérations  veineuses  de  la 
méninge  sont  encore  marquées,  mais  le  parenchyme  de  la  moelle  est 
pour  ainsi  dire  sain,  à  part  quelques  petits  foyers  d'infiltration  périvas- 
culaire. 

On  voit  en  somme  que,  à  mesure  qu'on  s'éloigne,  en  descendant,  du 
foyer  de  ramollissement,  les  lésions  vasculaires  et  parenchymateuses 
diminuent  d'intensité  beaucoup  moins  rapidement  que  dans  les  régions 
supérieures  de  la  moelle. 

La  nature  des  lésions  que  nous  venons  de  décrire  et  leur  évolution 
peuvent  se  résumer  en  quelques  mots. 

L'altération  la  plus  saillante  est  celle  des  vaisseaux,  elle  a  certaine- 
ment précédé  celle  du  parenchyme  nerveux,  car  d'abord  elle  est 
répandue  dans  toute  la  hauteur  de  la  moelle  avec  une  intensité  variable, 
puis  elle  a  les  caractères  d'une  lésion  ancienne,  tandis  que  la  dégé- 
nérescence du  tissu  nerveux  est  localisée  et  évidemment  très  récente. 
De  plus,  c'estjustement  dans  le  segment  médullaire  où  les  altérations 
vasculaires  sont  le  plus  prononcées  que  le  parenchyme  nerveux  est 
nécrosé. 

La  pie-mère,  ainsi  que  nous  l'avons  souvent  fait  remarquer,  n'est  le 
siège  d'aucune  inflammation  propre  ;  c'est  seulement  dans  les  points 
où  se  trouvent  logés  les  vaisseaux  que  l'on  rencontre  une  prolifération 
nucléaire  dont  le  point  de  départ  est  la  paroi  vasculaire.  Si  la  méninge 
paraît  épaissie  dans  la  région  où  la  moelle  est  ramollie,  elle  doit  cette 
apparence  à  l'existence  d'une  épaisse  couche  de  tissu  colloïde  ou  gra- 
nuleux mêlé  de  quelques  cellules  mal  colorées  qui  s'est  amassé  tant 
entre  la  moelle  et  la  pie-mère  que  dans  les  interstices  des  plans  fibreux 
de  cette  dernière. 

Il  est  assez  difficile  de  préciser  la  nature  exacte  et  le  point  de  départ 
de  l'altération  des  vaisseaux.  Pour  les  veines,  le  début  paraît  être 
dans  l'épaisseur  même  de  la  paroi,  car,  sur  beaucoup  de  veines  isolées 
et  encore  perméables,  toute  la  paroi  est  constituée  régulièrement  par 
le  même  tissu;  l'endothélium  persiste  intact,  tandis  que  le  contour 
externe  apparaît  comme  une  ligne  régulière  sans  prolifération  sura- 
joutée. Sur  quelques  veines  où  le  processus  est  moins  avancé,  l'infil- 
tration nucléaire  est  localisée  entre  les  plans  fibreux  de  la  tunique 


—  282  — 


moyenne.  La  gaine  lymphatique  est  perméable,  et  si  elle  contient  des 
éléments,  ce  ne  sont  pas  des  noyaux  de  même  nature  que  ceux  de  la 
paroi,  mais  des  cellules  granuleuses  de  résorption. 

Dans  les  veines  plus  malades,  la  gaine  lymphatique  adhère  au 
vaisseau  et  disparaît;  de  son  côté  la  membrane  interne  entre  en 
activité.  De  l'épaississement  de  la  tunique  moyenne,  de  la  proliféra- 
tion de  l'endoveine  et  de  la  symphyse  de  la  gaine  lymphatique  résulte 
un  cordon  plein  homogène.  Ce  cordon  subit  la  transformation  hyaline, 
les  noyaux  deviennent  granuleux  et  se  désagrègent  :  ainsi  se  trouve 
constitué  le  degré  le  plus  prononcé  de  l'altération. 

Les  petits  vaisseaux  sont  envahis  d'emblée  par  la  prolifération 
nucléaire  et  bientôt  oblitérés. 

Pour  les  artères,  le  point  de  départ  est  manifestement  dans  la 
tunique  adventice  ;  l'endartérite  semble  secondaire,  en  tous  cas  elle 
manque  souvent  ou  est  presque  toujours  beaucoup  moins  prononcée  que 
la  périartérite.  La  tunique  moyenne  résiste  longtemps,  elle  ne  semble 
participer  à  l'épaississement  de  la  paroi  que  lorsque  la  périartérite 
est  déjà  devenue  fibreuse. 

Les  différentes  modifications  que  nous  avons  décrites  dans  le  foyer 
médullaire,  de  même  que  l'évolution  clinique  de  la  maladie,  pourraient 
paraître  se  rapporter  à  un  cas  de  myélite  aiguë  centrale  diffuse. 
Il  existe  en  effet  beaucoup  de  ressemblance  entre  notre  observation 
et  les  descriptions  rapportées  par  différents  auteurs  sous  le  titre  de 
myélite  aiguë.  Doit-on  dès  lors  attribuer  à  ces  lésions  une  nature 
inflammatoire  ?  Il  faut  avouer  que  dans  ce  cas  l'inflammation  se  serait 
manifestée  avec  des  caractères  bien  particuliers,  car  elle  aurait  été 
dégénérative  d'emblée.  En  effet,  le  tissu  interstitiel  conjonctif  et 
névroglique  ne  présente  pas  trace  de  prolifération  ni  d'infdtration 
nucléaire,  il  est  au  contraire  manifestement  dégénéré  :  les  éléments 
gonflés,  diffus,  prennent  mal  la  coloration,  ils  sont  granuleux  et 
comme  frappés  de  nécrose.  D'autre  part,  les  éléments  nerveux  sont 
atteints  par  le  même  processus,  la  désintégration  granuleuse  les 
frappe  tous  en  bloc  dans  un  segment  de  la  moelle,  sans  qu'on  trouve 
dans  leur  voisinage  aucune  cause  immédiate  de  destruction  ;  ils  ne 
souffrent  nullement  de  la  prolifération  du  tissu  interstitiel,  puisqu'elle 
n'existe  pas. 

Il  nous  paraît  plus  logique  d'attribuer  le  rôle  prépondérant  aux 


—  283  — 


lésions  vasculaires  que  nous  avons  constatées,  et  de  regarder  la  lésion 
médullaire  comme  un  foyer  de  ramollissement  d'origine  ischémique. 
Nous  trouvons  en  effet  dans  les  altérations  vasculaires  une  raison 
suiïisante  d'anémie  grave  de  la  moelle.  Les  veines  sont  d'abord  toutes 
oblitérées,  soit  depuis  un  certain  temps,  soit  par  un  caillot  récent  ; 
d'autre  part,  si  les  grosses  artères  possèdent  encore  une  lumière, 
tous  les  petits  vaisseaux,  tant  intraméningés  qu'intramédullaires 
sont  altérés  et  môme  souvent  complètement  bouchés.  Si  l'apport  du 
sang  était  encore  possible  dans  les  grands  canaux  afférents,  les  alté- 
rations des  petits  vaisseaux  et  celles  des  veines  atteignent  le  plus 
haut  degré,  et  peu  importe  que  l'obstacle  siège  en  amont  ou  en  aval 
s'il  est  suffisant  pour  provoquer  un  trouble  important  dans  la  circula- 
tion. Quant  à  l'existence  de  voies  de  suppléance  ou  de  dérivation,  elle 
était  certainement  très  précaire,  car  dans  les  segments  médullaires 
adjacents,  les  altérations  vasculaires  étaient  presque  aussi  pronon- 
cées. 

L'arrêt  de  la  circulation  dans  une  étendue  importante  du  réseau 
vasculaire  de  la  moelle  a  donc  produit  l'anémie  d'un  segment  de  cet 
organe.  La  persistance  de  quelques  collatérales  a  déterminé  l'œdème 
très  marqué  et  aussi  l'extravasation  sanguine  que  nous  avons  notés. 

Le  parenchyme  nerveux  présente  d'autre  part  tous  les  signes  de 
la  nécrose  anémique,  reproduisant  les  altérations  décrites  par  les 
auteurs  qui  ont  répété  l'expérience  de  Sténon,  en  déterminant  par  la 
ligature  de  l'aorte  chez  les  animaux  le  ramollissement  ischémique  de 
la  moelle. 

Reste  à  prouver  la  nature  syphilitique  des  lésions  primitives.  Nous 
ne  saurions  établir  notre  critérium  sur  l'existence  de  l'infection  syphi- 
litique de  date  récente  et,  l'absence  de  toute  autre  cause  étiologique 
reconnue,  nous  croyons  trouver  un  appui  plus  certain  dans  la  con- 
statation de  nodules  gommeux  miliaires  développés  tant  dans  les 
parois  veineuses  que  dans  le  parenchyme  médullaire  autour  des 
petits  vaisseaux.  Les  petits  foyers  de  nécrose  des  parois  vasculaires 
et  les  cellules  géantes  sont  aussi  des  lésions  qu'on  retrouve  dans  la 
syphilis.  Ces  lésions,  rencontrées  chez  un  sujet  syphilitique  indemne 
de  tuberculose  pulmonaire,  peuvent  être  considérées  comme  spécifiques 
de  la  syphilis. 

Les  lésions  anatomiques  que  nous  avons  décrites  et  l'interprétation 


—  284  — 


précédente  fournissent  une  explication  satisfaisante  aux  symptômes 
observés  pendant  la  vie  du  malade. 

Les  altérations  vasculaires  de  date  ancienne  déterminaient  depuis 
un  certain  temps  des  troubles  circulatoires  dans  la  moelle,  et  l'état  de 
souffrance  de  cet  organe  se  traduisait  par  les  symptômes  prodro- 
miques  qui  ont  précédé  l'attaque  de  paraplégie.  Puis,  la  circulation 
devenant  tout  à  fait  insuffisante  à  un  moment  donné,  il  en  est  résulté 
un  foyer  de  ramollissement  médullaire  et  une  attaque  de  paraplégie. 

Cette  rupture  d'équilibre  dans  le  réseau  circulatoire  de  la  moelle 
n'a  pas  été  sans  retentir  sur  toute  l'étendue  de  l'organe,  d'autant  que 
nous  avons  noté  partout  des  lésions  vasculaires  importantes,  en  parti- 
culier dans  la  région  du  bulbe.  Cette  circonstance  explique  la  gravité 
et  l'évolution  rapide  de  l'affection,  la  perte  de  connaissance,  les 
troubles  respiratoires  et  l'asphyxie  terminale.  On  doit  d'ailleurs  cher- 
cher dans  l'intégrité  relative  des  régions  inférieures  de  la  moelle  la 
cause  de  la  persistance  des  réflexes  dans  les  membres  inférieurs. 

L'intensité  de  la  lésion  en  foyer  et  la  destruction  complète  de  la 
substance  grise  avaient  supprimé  les  voies  de  conduction  de  la  sensi- 
bilité. 

Enfin,  la  mort  étant  survenue  à  bref  délai,  la  dégénérescence 
secondaire  ascendante  ou  descendante  ne  s'est  pas  manifestée. 

Cas  n°  II.  —  Observation  109  (personnelle).  —  L'histoire  clinique  et 
les  pièces  anatomiques  nous  ont  été  communiquées  par  M.  Lance- 

REAUX. 

RÉSUMÉ  CLINIQUE.  —  Femme.  En  1885,  à  26  ans,  chancre  et  accidents 
secondaires.  1890,  carie  costale  et  abcès.  Janvier  1892,  accidents 
cérébraux  passagers  qui  cèdent  au  traitement .  Novembre  1892, 
nouveaux  accidents  cérébraux,  puis  paraplégie  brusque,  douleurs 
dans  les  lombes  et  dans  les  jambes,  troubles  des  sphincters. 

État.  12  janvier  1893.  —  Paraplégie  presque  absolue,  réflexes  con- 
servés, diminution  delà  sensibilité  jusqu'à  l'ombilic,  paresthésies 
dans  les  jambes,  paralysie  des  sphincters,  lésions  de  décubitus. 
Aggravation  progressive  des  symptômes ,  marasme  ;  mort  le 
18  avril  1893,  cinq  mois  environ  après  l'attaque  de  paraplégie. 

Autopsie.  —  Pas  de  lésions  macroscopiques  du  cerveau.  Artères  de  la 
base  et  de  l'isthme  noueuses  et  épaissies.  Canal  rachidien  et  dure- 
mère  intacts.  Arachnoïde  et  pie-mère  louches.  Ramollissement  très 
étendu  de  la  moelle. 


—  285 


Examen  microscopique.  —  Méningite  et  altérations  vasculaires  consi- 
dérables, nécrose  périphérique  delà  moelle  dans  les  régions  cervi- 
cale et  dorsale  avec  infiltrations  gommeuses  localisées  et  périvascu- 
laires.  Destruction  partielle  de  la  substance  grise.  Dégénérescence 
secondaire  ascendante  et  descendante.  Altérations  très  prononcées 
des  racines. 

Histoire  clinique.  —  Berthe  Guibillon,  femme  célibataire,  âgée  de 
34  ans,  entrée  le  12  janvier  1893  salle  Sainte-Martine,  lit  n»  5,  dans  le 
service  de  M.  Lancereaux  à  l'Hôtel-Dieu. 

Antécédents  héréditaires.  —  Le  père,  âgé  de  75  ans,  est  d'une  santé 
médiocre  ;  la  mère,  âgée  de  57  ans,  est  bien  portante.  Trois  frères 
sains. 

Antécédents  personnels.  —  Rien  de  saillant  dans  l'enfance,  pas 
d'épistaxis,  pas  de  migraines,  pas  de  rhumatismes. 

Les  menstrues  apparaissent  à  l'âge  de  14  ans,  irrégulières  depuis 
l'âge  de  25  ans.  Pas  de  grossesse,  pas  de  fausse  couche. 

M.  le  D''  Marey,  qui  a  soigné  la  malade  avant  son  entrée  à  l'hôpital, 
nous  donne  les  renseignements  complémentaires  suivants. 

En  1885,  à  l'âge  de  26  ans,  la  malade  a  contracté  la  syphilis  :  chancre, 
roséole  et  plaques  muqueuses. 

Dans  l'hiver  de  1889,  elle  souffrit  d'une  poussée  de  bronchite. 

La  prédominance  des  signes  physiques  aux  sommets  des  poumons 
et  l'amaigrissement  firent  considérer  ces  symptômes  comme  les  mani- 
festations d'une  tuberculose  pulmonaire. 

A  l'été  de  1890,  abcès  froid  costal  au  voisinage  de  la  poignée  du  ster- 
num. Cet  abcès  fut  traité  par  l'incision  et  le  raclage,  il  guérit  en  lais- 
sant une  cicatrice  déprimée. 

Pendant  l'hiver  de  1890-1891,  nouvelle  poussée  de  bronchite. 

Chute  des  cheveux  depuis  trois  ou  quatre  mois. 

Maladie  actuelle  ;  commémoratifs.  —  Au  mois  de  janvier  1892,  la 
malade  présenta  des  symptômes  cérébraux  :  céphalalgie,  vomissements, 
paralysie  oculaire,  qui  cédèrent  par  un  traitement  spécifique  :  iodure 
de  potassium  à  l'intérieur  et  frictions  mercurielles. 

En  novembre  1892,  les  accidents  cérébraux  reparurent  :  céphalalgie, 
vertige  ;  en  même  temps  la  malade  éprouvait  de  la  lassitude  et  de  l'en- 
gourdissement dans  les  jambes.  Cet  état  durait  depuis  plusieurs  jours, 
lorsqu'un  matin,  en  voulant  se  lever,  la  malade  constate  qu'il  lui  est 
impossible  d'y  arriver,  ses  membres  inférieurs  sont  paralysés. 

Or,  précisément  la  veille,  la  malade  n'avait  éprouvé  aucun  malaise 
général  marqué,  n'avait  ressenti  aucune  douleur  et  s'était  mise  au  lit 
comme  d'habitude. 

En  même  temps  que  la  paraplégie,  il  existait  une  paralysie  de  la 
vessie  et  du  sphincter  anal,  la  malade  se  plaignait  de  douleurs  dans  la 
région  lombaire,  à  l'épigastre  et  dans  les  jambes.  L'état  général  était 


—  286  — 


également  atteint,  l'appétit  avait  disparu,  les  aliments  étaient  vomis. 
Faiblesse  extrême,  tendance  à  l'assoupissement. 

Etat  actuel,  12  janvier  1893  (34  ans).  —  La  malade  est  étendue  sur  le 
dos,  assez  abattue  ;  depuis  son  attaque  de  paraplégie,  elle  ne  s'est  pas 
relevée. 

Les  membres  inférieurs  sont  presque  complètement  paralysés,  ils 
présentent  encore  quelques  mouvements,  mais  les  talons  ne  peuvent 
être  soulevés  au-dessus  du  plan  du  lit.  Les  réflexes  rotuliens  sont 
conservés. 

La  sensibilité  objective  est  diminuée  dans  la  partie  inférieure  du  corps 
jusqu'à  l'ombilic,  de  même  que  la  perception  de  la  température  des 
objets  froids.  Le  réiiexe  cutané  est  exagéré.  La  maladj  se  plaint  de 
fourmillements  et  d'engourdissement'dans  les  jambes. 

Incontinence  des  urines  et  des  matières  fécales. 

Escarre  dans  la  région  sacrée. 

Les  membres  supérieurs  sont  sains. 

Le  14.  L'état  général  se  relève  un  peu,  l'appétit  est  revenu  ;  traite- 
ment: 1  gr.  50  d'iodure  de  potassium. 

Le  16.  Sommeil  assez  bon  ;  fourmillements  dans  les  jambes.  Erup- 
tion prurigineuse  à  la  région  supéro-interne  des  cuisses;  la  peau  en  cet 
endroit  est  marbrée,  violacée,  desquamée  par  places.  Cet  état  est  dû  à 
l'irritation  locale  produite  par  l'écoulement  continuel  des  urines. 

Incontinence  des  matières  fécales. 

Le  17.  On  retire,  au  moyen  de  la  sonde,  une  centaine  de  grammes 
d'urine  trouble,  chargée  de  matières  granuleuses,  blanchâtres,  et  assez 
riche  en  albumine. 

Le  19.  La  malade  sent  toujours  ses  jambes  engourdies  ;  la  paralysie 
a  fait  des  progrès,  les  jambes  sont  presque  sans  mouvements,  les  pieds 
reposent  sur  le  côté  dans  une  position  indifférente,  et  la  malade  est 
incapable  de  les  retourner  sur  l'autre  côté. 

Le  20,  La  malade  se  plaint  d'avoir  ressenti  pendant  la  nuit  d'assez 
vives  douleurs  dans  la  jambe  gauche,  surtout  au  niveau  du  genou. 

Pendant  le  cours  du  mois  de  février,  l'état  est  sensiblement  le  même, 
il  existe  encore  de  temps  à  autre  des  sensations  pénibles  dans  les  jam- 
bes, avec  un  sentiment  persistant  d'engourdissement.  La  paraplégie  est 
absolue;  les  sphincters  sont  toujours  insuffisants,  l'escarre  sacrée  fait 
des  progrès.  La  malade  cependant  prend  3  gr.  d'iodure  de  potassium 
par  jour. 

Du  2  au  6  avril,  la  malade  se  plaint  d'oppression  et  d'un  léger  point 
de  côté  à  gauche,  mais  sans  frisson.  La  température  pendant  ces  quel- 
ques jours  atteint  le  soir  380,5  ou  39";  il  y  a  un  peu  de  toux,  mais  les 
signes  physiques  sont  nuls,  à  part  quelques  râles  de  congestion  aux 
deux  bases  des  poumons  en  arrière.  L'auscultation  des  sommets  ne 
révèle  rien.  A  partir  du  5  avril,  la  température  retombe  un  peu  au-des- 
sous de  la  normale. 


—  287  — 

Le  14.  La  fièvre  reprend,  et  la  température  atteint  le  soir  380,5.  Elle 
oscille  entre  38°, 5  et  39°, 5  les  jours  suivants.  État  général  grave  ;  lan- 
gue saburrale,  trémulente,  anorexie  ;  vomissements  bilieux.  Urines 
troubles  et  ammoniacales.  État  comateux,  mort  dans  la  nuit  du  18  au 
19,  cinq  mois  environ  après  l'attaque  de  paraplégie. 

Autopsie.  —  Organes  thoraco-abdominaux.  Les  différents  viscères 
ne  présentent  pas  de  lésions  bien  remarquables. 

Le  cœur  esl  normal. 

Pour  les  poumons,  le  protocole  d'autopsie  n'indique  pas  d'altérations 
macroscopiques  importantes;  ces  organes  sont  petits  et  pèsent  ensemble 
650  gr.  Légère  périhépatite  avec  adhérences  de  la  surface  convexe  du 
diaphragme.  A  la  coupe  de  l'organe,  pas  de  gommes  ni  de  cicatrices. 
Les  reins  sont  volumineux,  congestionnés  et  la  vessie  contient  un  peu 
de  pus. 

Fragilité  des  côtes,  mais  pas  de  lésions  saillantes  dans  les  différentes 
parties  du  squelette,  sauf  la  cicatrice  ostéo-fibreuse  costo-sternale  au 
niveau  de  laquelle  la  peau  était  adhérente.  Les  grosses  artères,  l'aorte 
en  particulier,  sont  saines. 

Centres  nerveux.  —  Calotte  crânienne  mince  et  peu  résistante,  pas 
d'exostose  à  la  base  du  crâne.  Dure-mère  intacte;  pie-mère  également; 
cette  membrane  se  détache  facilement  des  circonvolutions. 

Les  artères  de  la  base  et  de  l'isthme,  surtout  au  voisinage  de  la  pro- 
tubérance, présentent  quelques  renflements  noueux.  La  substance  céré- 
brale corticale  et  profonde,  les  noyaux  gris  centraux,  sont  intacts. 

Les  parois  du  canal  rachidien  ne  présentent  aucune  exostose  ni 
aucune  anomalie.  La  dure-mère  rachidienne  est  lisse  et  souple  sans 
productions  ni  adhérences  pathologiques.  L'arachnoïde  est  fine,  déli- 
cate, mais  d'apparence  un  peu  laiteuse.  La  pie-mère  est  congestionnée, 
sans  épaississement  marqué  ou  du  moins  appréciable  à  l'œil  nu. 

Le  cordon  médullaire  est  remarquablement  mollasse.  Sur  la  coupe 
de  tous  les  étages  de  la  moelle,  et  surtout  dans  le  segment  dorsal,  la 
substance  nerveuse  présente  une  coloration  diffuse.  Il  existe  une  teinte 
gris  rosé  particulièrement  répandue  à  la  périphérie. 

La  substance  grise  est  rougeâtre,  effondrée  au  niveau  des  cornes 
antérieures  qui  forment  deux  dépressions  sur  la  coupe,  principalement 
dans  la  région  dorsale. 

Examen  microscopique  de  fragments  de  moelle  par  dissociation  après 
macération  dans  le  liquide  de  Millier  pendant  trois  semaines. 

Après  une  vingtaine  de  jours  d'imprégnation  par  le  liquide  de  Miiller, 
la  partie  dorsale  de  la  moelle  est  encore  très  molle.  De  petits  frag- 
ments prélevés  dans  les  différentes  parties  de  la  substance  blanche  et 


—  ?88  — 


de  la  substance  grise,  dissociés  et  colorés  par  le  picro-carmin,  montrent 
sous  le  microscope  les  altérations  suivantes. 

Il  existe  dans  les  préparations  un  assez  grand  nombre  de  corps  gra- 
nuleux, mais  ces  éléments  ne  sont  pas  excessivement  nombreux.  Le 
fond  du  champ  du  microscope  est  surtout  formé  par  une  substance 
grenue,  d'apparence  albumineuse  et  colorée  en  rose.  Cette  substance 
entoure  tous  les  éléments  figurés  qui  sont  représentés  par  des  fragments 
de  cyjindres-axes  hypertrophiés,  des  boules  de  myéline  à  double  contour, 
des  tubes  variqueux.  Les  cellules  névrogliques  sont  gonflées,  granu- 
leuses, pauvres  en  prolongements  qui  sont  épais,  irréguliers  et  courts. 
On  trouve  aussi  des  cellules  granuleuses  irrégulières,  nucléées  et  des 
noyaux  arrondis  entourés  d'une  mince  couche  protoplasmique. 

Les  cellules  nerveuses  des  cornes  antérieures  sont  les  unes  volumi- 
neuses à  contours  diiïus,  creusées  de  vacuoles  ou  sillonnées  de  cra- 
quelures; les  autres  arrondies,  granuleuses,  privées  de  prolongements, 
présentant  enfin  tous  les  aspects  de  la  dégénération. 

De  nombreux  filaments  de  névroglie,  irréguliers,  frisés  et  enche- 
vêtrés, forment  des  groupes  englobés  dans  la  substance  granuleuse 
diffuse. 

Les  petits  capillaires  apparaissent  gorgés  de  globules  sanguins,  avec 
une  gaine  lymphatique  énorme,  bourrée  de  cellules  lymphoïdes  qui 
effacent  quelquefois  complètement  la  lumière  centrale  et  forment  des 
nodules  particulièrement  développés  aux  poinls  de  bifurcation. 

Examen  microscopique  de  la  ynoelle  après  durcissement  complet  sur 
des  coupes  sériées  de  segments  prélevés  dans  les  différents  étages  de 
la  moelle  et  inclus  dans  le  collodion. 

Examen  des  coupes  à  un  faible  grossissemeiit.  (Obj.  a  var.  Zeiss  ; 
oc.  1).  Coloration  par  les  méthodes  de  Weigert  et  de  Pal. 

L'emploi  d'un  objectif  faible,  qui  permet  d'encadrer  la  coupe  tout 
entière  dans  le  champ  du  microscope,  fournit  des  renseignements  suffi- 
sants sur  la  distribution  des  parties  dégénérées  on  la  myéline  a  disparu, 
et  laisse  apprécier  dans  une  certaine  mesure  les  lésions  grossières  des 
méninges,  des  vaisseaux  volumineux  et  des  racines.  Nous  décrirons 
d'abord  l'aspect  d'ensemble  des  différentes  coupes,  quitte  à  revenir 
sur  la  nature  intime  des  lésions,  en  faisant  usage  d'un  plus  fort  gros- 
sissement. 

Isthme  de  l^encéphale  et  bulbe.  —  Les  coupes  intéressant  l'isthme 
de  l'encéphale  et  le  bulbe  à  différentes  hauteurs  ne  présentent  aucune 
décoloration  de  la  substance  nerveuse,  aucune  tache  de  dégénères- 


—  289  — 


cence  irrégulière  ou  systématique.  Les  différents  faisceaux  se  présen- 
tent avec  l'aspect  qu'ils  ont  dans  les  coupes  d'un  bulbe  sain  colorées 
parles  mêmes  méthodes.  On  trouve  seulement  dans  la  substance  ner- 
veuse quelques  rares  gros  vaisseaux  à  parois  épaissies,  mais  ces 
lésions  très  restreintes  n'ont  pas  suffi  à  produire  des  troubles  circula- 
toires suivis  d'altérations  dans  le  parenchyme  nerveux. 

La  pie-m're  est  régulièrement  mince,  cependant  on  trouve  quelques 
épaississements  localisés  qui  semblent  correspondre  à  la  coupe  de 
vaisseaux.  En  particulier,  sur  les  coupes  qui  passent  par  le  tiers  supé- 
rieur de  Tolive,  on  note  du  côté  gauche,  au  niveau  de  l'olive  même,  la 
présence  de  deux  ou  trois  nodosités  volumineuses  développées  mani- 


FiG.  4.  —  Cas  n°  II.  —  Coupe  au  niveau  de  la  troisième  racine  cervicale. 
(Méthode  de  Pal.) 

festement  autour  de  vaisseaux  importants.  En  effet,  même  à  un'faible 
grossissement,  on  aperçoit  au  centre  de  i;es  nodules  la  lumière  déformée 
et  presque  oblitérée  du  vaisseau  central. 

On  reconnaît  de  plus,  sur  la  surface  du  plancher  du  quatrième  ventricule, 
l'existence  d'une  couche  assez  épaisse  formée  d'un  tissu  clair,  peu  dense, 
mais  bien  limité  et  manifestement  organisé. 

Enfin,  au  voisinage  du  bulbe,  on  trouve  plusieurs  vaisseaux  qui  ont 
été  englobés  par  l'inclusion  au  coUodiou.  Ces  vaisseaux  ont  des  parois 
très  épaisses,  la  lumière  est  très  petite  et  souvent  obstruée. 

RÉGION  CEBviCALE.  —  Ce  n'est  qu'à  partir  du  collet  du  bulbe  qu'on 
trouve  des  lésions  appréciables  à  ce  grossissement  dans  le  parenchyme 
médullaire. 

Les  coupes  qui  correspondent  aux  cinq  premières  racines  cervicales 
(flg.  4)  montrent  une  décoloration  du  tissu  nerveux  dans  toute  la  zone 
marginale  de  la  moelle.  Cette  décoloration  est  complète  dans  la  partie 
tout  à  fait  périphérique  et  diminue  peu  à  peu  d'intensité  à  mesure  qu'on 
se  rapproche  du  centre  de  la  moelle. 

S.  19 


—  290  — 


De  plus,  dans  le  cordon  postérieur,  les  parties  postérieures  et  laté- 
rales du  cordon  de  Goll  ont  subi  un  certain  degré  de  dégénérescence. 

Il  existe  aussi  une  tache  allongée  d'avant  en  arrière,  peu  marquée, 
à  bords  diffus,  et  à  peu  près  symétrique  dans  la  partie  moyenne  de 
chacun  des  cordons  de  Burdach. 

Ces  parties  décolorées  du  cordon  postérieur  ne  sont  pas  exactement 
limitées,  elles  s'accusent  plutôt  par  une  diminution  de  teinte  indiquant 
la  disparition  d'une  partie  seulement  des  tubes  nerveux. 

La  partie  postérieure  et  marginale  seule  du  cordon  de  Goll  est  fran- 
chement décolorée.  A  la  hauteur  de  la  cinquième  racine  cervicale,  cette 
zone  de  sclérose  prend  la  forme  d'un  coin  triangulaire  à  base  périphé- 
rique, qui  intéresse  symétriquement  la  partie  postéro-interne  des  deux 
cordons  de  Goll  et  s'avance  dans  le  parenchyme  sur  une  étendue  qui 
correspond  au  quart  postérieur  de  la  longueur  du  septum  médian. 

A  la  hauteur  de  la  sixième  racine  cervicale  (fig.  5),  la  distribution 


Fig.  5.  —  Cas  n°  II.  —  Coupe  au  niveau  de  la  sixième  racine  cervicale. 

générale  des  taches  de  sclérose  est  la  même.  Dans  le  cordon  antérieur 
druit,  il  existe  un  triangle  de  dégénération  intense  dont  la  pointe  élargie 
arrive  au  contact  de  la  corne  antérieure. 

Au-dessous  de  la  sixième  racine  cervicale,  la  dégénération  marginale 
s'étend  un  peu  en  profondeur,  mais  d'une  façon  assez  irrégulière,  sur 
tout  le  pourtour  de  la  moelle.  Elle  forme  des  pointes  qui  s'avancent 
surtout  dans  le  cordon  latéral  et  le  cordon  postérieur. 

A  la  hauteur  de  la  huitième  racine  cervicale  (fig.  6),  il  existe  une 
bande  de  sclérose  prononcée  qui  part  de  la  périphérie  du  cordon 
antérieur  droit  et  se  prolonge  jusqu'au  sommet  de  la  corne  antérieure. 
Du  côté  gauche,  une  tache  plus  large  occupe  la  même  situation,  mais 
ne  se  propage  pas  jusqu'à  la  substance  grise. 

Dans  la  région  cervicale  inférieure,  les  modiflcations  des  parties 


-*291  - 


profondes  du  cordon  de  Goll  et  du  cordon  de  Burdach  sont  les  mêmes 
que  plus  haut. 

Les  méninges,  dans  toute  la  partie  supérieure  de  l'axe  spinal,  sont 
peu  épaissies. 

L'arachnoïde  est  fine  et  liijre  d'adhérences  d'une  façon  générale 
cependant  en  quelques  points  elle  est  réunie  à  la  pie-inère  et  aux 
racines  par  des  tractus  assez  larges,  ou  adhère  même  directement  à 
ces  parties.  La  pie-mère  est  certainement  un  peu  plus  épaisse  que 
normalement,  mais  cet  épaississement  est  très  faible  et  régulièrement 
réparti,  il  augmente  visiblement  dans  la  partie  inférieure  de  la  région 
cervicale.  On  note  aussi  quelques  épaississemeats  localisés  surtout  dans 
les  régions  où  existent  de  gros  vaisseaux,  par  exemple,  à  la  partie  pos- 
térieure, au  niveau  des  cinquième  et  huitième  racines  cervicales.  De 


FiG.  6.  —  Cas  n°  II.  —  Coupe  au  niveau  de  la  huitième  racine  cervicale. 

même,  l'origine  du  septum  médian  antérieur  est  ordinairement  marquée 
par  une  nodosité  qui  englobe  les  vaisseaux  spinaux  antérieurs. 

La  méninge  n'adhère  pas  d'une  façon  exagérée  au  parenchyme  ner- 
veux sous-jacent,  elle  en  est  même  le  plus  souvent  détachée.  Devenue 
trop  lâche  par  suite  de  la  rétraction  du  tissu  médullaire  sous  l'action  du 
liquide  durcissant,  elle  en  est  séparée  par  un  intervalle  assez  considé- 
rable et  présente  de  nombreux  plis. 

Les  cordons  radiculaires  compris  dans  les  coupes  précédentes  ne  sont 
pas  régulièrement  colorés.  A  côté  de  cordons  bien  teintés,  il  en  existe 
d'autres  où  la  myéline  a  presque  complètement  disparu.  Dans  d'autres, 
de  nombreuses  fibres  nerveuses  sont  certainement  dégénérées. 

Cette  altération  ne  suit  pas  une  progression  régulièrement  croissante 
de  haut  en  bas,  cependant  elle  est  plus  intense  dans  la  région  cervicale 
inférieure. 

Disons  en  passant  que  ces  altérations  radiculaires  ont  certainement 


—  292  — 


eu  une  influence  sur  le  développement  de  la  dégénération  centrale  des 
cordons  postérieurs  de  la  moelle.  Dans  les  différentes  coupes  étudiées 
précédemment,  on  trouve  souvent  d'ailleurs,  au  niveau  de  la  corne 
postérieure,  une  disparition  plus  ou  moins  complète  des  fibres  radicu- 
laires  postérieures. 

RÉGION  DORSALE.  —  Dans  toute  la  hauteur  du  segment  dorsal,  les 
altérations  des  méninges  et  de  la  moelle  sont  plus  prononcées. 

Les  zones  de  dégénération  de  la  moelle  conservent  leur  caractère  de 
diffusion.  Elles  sont  toutefois  d'une  façon  générale  surtout  disposées 
à  la  périphérie,  qui  est  intéressée  dans  toute  son  étendue. 

Au  niveau  des  quatre  premières  racines  dorsales  (flg.  7),  la  zone  de 


FiG.  7.  —  Cas  no  II.  —  Coupe  au  niveau  de  la  quatrième  racine  dorsale. 

dégénération  périphérique,  dont  la  limite  intérieure  est  diffuse,  pousse 
des  prolongements  dans  la  profondeur,  notammaut  au  niveau  du  cordon 
antérieur  gauche  jusqu'à  la  corne  correspondante,  et  dans  les  cordons 
latéraux  vers  la  région  du  faisceau  pyramidal. 

A  la  hauteur  de  la  sixième  racine  dorsale  (fig.  8),  la  dégénération 
redevient  presque  exclusivement  périphérique,  mais  sur  une  grande 
largeur. 

-  Puis  plus  bas,  elle  présente  de  nouveaux  prolongements.  Une  bande 
de  sclérose  antéro-postérieure  occupe  le  cordon  antérieur  droit  jusqu'à 
la  corne  correspondante,  à  la  hauteur  de  la  huitième  racine  dorsale 
(fig.  9),  et,  sur  cette  même  coupe,  la  partie  profonde  des  cordons  laté- 
raux est  assez  intéressée.  La  dégénération  des  cordons  latéraux 
augmente  d'ailleurs  d'importance  dans  les  parties  inférieures  de  la 
région  dorsale  et  tend  de  plus  en  plus  à  se  fixer  dans  le  territoire  du 
faisceau  pyramidal. 
A  la  hauteur  de  la  onzième  racine  dorsale  (fig.  10),  on  trouve  trois 


—  293  — 


triangles  où  la  décoloration  du  tissu  est  complète.  Ces  trois  triangles 
ont  leur  base  à  la  périphérie  et  s'enfoncent  respectivement  :  le  premier, 
dans  le  cordon  antérieur  droit  jusqu'à  la  substance  grise  ;  le  deuxième, 
très  large,  dans  le  cordon  latéral  gauche  jusqu'au  col  de  la  corne  posté- 


.—  Cas  no  II.  —  Coupe  au  niveau 
de  la  sixième  racine  dorsale. 


Fia.  9.  —  Cas  n°  II.  —  Coupe  au  niveau 
de  la  huitième  racine  dorsale. 


rieure  et  le  troisième  dans  le  cordon  postérieur  gauche,  au  niveau  du 
septum  intermédiaire  jusque  vers  le  milieu  de  la  hauteur  du  cordon. 
Dans  tout  le  segment  dorsal,  indépendamment  de  ces  bandes  impor- 


FiG.  10.  —  Cas  n°  II.  —  Coupe  au  niveau  de  la  onzième_racine  dorsale. 

tantes  de  sclérose  dirigées  vers  le  centre  ^de  la  moelle,  il  existe"!  une 
foule  de  petits  prolongements  courts  et  de  forme  variable  qui  donnent 
au  contour  de  la  substance  centrale  relativement  saine  un  aspect  irré- 
gulier et  déchiqueté. 

Outre  ces  taches  plus  ou  moins  dépendantes  de  la  zone  dégénérée 
marginale,  et  caractérisées  par  leur  irrégularité  et  la  disparition  presque 


—  294  — 


complète  des  tubes  nerveux  à  leur  niveau,  on  trouve  dans  le  cordon 
postérieur,  sur  toute  la  hauteur  du  segmenfdorsal,  des  zones  où  la 
dégénération  est  beaucoup  moins  accentuée.  Ces  taches,  bien  qu'assez 
diffuses  dans  leur  contour,  occupent  une  situation  qui  indique  une  cer- 
taine systématisation.  Ainsi  on  trouve  sur  les  parties  latérales  des 
cordons  de  Goll  deux  bandes  décolorées  antéro-postérieures  qui  se 
réunissent  en  pointe  en  avant  sans  atteindre  la  commissure  grise.  Cette 
dégénération  partielle,  systématique,  de  nature  évidemment  secon- 
daire et  qu'on  retrouve  aussi  dans  la  région  cervicale,  semble  diminuer 
d'intensité  dans  les  parties  inférieures  de  la  région  dorsale. 

Tout  au  contraire,  à  mesure  qu'on  descend,  les  altérations  du  cordon 
de  Burdacli  augmentent  d'intensité.  Depuis  le  haut  de  la  région  ce.vi- 
cale,  on  trouve  en  effet  une  diniinution  de  teinte  dans  la  partie  moyenne 
de  ce  cordon  et  cette  décoloration  s'accentue  dans  la  région  dorsale. 
Elle  n'occupe  d'ailleurs  pas  constamment  la  même  situation.  A  certains 
étages,  elle  se  rapproche  de  la  corne  postérieure  pour  occuper  la 
zone  dite  de  la  «  bandelette  radiculaire  externe  ».  Quelquefois  même, 
dans  le  cordon  de  Burdach,  on  trouve  une  tache  accolée  à  la  corne  pos- 
térieure et  une  autre  tache  contiguëau  septum  intermédiaire  en  dehors 
du  cordon  de  Goll,  ces  deux  taches  étant  séparées  par  une  petite  bande 
de  tissu  moins  dégénéré.  C'est  ce  qu'on  observe  par  exemple  au  niveau  des 
huitième  (fig.  9)  et  neuvième  dorsales.  Ces  taches  peuventêtre  considérées 
comme  des  faisceaux  radiculaires  ascendants  dégénérés  secondairement 
à  l'altération  des  racines  postérieures  correspondantes,  et  séparés  parun 
faisceau  radiculaire  sain  répondant  à  une  ou  plusieurs  racines  inter- 
médiaires intactes. 

La  substance  grise,  dans  toute  l'étendue  du  segment  dorsal,  paraît 
avoir  perdu  un  grand  nombre  de  ses  fibrilles  nerveuses,  car  elle  est 
fortement  décolorée.  La  colonne  de  Clarke  est  très  pâle  et  à  peine  dis- 
tincte du  tissu  voisin  de  la  corne  postérieure.  Les  fibres  radiculaires 
sont  très  rares  dans  les  cornes  postérieures,  ce  qui  est  bien  en  rapport 
avec  les  altérations  accentuées  qui  existent  dans  les  racines  postérieures 
et  que  nous  indiquerons  plus  loin. 

Méninges.  ■ —  L'arachnoïde  et  la  pie-mère  sont  manifestement 
altérées. 

L'arachnoïde  présente  en  certains  points  des  épaississements  qui 
adhèrent  à  la  pie-mère  et  aux  racines  et  sont  surtout  répandus  dans 
les  régions  postérieures,  notamment  dans  la  partie  dorsale  moyenne. 

La  pie-mère,  augmentée  d'épaisseur  dans  toute  son  étendue,  présente 
des  renflements  surtout  à  l'origine  du  sillon  médian  antérieur  et  dans 
les  parties  postéro-latérales,  précisément  dans  les  régions  les  plus 
vasculaires. 

A  la  hauteur  de  la  sixième  racine  dorsale,  dans  la  partie  postérieure, 
pie-mère  et  arachnoïde  unies  forment  avec  les  racines  et  les  vaisseaux 
englobés  une  épaississement  assez  marqué  (fig.  8). 


—  295  — 


Au  faible  grossissement,  on  note  déjà  l'épaississement  et  l'oblitéra- 
tion de  gros  vaisseaux  englobés  dans  la  pie-mère  ou  libres  dans  la  cavité 
sous-arachnoïdienne. 

11  est  remarquable  que  la  pie-mère  est,  ici  aussi,  généralement  détachée 
du  tissu  médullaire  sous-jacent.  Dans  les  points  où  il  y  a  contact,  il  ne 
semble  pas  exister  d'adhérence  intime  ni  de  continuité  de  tissu  entre 
la  pie-raère  épaissie  et  la  moelle  sous-jacente. 

Racines.  —  Les  cordons  radiculaires  sont  profondément  altérés  dans 
toute  la  région  dorsale;  certains  faisceaux  sont  complètement  décolorés, 
d'autres  en  partie  seulement.  Mais  les  racines  sont  généralement  libres 
d'adhérences  ;  ce  n'est  qu'à  la  hauteur  de  la  sixième  racine  dorsale  qu'on 
trouve  un  certain  nombre  de  cordons  des  racines  postérieurs  englobés 
par  l'épaississement  méningé. 

La  distribution  de  ces  altérations  radiculaires  est  assez  irrégulière  ; 
on  trouve  ainsi  au  milieu  de  faisceaux  très  atteints  des  cordons  presque 
intacts.  La  dégénération  intéresse  indistinctement  les  racines  anté- 
rieures et  les  racines  postérieures. 

RÉGION  LOMBAIRE.  —  Dès  la  partie  supérieure  de  la  région  lombaire, 
la  zone  périphérique  de  dégénération  diffuse  disparaît. 
Au  niveau  de  la  première  racine  lombaire  (fig.  11),  la  sclérose  est 


FlG.  11.  —  Cas  n°  II.  —  Coupe  au  niveau  de  la  première  racine  lombaire. 

limitée  aux  faisceaux  pyramidaux  latéraux  et  à  une  petite  zone  margi- 
nale située  dans  l'angle  antéro-interne  du  cordon  antérieur  de  chaque 
côté.  On  note  encore  à  cet  étage  une  diminution  de  teinte  dans  la  ban- 
delette radiculaire  externe  du  côté  droit.  La  forme  et  la  situation  de 
cette  tache  semblent  indiquer  une  dégénération  secondaire  à  la  destruc- 
tion d'une  racine  postérieure. 

Plus  bas,  l'aspect  des  coupes  de  la  moelle  est  normal,  sauf  la  dégéné- 
ration descendante  limitée  au  faisceau  pyramidal  et  formant  un  triangle 


-  296  — 


de  plus  en  plus  exigu  placé  à  la  périphérie  de  la  partie  postérieure  du 
cordon  latéral. 

La  substance  grise  reprend  son  aspect  général  normal,  le  reticulura 
de  la  colonne  de  Clarke  est  bien  développé  au  niveau  de  la  première 
lombaire.  A  partir  de  ce  point,  les  faisceaux  radiculaires  attenant  à  la 
corne  postérieure  sont  bien  formés. 

Les  méninges  présentent  un  épaississement  plus  modéré,  notamment 
à  l'origine  du  sillon  médian  antérieur.  L^araclinoïde  offre  cependant 
encore  quelques  nodosités  dans  la  partie  postérieure. 

La  pie-mère  s'applique  mieux  sur  le  contour  de  la  moelle,  dont  le 
parenchyme  moins  altéré  n'a  pas  subi  de  rétraction.  Quant  aux  racines, 
bien  que  beaucoup  moins  décolorées  qu'au  niveau  du  segment  dorsal, 
elles  présentent  encore  des  altérations  appréciables  à  un  faible  grossis- 
sement dans  la  partie  supérieure  de  la  région  lombaire.  Au  niveau  des 
racines  sacrées  même,  on  trouve  encore  quelques  faisceaux  décolorés. 

Examen  des  différentes  parties  du  tissu  à  un  fort  grossissement 
(Obj.  4,  7  Leitz,  F.  Zeiss;  oc.  1,  3).  Doubles  colorations. 

Les  altérations  ont  une  intensité  variable  suivant  la  région  considérée; 
elles  sont,  d'une  façon  générale,  plus  prononcées  dans  toute  la  région 
dorsale.  Elles  varient  aussi  de  nature  dans  un  même  segment  considéré. 

RÉGION  BULBAIRE.  —  Altérations  vusculaires  et  méningées.  — Au 
niveau  du  bulbe,  les  modifications  portent  exclusivement  sur  les  vais- 
seaux et  sur  le  tissu  des  méninges. 

Les  troncs  de  l'artère  basilaire  et  des  vertébrales,  avec  leurs  branches, 
ont  été  inclus  dans  le  collodion  et  étudiés  par  de  nombreuses  coupes 
(flg.  12). 

Les  altérations  de  ces  vaisseaux  sont  très  prononcées.  L'endartérite 
est  dominante  et  atteint  les  troncs  et  les  branches.  Dans  les  troncs,  elle 
rétrécit  considérablement  la  lumière  et  détermine  une  oblitération  quel- 
quefois complète  dans  les  petites  branches. 

On  trouve  aussi  une  infiltration  de  la  tunique  adventice,  infiltration 
qui  est  quelquefois  très  légère,  mais  peut  aussi  devenir  prépondérante. 
Sur  la  coupe  d'un  gros  vaisseau,  nous  avons  noté  une  péri-artérite  très 
intense,  avec  un  épaississement  très  peu  marqué  de  la  tunique  interne. 
L'épaississsement  de  la  tunique  interne  est  assez  souvent  inégal,  don- 
nant à  la  lumière  et  au  vaisseau  tout  entier  un  contour  irrégulier.  Il  est 
constitué  par  un  tissu  fibrillaire  strié  concentriquement,  semé  de  nom- 
breuses cellules  plates,  d'apparence  fusiforme  sur  la  coupe.  Les  assises 
de  fibrilles  ondulées  et  de  cellules  plates  s'étagent  régulièrement,  ces 
dernières  sont  logées  dans  des  fentes  losangiques  ménagées  entre  les 
plans  de  fibrilles. 


—  297  — 


L'endothélium  est  généralement  normal  dans  les  gros  troncs,  il 
occupe  sa  place  ou  bien  forme  une  petite  chaîne  séparée  de  la  paroi  et 
accolée  à  un  amas  de  globules  rouges  contenus  dans  la  lumière  du 
vaisseau.  Dans  les  petites  branchas  où  l'oblitération  est  presque  com- 
plète, les  cellules  endothéliales  sont  souvent  multipliées  et  tendent  à 
pénétrer  dans  la  lumière  du  vaisseau.  L'oblitération  complète  n'atteint 
qu'un  petit  nombre  des  plus  fines  artérioles. 

La  membrane  élastique  est  généralement  conservée  sur  les  gros 
troncs  ;  elle  garde  en  partie  son  ondulation,  mais  cette  disposition  est 
quelquefois  presque  effacée.  La  destruction  d'une  partie  de  cette  mem- 
brane n'existe  guère  que  sur  les  toutes  petites  artères  ;  cependant  dans 
les  coupes  de  l'artère  basilaire  ou  des  vertébrales  on  voit  en  certains 


FiG.  12.  —  Cas  no  II.  —  Troncs  et  branches  des  artères  vertébrales  et  basilaire.  — 

Endartérite. 


points  une  sorte  de  perforation  de  la  membrane  élastique  qui  paraît 
comme  percée  à  l'emporte-pièce  et  une  union  du  tissu  de  l'endartère 
avec  celui  de  la  membrane  moyenne,  linfin,  en  un  point,  la  membrane 
élastique  est  décollée  de  la  musculaire  par  une  légère  infiltration 
sanguine. 

La  tunique  musculaire  est  le  plus  souvent  respectée;  dans  les  gros 
troncs,  elle  forme  alors  une  bande  d'épaisseur  régulière  qui  épouse 
la  forme  générale  du  vaisseau  et  suit  les  déformations  imposées  par 
l'épaississement  inégal  de  l'endartère.  Eu  quelques  points  cependant, 
les  fibres  musculaires  sont  dissociées  par  une  infiltration  cellulaire  qui 


—  298  — 


se  propage  de  !a  tunique  adventice  ;  d'autres  fois,  c'est  l'infiltration  de 
l'endartère  qui,  à  travers  une  perforation  de  la  membrane  élastique,  se 
propage  dans  l'épaisseur  de  la  tunique  musculaire. 

Dans  les  petits  vaisseaux,  !a  tunique  moyenne  est  plus  communément 
altérée,  elle  participe  assez  généralement  à  l'infiltration  de  la  tunique 
adventice. 

L'inflammation  de  la  tunique  adventice  se  traduit  par  une  infiltration 
embryonnaire  surtout  développée  autour  des  vasa-vasorum  dilatés  et 
par  une  certaine  augmentation  du  stroma  fibreux,  altérations  qui 
déterminent  une  augmentation  notable  dans  l'épaisseur  de  cette  mem- 
brane. En  certains  points,  les  vasa-vasorum  sont  si  nombreux  et  si 
dilatés  qu'ils  se  touchent  presque  et  prennent  l'aspect  d'un  petit  foyer 
hémorrhagique.  On  ne  trouve  pas  de  vasa-vasorum  dilatés  dans  la 
tuni'iue  musculaire,  mais  il  existe  quelques  capillaires  élargis  en  dedans 
de  la  membrane  élastique  et  appliqués  sur  cette  membrane. 

La  pie-mère,  dans  la  région  bulbaire,  n'est  pas  épaissie  en  général, 
mais  présente  une  infiltration  modérée  de  cellules  embryonnaires  qui 
se  localise  manifestement  au  pourtour  des  vaisseaux.  Toutefois  l'infil- 
tration s'insinue  également  entre  les  plans  fibreux  de  la  membrane  et 
forme  des  traînées  qui  réunissent  les  foyers  périvasculaires. 

Les  vaisseaux  de  la  pie-mère  et  ceux  qui  sont  libres  au  voisinage  du 
bulbe  ont  des  parois  très  altérées,  mais  la  lumière  du  vaisseau  est  pres- 
que toujours  suffisante. 

Pour  les  artères  c'est  d'une  péri-endartérite  qu'il  s'agit;  dans  les  veines, 
les  modifications  sont  beaucoup  plus  prononcées  ;  la  paroi  tout  entière 
est  intéressée  et  plusieurs  veines  sont  complètement  oblitérées. 

En  un  point  que  nous  avons  déjà  signalé,  à  la  hauteurde  l'olive  gauche, 
il  existe  une  infiltration  gommeuse  énorme  autour  de  deux  ou  trois  gros 
vaisseaux  qui  paraissent  être  des  veines.  Il  en  résulte  la  formation  de 
deux  ou  trois  gros  nodules  agglomérés  dont  la  périphérie  est  infitrée  de 
cellules  très  nombreuses,  vivaces  et  bien  colorées,  et  qui  font  saillie  à 
la  surface  externe  de  la  pie-mère.  La  lumière  du  vaisseau  déformée  et 
aplatie  est  le  plus  souvent  excentrique.  Dans  un  des  nodules  (pl.  II,  fig.  1) 
elle  a  la  forme  d'un  croissant  à  concavité  tournée  du  côté  de  la  méninge. 
De  ce  côté,  le  tissu  gommeux  beaucoup  plus  épais  a  subi  la  dégénéres- 
cence caséeuse  centrale;  il  prend  par  le  carmin  une  teinte  ocreuse,  et 
l'hématoxyline  n'y  colore  que  quelques  très  rares  éléments  cellulaires. 
Les  parties  les  plus  profondes  de  la  paroi  veineuse  ont  elles-mêmes 
subi  cette  dégénérescence  et  bien  qu'elles  aient  conservé  en  partie  leur 
apparence  fibrillaire,  elles  ne  se  colorent  plus  par  l'hématoxyline.  La 
lumière  du  vaisseau  vide  de  sang  est  réduite  à  une  fente;  on  n'y  trouve 
accolée  à  la  paroi  qu'une  couche  de  matière  granuleuse  sans  structure 
où  persistent  seulement  les  vestiges  de  quelques  éléments  cellulaires 
granuleux.  Du  côté  externe,  ce  nodule  gommeux  périvasculaire  est 


—  299  — 


nettement  limité.  Du  côté  interne,  il  envahit  la  pie-mère  dont  on  recon- 
naît cependant  le  stroma  fibreux  et  pénètre  jusque  dans  la  substance 
nerveuse.  Il  arrive  jusqu'au  cuntact  de  la  substance  grise  de  l'olive 
qu'il  ne  dépasse  pas. 

Sur  le  plancher  du  quatrième  ventricule  existe  une  couche  de  tissu 
néoformé  assez  épaisse  qui  donne  à  la  surface  ventriculaire  un  aspect 
irrégulier  et  comble  le  sillon  médian.  Ce  tissu  est  constitué  par  des 
nodosités  de  fibrilles  névrogliques  serrées  et  recouvertes  par  des  cel- 
lules épenilymaires  multipliées  (granulations  épendy maires).  Jetée 
comme  un  voile  par-dessus  ces  saillies,  existe  une  couche  lâche  formée 
par  des  fibrilles  très  ténues. 

Le  ■parenchyme  neroeux  dans  la  région  bulbaire  n'a  subi  aucune 
modification  importante  ;  quelques  vaisseaux  seulement  ont  des  parois 
épaissies  et  infiltrées,  et  sont  entourés  d'une  couche  de  substance  gra- 
nuleuse logée  dans  la  gaine  lymphatique, 

RÉGION  CERVICALE.  —  Vaisseauxet  méninges.  —  Les  altérations  vascu- 
laires  deviennent  plus  prononcées  à  mesure  que  l'on  considère  des 
régions  plus  inférieures  du  segment  cervical.  L'intensité  de  Tinfiltration 
et  de  l'épaississemeut  de  la  pie-mère  suit  la  même  progression. 

L'artère  spinale  antérieure  commence  à  présenter  un  épaississement 
important  de  ses  parois  à  partir  de  la  région  cervicale  moyenne. 

A  la  hauteur  des  sixième  et  septième  racines  cervicales,  l'endartère 
est  déjà  très  infiltré,  la  lumière  reste  cependant  assez  large.  La  tunique 
adventice  fibreuse  et  chargée  de  cellules  embryonnaires  est  confondue 
dans  une  partie  de  son  contour  avec  le  tissu  de  la  méninge.  Il  est 
d'ailleurs  remarquable  que  l'épaississement  méningé  est  peu  prononcé 
en  ce  point.  La  couche  musculaire  et  la  membrane  élastique  sont 
envahies  et  détruites  sur  une  partie  du  contour  du  vaisseau  (pl.  II,  fig.  3). 

Les  veines  correspondantes  présentent  une  infiltration  totale  de  leurs 
parois,  mais  restent  généralement  béantes.  Les  autres  vaisseaux  de  la 
périphérie  de  la  moelle  sont  également  intéressés,  ils  constituent  même 
les  points  de  départ  les  plus  importants  de  l'infiltration  méningée.  De 
nombreux  vaisseaux  libres,  logés  dans  la  cavité  sous-arachnoïdieu ne, 
présentent  des  modifications  aussi  marquées.  Les  artères  spinales 
postéro-latérales  sont  très  épaissies,  mais  les  lésions  veineuses  sont 
prédominantes. 

Parenchyme  nerveux.  —  Les  modifications  constatées  dans  la  subs- 
tance blanche  semblent  résulter  de  plusieurs  processus. 

D'une  façon  générale,  le  tissu  dégénéré  de  la  périphérie  de  la  moelle 
est  formé  des  éléments  suivants. 

La  plus  grande  masse  du  tissu  est  représentée  par  une  substance 
homogène,  trouble,  granuleuse  et  colorée  en  rose  gris  par  le  carmin.  Le 
nombre  des  tubes  nerveux  contenus  dans  cette  substance  est  très  res- 


—  300  — 


treint,  il  est  même  nul  dans  les  parties  tout  à  fait  périphériques;  puis,  à 
mesure  qu'on  considère  des  parties  plus  profondes,  ils  augmentent 
progressivement  de  nombre  jusqu'au  niveau  des  parties  relativement 
saines.  Dans  les  parties  très  altérées,  les  quelques  tubes  persistants 
sont  indiqués  par  une  gaine  irrégulière,  dilatée,  pigmentée  ou  une 
masse  granulo-graisseuse  assez  méconnaissable.  Dans  la  zone  de  transi- 
tion, les  tubes  nerveux  présentent  des  modifications  caractérisées  par 
la  disparition  de  la  gaine  de  myéline, l'hypertrophie  des  cylindres-axes,  etc. 

Les  éléments  interstitiels  propres  au  parenchyme  nerveux  sont  indis- 
tincts et  c'est  de  leur  destruction  même  que  résulte  en  partie  la  forma- 
tion de  la  substance  granuleuse.  Les  produits  de  la  désintégration  des 
éléments  nerveux  sont  également  confondus  dans  cette  masse;  les  corps 
granuleux  sont  relativement  peu  nombreux. 

La  richesse  de  ce  tissu  en  noyaux  est  assez  grande,  mais  ces  noyaux 
sont  surtout  amassés  autour  des  capillaires  dont  les  parois  sont  infiltrées 
de  cellules  embryonnaires  qui  pénètrent  jusque  dans  la  lumière  du 
vaisseau.  Un  certain  nombre  de  noyaux  isolés  dont  la  forme  étranglée 
indique  l'évolution  caryokinétique  semblent  appartenir  soit  à  des 
cellules  névrogliques  en  voie  de  prolifération,  soit  à  des  corpuscules 
lymphoïdes. 

En  tous  cas,  le  parenchyme  dégénéré  n'est  pas  ordinairement  envahi 
par  une  infiltration  partie  de  la  pie-mère,  il  constitue  un  tissu  friable, 
craquelé  qui  donne  au  contour  de  la  moelle  un  aspect  déchiqueté.  Ce 
tissu  ramolli  à  l'état  frais  s'est  rétracté  sous  l'influence  du  liquide 
durcissant  et  s'est  séparé  de  l'enveloppe  méningée.  La  pie-mère,  en 
efi'et,  n'est  pas  adhérente  à  ce  tissu  et  ne  lui  fournit  pas  de  prolonge- 
ments importants. 

Cependant,  en  quelques  points,  l'infiltration  de  ce  tissu  de  nécrose  est 
très  prononcée  et  semble  le  plus  souvent  émaner  de  la  pie-mère.  Dans 
ce  cas,  la  méninge  est  adhérente  et  l'infiltration  embryonnaire  suit  le 
trajet  de  plusieurs  vaisseaux  détachés  de  la  pie-mère  et  envahit  la 
substance  médullaire.  Il  s'agit  bien,  dans  ce  cas,  d'une  infiltration 
gommeuse  diffuse.  En  un  point,  cette  infiltration  semble  s'être  déve- 
loppée primitivement  dans  l'épaisseur  de  la  moelle  même.  C'est  au 
niveau  du  cordon  antérieur  droit  à  la  hauteur  de  la  huitième  racine  cer- 
vicale (fig.  6,  p.  291).  L'infiltration  a  eu  pour  point  de  départ  un  groupe  de 
capillaires  situés  sur  les  confins  de  la  corne  antérieure  et  qui  sont 
eux-mêmes  complètement  envahis.  De  ces  nodules  périvasculaires,  l'infil- 
tration s'est  étendue  excentriquement  et  d'une  façon  diffuse  dans  le 
parenchyme  médullaire  voisin. 

Dans  les  parties  de  la  moelle  relativement  saines,  le  parenchyme 
nerveux  est  loin  d'être  intact.  Le  tissu  interstitiel  est  gonflé,  les  cellules- 
araignées  très  développées.  Les  tubes  nerveux  assez  uniformément 


—  301  — 


modifiés  conservent  généralement  leur  gaine  de  myéline,  mais  les 
cylindres-axes  sont  légèrement  hypertrophiés. 

Tous  les  capillaires  sont  indiqués  par  des  traînées  de  noyaux  uu  par 
des  amas  nucléaires  qui  comblent  souvent  la  lumière  du  vaisseau. 

La  substance  grise,  dans  la  région  cervicale,  n'a  subi  que  de  faibles 
modifications.  Les  cellules  des  cornes  antérieures  sont,  en  général,  bien 
formées  et  possèdent  leurs  prolongements;  cependant,  en  quelques 
points,  surtout  dans  les  parties  antérieures  de  la  corne  antérieure,  on 
trouve  des  cellules  arrondies  et  privées  de  prolongements. 

Les  fibrilles  nerveuses  sont  diminuées  de  nombre  dans  la  corne  anté- 
rieure. Cet  état  est  manifeste  sur  les  préparations  colorées  par  les 
méthodes  de  Pal  ou  de  VVeigert,  mais  il  est  surtout  marqué  dans  les 
cornes  postérieures  à  certains  étages.  Les  fibres  radiculaires  posté- 
rieures sont  souvent  très  peu  nombreuses  et  le  réseau  nerveux  placé  en 
avant  de  la  substance  gélatineuse  de  Rolande  est  très  pâle. 

Dans  la  corne  antérieure,  les  cellules  névrogliques  sont  très  appa- 
rentes et  paraissent  multipliées.  On  trouve  au  pourtour  des  vaisseaux 
voisins  du  canal  central  un  abondant  exsudât  albumineux  homogène, 
creusé  de  quelques  vacuoles  et  coloré  en  rose  par  le  carmin. 

Les  capillaires  de  la  substance  grise  comme  ceux  de  la  substance 
blanche  sont  infiltrés  de  cellules  embryonnaires  qui  envahissent  quel- 
quefois complètement  leur  lumière.  Leurs  parois  sont  épaissies,  mais 
on  ne  trouve  pas  de  gros  vaisseaux  à  parois  énormes  et  hyalines. 

Racines.  — Nous  avons  déjà  indiqué  que,  surles  préparations  colorées 
par  la  méthode  de  Weigert,  examinées  avec  un  faible  objectif,  un 
grand  nombre  de  racines  étaient  en  partie  décolorées  et  que  quelques- 
unes  même  paraissaient  complètement  privées  de  fibres  à  myéline. 
Sur  les  préparations  traitées  par  les  doubles  colorations,  et  examinées 
à  un  fort  grossissement,  on  constate  que  cette  destruction  des  fibres  à 
myéline  coïncide  avec  une  infiltration  embryonnaire  diffuse  qui  envahit 
tout  le  cordon  radiculaire.  Le  périnèvre  forme  une  ceinture  épaisse 
fibrillaire,  assez  régulière,  semée  de  noyaux  allongés  qui  constituent 
cinq  ou  six  assises  disposées  entre  les  plans  fibrillaires. 

Le  tissu  interstitiel  du  corps  de  la  racine  est  lui-même  infiltré,  mais 
les  noyaux  sont  surtout  disposés  dans  les  espaces  qui  séparent  les 
faisceaux  secondaires  de  fibres^  et  particulièrement  au  pourtour  des 
vaisseaux  à  parois  épaissies  qui  sont  le  centre  de  nodules  embryon- 
naires d'oii  partent  des  prolongements  infiltrés.  Ce  sont  surtout  les 
fibres  nerveuses  voisines  de  ces  foyers  d'infiltration  qui  sont  détruites. 

RÉGION  DORS.-vLE.  —  Les  altérations  de  cette  région  sont  de  même 
nature  que  celles  que  nous  avons  indiquées  dans  le  segment  cervical, 
mais  elles  sont  plus  étendues  et  plus  prononcées. 

Vaisseaux  et  méninges.  —  L'infiltration  de  la  pie-mère  est  ici  géné- 


—  302  — 


ralisée  et  très  prononcée  ;  le  stroma  fibreux  même  de  la  membrane  est 
manifestement  augmenté,  mais  l'épaississement  résulte  surtout  de  la 
présence  de  nombreux  noyaux. 

A  Torigine  du  sillon  médian  antérieur  et  sur  les  parties  postéro-laté- 
rales  au  niveau  de  l'émergence  des  racines,  l'épaississement  de  la 
pie- mère  est  plus  prononcé  et  forme  des  masses  fibreuses  et  embryon- 
naires qui  entourent  les  systènies  vasculaires  les  plus  importants  de 
la  moelle. 

Ici,  encore,  il  est  en  effet  manifeste  que  c'est  surtout  autour  des  vais- 
seaux que  les  dépôts  de  noyaux  sont  abondants.  Tous  les  vaisseaux 
périphériques  du  segment  dorsal,  ceux  qui  sont  libres  dans  la  cavité 
sous-arachnoïdienne  comme  ceux  qui  sont  englobés  par  la  pie-mère 
ou  accolés  à  cette  membrane,  sont  très  altérés. 

L'artère  spinale  antérieure  a  des  parois  énormes  dont  la  plus  grande 
part  revient  à  l'épaississement  de  Vendartère.  Cette  tunique  forme  une 
couche  considérable  d'épaisseur  inégale  qui  rétrécit  considérablement 
la  lumière  centrale.  Cette  lumière,  aplatie,  déformée,  est  souvent  très 
réduite.  Dans  le  segment  médullaire  compris  entre  la  sixième  et  la 
neuvième  racine  dorsale,  elle  n'est  plus  représentée  que  par  une  mince 
fente  placée  excentriquement  (pl.  II,  fig.  4). 

L'endartérite  est  constituée  par  un  tissu  dont  nous  avons  déjà  indiqué 
la  structure;  les  cellules  endothéliales  qui  tapissent  la  paroi  interne 
sont  normales  ou  bien  prolil'érées  et  saillantes  dans  la  cavité  du 
vaisseau. 

La  membrane  élastique,  ordinairement  déplissée  en  partie,  est  même 
complètement  détruite  en  certains  points,  et  le  tissu  de  l'endartère  se 
mêle  aux  éléments  dissociés  de  la  tunique  musculaire. 

La  tunique  musculaire  n'est  véritablement  intacte  que  dans  une 
faible  étendue  du  contour,  au  niveau  des  points  oti  la  membrane  élas- 
tique est  conservée,  autrement  elle  paraît  envahie  par  l'infiltration  de 
l'endartère  et  de  la  tunique  adventice;  les  fibres  musculaires  sont 
dissociées,  leurs  noyaux  allongés  sont  sinueux,  désorientés  et  mêlés  de 
cellules  rondes  ou  fusil'ormes. 

L'épaississement  de  la  tunique  adventice  est  très  prononcé  dans 
tout  le  trajet  du  vaisseau.  Il  forme  une  couche  très  riche  en  noyaux 
qui  s'amassent  souvent  en  masses  compactes  et  s'infiltrent  dans  le 
tissu  périphérique.  L'élément  fibreux  y  est  également  très  développé 
Cette  tunique  est  d'ailleurs  absolument  confondue  avec  le  tissu  envi-' 
ronnant  de  la  pie-mère  dont  les  interstices  sont  envahis  par  l'infil- 
tration cellulaire. 

Les  veines  du  système  spinal  antérieur  sont  également  atteintes 
par  le  processus.  Leurs  parois  sont  infiltrées  dans  la  totalité,  mais  les 
noyaux  sont  surtout  abondants  dans  la  partie  périphérique;  les  couches 
centrales  sont  d'apparence  plutôt  hyaline.  La  lumière  des  veines  est 


-  303  — 


ordinairement  persistante,  et,  dans  cette  région,  les  altérations  veineuses 
ne  semblent  pas  l'emporter  sur  celles  des  artères. 

Le  prolongement  méningé  du  sillon  médian  antérieur  n'est  pas  très 
élargi,  mais  il  présente  la  même  inflltration  que  le  reste  de  la 
pie-mère. 

Les  vaisseaux  des  systèmes  postéro-latéraux  présentent  des  modifi- 
cations analogues.  Les  artères  sont  très  épaissies,  atteintes  de  péri- 
endartérite,  les  veines  très  infiltrées,  mais  le  calibre  de  ces  gros 
vaisseaux  est  généralement  encore  assez  développé  ;  on  ne  trouve 
d'oblitération  de  vaisseaux  importants  que  vers  les  septième  et  huitième 
racines  dorsales.  Il  est  à  remarquer  que  ces  vaisseaux  volumineux  du 
système  postéro-latéral  sont  le  plus  souvent  séparés  de  la  pie-mère,  ce 
qui  indique  que  les  altérations  qu'ils  présentent  sont  bien  autonomes 
et  ne  résultent  pas  d'un  envahissement  secondaire. 

On  trouve,  d'ailleurs,  dans  l'espace  sous-arachnoïdien,  un  certain 
nombre  de  cordons  veineux  isolés,  privés  de  lumière  centrale  et 
constitués  par  un  tissu  homogène  trouble,  dont  la  périphérie  est  très 
chargée  de  noyaux. 

Tous  les  petits  vaisseaux  compris  dans  l'épaisseur  de  la  pie-mère 
sont  le  centre  de  masses  nucléaires  et  sont  souvent  oblitérés  par  ces 
productions. 

L'arachnoïde  offre  sur  les  coupes  des  épaississements  localisés,  ' 
surtout  développés  dans  les  régions  postérieures.  Elle  adhère  en  cer- 
tains points  aux  cordons  radiculaires  et  à  la  pie-mère  sur  une  faible 
étendue.  Au  niveau  de  la  sixième  racine  dorsale  elle  est  soudée  à  cette 
membrane  dans  toute  la  largeur  du  cordon  postérieur  et  quelques 
racines  postérieures  sont  comprises  dans  cette  adhérence  (fig.  8). 
Des  vaisseaux  accolés  à  l'arachnoïde,  ou  plus  ou  moins  englobés  dans 
son  épaisseur,  présentent  les  altérations  que  nous  avons  décrites. 

Quant  aux  parties  épaissies  de  cette  membrane,  elles  sont  constituées 
par  un  tissu  lâche,  fibrillaire,  dont  la  partie  centrale  est  assez  trouble, 
peu  colorée  et  très  pauvre  en  noyaux  ;  la  bordure  de  l'épaississement 
est,  au  contraire,  très  infiltrée.  Dans  le  centre  de  ces  néoformations  on 
constate  souvent  les  vestiges  d'une  paroi  vasculaire  dont  les  éléments, 
bien  que  désorganisés,  sont  encore  reconnaissables  à  leur  ordination 
concentrique.  Il  semble  alors  que  ce  tissu  pathologique  ait  eu  pour 
origine  la  paroi  d'une  veine.  En  certains  points,  ces  épaississements 
sont  manifestement  représentés  par  une  veine  oblitérée  dont  les  parois 
sont  énormément  développées. 

Parenchyme  nerveux.  —  Les  modifications  de  la  substance  blanche 
sont  de  même  nature  que  celles  que  nous  avons  constatées  dans  la 
région  cervicale,  elles  sont  seulement  plus  étendues.  Elles  semblent 
répondre  à  deux  processus  : 

1°  D'abord  un  processus  de  nécrose  qui  a  frappé  toute  la  zone  mar- 


—  304  — 


ginale  de  la  moelle  sur  uue  profondeur  plus  considérable  qu'à  la  région 
cervicale,  particulièrement  dans  la  région  dorsale  moyenne.  Cette 
altération  est  caractérisée  par  la  destruction  complète  des  éléments 
nerveux,  le  développement  de  corps  granuleux  et  surtout  la  production 
d'une  substance  granuleuse  diffuse  qui  forme  la  plus  grande  masse  du 
tissu.  Le  parenchyme  est  alors  constitué  par  une  masse  presque 
homogène,  friable,  craquelée,  déchiquetée  dans  les  parties  périphériques 
et  séparée  de  la  pie-mère  qui  ne  fournit  ordinairement  aucun  prolon- 
gement important.  Les  seuls  éléments  qui  ont  conservé  leur  vitalité  dans 
ce  tissu  sont  les  noyaux  qui  entourent  et  envahissent  même  complè- 
tement les  capillaires  qui  s'y  trouvent. 

2»  Eu  d'autres  points,  cependant,  les  zones  dégénérées  de  la  substance 
blanche  sont  le  siège  d'une  infiltration  nucléaire  diffuse  qui  peut  avoir 
deux  points  de  départ. 

Tantôt,  elle  se  détache  de  la  pie-mère  voisine  restée  alors  adhérente 
et  semble  avoir  eu  pour  conducteurs  les  vaisseaux  des  travées  ménin- 
gées. Elle  envahit  ainsi  le  tissu  médullaire  sur  une  plus  ou  moins 
grande  profondeur. 

Cet  envahissement  embryonnaire  se  rencontre  dans  les  points  sui- 
vants : 

Au  niveau  de  la  quatrième  racine  dorsale,  dans  le  cordon  antérieur 
gauche  ; 

Au  niveau  de  la  huitième  racine  dorsale,  dans  le  cordon  antérieur 
droit  (fig.  9)  ; 

Au  niveau  de  la  onzième  racine  dorsale,  dans  le  cordon  antérieur 
droit,  dans  le  cordon  latéral  gauche  et  dans  le  cordon  postérieur  gauche 
(fig.  10). 

Tantôt,  mais  plus  rarement,  l'infiltration  a  pour  point  de  départ  des 
vaisseaux  intra-médullaires  et  s'étend  excentriquement  dans  le  tissu 
médullaire  voisin. 

Les  parties  relativement  saines  de  la  substance  blanche  sont  disposées 
autour  de  la  substance  grise,  elles  ne  sont  d'ailleurs  pas  exemptes  de 
modifications. 

Le  tissu  interstitiel  est  gonflé,  les  cellules  névrogliques  augmentées 
et  leurs  prolongements  épaissis.  Les  capillaires  ont  tous  leurs  parois 
infiltrées  et  sont  souvent  oblitérés.  Les  tubes  nerveux  possèdent  géné- 
ralement leur  gaine  de  myéline,  mais  celle-ci  forme  souvent  une 
enveloppe  irrégulière,  le  cylindre-axe  est  souvent  hypertrophié.  Ces 
modifications  s'accentuent  progressivement  dans  la  zone  de  transition 
qui  sépare  les  parties  complètement  nécrosées  des  parties  relativement 
saines. 

Enfin  dans  les  parties  latérales  des  cordons  de  Goll  et  dans  la  région 
moyenne  des  cordons  de  Burdach,  souvent  au  niveau  des  bandelettes 
radiculaires  beaucoup  de  tubes  ont  disparu.  Cette  dégénération  vague- 


—  305  — 


ment  systématisée  répond  évidemment  aux  altérations  radiculaires  qui 
sont  ici  très  prononcées. 

Pour  la  substance  grise,  les  modifications  sont  très  importantes.  Nous 
avons  indiqué,  dans  l'étude  des  fragments  de  moelle  dissociées  avant 
le  durcissement,  les  apparences  que  présentaient  les  cellules  nerveuses. 
Elles  sont  très  altérées  dans  toute  la  hauteur  du  segment  dorsal,  et 
presque  complètement  détruites  dans  la  partie  moyenne  de  cette  région. 
De  nombreux  fragments  de  cylindres-axes  hypertrophiés  et  variqueux 
sont  mêlés  à  des  cellules  névrogliques  gonflées,  granuleuses  et  ne 
possédant  que  quelques  prolongements  épais  et  noueux.  Il  existe  beau- 
coup de  cellules  lymphoïdes  semées  un  peu  partout  et  le  fond  du  tissu 
est  constitué  par  une  substance  grenue  indéfinissable.  Les  capillaires 
sont  les  uns  dilatés,  les  autres  obstrués  par  des  cellules  embryonnaires 
et  souvent  entourés  par  une  masse  homogène  colorée  en  rose  par  le 
carmin. 

Sur  les  préparations  colorées  par  l'hématoxyline  de  AVeigert,  on 
constate  une  disparition  très  accentuée  du  réseau  nerveux  de  la  sub- 
stance grise.  Les  cornes  antérieures  sont  pâles,  la  colonne  de  Clarke  à 
peine  indiquée  et  même  presque  totalement  effacée  dans  certaines 
régions.  Les  fibres  radiculaires  postérieures  sont  particulièrement 
atteintes  ;  à  certains  étages,  elles  sont  réduites  à  quelques  filets  isolés 
et  le  réseau  myélinique  du  renflement  de  la  corne  postérieure  corres- 
pondante est  très  appauvri. 

Les  fibres  radiculaires  antérieures,  qui  sont  conservées  à  la  région 
cervicale  dans  laquelle  les  cellules  des  cornes  antérieures  sont  à  peu 
près  intactes,  sont  ici  très  clairsemées.  Cette  altération  est  bien  en 
rapport  avec  la  destruction  des  cellules  nerveuses. 

Racines.  —  Les  altérations  des  cordons  radiculaires  sont  de  même 
nature  que  dans  la  région  cervicale,  mais  elles  sont  beaucoup  plus 
prononcées.  Le  périnèvre  est  régulièrement  épaissi  et  infiltré.  L'infil- 
tration chemine  surtout  dans  les  espaces  interfasciculaires  et  se  masse 
au  pourtour  des  vaisseaux.  Ceux-ci  présentent  des  aspects  variables. 
Dans  quelques  faisceaux,  on  trouve  de  gros  vaisseaux  très  dilatés  et 
presque  tangents.  A  côté  de  ces  vaisseaux  à  lumière  très  large,  on  en 
voit  d'autres  dont  les  parois  sont  hyalines  ou  très  infiltrées  et  la  lumière 
presque  oblitérée. 

Les  tubes  nerveux  sont  profondément  atteints.  On  trouve  cependant 
quelques  cordons  radiculaires  intacts  dans  les  difl'érents  groupes  de 
racines.  Généralement,  dans  chaque  cordon  il  y  a  plusieurs  faisceaux 
de  tubes  détruits  et  dans  quelques-uns  même,  l'hématoxyline  de 
Weigert  ne  colore  plus  une  seule  fibre  à  myéline. 

Les  racines  sont  généralement  libres  d'adhérences  avec  les  méninges 
épaissies  ;  cependant,  à  la  hauteur  de  la  sixième  racine  dorsale,  plusieurs 
cordons  des  racines  postérieures  sont  englobées  dans  l'adhérence  de 
l'arachnoïde  à  la  pie-mère. 

S.  20 


—  306  — 


RÉGION  LOMBAIRE.  —  Les  modifications  du  parenchyme  médullaire 
et  les  altérations  méningo-vasculaires  diminuent  rapidement  d'intensité 
à  la  partie  inférieure  de  la  région  dorsale,  et  le  segment  lombaire  est 
bien  moins  atteint  que  la  région  cervicale. 

Déjà,  à  la  hauteur  des  onzième  et  douzième  racines  dorsales,  l'artère 
spinale  antérieure,  bien  qu'encore  atteinte  d'une  endopéri-artérite 
accentuée,  est  largement  béante  ;  mais  tous  les  petits  vaisseaux  péri- 
phériques de  la  moelle  sont  toujours  aussi  altérés. 

Dans  la  région  lombaire  supérieure,  l'infiltration  des  parois  vascu- 
laires  est  très  développée,  mais  ces  parois  sont  relativement  peu  épaisses 
et  la  lumière  toujours  suffisante.  La  pie-mère  et  l'arachnoïde  ont  le  même 
aspect  que  dans  la  région  dorsale  avec  une  intensité  moindre  dans  les 
modifications. 

A  mesure  qu'on  considère  des  régions  plus  voisines  de  la  terminaison 
de  la  moelle,  on  voit  toutes  ces  altérations  s'atténuer  et  l'on  peut,  par 
l'examen  des  coupes  faites  au  niveau  des  dernières  racines  lombaires 
et  des  racines  sacrées,  étudier  les  premiers  stades  du  processus. 

Au  niveau  de  la  cinquième  racine  lombaire,  par  exemple,  tous  les 
vaisseaux  grands  et  petits  ont  leurs  parois  infiltrées  de  cellules,  mais 
le  calibre  de  ces  vaisseaux,  au  lieu  d'être  diminué,  est  considérablement 
augmenté  et  la  lumière  remplie  de  sang.  Tous  les  vaisseaux  du  système 
spinal  antérieur  sont  énormément  congestionnés.  Pour  l'artère,  il 
n'existe  qu'une  légère  endartérite  localisée,  la  tunique  moyenne  est 
intacte,  la  tunique  adventice  infiltrée  et  épaissie,  mais  le  vaisseau  est 
complètement  séparé  de  la  pie-mère  voisine.  Deux  ou  trois  petites 
branches  artérielles  collatérales  seules  sont  comprises  dans  l'épaisseur 
de  la  méninge  et  sont  le  centre  d'infiltrations  nucléaires. 

Les  veines,  très  larges  et  remplies  de  sang,  ont  des  parois  infiltrées 
dans  toute  leur  épaisseur,  mais  principalement  dans  les  couches  péri- 
phériques. 

Les  autres  vaisseaux  périphériques  sont  tous  béants  et  congestionnés, 
avec  des  parois  infiltrées  et  modérément  épaissies.  La  pie-mère,  peu 
épaisse,  montre  dans  l'intervalle  de  ses  plans  fibreux  des  traînées  de 
noyaux  dont  on  saisit  souvent  le  point  de  départ  périvasculaire. 

La  destruction  des  tubes  nerveux  est  limitée  au  territoire  du  faisceau 
pyramidal.  Dans  les  autres  parties,  les  fibres  à  myéline  se  colorent  bien 
par  l'hématoxyline  de  Weigert  jusqu'à  la  périphérie  de  la  moelle; 
cependant  on  trouve,  surtout  dans  cette  partie,  quelques  tubes  dilatés, 
avec  un  cylindre-axe  pelotonné  en  vrille  ou  hypertrophié.  Dans  toute 
l'étendue  de  la  substance  blanche,  le  tissu  interstitiel  est  légèrement 
gonflé,  les  cellules  névrogliques  très  apparentes. 

A  la  hauteur  de  la  première  racine  lombaire  on  trouve  une  petite 
bande  de  dégénération  secondaire  dans  l'angle  antéro-interne  du  cordon 


—  307  — 


antérieur  de  chaque  côté  ;  et,  dans  le  .cordon  postérieur  du  côté  droit, 
au  niveau  de  la  bandelette  radiculaire  externe,  une  raréfaction  impor- 
tante des  tubes  nerveux  (fig.  11).  Les  fibres  radiculaircs  postérieures 
à  ce  niveau  sont  atrophiées  et  plusieurs  cordons  radiculaires  voisins 
sont  décolorés.  Il  s'agit  manifestement  ici  d'une  dégénérescnnce  secon- 
daire du  faisceau  radiculaire  externe  en  rapport  avec  l'altération  d'une 
racine  postérieure  correspondante. 

La  substance  grise  des  régions  lombaire  et  sacrée  reprend  ses 
caractères  normaux  ;  les  cellules  sont  bien  dessinées,  le  réseau 
nerveux  tibrillaire  très  développé.  Au  niveau  de  la  première  racine 
lombaire,  la  colonne  de  Ciarke  redevient  apparente  et  dans  toute  la 
hauteur  de  la  région  sous-jacente  les  filets  radiculaires  postérieurs  sont 
abondants. 

Tous  les  capillaires  de  la  substance  médullaire  sont  dilatés  et  infiltrés, 
particulièrement  dans  la  partie  supérieure  de  la  région  lombaire.  A  ce 
niveau,  l'infiltration  des  parois  est  encore  très  considérable  et  oblitère 
même  un  certain  nombre  de  vaisseaux,  mais  elle  reste  cantonnée  au 
pourtour  du  vaisseau  et  n'irradie  pas  dans  le  tissu  nerveux  voisin. 

Dans  la  région  sacrée,  ces  vaisseaux  sont  moins  apparents  et,  à  part 
quelques  amas  cellulaires  autour  de  petits  vaisseaux  épaissis,  l'aspect 
du  parenchyme  ne  diffère  pas  de  celui  d'une  moelle  normale. 

Les  racines  lombo-sacrées  présentent  des  modifications  très  peu  mar- 
quées qui  décroissent  à  peu  près  régulièrement  de  haut  en  bas.  A  la  hau- 
teur de  la  cinquième  racine  lombaire,  bien  qu'il  existe  encore  une 
légère  infiltration  du  périnèvre  et  que  les  vaisseaux  épaissis  soient 
souvent  entourés  de  noyaux,  tous  les  cordons  radiculaires  se  colorent 
bien  par  l'hématoxyline  de  Weigert,  les  tubes  nerveux  sont  pour  ainsi 
dire  tous  intacts. 

Un  des  nerfs  sciatiques  a  été  examiné  sur  des  coupes  transversales  :  les 
tubes  nerveux  étaient  intacts  et  le  tissu  interstitiel  normal,  mais  on 
trouvait  dans  les  petits  vaisseaux  (artères  et  veines)  une  inflammation 
légère  et  localisée  de  la  membrane  interne.  Dans  une  grot-se  veine, 
l'épaississement  de  ce  cette  membrane  forme  une  saillie  considérable. 
Ces  lésions  veineuses  n'auraient  pas  grande  signification  si  elles  étaient 
isolées,  car  les  varices  du  nerf  sciatique  sont  communes  et  les  altérations 
veineuses  naturellement  banales;  mais  ce  qui  est  particulier  ici, c'est  la 
localisation  exclusive  à  la  membrane  interne  et  la  participation  des 
artères. 

Les  autres  troncs  nerveux  et  les  vaisseaux  périphériques  n'ont  pa^ 
été  examinés,  en  sorte  que  l'on  ne  peut  tirer  aucune  conclusion  de  cette 
constatation  isolée. 

On  peut  donner  à  l'évolution  anatomo-clinique  de  raffection  l'inter- 
prétation suivante  : 


—  308  — 


Les  altérations  vasculaires  de  la  base  du  cerveau  ont  produit  une 
première  fois  dans  cet  organe  des  troubles  circulatoires  qui  se  sont 
traduits  par  la  céphalalgie  et  des  phénomènes  paralytiques  passagers 
et  variables.  Puis  les  altérations  se  sont  manifestées  plus  graves  et 
plus  étendues  dans  les  organes  nourriciers  de  la  moelle,  méninges  et 
vaisseaux.  Ces  modifications  ont  produit  la  nécrose  du  parenchyme 
nerveux,  principalement  dans  les  parties  périphériques  de  la  moelle 
qui  sont  plus  immédiatement  sous  la  dépendance  de  l'état  de  la  pie- 
mère  et  des  vaisseaux  périphériques.  Nous  avons  précisément  con- 
staté que  c'est  dans  ces  parties  que  les  altérations  primitives  étaient 
surtout  prononcées. 

Dans  la  région  dorsale  moyenne,  les  lésions  très  marquées  du 
système  vasciilaire spinal  antérieur,  enparticulierl'oblitérationpresque 
complète  de  l'artère,  ont  amené  la  nécrose  de  la  substance  grise,  en 
même  temps  que  les  autres  parties  de  la  moelle  subissaient  une  atteinte 
plus  profonde,  en  raison  de  la  suppression  presque  complète  de  la  voie 
de  suppléance  constituée  par  ces  vaisseaux. 

L'attaque  de  paraplégie  qui  est  survenue  brusquement  après  une 
courte  période  prodromique  de  symptômes  cérébro-spinaux  est  en 
rapport  avec  la  nécrose  étendue  du  parenchyme  médullaire.  Les  alté- 
rations du  système  nourricier  de  la  moelle,  surtout  des  vaisseaux,  ont 
d'abord  produit  une  anémie  progressive  du  parenchyme  médullaire, 
dont  l'état  de  souffrance  s'est  traduit  par  les  symptômes  prémonitoires 
bientôt  suivis  d'une  paraplégie  complète  lorsque  l'irrigation  sanguine 
est  devenue  tout  à  fait  insulTisante. 

La  nécrose  du  parenchyme  médullaire  s'est  caractérisée  par  la 
destruction  des  éléments  nerveux  et  la  dégénérescence  granuleuse  des 
éléments  interstitiels.  Les  débris  de  ces  éléments  forment  une  masse 
homogène  granuleuse,  où  l'on  ne  distingue  que  les  capillaires  à  parois 
infiltrées.  Ce  tissu  friable  et  craquelé  se  distingue  nettement  du  tissu 
de  la  pie-mère  voisine,  tissu  fibreux  chargé  de  cellules  embryonnaires 
vivaces  et  sans  adhérence  avec  le  parenchyme  médullaire  nécrosé. 

Mais  à  coté  de  ces  lésions  nécrobiotiques,  il  existe  par  places  une 
infiltration  embryonnaire  diffuse  très  distincte  du  tissu  de  nécrose. 
Cette  infiltration  gommeuse  a  pour  point  de  départ  les  vaisseaux  de 
la  pie-mère  ou  ceux  de  la  moelle  même  et  envahit  plus  ou  moins  le 
parenchyme  nerveux  voisin. 


—  309  — 


Les  altérations  du  tissu  médullaire  que  nous  venons  de  signaler 
s'étendent  dans  la  région  cervicale  et  dans  la  région  dorsale,  elles  ont 
leur  maximum  d'intensité  dans  la  région  dorsale^  surtout  à  la  partie 
moyenne. 

Dans  la  région  cervicale  supérieure,  il  existe  une  dégénérescence 
secondaire  ascendante  des  faisceaux  cérébelleux  directs  et  des  cordons 
de  GoU.  La  dégénérescence  secondaire  des  faisceaux  cérébelleux  se 
confond  avec  la  nécrose  périphérique  primitive.  Celle  des  cordons  de 
Goll  est  légère  et  garde  son  aspect  de  lésion  secondaire  mais  indé- 
pendante. 

Dans  la  région  lombaire,  il  n'existe  qu'une  sclérose  secondaire 
descendante  des  faisceaux  pyramidaux. 

A  côté  des  lésions  nécrobiotiques  et  de  l'infdtration  gommeuse 
localisée  que  nous  avons  notées  dans  la  moelle  cervico-dorsale,  il  faut 
faire  la  part  d'un  troisième  processus  qui  paraît  avoir  participé  dans 
une  certaine  mesure  à  la  disparition  des  tubes  nerveux,  c'est  dans  le 
cordon  postérieur  la  dégénérescence  secondaire  aux  altérations  des 
racines  postérieures.  La  situation  de  certaines  taches  de  dégénération 
dans  la  bandelette  radiculaire  externe,  leur  coïncidence  avec  des 
lésions  importantes  des  cordons  radiculaires  adjacents,  leur  existence 
dans  certaines  parties  de  la  moelle  comme  au  niveau  de  la  première 
lombaire  où  le  reste  du  parenchyme  est  sain  (à  part  la  sclérose  laté- 
rale secondaire)  semblent  bien  indiquer  l'origine  radiculaire  de  ces 
lésions  du  cordon  postérieur. 

La  dégénérescence  secondaire  du  cordon  de  Goll  dans  la  région 
cervicale  supérieure  relève  donc  de  lésions  qui  intéresssent  les  fibres 
ascendantes  du  cordon  postérieur,  tant  dans  leur  trajet  radiculaire  que 
dans  leur  trajet  intramédullaire. 

Les  altérations  des  racines  rentrent  pour  une  part  dans  la  production 
des  symptômes  moteurs  et  sensitifs  qui  ont  accompagné  le  début  et 
le  cours  de  l'affection. 

Nous  avons  vu  jusqu'à  quel  point  était  poussée  l'inflammation  de  la 
pie-mère  et  des  parois  vasculaires,  surtout  dans  la  région  dorsale. 
L'infiltration  de  la  pie-mère  a  surtout  pour  point  de  départ  la  péri- 
phérie des  vaisseaux  et,  dans  certaines  portions  où  le  processus  est 
moins  prononcé,  comme  dans  la  région  lombaire,  on  trouve  la  preuve 
évidente  de  ce  début  périvasculaire,  mais  la  pie-mère  a  certainement 
été  aussi  intéressée  directement. 


—  310  — 


La  participation  du  système  lymphatique,  représenté  par  les  espaces 
compris  entre  les  plans  fibreux  de  la  méninge,  la  cavité  sous-arach- 
noïdienne  et  la  cavité  ventriculaire,  est  démontrée  par  l'infiltration  des 
fentes  lymphatiques  de  la  pie-mère,  l'épaississement  de  l'arachnoïde 
et  l'inflammation  de  l'épendyme  du  quatrième  ventricule. 

La  nécrose  anémique  du  tissu  médullaire  une  fois  produite,  et  elle  a 
pu  se  faire  en  plusieurs  temps,  l'inflammation  des  méninges  et  des 
vaisseaux  n'en  a  pas  moins  progressé  ;  l'infiltration  gommeuse  a  en 
certains  points  irradié  dans  le  parenchyme  voisin.  D'autre  part,  le 
nouvel  équilibre  circulatoire  imposé  par  les  lésions  vasculaires  de  la 
région  dorsale  s'est  traduit  par  une  dilatation  considérable  des  vais- 
seaux dont  les  parois  encore  peu  infiltrées  étaient  susceptibles  d'être 
dilatées,  particulièrement  dans  la  région  lombaire  où  les  vaisseaux 
sont  énormes  et  congestionnés. 

Le  rétablissement  partiel  de  la  circulation  a  permis,  dans  une  cer- 
taine mesure,  le  développement  d'une  réaction  substitutive  au  niveau 
des  parties  nécrosées,  ainsi  que  le  prouvent  la  présence  de  cellules  lym- 
phoïdes  manifestement  émanées  des  vaisseaux  et  l'état  caryokinétique 
des  cellules  névrogliques. 

Cas  n°  III.  —  Observation  110  (personnelle).  RecueiUie  dans  le  service 
de  M.  Dejerine  à  l'hospice  de  Bicêtre. 

RÉSUMÉ  CLINIQUE.  —  Homme.  A  25  an.s  (septembre  1800),  chancre, 
accidents  secondaires,  trailement.  1^  mois  après  (novembre  1891), 
symptômes  prodromiques  d'une  durée  de  15  jours  (difficulté  pour 
uriner,  lourdeur  et  engourdissement  des  jambes).  Puis  attaque  de 
paraplégie  brusque;  incontinence  d'urine.  Amélioration.  En  jan- 
vier 1&92,  le  malade  peut  marclier.  25  mars  1892,  nouvelle  attaque  de 
paraplégie, paralysie  presque  absolue,  marche  impossible, paralysie 
des  sphincters.  Janvier  1893,  aggravation  :  paraplégie  complète. 
Contracture  extrême,  aneslhésie  qui  remonte  jusqu'à  la  ceinture, 
escarres  étendues.  Atrophie  des  muscles.  Fièvre,  marasme.  Mort  le 
3  mars  1893. 

Autopsie.  —  Cerveau.  Méninges  et  substance  cérébrale  saines  à  l'œil 
nu.  Légères  altérations  macroscopiques  de  la  moelle  el  de  ses  enve- 
loppes ;  plus  prononcées  en  deux  points  (région  dorsale  moyenne  et 
région  dorsale  inférieure). 

Examen  microscopique.  —  Inflammation  modérée  de  la  pie-mère  et 
de  l'aracnhoide.  Altérations  vasculaires  énormes  dans  la  pie-mère 


—  311  — 


et  la  moelle.  Nécrose  màduUai7'e  surtout  marquée  dans  les  deux 
foyers  signalés.  Sclérose  névroglique  consécutive.  Dégénérescence 
secondaire  ascendante  et  descendante. 
Diagnostic  ANATOMiQUE.  —  Méningo-vascularite  syphilitique.  Nécrose 
et  sclérose  ynédullaires  consécutives. 

Histoire  clinique.  —  Louis  V...,  employé  de  librairie,  âgé  de  27  ans, 
entré  le  3  août  1892  dans  le  service  de  M.  Dejerine  à  l'hospice  de 
Bicêtre,  puis  dans  le  service  de  chirurgie  de  M.  Brun. 

Antécédents  héréditaires.  —  Père  âgé  de  50  ans,  bien  portant.  Mère 
morte  à  28  ans  d'une  affection  fébrile  ;  un  frère  vivant  en  bonne  santé. 

Antécédents  personnels.  —  Rien  de  particulier  dans  Tenfance,  se 
marie  jeune,  a  actuellement  une  petite  fille,  née  avant  la  contamination. 

A  l'âge  de  25  ans,  au  mois  de  septembre  1890,  V...  contracta  un 
chancre  de  la  lèvre  inférieure.  Cet  accident  fut  accompagné  d'un  engor- 
gement ganglionnaire  sous-maxillaire  et  suivi  d'une  roséole  et  de  plaques 
muqueuses.  Le  traitement  fut  commencé  dès  l'apparition  des  accidents 
secondaires  :  deux  pilules  de  protoiodure  par  jour  pendant  cinq  mois. 

Un  mois  environ  après  le  chancre,  céphalalgie  qui  dure  quinze  jours 
et  est  arrêtée  par  le  traitement. 

Maladie  actuelle,  commémoratifs.  —  Au  mois  de  novembre  1891, 
quatorze  mois  après  le  chancre,  le  malade  éprouva  quelque  difficulté 
à  uriner;  peu  de  jours  après,  c'était  une  sorte  d'engourdissement  dans 
les  jambes  avec  un  sentiment  de  lourdeur.  Il  avait  de  la  peine  à  monter 
les  escaliers,  mais  ne  ressentait  aucune  douleur  ni  dans  les  reins  ni 
dans  les  jambes. 

Ces  symptômes  duraient  depuis  une  quinzaine  de  jours,  ils  étaient 
assez  peu  accentués  pour  permettre  au  malade  d'accomplir  régulière- 
ment son  service  dans  la  librairie  oii  il  était  employé,  lorsqu'un  jour 
qu'il  portait  un  paquet  de  livres  d'une  caisse  à  l'autre,  il  ressentit  tout 
à  coup  dans  les  jambes  une  faiblesse  brusque  qui  l'obligea  de  poser 
vivement  son  paquet  sur  un  comptoir,  il  dut  se  retenir  au  comptoir 
pour  ne  pas  tomber.  On  le  fit  asseoir  sur  une  chaise,  il  ne  perdit  pas 
connaissance  et  au  bout  de  quelques  instants  put  se  remettre  sur  ses 
jambes,  mais  il  se  traînait  et  eut  grand'peine  à  rentrer  chez  lui. 

Le  lendemain,  un  médecin  appelé  prescrivit  quatre  grammes  d'iodure 
de  potassium.  Cependant  le  malade  n'éprouva  aucune  amélioration,  au 
contraire  :  avant  son  attaque  il  n'avait  que  des  envies  impérieuses 
d'uriner,  sans  incontinence;  depuis  l'attaque,  il  perdait  ses  urines  dans 
son  lit.  Les  jambes  étaient  extrêmement  faibles,  il  pouvait  encore  se 
tenir  debout  en  s'appuyant  sur  son  lit,  mais  il  était  incapable  de  mar- 
cher, il  existait  en  même  temps  de  la  raideur  et  le  malade  était  inca- 
pable de  fléchir  sur  la  cuisse  la  jambe  gauche  qui  était  surtout  atteinte. 

Après  huit  jours  de  tratiement  chez  lui,  le  malade  est  transporté  à 


—  312  — 


l'hôpital  Cochin  où  il  entre  en  décembre  1891,  dans  le  service  de 
M.  Gouraud.  A  son  entrée,  le  malade  était  incapable  de  marcher,  il  ne 
pouvait  même  que  très  difficilement  se  tenir  debout  avec  un  solide 
appui,  il  ne  sentait  pas  le  sol  sur  lequel  reposaient  ses  pieds  ;  les  jambes 
étaient  raides,  mais  il  n'existait  pas  de  tremblement  spontané. 

Le  traitement  fut  immédiatement  institué  :  deux  frictions  mercu- 
rielles  par  jour  et  de  l'iodure  de  potassium  à  l'intérieur  à  des  doses  pro- 
gressives de  4,  6  et  8  grammes.  Au  bout  de  cinq  à  six  jours,  le  malade 
put  se  lever  et  progressivement  marcher  avec  deux  cannes,  la  jambe 
gauche  était  toujours  particulièrement  faible. 

A  la  fin  de  janvier  1892,  le  malade  quitta  l'hôpital  et  put  rentrer  à 
pied  chez  lui  en  s'aidant  de  cannes.  Il  continue  le  traitement  :  deux  fric- 
tions quotidiennes  pendant  une  quinzaine  de  jours  encore  et  2  grammes 
d'iodure  qu'il  prend  jusqu'au  mois  de  mars. 

En  somme,  le  malade  était  sorti  de  l'hôpital  considérablenient  amé- 
lioré, mais  son  état  était  encore  assez  grave  pour  qu'il  lui  fût  impossible 
de  songer  à  reprendre  ses  anciennes  occupations.  La  marche  était  très 
pénible.  Tourmenté  par  des  envies  incessantes  d'uriner,  le  malade  se 
mouillait  à  chaque  mouvement  et  perdait  ses  urines  dans  son  lit  pen- 
dant la  nuit.  Telle  était  la  situation  de  V...  depuis  plusieurs  semaines, 
lorsque,  vers  le  25  mars,  il  eut  une  nouvelle  attaque  de  paraplégie,  il 
tomba  brusquement  sans  perdre  connaissance  et  fut  pendant  plusieurs 
minutes  sans  pouvoir  se  relever  ;  il  y  parvint  cependant,  mais  la  marche 
était  presque  impossible,  et  au  bout  de  quatre  jours  il  ne  pouvait  plus 
marcher  du  tout.  Il  fut  transporté  le  31  mars  au  bastion  36,  dans  le  ser- 
vice de  M.  Gilbert.  On  continua  le  traitement,  qui  n'avait  presque  pas 
été  interrompu  depuis  la  première  attaque.  A  l'entrée  au  bastion  36,  le 
malade  était  absolument  paraplégique,  il  bénéficia  par  la  suite  d'une 
certaine  amélioration,  mais  ne  put  plus  jamais  marcher  seul,  même 
avec  des  cannes.  Il  fit  quelques  tentatives  en  se  faisant  soutenir  par  un 
camarade,  mais  la  raideur  et  la  faiblesse  dont  étaient  frappés  ses  mem- 
bres inférieurs  ne  lui  permettaient  de  faire  que  quelques  pas.  L'incon- 
tinence d'urine  était  presque  continuelle. 

En  juillet,  le  bastion  36,  service  provisoire,  fut  évacué;  le  malade, 
transporté  à  l'hôpital  Bichat,  n'y  resta  que  huit  jours,  puis  entra  à  Bicêtre 
le  3  août  1892,  dans  le  service  de  M.  Dejerine. 

La  station  debout  est  impossible  à  cette  époque,  il  existe  quelques 
mouvements  spontanés  lents  dans  les  membres  inférieurs,  les  réflexes 
rotuliens  sont  exagérés  des  deux  côtés,  la  sensibilité  très  diminuée 
dans  les  deux  jambes.  Incontinence  d'urine. 

Le  malade  est  rélégué  le  16  août  dans  une  salle  de  chroniques  avec 
une  prescription  d'iodure  de  potassium  à  faible  dose. 

Au  mois  de  janvier  1893,  il  y  eut  une  recrudescence  des  symptômes, 
l'état  général  faiblissait,  l'impotence  fonctionnelle  des  membres  infé- 


—  313  — 


rieurs  devenait  absolue,  les  membres  se  plaçaient  en  flexion  sans  qu'il 
fût  possible  au  malade  de  les  redresser;  en  même  temps  apparaissait 
de  l'œdème  des  jambes. 

Des  escarres  étendues  se  produisent  au  niveau  du  sacrum  et  des 
trochanters.  Ce  dernier  symptôme  nécessite  le  transport  du  malade  dans 
le  service  de  chirurgie  de  l'infirmerie,  chez  M.  Brun. 

L'interne  du  service,  M.  Thomas,  eut  l'obligeance  de  nous  prévenir, 
il  nous  fut  possible  de  voir  le  malade  et  de  constater  l'état  suivant. 

État  actuel,  25  février  1893.  —  Le  malade,  considérablement  amaigri, 
est  étendu  sur  son  lit,  les  jambes  à  demi  fléchies  sur  les  cuisses  et  les 
cuisses  dans  la  niême  position  par  rapport  au  bassin.  Il  dégage  une 
odeur  fétide,  due  à  des  sueurs  abondantes  en  même  temps  qu'à  l'incon- 
tinence d'urine  et  des  matières  fécales. 

Motilité.  —  Les  muscles  de  la  face,  les  mouvements  des  yeux  et  de 
la  langue  sont  normaux  ;  les  membres  supérieurs  sont  également 
indemnes,  ils  présentent  seulement  un  certain  degré  d'amaigrissement 
résultant  de  l'état  cachectique  du  malade. 

Pour  les  membres  inférieurs,  ils  sont  fixés  dans  leur  position  par 
une  contracture  excessive,  le  malade  est  ordinairement  incapable  de  les 
mouvoir  spontanément,  néanmoins  la  paralysie  des  membres  inférieurs 
n'est  pas  absolue,  car  lorsque  la  contracture,  pour  une  raison  ou  pour 
une  autre,  devient  un  peu  moins  forte,  le  malade  parvient  à  étendre 
lentement  les  jambes,  il  peut  également  les  déplacer  latéralement,  mais 
le  talon  ne  quitte  pas  la  surface  du  lit  ;  il  existe  aussi  quelques  mouve- 
ments du  gros  orteil.  Il  n'y  a  donc  pas  de  paraplégie  absolue,  mais  immo- 
bilisation des  membres,  du  fait  de  la  contracture  que  ne  saurait  vaincre 
le  peu  d'énergie  conservé  par  les  muscles.  L'état  des  réflexes  ne  peut 
être  constaté,  caria  percussion  du  tendon  rotulien  détermine  une  exa- 
gération de  la  raideur  qui  fixe  le  membre  dans  sa  position;  on  constate 
seulement  une  secousse  dans  le  triceps  fémoral,  mais  sans  soulèvement 
du  talon.  Le  frottement  rapide  de  la  plante  du  pied  détermine  des  mou- 
vements d'extension  du  gros  orteil.  Les  muscles  de  la  moitié  inférieure 
du  tronc  sont  également  atteints,  le  malade  ne  peut  se  tenir  sur  son 
séant,  les  muscles  de  la  paroi  abdominale  sont  relâchés.  En  somme,  au 
point  de  vue  de  la  motilité,  on  trouve  une  paraplégie  presque  complète, 
avec  contracture  très  intense  et  participation  des  muscles  de  la  moitié 
inférieure  du  tronc. 

Sensibilité.  —  Le  malade  ne  ressent  actuellement  aucune  vive  dou- 
leur, il  ne  se  plaint  pas  de  souffrir  au  niveau  de  ses  escarres.  La  sensi- 
bilité objective  est  en  effet  complètement  abolie  dans  la  moitié  infé- 
rieure du  corps  jusqu'à  environ  six  centimètres  au-dessous  de  l'ombilic. 
Les  organes  des  sens  sont  absolument  intacts. 

Troubles  trophiques.  —  Le  tégument  des  membres  inférieurs  est 
blanc,  écailleux,  couvert  de  longs  poils,  les  ongles  n'offrent  pas  de 


—  314  — 


modifications  de  structure,  il  existe  seulement  une  ecchymose  sous 
l'ongle  du  gros  orteil  gauche.  On  trouve  trois  escarres  énormes  :  à  la 
région  sacrée  et  au  niveau  des  deux  trochanters.  L'escarre  sacrée  a 
presque  la  largeur  d'une  assiette,  la  surface  osseuse  est  mise  à  nu  et 
les  bords  de  la  plaie  sont  décollés  et  noirâtres.  Les  deux  saillies  osseuses 
trochantériennes  sont  également  dénudées  par  des  escarres  qui  ont 
environ  15  centim.  de  diamètre.  Chacune  de  ces  plaies  découvre  une 
cavité,  à  bords  décollés,  qui  plonge  derrière  le  trochanter  et  est  à  moitié 
fermée  par  un  lambeau  de  peau  noire  et  sèche  comme  du  cuir.  On 
trouve  de  plus,  sur  la  partie  inférieure  des  jambes  et  sur  les  pieds,  des 
taches  noirâtres  oîi  la  peau  est  mortifiée.  Ces  taches  sont  ovales  plus 
ou  moins,  d'une  étendue  de  3  à  6  centim.  et  quelquefois  surmontées  de 
phlyctènes.  Elles  siègent  au  niveau  des  saillies  osseuses  et  aux  points  de 
pression  (talon,  malléoles,  tubercule  scaphoïdien,  tête  du  cinquième 
métatarsien).  Deux  taches  existent  aussi  sur  la  face  antéro-interne  du 
tibia  à  droite. 

Il  existe  une  atrophie  musculaire  notable  dans  les  membres  inférieurs 
et  l'on  constate  l'existence  de  tremblements  flbrillaires. 

Les  jambes  sont  le  siège  d'un  œdème  qui  atteint  son  maximum  d'in- 
tensité au  niveau  des  pieds  et  des  malléoles,  il  est  également  très  mar- 
qué aux  organes  génitaux  externes. 

Sphincters.  —  Le  malade  perçoit  encore  incomplètement  le  besoin 
d'uriner,  mais  il  est  incapable  de  régler  le  jeu  de  son  sphincter  vésical 
et  l'urine  s'écoule  constamment,  goutte  à  goutte.  Incontinence  égale- 
ment des  matières  fécales. 

Examen  des  viscères.  —  Il  n'y  a  pas  d'altérations  appréciables  des 
organes  internes,  le  cœur  est  sain,  le  pouls  est  plein,  la  respiration  est 
normale  ;  légère  congestion  de  la  base  des  poumons. 

Les  urines  sont  troubles  et  ammoniacales. 

L'étal  général,  cependant,  est  loin  d'être  satislaisant.  Le  malade  a 
perdu  l'appétit,  il  souffre  d'une  soif  vive,  la  peau  est  chaude  et  le  ther- 
momètre oscille  entre  S'S"  et  39o.  Le  malade  est  manifestement  infecté 
par  la  résorption  de  produits  septlques  au  niveau  de  la  vessie  enflam- 
mée et  de  ses  larges  escarres. 

Evolution  de  l'affection.  —  L'état  général  empira  dans  les  jours  qui 
suivirent  l'examen  précédent  et  le  malade  succomba  bientôt,  le  3  mars, 
à  9  heures  du  matin  (seizième  mois  de  l'affection). 

Autopsie.  —  Faite  le  lendemain  matin,  25  heures  après  la  mort.  Le 
cadavre  est  extrêmement  amaigri,  les  mensurations  circonférencielles 
des  membres  inférieurs  donnent  pour  les  cuisses,  à  20  centim.  de  l'in- 
terligne fémoro-tibial  :  30  centim.  à  droite  et  à  gauche  ;  pour  les  jam- 
bes, à  15  centim.  du  plateau  tibial  :  25  centim.  à  droite  et  24  centim.  à 
gauche. 

Sur  les  téguments,  on  constate  les  lésions  que  nous  avons  déjà  signa- 


—  315  - 


lées  vastes  escarres  avec  décollement  an  niveau  du  sacrunn  et  des 
trochanters  ,  plaques  noirâtres  sur  les  extrémités  inférieures. 

Organes  thoraco- abdominaux.  —  Foie  volumineux,  congestionné, 
pèse  2,670  gr.,  présente  à  la  coupe  l'aspect  du  «  foie  muscade  ».  Pou- 
mons :  pas  de  lésions  tuberculeuses,  congestion  des  deux  bases  avec 
léger  œdème,  quelques  petits  foyers  purulents  à  la  base  du  poumon 
gauche  (infarctus  septiques).  Rate  :  très  volumineuse,  dimensions  :  lon- 
gueur 24  centim.,  largeur  8  centim.  Poids  450  gr.  Reins  :  conges- 
tionnés, pas  de  néphrite  septique.  Rein  droit,  205  gr.,  rein  gauche, 
240  gr.  Vessie  :  parois  épaissies;  muqueuse  congestionnée,  ramollie  ; 
contient  un  liquide  louche,  purulent. 

Centres  nerveux.  —  Le  cerveau  ne  présente  aucune  altération  ma- 
croscopique, ni  sur  sa  surface  corticale,  ni  sur  les  coupes  faites  dans 
l'organe  à  l'état  frais. 

A  l'ouverture  du  canal  rachidien,  on  constate  que  la  partie  termi- 
nale du  canal  sacré  est  entrée  eu  communication  avec  le  foyer  de  l'es- 
carre correspondante  ;  mais  l'inflammation  n'a  pas  remonté  dans  le 
canal  rachidien,  elle  a  été  limitée  par  des  adhérences  à  la  paroi  osseuse 
du  cul-de-sac  inférieur  de  la  dure-mère.  Elle  n'a  pas  pénétré  à  l'inté- 
rieur de  l'enveloppe  durale,  car  à  l'incision  du  cul-de-sac  inférieur  il 
s'écuule  un  liquide  clair  qui  est  le  liquide  céphalo-rachidien  non 
modifié. 

Le  canal  osseux,  dans  tout  le  reste  de  son  étendue,  ne  présente  aucune 
altération. 

L'aspect  de  la  surface  extérieure  de  la  dure-mère  est  absolument  nor- 
mal ;  il  n'existe,  avec  les  parois  osseuses,  aucune  adhérence  patholo- 
gique, à  part  celle  du  cul  de-sac  inférieur.  La  dure-mère  incisée  dans 
sa  longueur  se  sépare  facilement  de  la  moelle,  il  existe  seulement  une 
adhérence  très  restreinte  à  la  pie-mère,  au  niveau  de  la  partie  antéro- 
latérale  gauche  de  la  moelle,  à  la  hauteur  de  la  cinquième  racine  dorsale, 
sur  une  surface  de  quelques  millimètres  à  peine.  Pour  respecter  cette 
adhérence,  nous  circonscrivons  par  un  coup  de  ciseaux  la  petite  portion 
de  dure-mère  adhérente  qui  reste  attachée  à  la  pie-mère  (v.  fig.  15). 

L'aspect  extérieur  de  la  moelle  est  peu  modifié.  Il  existe  une  certaine 
congestion  avec  légère  turgescence  du  lacis  vasculaire  de  la  pie-mère, 
mais  pas  de  rougeur  diffuse.  En  deux  endroits,  la  moelle  estlégèrement 
déprimée  et  d'une  consistance  inégale  :  dans  la  région  dorsale  moyenne 
et  dans  la  région  dorsale  inférieure.  Dans  ces  deux  parties,  la  coloration 
est  d'un  rose  ambré.  On  trouve  de  plus  un  léger  état  dépoli  de  la  pie- 
mère,  au  voisinage  du  point  on  nous  avons  signalé  son  adhérence  à  la 
dure-mère. 

Sur  les  coupes  de  l'organe  frais,  on  constate  dans  la  région  cervicale 
une  teinte  rosée  manifeste  du  cordon  de  Goll  et  une  altération  analogue, 
mais  moins  nette,  de  la  périphérie  des  cordons  latéraux.  Dans  les  coupes 


-  316  — 


qui  passent  au  niveau  des  deux  foyers  que  nous  avons  signalés,  on  con- 
state une  certaine  induration  du  tissu.  La  surface  de  coupe  n'a  plus  sa 
couleur  (blanc  mat)  normale,  elle  n'offre  pas  une  coloration  uniforme; 
au  centre,  la  substance  grise  dont  le  tissu  rosé  a  tendance  à  s'effondrer 
forme  deux  dépressions  sur  la  coupe. 

Les  cordons  blancs  présentent  un  pointillé  rouge  mêlé  de  taches 
rosées  et  de  taches  jaunâtres.  Ces  dernières  forment  des  petits  foyers 
ovales  ou  régulièrement  arrondis  qui  sont  surtout  abondants  dans  les 
cordons  postérieurs.  En  regardant  ces  petites  taches  obliquement  et  à 
jour  frisant,  on  trouve  qu'elles  n'ont  pas  l'aspect  lisse  et  luisant  des  par- 
ties voisines,  mais  elles  ont  une  teinte  jaune  mat  d'apparence  caséeuse, 
elles  sont  légèrement  saillantes  et  déprimées  au  centre  (ombiliquées).Un 
de  ces  petits  foyers,  excisé  au  moyen  de  ciseaux  courbes  et  examiné  au 
microscope  après  dissociation,  se  montre  composé  d'un  amas  compact 
de  corps  granuleux. 

Ces  altérations  macroscopiques  sont  assez  irrégulièrement  distribuées 
à  la  surface  des  coupes,  elles  prédominent  d'une  façon  générale  dans 
les  cordons  postérieurs  et  la  partie  postérieure  des  cordons  latéraux. 
Elles  ont  leur  maximum  d'intensité  dans  lesdeuxfoyersque  nous  avons 
signalés,  au  niveau  de  l'émergence  des  quatrième,  cinquième  et 
sixième  racines  dorsales  pour  le  foyer  supérieur,  et,  pour  le  foyerinfé- 
rieur,  au  niveau  des  neuvième,  dixième  et  onzième  racines  dorsales. 

Examen  microscopique  a  l'état  frais.  —  Moelle.  —  L'examen  de 
fragments  de  tissu  médullaire  dissociés  à  l'état  frais  ou  après  quelques 
jours  de  macération  dans  le  liquide  de  MûUer  ne  fournit  que  peu  de 
renseignements  ;  on  trouve  dans  les  préparations  un  nombre  énorme  de 
corps  granuleux  dont  la  plupart  possèdent  encore  un  noyau  et  ont  con- 
servé la  forme  cellulaire;  mais  les  granulations  graisseuses  forment 
aussi  des  masses  considérables  sans  individualité.  Les  préparations 
montrent  également  des  fragments  de  tubes  variqueux,  des  cylindres-axes 
granuleux  et  hypertrophiés.  Les  cellules  nerveuses  sont  arrondies  et 
atrophiées  ou  irrégulières  et  souvent  creusées  de  vacuoles.  Le  tissu 
névroglique  est  représenté  par  de  véritables  écheveaux  de  fibrilles 
mêlées  de  très  nombreuses  cellules  araignées. Il  existe  encore  un  certain 
nombre  de  noyaux  libres  et  de  corps  amyloïdes. 

Enfin,  les  petits  vaisseaux  senties  uns  gorgés  de  globules  rouges,  les 
autres  envahis  par  des  cellules  lymphatiques  qui  se  massent  surtout 
dans  la  gaine  lymphatique  et  forment  des  nodules  compacts  au  niveau 
des  points  de  bifurcation. 

Racines  médullaires.  —  Un  certain  nombre  de  racines  tant,  anté- 
rieures que  postérieures,  ont  été  prises  dans  les  régions  les  plus  altérées 
de  la  moelle  et  examinées  par  dissociation  après  fixation  par  l'acide 
osmique. 


—  317  — 


Uu  fait  remarquable,  c'est  le  nombre  extrêmement  restreint  de  tubes 
dégénérés  dans  ces  racines.  Les  différents  faisceaux  dissociés  ont  bien 
pris  la  coloration  noire  et  c'est  à  peine  si,  au  milieu  d'un  groupe  de 
15  à  20  tubes  par  exemple ,  on  trouve  1  à  3  flbres  dégénérées  et 
moniliformes. 

Examen  microscopique  de  moelle  sur  les  coupes.  —  Certains 
segments  prélevés  dans  les  régions  les  plus  altérées  de  la  moelle  ont 
été  examinés  après  quelques  jours  d'imprégnation  par  le  liquide  de 
Millier.  Les  coupes  ont  été  faites  sur  le  microtome  à  congélation  et 
exemptes  de  tout  contact  avec  l'alcool  qui  fait  disparaître  certains 
éléments  de  dégénération. 

Les  autres  segments,  après  durcissement  complet,  ont  été  inclus  dans 
le  collodion  et  traités  par  les  méthodes  de  coloration  ordinaires. 

Examen  des  coupes  à  un  faible  grossissement  (Obj.  a  var.  Zeiss; 
oc.  1).  Colorations  par  les  méthodes  de  Weigert  et  de  Pal. 

La  distribution  des  zones  de  dégénération  et  les  modifications  gros- 
sières des  méninges  sont  visibles  avec  un  faible  objectif. 

Dans  le  bulbe  et  la  région  cervicale  supérieure,  les  méninges  n'ont 
subi  aucun  épaississement  appréciable.  La  dégénérescence  intéresse  le 
cordon  de  Goll  tout  entier  et  le  faisceau  cérébelleux  direct. 

Bulbe.  —  Dans  le  bulbe,  le  faisceau  de  Goll  est  complètement  dégé- 
néré (au  niveau  du  collet  du  bulbej,  il  ne  présente  plus  une  seule  fibre 
colorée.  Au  contraire,  les  fibres  parties  des  noyaux  des  cordons  de  Goll 
et  de  Burdach  et  qui,  après  entre-croisement  se  placent  en  arrière  des 
pyramides  motrices  (Schleife),  sont  absolument  intactes. 

On  trouve  de  plus,  dans  la  zone  marginale,  latérale,  médiane,  en 
avant  de  la  substance  gélatineuse  de  Rolande,  un  petit  triangle  de  dégé- 
nération 011  ne  persistent  qu'un  petit  nombre  de  fibres  saines.  Ce 
triangle  représente  dans  le  bulbe  la  continuation  du  faisceau  cérébelleux 
direct  et  du  faisceau  de  Gowers. 

Sur  une  coupe  passant  par  la  partie  moyenne  de  l'olive,  on  ne  trouve 
plus  naturellement  le  cordon  de  Goll;  il  persiste  au  contraire  dans  le 
sillon  latéral  du  bulbe,  sillon  qui  sépare  l'olive  du  corps  restiforme,  un 
petit  triangle  dégénéré,  qui  est  la  continuation  du  faisceau  cérébelleux 
direct;  à  ce  niveau  d'ailleurs,  la  dégénérescence  du  faisceau  a  beaucoup 
diminué  d'intensité. 

RÉGION  cervicale  SUPÉRIEURE.  —  Au-dessous  du  collet  du  bulbe  et 
dans  les  segments  correspondant  aux  premières  paires  cervicales,  le 


—  318  - 


cordon  de  Goll,  effilé  en  pointe,  vient  au  contact  de  la  commissure  grise. 
Il  est  totalement  dégénéré  (fig.  13). 

La  zone  marginale  dégénérée  du  cordon  latéral  prend  la  forme  d'un 
croissant  dont  l'extrémité  postérieure  élargie  touche  à  la  racine  posté- 
rieure et  dont  la  pointe  antérieure  effilée  se  prolonge  en  avant  jusqu'à 
une  faible  distance  du  sillon  médian  antérieur.  La  sclérose  intéresse 
donc  le  faisceau  cérébelleux  direct  et  le  faisceau  de  Gowers.  Ce  dernier 
est  surtout  atteint  du  côté  droit.  A  gauche,  au  contraire,  la  zone  dégé- 
nérée atteint  la  plus  grande  largeur  dans  la  partie  exactement  latérale 
de  la  moelle.  Cette  dégénérescence  n'est  pas  absolument  totale,  il  per- 
siste encore  quelques  rares  tubes  sains,  elle  n'est  pas  non  plus  exac- 
tement marginale,  car  elle  est  limitée  en  dehors  par  un  petit  champ  très 
mince  indiqué  par  la  présence  d'un  plus  grand  nombre  de  tubes.  Cette 


Fig.  13.  —  Cas  n°  III.  —  Coupe  au  niveau  de  la  quatrième  racine  cervicale. 

(Méthode  de  Pal.) 

dernière  particularité  prouve  qu'il  ne  s'agit  certainement  pas  ici  d'une 
dégénération  consécutive  à  l'envahissement  du  cordon  latéral  par  un 
tissu  inflammatoire  émané  des  membranes  d'enveloppe.  Les  autres  por- 
tions de  la  moelle  sont  régulièrement  conformées  et  bien  colorées. 

RÉGION  CERVICALE  INFÉRIEURE.  —  La  distribution  des  zones  dégé- 
nérées est  la  même.  Le  cordon  de  Goll  s'élargit  dans  sa  partie  antérieure, 
si  bien  qu'au  niveau  de  la  septième  cervicale  il  a  la  forme  d'un  rec- 
tangle dont  les  deux  côtés  latéraux  sont  concaves  en  dehors  et  le  petit 
côté  antérieur  appuie  sur  la  substance  grise.  La  zone  latérale  dégénérée 
tend  à  se  prolonger  dans  la  profondeur  du  cordon  latéral  et  à  gagner 
le  territoire  du  laisceau  pyramidal  croisé. 

L'altération  est  toujours  totale  pour  le  cordon  de  Goll  et  très  pro- 
noncée dans  la  zone  atteinte  du  cordon  latéral. 


—  H19  — 


RÉGION  DORSALE  SUPÉRIEURE.  —  Dans  la  partie  toute  supérieure,  les 
zones  dégénérées  occupent  encore  une  situation  correspondant  à  celle 
que  nous  avons  constatée  dans  la  région  cervicale  ;  cependant  la  sclérose 
s'étend  un  peu  en  profondeur  dans  le  cordon  latéral  et  sort  un  peu  des 
limites  du  faisceau  de  Goll  dans  le  cordon  postérieur. 

Au  niveau  de  la  troisième  racine  dorsale  (fig.  14),  dans  le  cordon 


FiG.  14.  —  Cas  n"  III.  —  Coupe  au  niveau  de  la  troisième  racine  dorsale. 

autéro-latéral,  la  sclérose  envahit  toute  la  zone  marginale  et  se  pro- 
longe irrégulièrement  dans  les  parties  profondes,  de  sorte  que  la  limite 
intérieure  de  la  zone  dégénérée  est  déchiquetée  et  diffuse. 

Dans  le  cordon  postérieur,  le  cordon  de  Goll  est  toujours  complète 
ment  dégénéré.  Dans  les  zones  de  Burdach,  il  existe  de  petites  taches 
irrégulières  où  les  tubes  sont  raréfiés.  A  ce  faible  grossissement,  il  est 
facile  de  constater  également  un  très  léger  épaississement  de  la  pie-mère 
et  de  l'arachnoïde.  Une  portion  de  la  dure-mère  qui  a  été  comprise 
dans  la  coupe  est  au  contraire  absolument  normale.  On  voit,  de  plus, 
de  volumineux  vaisseaux,  tant  dans  l'épaisseur  de  la  pie-mère  que  dans 
l'intérieur  de  la  moelle  même  et  des  cordons  veineux  oblitérés  dans  la 
cavité  sous-arachnoïdienne. 

RÉGION  DORSALE  MOYENNE  ET  RÉGION  DORSALE  INFÉRIEURE.  —  A  partir 

de  la  quatrième  racine  dorsale,  les  lésions  sont  beaucoup  plus  étendues 
et  offrent  leur  maximum  d'intensité  en  deux  régions  dont  le  centre  cor- 
respond à  la  cinquième  racine  dorsale  d'une  part,  et  d'autre  part  aux 
dixième  et  onzième  racines  dorsales. 
Cinquième  racine  dorsale  (fig.  15).  —  A  ce  niveau,  la  dure-mère 


—  320  — 


adhère  à  la  pie-mère  sur  une  surface  très  limitée,  un  peu  au-dessus  de 
l'émergence  de  la  cinquième  racine  dorsale  antérieure  gauche,  et  sur  la 
ligne  verticale  qui  correspond  à  l'émergence  des  racines  antérieures  de 
ce  côté.  L'étendue  de  cette  adhérence  est  de  quelques  millimètres  seu- 
lement, la  dure-mère  d'ailleurs  ne  présente  aucun  épaississement. 

Le  contour  de  la  moelle  est  légèrement  déformé,  présentant  des 
encoches,  les  cornes  sont  déplacées.  Ces  modifications  résultent  de  la 
rétraction  du  tissu  de  sclérose  qui,  ainsi  que  nous  l'avons  noté  donnait 
à  cette  partie  de  la  moelle  une  consistance  plus  ferme  que  de  coutume. 
La  sclérose  envahit  la  presque  totalité  de  la  moelle,  il  ne  persiste  plus 
qu'une  zone  mince  et  irrégulière  qui  entoure  la  substance  grise.  Dans 
le  cordon  postérieur,  en  particulier,  on  ne  trouve  plus  de  fibres  ner- 
veuses que  dans  une  région  qui  correspond  à  peu  près  à  la  bandelette 
radiculaire  externe.  Les  cornes  de  la  substance  grise  sont  fortement 
décolorées,  le  réticulum  de  la  colonne  de  Clarke  a  disparu. 


r 


YiG.  15.  Cas  n°  III.  —  Coupe  au  niveau  de  la  cinquième  racine  dorsale.  Dans 

les  zones  dégénérées,  petites  taches  grises  indiquant  les  foyers  de  corps  gra- 
nuleux. 

Dans  le  tissu  de  sclérose  coloré  en  jaune  par  la  méthode  de  Weigcrt, 
on  trouve  de  petits  foyers  arrondis  ou  à  contours  polycycliques  oîi  le 
tissu  a  pris  une  teinte  gris  bleu  sale  et  correspondant  k  des  amas  de 
corps  granuleux  ainsi  que  nous  le  verrons  plus  loin. 

On  voit  encore  un  grand  nombre  de  vaisseaux  très  épaissis  oblitérés 
qui  criblent  toute  la  surface  de  coupe.  La  coupe,  au  niveau  de  la  sixième 
racine  dorsale,  présente  les  mêmes  particularités 

Les  différentes  coupes  du  segment  médullaire  qui  correspond  aux 


—  321  — 


septième,  huitième,  neuvième  racines  dorsales  présentent  à  peu  près 
uniformément  l'aspect  suivant  (fig.  16). 


"   Fig.  16.  —  Cas  n"  III.  —  Coupe  au  niveau  de  la  neuvième  racine  dorsale. 

Le  contour  de  la  moelle  est  plus  régulier  bien  qu'encore  festonné. 
La  pie-mère  n'offre  qu'un  léger  épaississement  uniformément  réparti  et 
n'adhère  que  faiblement  au  tissu  médullaire. 

La  destruction  des  tubes  nerveux  est  presque  totale  dans  le  cordon 
postérieur,  excepté  au  niveau  des  bandelettes  radiculaires  externes,  et 
dans  le  cordon  latéral  sauf  dans  une  petite  zone  contiguë  à  la  substance 
grise.  Dans  le  cordon  antérieur,  la  zone  saine  qui  entoure  la  corne 
antérieure  est  un  peu  plus  étendue,  mais  la  partie  marginale  du  cordon 
et  celle  qui  correspond  au  faisceau  de  Turck  sont  dégénérées. 

La  coupe  du  tissu  sciéreux  est  semée  de  foyers  grisâtres  de  corps 
granuleux  et  piquetée  d'un  grand  nombre  de  vaisseaux  extrêmement 
altérés.  La  substance  grise  présente  les  mêmes  altérations  que  plus 
haut. 

Dixième  racine  dorsale  (fig.  17).  —  La  distribution  de  la  sclérose 
dans  la  moelle  offre  à  peu  près  la  même  topographie,  cependant  l'alté- 


FiG.  17.  —  Cas  n°  III.  —  Coupe  au  niveau  de  la  dixième  racine  dorsale. 


ration  des  zones  dégénérées  paraît  plus  prononcée.  La  moelle  était 
induiée  à  l'état  frais  et  sur  la  coupe  microscopique  son  contour  est 
S.  21 


—  322  — 


marqué  d'encoches  qui  semblent  résulter  de  la  rétraction  du  tissu 
scléreux. 

Le  champ  de  dégénération  offre  d'ailleurs  les  apparences  que  nous 
connaissons,  le  nombre  des  vaisseaux  altérés  est  très  considérable  et  la 
destruction  des  tubes  nerveux  totale. 

La  pie-mère  présente  un  épaississement  un  peu  plus  marqué  dans  la 
région  postérieure  où  elle  adhère  à  l'arachnoïde  qui  semble  constituée 
par  plusieurs  feuillets. 

Onzième  racine  dorsale  (flg.  18).  —  La  surface  de  coupe  tout  entière 


est  envahie  par  la  sclérose  et  les  tubes  nerveux  sont  extrêmement 
raréfiés  même  dans  les  parties  centrales  de  la  moelle.  La  substance 
grise  absolument  décolorée  est  déformée,  les  cornes  sont  étalées,  mal 
limitées. 

Toute  la  surface  de  coupe  est  semée  de  vaisseaux  altérés  et  de  foyers 
grisâtres  de  corps  granuleux. 
Douzième  racine  dorsale  (flg.  19).  —  Au-dessous  du  foyer  d'altération 


FiG.  19.  —  Cas  n°  III.  —  Coupe  au  niveau  de  la  douzième  racine  dorsale, 
maxima  que  nous  venons  de  décrire,  la  moelle  reprend  peu  à  peu  un 


-  323  — 


aspect  plus  normal  ;  au  niveau  de  la  douzième  racine  dorsale  la  sclérose 
est  encore  très  marquée  dans  les  parties  périphériques,  elle  s'avance 
assez  profondément  dans  le  cordon  latéral  et  forme  des  foyers  diffus 
dans  le  cordon  postérieur,  mais  les  parties  centrales  de  la  moelle  sont 
mieux  respectées. 

RÉGION  LOMBAIRE.  —  A  partir  de  la  région  dorso-lombaire,  les  zones 
scléreuses  affectent  une  disposition  systématique  qui  indique  une  dégé- 
nérescence secondaire  descendante.  En  effet,  au  niveau  de  la  deuxième 
racine  lombaire  (fig.  20),  le  faisceau  pyramidal  et  le  cordon  antérieur 
dans  la  partie  voisine  du  sillon  médian  sont  seuls  atteints.  La  petite  zone 
dégénérée  du  cordon  antérieur  doit  être  considérée  comme  appartenant 
aux  fibres  pyramidales  non  entrecroisées  (faisceau  de  Turck). 


Fig.  20.  —  Cas  n»  III.  —  Coupe  au  niveau  de  la  deuxième  racine  lombaire. 

A  la  hauteur  de  la  quatrième  racirie  lombaire,  la  dégénérescence 
de  ce  dernier  faisceau  est  encore  représentée  par  une  petite  zone  déco- 
lorée tout  à  fait  marginale  et  située  dans  l'angle  antérieur  du  cordon 
antérieur. 

Le  reste  de  la  surface  de  coupe  dans  toute  la  région  lombo-sacréc  est 
intact,  on  constate  seulement  que  de  nombreux  vaisseaux  sont  soit 
épaissis  dans  leurs  parois,  soit  dilatés  et  remplis  de  sang. 

La  pie-mère  ne  paraît  ni  notablement  épaissie  ni  anormalement  adhé- 
rente au  tissu  médullaire.  Néanmoins,  on  voit  encore  de  nombreuses 
veines  volumineuses  et  oblitérées  soit  en  contact  avec  la  pie-mère,  soit 
dans  l'espace  sous-arachnoïdien. 

Examen  microscopique  des  éléments  de  tissu  à  un  fort  grossisse- 
ment. (Obj.  4,7  Leitz,  F  Zeiss;  oc.  1,  3)  Colorations  :  carmin;  éosine, 
hématoxyline,  etc. 

Région  bulbaire.  —  Dans  l'examen  des  coupes  de  cette  région  ce 
qui  frappe  tout  d'abord,  ce  sont  les  modifications  des  vaisseaux.  Les 


artères  vertébrETles  et  basilaires  avec  les  branches  qui  s'en  détachent 
ont  été  incluses  dans  le  collodion  et  étudiées  par  des  coupes  transver- 
sales. Les  altérations  des  gros  troncs  sont  assez  peu  prononcées,  néan- 
moins on  constate  sur  presque  tous  une  périartérite  manifeste.  L'en- 
dartère  est  sain  d'une  façon  générale,  il  existe  cependant  par  places  des 
épaississements  qui  font  saillie  dans  la  lumière  du  vaisseau.  Les  lésions 
de  l'endartère  sont  souvent  en  concordance  avec  des  lésions  accen- 
tuées des  parties  correspondantes  de  l'adventice,  mais  d'autres  fois 
c'est  l'endartérite  qui  est  prédominante.  Toutes  les  petites  branches 
artérielles  voisines  du  bulbe  sont  bien  plus  atteintes,  la  périartérite  est 
constante  et  très  accentuée  ;  l'endartérite  également  généralisée  et  très 
intense. 

La  tunique  musculaire  est  ordinairement  intacte  et  les  noyaux  mus- 
culaires bien  ordonnés. 

Le  tissu  qui  compose  l'adventice  épaissie  est  généralement  fibreux  et 
assez  pauvre  en  noyaux.  Il  existe  cependant  des  petits  foyers  de  noyaux 
qui  entourent  des  vasa-vasorum  dilatés. 

L'endartère  épaissi  est  constitué  par  un  tissu  stratifié  mêlé  de  noyaux 
dont  l'orientation  varie. 

La  lumière  rétrécie  du  vaisseau  ordinairement  remplie  de  globules 
rouges  contient  aussi  quelquefois  un  nombre  considérable  de  globules 
blancs  ou  de  cellules  endothéliales  desquamées. 

La  membrane  élastique  qui  sépare  l'endartère  de  la  tunique  moyenne 
est  souvent  déplissée  et  même  complètement  effacée.  Il  est  à  remarquer 
que  ces  vaisseaux  très  altérés  sont  libres  de  toute  adhérence  et  de  tout 
envahissement  par  un  tissu  pathologique  étranger. 

Les  veines  qui  cheminent  dans  la  cavité  sous-arachnoïdienne  sont 
épaissies  et  souvent  oblitérées.  Le  tissu  qui  compose  ces  cordons  pleins 
offre  alors  un  fond  homogène  assez  mal  coloré  dont  la  partie  périphé- 
rique est  le  plus  souvent  striée  par  des  fibrilles  ondulées  et  semée  de 
nombreux  noyaux  embryonnaires. 

Dans  la  pie-mère,  on  retrouve  les  mêmes  altérations  vasculaires, 
cependant  il  n'y  a  que  très  peu  de  veines  complètement  oblitérées,  mais 
elles  ont  toutes  leurs  parois  très  épaissies  et  infiltrées  de  cellules 
rondes.  Toutes  les  petites  artères  sont  également  atteintes,  mais  l'infil- 
tration reste  limitée  à  la  tunique  adventice.  Les  deux  ou  trois  grosses 
artères  spinales  antérieures  sont  perméables,  l'adventice  seule  est 
notablement  épaissie,  l'endartère  l'est  très  peu  et  d'une  façon  iné- 
gale. 

Dans  l'intérieur  même  du  bulbe  les  altérations  vasculaires  sont  bien 
moins  marquées,  il  n'existe  pas  de  vaisseaux  volumineux;  cependant 
même  en  dehors  des  zones  de  dégénération  secondaire,  les  capillaires 
sont  indiqués  par  des  traînées  de  noyaux  abondants.  De  nombreux 
petits  vaisseaux  un  peu  plus  gros  ont  leurs  parois  infiltrées. 


—  325  — 


La  pie-mère  n'est  pas  épaissie,  et  présente  seulement  de, nombreux 
amas  embryonnaires  peu  étendus  qui  entourent  principalement  les  vais- 
seaux. L'infiltration  embryonnaire  a,  en  effet,  manifestement  pour  point 
de  départ  les  gaines  périvasculaires.  De  là^  elle  s'insinue  entre  les  lames 
fibreuses  de  la  méninge  dans  laquelle  elle  forme  des  traînées  qui 
réunissent  entre  eux  les  nodules  périvasculaires. 

Notons  encore,  au  niveau  du  plancher  du  quatrième  ventricule  la  pré- 
sence de  nombreuses  granulations  épendy  maires.  Ces  petites  néoforma- 
tions sont  formées  par  une  nodosité  d'apparence  névroglique  et  fibreuse 
entourée  d'une  zone  embryonnaire  qui  est  revêtue  du  côté  de  la  cavité 
ventriculaire  par  une  couche  de  cellules  épendymaires. 

Le  parenchyme  nerueu.x  dans  la  région  bulbaire  est  sain,  en  exceptant 
les  zones  atteintes  de  dégénération  secondaire.  A  ce  niveau,  les  tubes 
nerveux  sont  presque  complètement  détruits.  Il  n'en  reste  plus  dans  le 
faisceau  de  Goll,  le  tissu  qui  le  compose  est  constitué  par  une  trame 
serrée  de  fibrilles  névrogliques  semée  de  nombreux  noyaux  embryon- 
naires et  d'espaces  vacuolaires  qui  contiennent  souvent  des  cellules 
granuleuses  nucléées. 

La  substance  du  noyau  gris  adjacent  (noyau  du  cordon  de  Goll)  a 
perdu  beaucoup  de  ses  fibrilles  nerveuses,  mais  les  cellules  nerveuses 
paraissent  intactes  comme  nombre  et  comme  configuration. 

RÉ&iON  CERVICALE.  —  On  peut,  pour  cette  région,  appliquer  les  mêmes 
remarques  à  l'état  des  vaisseaux  et  des  méninges. 

Les  veines  sont  les  plus  altérées,  elles  ont  toutes  leurs  parois  totale- 
ment infiltrées  de  noyaux  ou  bien  sont  oblitérées.  Les  artères  sont 
moins  atteintes,  elles  présentent  cependant  toutes  une  périartérite  pro- 
noncée. Cette  périartérite  a  d'ailleurs  les  caractères  d'une  lésion  ancienne 
car  elle  est  surtout  fibreuse. 

L'artère  spinale  antérieure  est  largement  béante  dans  toute  la  hauteur 
de  cette  région,  mais  offre  un  épaississement  moyen  et  régulier  de 
l'endartère. 

Le  stroma  fibreux  de  la  pie-mère  n'est  pas  notablement  épaissi  dans 
la  partie  supérieure  de  la  région  cervicale,  mais  l'importance  de  ce 
tissu  est  légèrement  augmentée  dans  les  parties  moyenne  et  inférieure. 
Ce  qui  domine,  c'est  l'infiltration  nucléaire.  Celle-ci  est  incomparaljle- 
ment  plus  prononcée  autour  des  vaisseaux,  mais  il  existe  également  des 
traînées  importantes  entre  les  plans  fibreux  de  la  méninge. 

Pour  la  moelle  même,  nous  connaissons  la  distribution  des  zones 
scléreuses.  Le  tissu  qui  compose  le  cordon  de  Goll  est  beaucoup  plus 
dense  que  celui  des  faisceaux  cérébelleux  directs  dégénérés  et  prend 
plus  vivement  le  carmin,  c'est  d'ailleurs  une  particularité  qui  s'observe 
toujours  dans  les  cas  de  dégénérescence  secondaire,  le  tissu  de  sclérose 
est  toujours  beaucoup  plus  serré  dans  le  cordon  postérieur.  Dans  le  cas 


—  326  — 


actuel,  il  est  représenté  par  des  fibrilles  névrogliques  et  de  nombreuses 
cellules  araignées  volumineuses  dont  les  prolongements  s'enchevêtrent. 
Ces  éléments  constituent  un  feutrage  épais  qui  présente  par  places  des 
vacuoles  remplies  soit  par  une  cellule  granuleuse  nucléée,  soit  par  un 
corps  granuleux  purement  graisseux  ou  par  une  boule  liyaline. 

Au  niveau  du  cordon  de  Goll  il  n'y  a  plus  un  tube  nerveux;  au  con- 
traire, dans  le  faisceau  marginal  latéral,  on  en  compte  encore  quelques- 
uns  qui  sont  d'apparence  normale  ou  bien  possèdent  un  cylindre-axe 
hypertrophié. 

Le  reste  du  parenchyme  médullaire  ne  présente  pas  grande  modifi- 
cation, il  faut  cependant  noter  que  les  cellules  araignées  sont  plus  déve- 
loppées qu'à  l'ordinaire.  Les  petits  vaisseaux  intramédullaires  ont  leurs 
parois  épaissies  et  infiltrées  et  cette  modification  s'accentue  dans  la 
partie  inférieure  de  la  région  cervicale,  elle  est  aussi  prédominante 
dans  le  cordon  de  Goll  dégénéré. 

La  substance  grise,  dans  toute  la  région  cervicale ,  ne  présente  aucune 
altération,  les  éléments  cellulaires  sont  intacts  ainsi  que  le  réseau 
flbrillaire  nerveux.  Les  fibres  radiculaires  antérieures  et  postérieures 
sont  absolument  normales. 

Les  racines  médullaires  paraissent  intactes;  sur  les  préparations 
colorées  par  la  méthode  de  Weigert  ou  de  Pal,  on  ne  constate  pour 
ainsi  dire  pas  un  vide  au  milieu  des  faisceaux  de  fibres  coupées  trans- 
versalement et  colorées  en  noir. 

Sur  les  préparations  colorées  par  l'hématoxyline  alunée,  on  décèle  des 
altérationsvasculairesanaloguesà  celles  que  nous  avons  décrites  dans  la 
moelle.  Le  périnèvre  ne  présente  pas  d'épaississement,  on  trouve  seule- 
ment une  légère  infiltration  du  corps  même  du  faisceau  nerveux,  infil- 
tration qui  émane  particulièrement  des  gaines  périvasculaires. 

RÉGION  DORSALE.  -  Nous  avons  vu  que  c'est  dans  cette  région  que 
les  altérations  étaient  le  plus  prononcées  et  que  le  maximum  d'intensité 
des  lésions  portait  sur  deux  segments  situés  vers  la  cinquième  racine 
dorsale  et  vers  la  dixième. 

Cette  portion  de  la  moelle  a  été  étudiée  sur  toute  sa  longueur  par  des 
coupes  transversales  et  longitudinales.  Les  modifications  portent  sur. 
toutes  les  parties  constituantes  de  l'organe  et  les  aspects  du  tissu  sont 
très  variés;  nous  essaierons  d'en  donner  une  description  eu  étudiant 
chaque  groupe  d'éléments  en  particulier. 

Enveloppes  molles  et  vaisseaux  périphériques.  —  La  dure-mère  est 
absolument  saine  et  ainsi  que  nous  l'avons  vu  n'adhère  à  la  pie-mère 
que  sur  une  très  petite  surface  à  la  hauteur  dé  la  cinquième  racine 
dorsale. 

L'arachnoïde  est  manifestement  épaissie  et  présente  par  places  de 
petits  amas  de  cellules  embryonnaires.  De  cette  membrane  se  détachent 


—  327  — 


quelques  tractus  épaissis  qui  la  réunissent  à  la  pie-mère  et  englobent 
souvent  les  vaisseaux  qui  présentent  des  altérations  que  nous  décrirons 
plus  loin. 

La  pie-mère,  dans  toute  l'étendue  de  la  région  dorsale,  est  légèrement 
épaissie,  mais  cet  épaississement  est  dû  surtout  au  développement  de 
nombreuses  cellules  embryoïmaires  entre  les  lames  fibreuses  de  la 
membrane.  Cette  augmentation  d'épaisseur,  peu  marquée  et  inappré- 
ciable à  l'œil  nu,  ne  prend  une  véritable  importance  qu'en  un  point,  au 
niveau  des  cinquième  et  sixième  racines  dorsales,  à  l'origine  du  sillon 
médian  antérieur.  Au  niveau  de  la  cinquième  racine  dorsale,  la  mem- 
brane se  confond  d'ailleurs  avec  la  dure-mère  en  un  petit  espace  et  la 
substance  médullaire  sous-jacente  est  remplacée  par  un  tissu  scléreux 
fibreux  et  embryonnaire  très  dense  (v.  fig.  15). 

Les  travées  fibreuses  qui  constituent  la  chai'pente  de  la  pie-mère  ne 
sont  pas  notablement  augmentéés,  mais  les  différents  plans  sont  comme 
dissociés  par  l'infiltration  embryonnaire  qui  s'insinue  dans  les  fentes 
du  tissu. 

L'envahissement  est  à  peu  près  général,  mais  il  est  prédominant  dans 
la  région  dorsale  et  surtout  localisé  au  pourtour  des  vaisseaux. 

La  pie-mère  n'adhère  que  faiblement  au  tissu  médullaire  sous-jacent, 
elle  en  est  même  le  plus  souvent  détachée.  Le  tissu  de  la  moelle,  qui  s'est 
plus  ou  moins  retracté  sous  l'influence  du  liquide  durcissant,  s'est  séparé 
de  l'enveloppe  méningée  qui  devenue  trop  lâche  s'est  plissée  en  plu- 
sieurs points. 

En  un  endroit  seulement,  la  pie-mère  fait  corps  avec  le  tissu  de  la 
moelle.c'est  au  point  précisément  oîi  elle  est  unie  à  la  dure-mère.  Partout 
ailleurs,  l'inflammation  de  la  pie-mère  n'envahit  pas  la  moelle,  on  trouve 
seulement  une  infiltration  des  tractus  pie-mériens  qui  pénètrent  dans  la 
moelle  lorsque  ces  tractus  correspondent  à  la  section  d'un  vaisseau. 

Vaisseaux.  —  Le  système  des  vaisseaux  spinaux  antérieurs  est  pro- 
fondément atteint  dans  toute  la  hauteur  de  la  région  dorsale.  L'artère 
présente  une  périartérite  manifeste  accompagnée  d'une  endartérite 
dont  l'intensité  augmente  progressivement  depuis  la  première  racine 
dorsale  jusqu'à  la  cinquième  et  à  la  sixième  oîi  elle  atteint  son  maximum 
pour  diminuer  un  peu  au-dessous  et  reprendre  vers  la  dixième  et  la 
onzième  racines  dorsales.  La  tunique  musculaire  au  contraire  reste  à 
peu  près  intacte,  elle  forme  sur  les  coupes  une  bande  régulière  semée 
de  noyaux  musculaires  parallèles  et  bien  ordonnés, 

Au  niveau  des  cinquième  et  sixième  racines  dorsales,  l'épaississement 
va  jusqu'à  l'oblitération.  Dans  cette  région  qui  correspond  au  plus  fort 
épaississement  de  la  pie-mère,  l'artère  spinale  et  ses  branches  collaté- 
rales sont  englobées  dans  le  tissu  fibreux.  La  périphérie  du  vaisseau  est 
envahie  par  une  infiltration  cellulaire  exubérante,  en  sorte  que  la  mem- 
brane adventice  fait  corps  avec  le  tissu  environnant  (pl.  III,  fig.  2  et  3). 


—  328  — 


La  couche  musculaire  peu  modifiée  est  seulement  un  peu  déformée 
et  n'est  pas  envahie  par  l'infiltration, 

La  membrane  élastique  est  distendue,  déplissée  et  même  souvent 
indistincte  sur  une  partie  de  son  contour. 

Quant  à  Vendartère,  il  forme  une  couche  épaisse  composée  de  strates 
de  cellules  plates  dont  les  noyaux  se  placent  d'ordinaire  concentrique- 
ment;  au  voisinage  de  la  partie  centrale  du  vaisseau  totalement  ou 
presque  complètement  oblitéré,  les  noyaux  sont  plus  nombreux  et  se 
disposent  plus  irrégulièrement.  S'il  existe  encore  au  centre  une  lumière 
à  contour  irrégulier,  les  cellules  endothéliales  multipliées  s'entassent 
et  se  placent  perpendiculairement  à  la  paroi,  pénétrant  plus  ou  moins 
dans  l'intérieur  de  la  lumière  du  vaisseau  et  se  mêlant  aux  quelques 
globules  rouges  qui  y  sont  contenus. 

Les  veines  voisines  sont  complètement  obturées,  le  tissu  qui  les 
forme  est  plus  trouble,  plus  homogène  et  moins  riche  en  cellules  que 
celui  des  parois  artérielles.  Toutefois,  à  la  périphérie  de  la  veine, 
l'abondance  cellulaire  reprend  et  devient  le  point  de  départ  d'une  infil- 
tration qui  irradie  dans  les  mailles  du  tissu  environnant. 

Les  vaisseaux  du  système  spinal  postéro-latéralet  du  groupe  postérieur 
présentent  les  mêmes  modifications  :  péri-endartérite  et  phlébite  obli- 
térante. 

Tous  les  vaisseaux,  d'ailleurs,  compris  dans  l'épaisseur  de  la  pie-mère 
ou  accolés  à  cette  membrane,  sont  envahis  par  l'infiltration  embryon- 
naire, mais  les  vaisseaux  isolés  qui  circulent  dans  l'espace  sous-arach- 
noïdien  sont  atteints  d'altérations  aussi  prononcées.  En  particulier,  les 
artères  et  les  veines  qui  accompagnent  les  racines  offrent  des  modifi- 
cations très  accentuées,  sans  que  d'ailleurs  leurs  parois  soient  englobées 
par  un  tissu  voisin.  Dans  ces  conditions,  l'artère  présente  une  péri- 
endartérite  dont  nous  connaissons  les  caractères  et  la  veine  est  généra- 
lement plus  atteinte  que  l'artère.  Mais  le  contour  extérieur  de  la  tunique 
adventice  de  ces  vaisseaux  est  nettement  limité  et  libre  d'adhérences 
pathologiques. 

Tissu  médullaire.  —  Les  altérations  du  tissu  médullaire  sont  extrê- 
mement polymorphes.  Elles  sont  excessivement  prononcées  dans  toute 
la  hauteur  du  segment  dorsal  et  atteignent  leur  maximum  d'intensité 
dans  les  deux  foyers  que  nous  avons  signalés. 

Éléments  nobles  du  parenchyme  nerveux.  —  Les  tubes  nerveux  de 
la  substance  blanche  sont  extrêmement  altérés  ou,  pour  mieux  dire,  ils 
sont  complètement  détruits  dans  les  parties  dégénérées  de  la  moelle,  et 
ne  sont  plus  représentés  que  par  les  produits  ultimes  de  leur  désinté- 
gration. Toutefois,  au  pourtour  de  la  substance  grise,  on  retrouve  une 
zone  où  les  tubes  nerveux  ont  conservé  à  peu  près  leur  structure  nor- 
male. Il  existe  cependant  quelques  gaines  dilatées  et  privées  de  myéline 
avec  un  cylindre-axe  mis  à  nu  et  souvent  pelotonné  ;  d'autres  tubes  sont 
remplis  par  un  cylindre-axe  hypertrophié. 


—  329  — 


A  mesure  qu'on  s'éloigne  de  la  substance  grise,  les  tubes  nerveux 
deviennent  plus  rares  et  sont  remplacés  par  des  éléments  de  désinlé- 
gration  et  par  du  tissu  scléreux  névroglique. 

Dans  la  substance  grise,  les  cellules  nerveuses  sont  très  altérées, 
mais  leur  destruction  n'est  à  peu  près  totale  qu'au  niveau  des  deux 
foyers  signalés.  Dans  les  autres  régions,  ces  cellules  sont  granuleuses^ 
triangulaires  ou  arrondies,  en  tous  cas  la  plupart  du  temps  dépouillées 
de  leurs  prolongements  et  souvent  réduites  à  un  petit  moignon  homo- 
gène fortement  coloré. 

Tissu  interstitiel.  —  Le  tissu  névroglique  est  extrêmement  liyper- 
plasié.  Pour  obtenir  des  préparations  nettes,  les  coupes  faites  dans  des 
segments  de  moelle  durcis  à  la  gomme  ont  été  traitées  par  l'acide  acétique 
ou  la  potasse,  puis  par  l'alcool  et  l'éther,  et  débarrassées  ainsi  de  tous  les 
éléments  granulo-graisseux  de  nécrobiose.  Dans  ces  conditions,  le  tissu 
des  coupes  laites  au  niveau  des  régions  les  plus  altérées  apparaît  comme 
constitué  par  un  réseau  névroglique  pour  ainsi  dire  pur  (pl.  III,  fig.  1). 

Dans  la  substance  grise,  ce  réseau  forme  une  trame  délicate  dont  les 
mailles  sont  plus  ou  moins  serrées  suivant  les  régions.  Au  voisinage  du 
canal  central,  la  névroglie  peu  modifiée  est  dense,  au  contraire  dans  le 
centre  des  cornes,  surtout  des  cornes  antérieures,  elle  forme  une  sorte 
de  dentelle  très  fine  et  souvent  effondrée,  en  sorte  qu'il  y  a  une  véritable 
perte  de  substance.  Les  cellules  névrogliques  sont  extrêmement  nom- 
breuses et  donnent  naissance  à  de  nombreux  prolongements  qui  irradient 
dans  tous  les  sens  et  s'enchevêtrent. 

Dans  les  cordons  blancs,  la  névroglie  présente  des  aspects  différents 
suivant  les  points  considérés  et  selon  le  sens  des  coupes.  Dans  les  cor- 
dons latéraux,  elle  forme  des  travées  rayonnées  irradiant  du- centre 
de  la  moelle  vers  la  périphérie.  De  ces  travées  partent  des  prolongements 
secondaires  qui  s'entre-croisent  et  forment  des  mailles  arrondies  conte- 
nant les  éléments  de  destruction  des  tubes. 

Dans  les  cordons  postérieurs,  l'aspect  de  la  névroglie  est  plus  varié. 
Sur  les  coupes  transversales,  les  filaments  névrogliques  forment  un 
enchevêtrement  inextricable  ou  bien  se  groupent  par  faisceaux,  en  cons- 
tituant des  sortes  de  tourbillons  de  fibres  parallèles.  En  certains  points, 
le  tissu  est  beaucoup  plus  raréfié,  ces  points  cnrrespondent  aux  foyers 
de  corps  granuleux  qui  ont  été  en  partie  dissous  ou  éclaircis  par  l'alcool 
et  les  essences;  les  mailles  sont  très  larges,  le  tissu  très  lâche,  sauf 
souvent  au  centre  du  foyer  où  il  forme  comme  un  noyau  d'où  irradient 
des  prolongements  filamenteux  qui  rejoignent  la  périphérie  du  foyer. 

Dans  toutes  les  parties  sclérosées,  les  filaments  névrogliques  s'amas- 
sent aussi  en  couches  concentriques  autour  des  vaisseaux,  mais  n'adhè- 
rent nullement  à  la  paroi  de  ces  vaisseaux  dont  ils  sont  généralement 
séparés  par  une  fente.  Sur  les  coupes  transversales,  on  trouve  de 
nombreux  petits  points  vivement  colorés  (carmin)  qui  représentent 


—  330  — 


les  filaments  névrogliques  longitudinaux  coupés  transversalement. 

La  disposition  longitudinale  des  filaments  de  névroglie  est  surtout 
manifeste  sur  les  coupes  longitudinales. 

Dans  les  cordons  postérieurs  surtout,  les  faisceaux  de  filaments  for- 
ment des  bandes  ondulées  et  parallèles  qui  composent  presque  uni- 
quement tout  le  tissu  sur  des  portions  étendues.  De  nombreuses  cellules 
araignées  et  des  noyaux  libres  sont  semés  dans  les  interstices  des  fila- 
ments névrogliques  (pl.  IV,  flg.  1). 

Tout  ce  tissu  de  sclérose  est  d'une  structure  fine  et  délicate  et  l'élément 
conjonctif  paraît  presque  étranger  à  sa  formation.  Il  n'y  a  qu'un  très 
faible  épaississement  des  gaines  conjonctives  périvasculaires  qui  accom- 
pagnent les  vaisseaux  des  travées  pie-mériennes.  Mais  au  niveau  d'un 
point  sur  lequel  nous  avons  déjà  attiré  l'attention  et  qui  correspond  à  la 
symphyse  des  méninges,  ces  méninges  soudées  et  la  partie  adjacente 
du  tissu  médullaire  forment  un  tout  constitué  par  un  tissu  scléreux  dense 
dont  les  travées  conjonctives  fibreuses  sont  beaucoup  plus  épaisses  que 
des  travées  névrogliques.  De  nombreux  vaisseaux  compris  dans  cette 
masse  cicatricielle  qui  se  prolongo  jusqu'à  la  corne  antérieure  gauche 
sont  oblitérés  et  semés  de  granulations  brunes  de  pigment  sanguin. 

Dans  les  parties  de  la  moelle  relativement  saines,  le  réseau  névro- 
glique  qui  sépare  les  tubes  sains  est  plus  développé  que  normalement, 
il  forme  un  réticulum  très  accusé  dont  les  noeuds  sont  occupés  par  de 
grandes  cellules  araignées  nombreuses  et  très  ramifiées. 

Éléments  de  désintégration.  —  Les  produits  de  destruction  des  élé- 
ments du  parenchyme  nerveux  sont  très  abondants,  ils  comblent  tous 
les  vides  laissés  entre  les  travées  du  tissu  de  sclérose. 

Ils  sont  surtout  représentés  par  des  corps  granuleux.  Ceux-ci  sont 
formés  par  un  élément  cellulaire  arrondi,  volumineux,  rempli  de  gra- 
nulations graisseuses  et  possédant  un  noyau. 

On  trouve  aussi  des  masses  considérables  de  gouttelettes  graisseuses 
agglomérées  sans  limite  exacte  qui  semblent  formées  par  la  fusion  de 
nombreux  corps  granuleux.  Pour  étudier  la  disposition  de  ces  corps 
granuleux,  nous  avons  fait  des  coupes  dans  des  fragments  congelés  de 
la  moelle  fraîche,  les  coupes  colorées  et  montées  dans  la  glycérine 
élaient  ainsi  mises  à  l'abri  de  l'action  de  l'alcool.  Dans  ces  conditions, 
on  trouvait  des  corps  granuleux  excessivement  nombreux  qui  tapis- 
saient toute  la  surface  de  coupe.  Au  niveau  des  foyers  les  plus  altérés 
ils  remplissaient  toutes  les  mailles  du  tissu  et  formaient  même  des  amas 
confluents  au  niveau  desquels  la  trame  névroglique  était  plus  lâche. 
Ce  sont  précisément  ces  amas  qui  représentent  les  taches  jaunâtres 
d'apparence  caséeuse  que  nous  avions  reconnues  sur  les  surfaces  de 
coupe  de  la  moelle  fraîche.  Dans  la  substance  grise,  les  corps  granu- 
leux sont  bien  moins  nombreux. 

Sur  les  préparations  coloréés  par  la  méthode  de  Weigert,  on  ne  voit 


—  331  - 


que  peu  de  granulations  de  myéline  libres  et  colorées  en  bleu  noirâtre  ; 
cette  substance  a  en  effet  totalement  disparu  dans  les  zones  dégéné- 
rées, au  contraire  les  corps  granuleux  isolés  et  ceux  qui  sont  réunis  en 
foyers  forment  des  taches  d'un  bleu  grisâtre  et  sale. 

Il  faut  noter  encore  la  présence  de  nombreuses  cellules  granuleuses 
mais  non  graisseuses  et  d'éléments  nucléés  en  voie  de  division,  enfin 
de  granulations  de  pigment  sanguin.  On  voit  qu'il  n'existe  plus  trace 
de  tubes  nerveux,  il  ne  nous  a  pas  été  possible  de  trouver  de  produits 
reconnaissables  de  provenance  cylindre-axile.  Il  existe  d'ailleurs  toute 
ime  partie  du  tissu  qui  est  indéfinissable  et  qui  est  représentée  par  une 
substance  granuleuse  répandue  entre  tous  les  éléments  figurés  que  nous 
avons  décrits.  Cette  substance  homogène  est  surtout  répandue  dans  la 
substance  grise  dont  le  tissu  moins  chargé  de  produits  graisseux  est 
moins  compact  et  laisse  mieux  percevoir  la  charpente  névroglique. 

Vaisseaux.  —  Nous  avons  vu  jusqu'à  quel  point  était  poussée  l'alté- 
ration des  vaisseaux  phériphériques  de  la  moelle.  Ceux  qui  sont 
contenus  dans  la  moelle  même  sont  aussi  atteints  et  présentent  plusieurs 
particularités  intéressantes. 

Dans  toute  l'étendue  du  segment  dorsal  aussi  bien  dans  les  parties 
les  plus  atteintes  que  dans  celles  qui  sont  relativement  saines,  tous 
les  vaisseaux  ont  des  parois  énormes  hyalines  et  beaucoup  sont  complé- 
ment oblitérés  (pl.  III,  fig.  1). 

La  paroi  vasculaire  ainsi  épaissie  est  généralement  hyaline  surtout 
dans  sa  partie  moyenne;  les  parties  périphériques  et  centrales  sont 
ordinairement  parcourues  par  des  stries  ondulées  et  parallèles.  Dans 
l'épaisseur  de  cette  couche  hyaline  on  trouve  souvent  un  débris  de 
membrane  élastique  ondulée;  les  noyaux  y  sont  rares,  d'aspects  variés, 
souvent  fusiformes,  on  trouve  aussi  de  petits  vaisseaux  néoformés  rem- 
plis de  sang. 

Au  voisinage  de  la  lumière  du  vaisseau,  quand  elle  persiste,  les 
noyaux  se  multiplient  ;  les  cellules  endothéliales  sont  d'apparence  nor- 
male ou  sont  hyperplasiées  et  pénètrent  plus  ou  moins  dans  l'intérieur 
de  la  lumière  déformée.  Les  portions  périphériques  du  vaisseau  sont  très 
chargées  de  cellules  embryonnaires  qui  forment  une  couche  considé- 
rable. Au  milieu  de  cette  masse  de  noyaux  on  trouve  de  nombreux  gros 
capillaires  qui  représentent  les  vasa-vasorum  dilatés  de  l'adventice.  On 
voit  ainsi  au  pourtour  des  vaisseaux  oblitérés  une  couronne  de  cellules 
embryonnaires  parcourue  par  un  lacis  important  de  capillaires  jouant 
sans  doute  un  rôle  important  dans  la  suppléance  du  vaisseau  obturé 
(pl.  III,  fig.  4). 

Beaucoup  de  vaisseaux  sont  complètement  oblitérés  et  forment  des 
blocs  d'apparence  hyaline,  homogène,  dont  les  parties  périphériques 
sont  cependant  striées  par  des  fibres  ondulées, concentriques.  Ces  vais- 
seaux semblent  avoir  été  comblés  par  un  rétrécissement  progressif  de 


—  332  — 


la  lumière.  D'autres  vaisseaux  paraissent  oblitérés  par  un  autre  pro- 
cessus. En  effet,  on  trouve  souvent  dans  la  lumière  un  bloc  hyalin  dont 
le  contour  est  séparé  par  une  fente  de  la  paroi  vasculaire.  Ce  bloc 
hyalin  contient  cependant  des  noyaux  fusiformes,  souvent  un  frag- 
ment de  membrane  élastique  et  est  parfois  creusé  de  vaisseaux  néo- 
formés  (pl.  IV,  fig.  1). 

De  nombreux  bouchons  intravasculaires  ont  ainsi  subi  la  dégénéres- 
cence hyaline,  mais  certains  caillots  ont  conservé  leur  apparence  fibrino- 
globulaire  et  leucocytique.  En  somme,  il  est  à  remarquer  que  les  capil- 
laires néoformés  sont  très  nombreux  et  siègent  dans  toutes  les  parties 
du  vaisseau  :  caillot  central,  paroi  hyaline  et  surtout  tunique  adventice 
infiltrée  (pl.  IV,  fig.  2). 

Les  vaisseaux,  très  nombreux  et  très  volumineux,  sont  situés  tantôt 
en  plein  tissu  névroglique  dense,  tantôt  dans  un  foyer  de  corps  granu- 
leux ou  bien  même  dans  des  parties  relativement  saines.  Ils  présen- 
tent ceci  de  particulier  que  le  processus  dont  ils  sont  atteints  n'a  aucun 
lien  avec  l'altération  du  tissu  environnant.  En  effet,  la  zone  embryon- 
naire péri-vasculaire  forme  un  nodule  circonscrit,  bien  différent  comme 
structure  du  tissu  névroglique  voisin  dont  il  est  d'ailleurs  souvent 
séparé  par  une  fente  (pl.  III,  fig.  1). 

En  dehors  de  ces  vaisseaux  volumineux  et  à  parois  hyalines,  toute 
la  surface  de  coupe  est  semée  de  nombreux  capillaires  dont  les  parois 
sont  totalement  infiltrées  et  la  lumière  souvent  même  comblée  par  les 
cellules  lymphoïdes.  Tous  ces  petits  vaisseaux  sont  le  centre  de  petits 
nodules  embryonnaires  qui  restent  généralement  circonscrits,  mais  sont 
souvent  assez  denses  pour  que  la  présence  du  vaisseau  central  soit  fort 
difficile  à  reconnaître. 

Racines.  —  Dans  toute  la  hauteur  du  segment  dorsal  les  racines  sont 
assez  altérées.  Partout  on  trouve  une  infiltration  embryonnaire  du  péri- 
nèvre  sans  grand  épaississement  toutefois.  Le  tissu  interstitiel  inter- 
fasciculaire  est  aussi  très  riche  en  noyaux  et  cette  infiltration  nucléaire 
atteint  son  maximum  à  la  périphérie  des  vaisseaux.  Ceux-ci  présentent 
des  modifications  identiques  à  celles  que  nous  avons  décrites.  On  trouve 
souvent  au  niveau  de  l'émergence  des  racines  (particulièrement  des 
racines  postérieures)  des  groupes  de  vaisseaux  énormes  dont  les  uns 
sont  très  dilatés,  les  autres  presque  oblitérés.  Ces  vaisseaux  se  touchent 
presque,  ils  sont  contenus  dans  les  faisceaux  radiculaires  dont  ils  refou- 
lent les  fibres.  La  destruction  des  tubes  nerveux  se  présente  avec  ses 
caractères  ordinaires,  elle  est  à  peu  près  également  répartie  dans  les 
racines  antérieures  et  postérieures,  mais  elle  n'est  pas  en  proportion 
avec  l'altération  profonde  de  la  moelle.  En  effet,  la  disparition  des  fibres 
nerveuses  dans  les  racines  n'est  réellement  marquée  qu'à  la  hauteur  des 
deux  foyers  médullaires  dans  lesquels  les  lésions  senties  plus  accentuées. 
Dans  les  parties  intermédiaires,  sur  les  préparations  colorées  par  les 


—  333  — 


méthodes  de  Pal  et  de  Weigert,  les  chaiiips  des  racines  sont  fort  bien 
colorés  et  comme  sur  ces  coupes  l'infiltration  embryonnaire  n'est  pas 
décélée,  ces  faisceaux  radiculaires  (à  part  les  lésions  vasculaires)  parais- 
sent normaux. 

RÉGION  LOMBAIRE.  —  A  partir  des  premières  racines  lombaires,  l'alté- 
ration des  méninges,  des  vaisseaux  et  de  la  moelle  diminue  d'intensité. 

Méninges  et  vaisseaux.  —  L'arachnoïde  et  surtout  la  pie-mère  pré- 
sentent une  infiltration  modérée  et  surtout  périvasculaire,  infiltration 
qui  diminue  peu  à  peu  vers  la  terminaison  de  la  moelle.  Les  altérations 
des  vaisseaux  de  la  pie-mère  et  des  vaisseaux  contenus  dans  l'espace 
sous-arachnoïdien  sont  encore  importantes. 

L'artère  spinale  antérieure  est  atteinte  d'une  périartérite  distribuée 
régulièrement  qui  se  propage  jusqu'à  la  terminaison  inférieure  du  vais- 
seau. L'endartère  présente  sur  certaines  coupes  un  épaississement 
tantôt  régulier  et  continu,  tantôt  limité  à  certains  points  du  contour 
interne  du  vaisseau,  mais  toujours  modéré.  La  lumière  est  d'ailleurs 
largement  perméable  et  remplie  de  sang.  Les  veines  correspondantes 
sont  plus  atteintes  mais  restent  béantes,  à  part  quelques  petites  veines 
oblitérées  qui  s'enfoncent  dans  le  sillon  médian  antérieur. 

Les  vaisseaux  des  parties  postérieure  et  postéro-latérales  sont  plus 
altérés.  Beaucoup  de  veines  sont  réduites  à  un  cordon  plein,  homogène 
et  vitreux  entouré  d'une  couronne  embryonnaire.  Enfin,  les  plus  petits 
vaisseaux  compris  entre  les  plans  fibreux  de  la  méninge  sont  épaissis, 
entourés  d'une  couche  de  noyaux  et  assez  fréquemment  oblitérés. 

Les  prolongements  intra-médullaires  de  la  pie-mère  ne  sont  pas  épais- 
sis, ils  ne  présentent  d'infiltration  que  sur  le  trajet  des  vaisseaux. 

Tissu  médullaire.  —  Déjà  dans  la  région  de  transition  dorso-lombaire, 
les  taches  de  dégénération  encore  diffuses  et  surtout  périphériques  ten- 
dent à  se  limiter  au  faisceau  pyramidal  croisé  et  à  l'angle  antéro-interne 
du  cordon  antérieur. 

A  la  hauteur  de  la  douzième  racine  dorsale,  on  note  encore  quelques 
foyers  confluents  de  corps  granuleux  dans  le  cordon  postérieur.  Plus 
bas,  la  dégénérescence  secondaire  du  cordon  latéral  se  limite  de  plus  en 
plus  et  se  comporte  comme  d'ordinaire.  La  petite  tache  marginale  du 
cordon  antérieur  disparaît  à  la  hauteur  de  la  première  racine  sacrée. 

Dans  les  parties  sclérosées,  on  note  une  disparition  presque  complète 
des  tubes  nerveux,  du  moins  dans  le  triangle  latéral,  la  névroglie  est 
hyperplasiée  et  fibrillaire,  les  corps  granuleux  peu  abondants. 

Les  autres  parties  de  la  moelle  sont  saines,  les  cellules  araignées 
sont  cependant  plus  évidentes  et  plus  nombreuses  que  dans  une  moelle 
normale. 

Les  éléments  de  la  substance  grise  reprennent  leurs  caractères  nor- 
maux à  partir  de  la  deuxième  racine  lombaire.  Au  niveau  de  la  douzième 


—  334  — 


racine  dorsale,  la  plupart  des  cellules  étaient  encore  altérées  tant  dans  la 
corne  antérieure  que  dans  la  colonne  de  Clarke  et  le  réseau  nerveux 
très  appauvri,  mais  dans  la  région  lombaire,  la  substance  grise  est  par- 
faitement constituée. 

Les  vaisseaux  intra-médullaires  sont  encore  assez  modifiés,  ils  sont 
modérément  épaissis  et  fibreux,  et  plus  apparents  que  d'ordinaire. 

Dans  la  région  lombaire  supérieure  on  voit  un  assez  grand  nombre 
de  vaisseaux  très  dilatés  à  parois  très  épaisses  surtout  dans  les  confins 
de  la  substance  grise. 

Les  racines  reprennent  leurs  caractères  normaux,  les  tubes  nerveux 
sont  sains,  la  pie-mère  est  à  peine  infiltrée,  les  altérations  des  vaisseaux 
sont  encore  très  manifestes. 

En  résumé,  les  altérations  consistent  en  une  inflammation  des  mé- 
ninges qui  semble  avoir  eu  pourpoint  de  départ  le  système  vasculaire 
ou  plutôt  péri-vasculaire.  Le  tissu  même  de  la  membrane  n'est  pas 
notablement  hyperplasié  d'une  façon  générale  ;  les  travées  fibreuses 
sont  seulement  séparées  par  l'infiltration  embryonnaire  irradiée  des 
parties  péri-vasculaires.  Les  prolongements  intra-méningés  delà  pie- 
mère  ne  sont  pas  non  plus  élargis,  on  ne  trouve  pas  d'envahissement 
de  la  moelle  par  le  tissu  inflammatoire  de  l'enveloppe  méningée, 
sauf  peut-être  en  un  point  à  la  hauteur  de  la  cinquième  racine  dorsale. 
Cette  membrane  est  peu  adhérente  au  tissu  de  sclérose  médullaire,  sauf 
au  niveau  du  point  que  nous  venons  d'indiquer. 

Les  altérations  des  vaisseaux  tant  méningés  que  médullaires  sont 
énormes  et  prépondérantes  ;  elles  sont  surtout  prononcées  à  la  hau- 
teur des  deux  foyers  de  nécrose  médullaire  très  accentuée. 

Le  tissu  médullaire  présente  des  lésions  qui  se  rapportent  à  deux 
processus.  D'une  part  les  altérations  nécrobiotiques  des  éléments 
nerveux  et  d'autre  part  une  inflammation  du  tissu  interstitiel  propre 
à  la  moelle,  c'est-à-dire  la  névroglie. 

On  peut  comprendre  le  rapport  qui  unit  l'évolution  de  ces  deux 
processus  de  la  façon  suivante. 

Les  troubles  circulatoires  produits  par  les  altérations  vasculaires 
et  celles  de  toute  la  membrane  nourricière  de  la  moelle  ont  déterminé 
la  nécrose  des  éléments  nerveux.  A  la  suite  du  ramollissement  isché- 
mique  de  ces  éléments,  le  tissu  névroglique  est  entré  en  activité,  il  a 
proliféré  et  s'est  substitué  peu  à  peu  aux  éléments  de  désintégration. 
En  certains  points,  cette  substitution  est  complète  et  la  névroglie 


—  335  — 


forme  un  tissu  de  cicatrice  compact.  En  d'autres  points,  les  éléments 
de  désintégration  sont  encore  présents  et  forment  souvent  des  masses 
considérables,  témoin  par  exemple  les  gros  foyers  de  corps  granuleux 
que  nous  avons  signalés. 

La  vitalité  du  tissu  névroglique  est  entretenue  par  le  développement 
de  la  circulation  collatérale  redevenue  suffisante;  cette  reprise  de 
la  circulation  se  manifeste  par  la  production  de  nombreux  capil- 
laires néoformés  dans  les  caillots  intra-vasculaires  et  par  le  dévelop- 
pement compensateur  des  vasa-vasorum. 

La  sclérose  de  la  moelle  ne  résulte  pas,  ainsi  que  nous  l'avons  dé- 
montré, d'un  envahissement  embryonnaire  parti  de  la  méninge.  Elle 
n'est  pas  non  plus  une  conséquence  d'une  extension  de  Tinflammation 
péri-vasculaire,  car  nous  avons  fait  remarquer  combien  les  éléments 
voisins  des  vaisseaux  restaient  indifférents  à  l'état  de  ces  vaisseaux. 

Les  altérations  des  vaisseaux  n'ont  de  conséquences  que  dans  les 
territoires  qu'ils  irriguent,  c'est  pourquoi  l'on  peut  voir  des  parties 
saines  traversées  par  degrés  vaisseaux  trèsaltérés,  car  les  capillaires 
propres  à  ces  régions  peuvent  être  tributaires  de  vaisseaux  éloignés 
relativement  sains. 

L'altération  de  la  moelle  dans  le  cas  qui  nous  occupe  est  déjà  an- 
cienne, car  le  processus  de  nécrose  est  extrêmement  accentué,  mais 
celui-ci  est  encore  en  pleine  activité,  car  les  éléments  de  nécrobiose 
sont  encore  pour  la  plupart  sur  place.  Le  travail  de  substitution  delà 
névroglie  est  en  plein  développement,  et  il  n'a  atteint  la  formation 
d'un  tissu  de  cicatrice  que  sur  un  petit  nombre  de  points. 

L'évolution  de  la  nécrose  anémique  médullaire  s'est  faite  progres- 
sivement, toutefois  le  processus  a  pu  présenter  des  poussées  corres- 
pondant au  ramollissement  de  territoires  étendus  et  se  traduisant  en 
clinique  par  une  aggravation  brusque  des  symptômes,  aggravation 
qui  s'est  manifestée  par  les  deux  attaques  subites  de  paraplégie  que 
nous  avons  notées  dans  l'histoire  pathologique  de  notre  malade. 

Cas  no  IV.  —  Observation  111  (personnelle).  —  Ce  sujet  a  été  observé 
à  rhospice  de  Bicêtre  pendant  cinq  ans  par  M.  Dejerine. 

Résumé  clinique.  —  Homme.  Chancre  induré  à  51  ans  (mai  1819). 
Accidents  secondaires.  Traitement  mercuriel.  Onze  mois  après 
l'affection  (avril  1880),  symptômes  prodromiques  d'une  affection 


—  336  — 


spinale.  En  juillet  1880,  attaque  légère  de  paraplégie  suivie  d'aggra- 
vation rapide  des  symptômes.  —  1881,  amélioration,  puis  état  sta- 
tionnaire  dans  les  années  suivantes.  Paraplégie  spasmodique, 
prédominance  à  droite,  douleurs  légères,  sensibilité  objective 
presque  normale,  trouble  des  sphincters.  Le  malade  n'est  pas  confiné 
au  lit.  —  Mai  1890.  Pleurésie,  affaiblissement  général,  urines  amyno- 
niacales,  décubitus;  mort  le  5  août  1890. 
Autopsie.  —  Pleurésie,  symphyse  cardiaque,  tuberculose  crétacée  au 
sommet  des  poumons.  Cerveau  sain.  Canal  rachidien  et  dure-mère 
normaux.  Induration  et  sclérose  de  la  région  dorsale  supérieure  de 
la  moelle. 

Examen  microscopique.  —  Sclérose  diffuse  de  la  moelle  dans  la 
région  dorsale  supérieure.  Altérations  de  la  substance  grise.  Dégé- 
nérescence secondaire  ascendante  des  cordons  de  Goll  et  des  fais- 
ceaux cérébelleux  directs,  descendante  des  cordons  pyramidaux 
croisés.  Pie-mère  très  légèrement  épaissie  au  niveau  du  foyer  pri- 
mitif. Altérations  vasculaires  très  prononcées  dans  la  pie-mère  et 
dans  la  moelle. 

Diagnostic  anatomique.  —  Lésions  vasculaires  syphilitiques  primi- 
tives, nécrose  ischémique  de  la  moelle,  sclérose  locale  consécutive. 
Dégénérescence  secondaire  ascendante  et  descendante. 

Histoire  clinique.  —  Louis  H...,  employé  de  commerce. 
Antécédents  héréditaires.  —  Père  mort  à  68  ans  d'une  attaque  d'apo- 
plexie. 

Mère  morte  subitement  à  67  ans. 

Sur  six  enfants,  trois  sont  morts  jeunes,  un  quatrième  a  succombé  à 
l'âge  adulte. 

Anlécédenls  personnels.  —  Pas  de  fièvres  éruptives  dans  l'enfance, 
mais  constitution  assez  délicate. 

A  18  ans,  santé  chancelante,  le  malade  fut  considéré  comme  tubercu- 
leux, il  toussait  fréquemment,  avait  des  sueurs  nocturnes  mais  pas 
d'hémoptysies.  Ce  n'est  qu'au  bout  de  deux  ou  trois  ans  qu'il  récupéra 
ses  forces.  Il  exerce  alors  un  métier  fatigant,  portant  des  sacs  de  grains, 
se  nourrissant  mal.  A  24  ans,  blennorrhagie  compliquée  de  cystite  du 
col  qui  dure  deux  à  trois  mois. 

Se  marie  à  27  ans  et  a  six  enfants  dont  quatre  sont  morts  en  bas  âge. 
Il  a  perdu  un  fils  de  22  ans  par  la  fièvre  typhoïde,  en  1883  ;  il  lui  reste 
actuellement  (1884)  une  fille  de  18  ans,  bien  portante. 

Depuis  l'époque  de  son  mariage  jusqu'en  1879,  l'histoire  du  sujet  ne 
présente  rien  de  particulier. 

Mai  1879.  Le  malade,  alors  âgé  de  51  ans,  prend  un  chancre  induré  qui 
dura  un  mois  environ  et  fut  suivi  de  taches  sur  la  poitrine,  les  bras  et 
les  cuisses,  de  maux  de  gorge,  de  croûtes  dans  les  cheveux,  accidents 


—  337  — 


pour  lesquels  le  malade  se  présenta  à  la  consultation  de  l'hôpital  du 
Midi.  Il  suivit  alors  un  traitement  mercuriel  dont  la  durée  n'a  pas  été 
notée. 

Maladie  nctuelle.  Commémoratifs.  —  Vers  le  mois  d'avril  1880,  onze 
mois  après  le  chancre,  H...  ressentit  des  douleurs  sourdes,  indéfinis- 
sables, dans  la  fesse  droite,  puis  dans  la  fesse  gauche,  et  bientôt  il 
éprouva  de  la  faiblesse  dans  les  reins  avec  une  sensation  pénible  lors- 
qu'il se  baissait.  De  plus,  ses  jambes  étaient  un  peu  lourdes,  embarras- 
sées et,  lorsqu'il  se  levait  après  un  instant  de  repos,  il  les  sentait  faibles. 
Il  éprouva  également  à  cette  époque  une  céphalalgie  surtout  nocturne 
qui  dura  un  mois  environ.  Quelques  semaines  après  le  début  de  ces 
accidents,  il  eut  une  brusque  rétention  d'urine,  avec  impossibilité  absolue 
de  vider  sa  vessie  malgré  les  plus  grands  efforts  ;  ce  ne  fut  que  lorsque 
la  vessie  se  trouva  complètement  distendue  qu'il  urina  goutte  à  goutte, 
par  regorgement.  Il  alla  alors  à  la  clinique  de  M.  Guyon  où  on  le  sonda, 
et  depuis  ce  jour  il  dut  fréquemment  avoir  recours  au  cathétérisme. 
Les  troubles  de  la  vessie  continuèrent  pendant  quelque  temps  à  occu- 
per le  premier  rang;  le  malade  éprouvait  de  fréquents  besoins  d'uriner, 
et  tantôt  il  lui  était  impossible  de  retenir  ses  urines,  tantôt,  lorsqu'il 
voulait  satisfaire  ce  besoin,  la  miction  ne  s'accomplissait  pas,  et  plu- 
sieurs minutes  après,  une  nouvelle  envie  se  présentant,  les  urines 
s'échappaient  malgré  lui. 

Vers  le  mois  de  juillet  ou  août  1880,  le  malade,  qui  marchait  encore 
très  bien  malgré  un  certain  engourdissement  dans  les  jambes,  voulant 
un  jour  courir  après  l'omnibus,  sent  ses  jambes  faiblir  tout  à  coup,  il 
est  forcé  de  s'asseoir,  puis  peut  rentrer  chez  lui. 

A  la  suite  de  cet  accident,  les  phénomènes  paralytiques  s'accentuent 
rapidement  dans  les  jambes  en  même  temps  que  la  raideur  et  vers  la 
fin  de  l'année,  le  malade  est  obligé  de  cesser  tout  travail.  A  cette 
époque  les  jambes  étaient  raides,  le  malade  ne  pouvait  marcher  qu'avec 
des  cannes,  en  traînant  les  pieds  sur  le  sol,  surtout  le  bout  du  pied 
droit. 

Dès  le  début  des  accidents  spinaux,  le  malade  avait  suivi  un  traite- 
ment spécifique,  assez  irrégulièrement. 

Dans  le  cours  de  l'année  1881,  il  se  produisit  une  légère  amélioration, 
mais  depuis  cette  époque,  l'état  est  resté  absolument  stationnaire,  au 
dire  du  malade. 

Du  4  septembre  au  16  octobre  1883,  le  malade  fait  un  séjour  à  l'hô- 
pital Cochin,  où  on  lui  donne  de  l'iodure  de  potassium 

Il  retourne  à  Cochin,  ofi  il  reste  du  4  décembre  1883  au 25  février  1884. 

Au  mois  de  mars  1884,  il  entre  à  l'hospice  de  la  Salpêtrière,  dans  la 
cHnique  du  professeur  Charcot;  il  est  alors  examiné  par  M.  Huet  qui  a 
eu  l'obligeance  de  nous  communiquer  la  note  suivante. 

Etat  actuel,  mars  1884.  —  Le  malade  peut  a  la  rigueur  marcher  sans 
S.  22 


—  3;^8  — 


cannes,  mais  s'il  veut  fournir  une  certaine  course,  il  se  sert  de  deux 
bâtons.  11  marche  en  traînant  sur  le  sol  la  pointe  des  pieds,  surtout  à 
droite. 

Les  réflexes  rotuliens  sont  très  exagérés  et  le  phénomène  du  pied 
très  net  des  deux  côtés  ;  la  trépidation  se  produit  d'ailleurs  spontané- 
ment lorsque  le  malade  descend  de  son  lit.  Réflexe  plantaire  aff'aibli  à 
droite.  Réflexes  crémastériens  abolis. 

Sensibilité  objective  normale.  Le  malade  se  plaint  de  douleurs 
faibles,  c'est  plutôt  un  sentiment  de  chaleur  désagréable  dans  les  pieds 
et  les  jambes.  Cette  impression  s'exagère  parfois  et  le  malade  la  com- 
pare à  celle  qui  résulterait  d'un  bain  de  pieds  sinapisé. 

Les  muscles  extenseurs  de  la  jambe  ont  conservé  leur  force  et 
résistent  bien,  les  fléchisseurs  sont  un  peu  affaiblis,  surtout  à  droite. 
Les  extenseurs  et  fléchisseurs  du  pied  sont  également  peu  vigoureux.  , 

Le  malade  éprouve  do  fréquentes  envies  d'uriner,  non  seulement  le 
jour,  mais  aussi  la  nuit,  il  est  réveillé  quatre  à  cinq  fois  par  ce  besoin, 
Il  lui  est  arrivé  plusieurs  fois  d'uriner  dans  son  lit  ou  dans  ses  vête- 
ments. Constipation  habituelle. 

Il  n'existe  aucun  phénomène  morbide  appréciable  ni  dans  les  membres 
supérieurs  ni  à  la  face.  L'examen  des  yeux  n'indique  ni  amblyopie  ni 
troubles  dans  le  fonctionnement  des  muscles  ;  le  fond  de  l'œil  et  les 
réflexes  iriens  sont  normaux. 

Le  malade  présente  sur  l'abdomen  quelques  syphilides  papuleuses 
qui  se  sont  développées  il  y  a  une  vingtaine  de  jours. 

Le  traitement  antisyphilitique  est  institué  (frictions  mercurielles. 
iodure  de  potassium  intus). 

Le  16  avril,  les  frictions  sont  interrompues,  mais  l'administration  de 
l'iodure  est  continuée  par  la  suite.  Pointes  de  feu  sur  la  région  rachi- 
dienne. 

En  mars  1885,  le  malade  entre  l'hospice  de  Bicètre,  dans  le  service 
de  M.  Dejerine.  Il  a  été,  depuis  cette  époque,  examiné  plusieurs  fois, 
et  nous  trouvons  dans  les  notes  les  renseignements  suivants  : 

État  actuel,  mars  1885.  —  Parésie  des  membres  inférieurs  un  peu 
plus  marquée  à  droite,  marche  possible  sans  cannes,  démarche  spasmo- 
dique.  Au  lit,  le  malade  lève  bien  les  jambes,  peut  les  croiser,  mais  avec 
lenteur. 

Réflexes  rotuliens  exagérés,  phénomène  du  pied.  Pas  de  troubles 
marqués  de  la  sensibilité,  cependant  la  sensibilité  au  contact  et  à  la 
douleur  est  un  peu  diminuée  dans  les  membres  inférieurs.  Le  malade 
aurait,  à  son  dire,  éprouvé  un  peu  d'hyperesthésie  autrefois.  Actuelle- 
ment, il  a  quelques  crampes.  Pas  de  troubles  tropliiques,  ni  vaso- 
moteurs  appréciables.  Pas  de  rétention  d'urine,  mais  besoins  fréquents 
et  impérieux  d'uriner.  L'incontinence  passagère  se  manifeste  quelque- 
fois à  l'occasion  d'un  faux  pas,  d'un  eff'ort,  d'une  secousse  de  toux. 


—  339  — 


Urines  claires,  pâles  et  sans  albumine.  Alternatives  de  constipation  et 
de  diarrhée. 

Membres  supérieurs  et  région  céphalique  sains.  État  général  satis- 
faisant, pas  d'altérations  manifestes  dans  les  différents  viscères. 

Le  malade  est  envoyé  dans  les  divisions  de  chroniques. 

État  actuel,  2  février  1889  (interne,  M.  Macaigne).  Molilité.  —  La 
marche  est  régulière  et  lente  avec  deux  cannes,  le  malade  frotte  la 
pointe  des  pieds  sur  le  sol,  mais  ne  talonne  pas.  La  force  musculaire 
des  jambes  est  assez  conservée  et  le  malade  peut  se  soutenir  sur  une 
jambe.  Les  yeux  fermés,  il  ne  vacille  pas,  il  ne  présente  aucune  incoor- 
dination et  a  conservé  la  notion  de  position  de  ses  membres.  Les  réflexes 
patellaires  sont  exagérés,  la  trépidation  épileptoïde  du  pied  facile  à 
produire. 

Sensibilité  objective.  —  Le  réflexe  cutané  plantaire  est  conservé,  il 
est  même  exalté,  car  le  chatouillement  de  la  plante  du  pied  détermine 
de  vives  secousses  réflexes  dans  les  jambes.  Dans  la  perception  du  tact 
et  de  la  douleur,  il  n'y  a  ni  diminution  ni  retard.  Au  niveau  des  jambes, 
légère  diminution  dans  la  perception  et  quelques  erreurs  de  lieu  dans 
l'appréciation  de  la  température  (eau  à  -f-  70"  et  glace). 

Phénomènes  subjectifs.  —  Douleurs  sourdes  très  supportables  dans 
les  deux  membres  inférieurs  surtout  à  droite,  se  propageant  générale- 
ment de  la  région  fessière  à  la  partie  postérieure  des  cuisses  et  la  face 
externe  des  jambes^  s'accompagnant  d'une  légère  sensibilité  à  la  pres- 
sion de  ces  parties.  Parfois  crampes  dans  les  mollets. 

Troubles  de  la  miction.  —  Le  malade  actuellement  urine  presque 
toutes  les  heures  ou  toutes  les  deux  heures;  les  envies  sont  impérieuses 
et  suivies  de  miction  involontaire  mais  perçue  par  le  malade  s'il  n'a  pas 
le  temps  de  se  rendre  aux  latrines.  Le  jet  est  sans  force  et  fréquemment 
interrompu  par  des  contractions  du  sphincter  ;  la  miction  se  fait  ainsi 
en  trois  ou  quatre  actes.  Le  sujet,  pour  faciliter  l'évacuation  de  la  ves- 
sie, se  frotte  le  bas-ventre  et  piétine  sur  place.  Enfin,  la  miction  sem- 
blant complètement  terminée^  il  s'écoule  encore  ({uelques  gouttes 
d'urine  dans  les  vêtements. 

Rectum.  —  Constipation  habituelle  qui  se  prolonge  trois  ou  quatre 
jours  et  aboutit  souvent  à  une  débâcle  précédée  de  vives  coliques.  Pas 
de  troubles  trophiques. 

L'état  des  membres  supérieurs  est  considéré  comme  normal  dans  les 
notes  ;  cependant  on  a  relevé  que  la  pression  des  mains  marquait  au 
dynamomètre  26»  à  gauche  et  26°, 5  à  droite,  ce  qui  est  un  chiffre  assez 
inférieur,  car  un  sujet  sain  marque  50°  à  60".  Fonctions  digestives  et  res- 
piratoires normales. 

21  mai  1890.  Le  malade  monte  à  l'infirmerie  pour  des  manifestations 
pulmonaires,  on  constate  à  l'examen  une  pleurésie  du  côté  gauche.  L'état 
des  membres  inférieurs  n'a  pas  changé, mais  l'état  général  est  très  affaibli. 


—  340  — 


Dans  la  poitrine,  on  trouve  à  gauche  les  signes  d'un  épanchement 
d'abondance  moyenne  avec  légère  déviation  de  la  pointe  du  cœur  et 
skodisme  sous-claviculaire.  On  fit  à  quelques  semaines  d'intervalle 
deux  ponctions  qui  fournirent  un  liquide  trouble. 

II  se  déclara  bientôt  une  fièvre  subcontinue  à  caractère  rémittent, 
accompagnée  d'un  état  saburral  et  d'anorexie.  Les  urines  devinrent  trou- 
bles, ammoniacales  et  une  escarre  se  développa  au  niveau  du  sacrum; 
depuis  deux  mois  le  malade  garde  le  lit. 

Mort  le  5  août  1890. 

Autopsie.  —  Trente-quatre  heures  après  la  mort;  le  cadavre  est  bien 
conservé,  légère  infiltration  dans  les  membres  inférieurs  et  la  région 
sacrée. 

A  l'ouverture  de  la  cavité  thoracique,  on  trouve  des  adhérences  pleu- 
rales des  deux  côtés,  et  dans  la  plèvre  gauche  un  épanchement  d'envi- 
ron 1,500  gr.  d'un  liquide  louche.  Emphysème  pulmonaire.  Quelques 
tubercules  crétacés  aux  deux  sommets. 

Cœur  volumineux,  symphyse  cardiaque  surtout  développée  dans  la 
région  antérieure,  où  les  deux  feuillets  du  péricarde  sont  intimement 
unis. 

Les  organes  abdominaux  n'offrent  aucune  particularité  intéressante  ; 
la  muqueuse  vésicale  est  congestionnée  et  pulpeuse,  le  contenu  vésical 
trouble. 

Les  enveloppes  du  cerveau  sont  saines,  la  pie-mère  se  détache  par- 
tout facilement  des  circonvolutions,  le  cerveau  lui-même  ne  présente  sur 
les  coupes  aucune  modification  de  structure.  A  l'ouverture  du  canal 
rachidien,  on  ne  trouve  aucune  altération  des  parois  osseuses  ;  la  dure- 
mère  est  saine  et  sans  adhérences  anormales. 

La  pie-mère  paraît  normale,  mais  à  l'examen  extérieur  de  la  moelle 
on  trouve  une  teinte  gris  rosé  diffuse,  répandue  surtout  dans  la  région 
dorsale  supérieure  qui  semble  augmentée  de  consistance. 

Sur  les  coupes  de  la  moelle  fraîche,  on  trouve  dans  la  région  cervi- 
cale une  dégénérescence  légère  des  cordons  de  Goll,  et  dans  la  partie 
dorsale  une  teinte  rose  diffuse,  localisée  surtout  à  la  périphérie  de  la 
coupe.  Cette  modification  se  localise  au-dessous  dans  les  cordons  laté- 
raux. 

Examen   microscopique  de  la  moelle  à  un  faible  grossissement. 
(Obj.  a  var.  Zeiss  ;  oc.  1). 

La  moelle,  après  durcissement  dans  le  liquide  de  Millier,  a  été  débitée 
en  coupes  sériées  intéressant  tous  les  étages  Déjà  à  l'œil  nu,  sur  les 
surfaces  de  section,  on  distinguait  très  bien,  après  imprégnation  par  le 
sel  chromique,  les  taches  de  sclérose, qui  se  détachaient  par  leur  couleur 
jaunâtre  sur  le  fond  brun  du  reste  de  la  substance  blanche.  Toutefois, 


—  341  — 


après  coloration  des  différentes  coupes  par  les  métliodes  de  Weigert  et 
de  Pal,  l'examen  à  un  faible  grossissement  permet  de  délimiter  plus 
exactement  la  topographie  des  régions  scléreuses. 

Leur  disposition  indique  dans  la  région  cervicale  une  dégénérescence 
secondaire  intéressant  le  cordon  de  GoU  et  le  faisceau  cérébelleux 
direct  des  deux  côtés.  Dans  la  région  dorsale  in  férieure  et  la  région 
lombaire,  elle  est  représentée  par  une  sclérose  descendante,  exclusive- 
ment limitée  au  faisceau  pyramidal  croisé  du  cordon  latéral  de  chaque 
côté.  Quant  à  la  région  dorsale  supérieure,  elle  présente  une  sclérose 
diffuse,  qui  est  surtout  marquée  dans  les  cordons  de  Golf  et  les  cordons 
latéraux,  mais  se  propage  également  à  la  périphérie  des  cordons  anté- 
rieurs. 

On  remarque  également  soit  à  l'œil  nu,  sur  les  segments  de  moelle  de 
cette  région,  soit  sur  les  coupes,  que  les  cornes  antérieures  de  la  sub- 
stance grise  offrent  une  certaine  raréfaction  du  tissu  qui  s'est  crevassé 
pendant  le  durcissement.  Il  en  est  résulté  une  sorte  de  petite  cavité, 
purement  artificielle  d'ailleurs. 

Le  détail  de  la  topographie  des  altérations  visibles  à  ce  faible  grossis- 
sement varie  un  peu  suivant  les  segments  de  moelle  considérés. 

RÉGION  CERVICALE  SUPÉRIEURE  (ûg.  21).  —  Dans  Cette  région,  la  sub- 


FiG.  21.  —  Cas  no  IV.  —  Coupe  au  niveau  de  la  troisième  racine  cervicale. 
(Métliode  de  Pal.) 

stance  grise  est  d'apparence  normale.  Les  cordons  blancs  présentent 
une  sclérose  ascendante  qui  occupe  : 

1°  La  périphérie  du  cordon  latéral,  oià  elle  forme  un  croissant  dont  la 
pointe  postérieure  ne  vient  pas  tout  à  fait  au  contact  du  sillon  collatéral 
postérieur,  et  dont  la  pointe  antérieure  ne  dépasse  pas  le  niveau  de  la 
corne  antérieure.  Elle  n'est  pas  exactement  marginale,  il  existe  une 
petite  bande  de  tubes  bien  colorés  par  l'hématoxyline  qui  la  borde  en 


—  342  — 


dehors.  Enfin  elle  n'est  pas  très  accentuée,  mais  se  manifeste  par  une 
raréfaction  importante  des  tubes  nerveux; 

2°  La  partie  moyenne  du  cordon  de  Goll  oîi  elle  se  dispose  en  trian- 
gle dont  la  pointe  antérieure  (lieu  où  elle  est  le  plus  marquée)  est  à  peu 
près  à  égale  distance  de  la  commissure  grise  et  de  la  périphérie  posté- 
rieure du  cordon.  Les  côtés  latéraux  de  ce  triangle  sont  également  un 
peu  plus  décolorés.  Dans  la  partie  moyenne  contiguë  au  septum  médian, 
au  contraire,  le  nombre  des  tubes  iuiprégnés  est  plus  considérable. 

RÉGION  CERVICALE  MOYENNE  (fig.  22).  —  La  sclérose  du  cordon  latéral 


FiG.  22.  —  Cas  n"  IV.  —  Coupe  au  niveau  de  la  sixième  racine  cervicale. 

tend  à  gagner  un  peu  la  partie  centrale  du  cordon.  Elle  est  assez  mar- 
quée dans  la  zone  périphérique  en  croissant  et  très  faible  dans  la  partie 
sous-jacente  du  cordon  latéral. 
L'aspect  du  cordon  de  Goll  ne  s  est  d'ailleurs  pas  modifié. 

RÉGION  CERVICALE  INFÉRIEURE  (fig.  23).  —  La  sclérose  latérale  est 
plus  prononcée  et  plus  étendue,  elle  est  contiguë  en  arrière  au  sillon 
collatéral  postérieur,  et  tend  également  à  se  prolonger  en  avant.  Elle 
gagne  aussi  en  profondeur  et  envahit  la  partie  adjacente  du  faisceau 
pyramidal  ;  mais  toujours,  dans  cette  région  profonde,  la  sclérose  est 
beaucoup  moins  marquée. 

Dans  le  cordon  postérieur,  la  lésion  est  encore  limitée  aux  cordons 
de  Goll,  les  zones  radiculaires  sont  intactes.  La  partie  antérieure  du 
triangle  de  sclérose,  plus  décolorée,  se  rapproche  de  la  commissure 
grise.  La  partie  centrale  est  toujours  moins  atteinte  que  les  bords  laté- 
raux, mais  l'ensemble  du  faisceau  est  plus  sclérosé  qu'à  la  région  cer- 
vicale supérieure. 


—  M3  — 


Enfin  la  corne  antérieure  droite  présente  dans  sa  partie  centrale  une 
légère  raréfaction  du  tissu. 


FiG.  23.  —  Cas  no  IV.  —  Coupe  au  niveau  de  la  huitième  racine  cervicale. 

Jusqu'ici,  la  distribution  des  altérations  est  presque  absolument  symé- 
trique. 

RÉGION  DORSALE  SUPÉRIEURE.  —  Dès  le  niveau  de  la  première  dorsale, 
la  distribution  de  la  sclérose  perd  beaucoup  de  sa  régularité. 

Première  racine  dorsale.  Dans  le  cordon  antéro-latéral,  la  zone 
marginale  est  très  altérée,  et  la  sclérose  y  est  presque  totale  dans  la 
partie  exactement  latérale  ;  la  périphérie  du  cordon  antérieur  est  égale- 
ment atteinte,  mais  à  un  plus  faible  degré.  Le  faisceau  pyramidal  adja- 
cent est  franchement  sclérosé;  le  faisceau  pyramidal  direct  (faisceau  de 
Turck)  est  au  contraire  absolument  sain.  Il  faut  ajouter  que  l'intensité 
de  l'altération  est  plus  prononcée  du  côté  droit. 

Dans  le  cordon  postérieur,  le  faisceau  de  GoU  présente  toujours  le 
même  aspect,  avec  une  certaine  augmentation  dans  l'intensité  de  la 
sclérose.  Dans  les  zones  radiculaires,  existe  une  légère  diminution  de 
teinte  à  la  partie  centrale.  Les  deux  cornes  sont  un  peu  plus  transpa- 
rentes que  normalement. 

Deuxième  racine  dorsale  (fig.  24).  L'altération  atteint  son  maximum 
dans  cette  région.  La  distribution  de  la  sclérose  est  assez  diffuse  ;  il 
existe  une  diminuton  déteinte  à  peu  près  générale,  en  exceptant  toute- 
fois les  portions  de  la  substance  blanche  contiguës  à  la  périphérie  de 
la  substance  grise.  Mais  la  sclérose  est  surtout  accentuée  dans  toute  la 
zone  marginale  du  cordon  antéro-latéral  et  dans  le  faisceau  pyramidal 
croisé. 

Pour  le  cordon  postérieur,  la  pointe  antérieure,  la  base  et  les  côtés 
latéraux  du  cordun  de  Goll  sont  surtout  atteints.  Dans  le  faisceau  de 
Burdach,  c'est  surtout  la  région  centrale  qui  est  altérée;  les  parties con- 


^1 


—  344  — 


tiguës  à  la  corne  postérieure  en  dehors,  et  au  septum  intermédiaire  en 
dedans,  sont  plus  colorées. 


FiG.  24.  —  Cas  n°  IV.  —  Coupe  au  niveau  de  la  deuxième  racine  dorsale. 

Les  deux  cornes  antérieures  sont  très  décolorées;  dans  la  partie  cen- 
trale de  la  corne  gauche  il  y  a  une  petite  perte  de  substance. 

Troisième  et  quatrième  racines  dorsales.  La  distribution  des  alté- 
rations est  à  peu  près  la  même,  la  sclérose  diminue  d'étendue  dans  le 
cordon  antérieur,  d'étendue  et  d'intensité  dans  le  cordon  postérieur.  Le 
tissu  des  cornes  antérieures  est  raréfié  des  deux  côtés,  les  colonnes  de 
Clarke  décolorées. 

Cinquième  racine  dorsale  (flg.  25).  Le  cordon  de  GoU  présente 


Fis.  25.  —  Cas  n°  IV.  —  Coupe  au  niveau  de  la  cinquième  racine  dorsale. 

encore  une  très  légère  diminution  de  teinte  dans  les  parties  antérieure 
et  latérales,  le  cordon  de  Burdach  dans  sa  partie  moyenne. 

La  sclérose  latérale  n'est  pas  encore  exclusivement  limitée  au  fais- 
ceau pyramidal,  elle  se  prolonge  un  peu  en  avant  à  la  périphérie  du 
cordon  latéral,  sans  dépasser  le  niveau  d'émergence  des  racines  anté- 
rieures. Il  existe  toujours  une  prédominance  marquée  du  -côté  droit. 
Les  cornes  antérieures  sont^encore  décolorées. 


—  345  — 


RÉGION  DORSALE  INFÉRIEURE.  — A  partir  delà  sixième  racine  dorsale, 
la  sclérose  du  cordon  postérieur  disparaît,  à  part  quelques  petites  taches 
diffuses  dans  la  portion  marginale  (fig.  26). 


FiG.  26.  —  Cas  n"  IV.  —  Coupe  au_niveau  de  la  huitième  racine  dorsale. 

Dans  le  cordon  latéral,  elle  dépasse  encore  les  limites  du  faisceau 
pyramidal  et  son  intensité  est  extrêmement  marquée  à  droite. 
Les  cornes  antérieures  paraissent  moins  altérées. 
Au  niveau  de  la  onzième  et  de  la  douzième  (fig.  27)  racine  dorsale, 


Fig.  27.  —  Cas  n"  IV.  —  Coupe  au  niveau  de  la  douzième  racine  dorsale. 

toutes  les  parties  de  la  moelle  présentent  leur  coloration  habituelle,  la 
substance  grise  et  les  colonnes  de  Clarke  en  particulier  ont  récupéré 
presque  entièrement  !a  richesse  de  leur  reticulum  nerveux. 

Le  l'aisceau  pyramidal  croisé  seul  est  décoloré.  La  tache  de  sclérose 
offre  des  deux  côtés  la  même  topographie,  elle  est  coutiguë  à  la  pie- 
mère  et  séparée  de  la  substance  grise  profonde  par  une  zone  de  tissu 
sain,  mais  l'inteasilé  de  l'altération  est  plus  prononcée  du  côté  droit. 
En  ce  point,  les  tubes  nerveux  ont  presque  tous  disparu. 


—  346  — 


RÉGION  LOMBAIRE  ET  RÉGION  SACRÉE.  —  Dans  ses  portions  termi- 
nales, la  moelle  reprend  l'aspect  normal,  on  note  seulement  la  dégéné- 
ration descendante  du  faisceau  pyramidal,  plus  marquée  à  droite.  Le 
petit  triangle  marginal  de  sclérose  descend  en  s'atténuant,  pour 
disparaître  dans  la  région  sacrée. 

Dans  toutes  ces  coupes,  la  pie-mère  ne  présentait  pas  d'épaississement 
manifeste  à  ce  faible  grossissement,  les  racines  paraissent  également 
saines,  nous  étudierons  d'ailleurs  ces  parties  plus  minutieusement. 

Examen  des  éléments  de  tissu  dans  les  coupes  précédentes  à  un  fort 
grossissement  (Obj.  4,  7  Leitz,  F  Zeiss  ;  oc.  1,  3).  Colorations 
par  le  carmin,  V hématoxyline  alunée  et  l'éosine.  Méthodes  de 
Weigert  et  de  Pal,  etc. 

RÉGION  CERVICALE.  —  La  pie-mère  ne  présente  aucun  épaississement, 
cependant  on  note  déjà  à  la  hauteur  de  la  troisième  racine  cervicale  des 
altérations  vasculaires. 

L'artère  spinale  antérieure  et  les  artères  de  calibre  sont  saines  en 
général,  à  part  une  certaine  augmentation  dans  l'épaisseur  des  tuniques 
moyenne  et  externe.  On  trouve  au  contraire  deux  à  trois  veines  radi- 
culaires  importantes  oblitérées  et  constituées  par  un  tissu  homogène 
trouble  peu  coloré.  Les  autres  grosses  veines  sont  perméables,  mais 
leurs  parois  sont  épaissies.  Les  veines  spinales  antérieures  et  posté- 
rieures présentent  l'aspect  suivant  :  entre  deux  lames  élastiques  ondu- 
lées, on  trouve  une  épaisse  couche  de  tissu  hyalin,  sans  structure 
apparente,  contenant  de  rares  noyaux  arrondis  ou  fusiformes;  elle 
représente  la  tunique  moyenne.  En  dedans  de  cette  couche,  on  trouve 
une  ou  deux  assises  de  noyaux  arrondis  séparés  par  du  tissu  fibrillaire 
bien  coloré,  et  enfin  les  cellules  endothéliales  saillantes  et  proliférées. 
En  dehors,  la  tunique  adventice  est  épaissie,  composée  de  gros  trous- 
seaux fibreux  avec  très  peu  de  noyaux. 

Les  petits  vaisseaux  de  la  pie-mère  ont  tous  des  parois  remarquable- 
ment épaisses  et  hyalines. 

Le  parenchyme  de  la  moelle  elle-même  (en  dehors  des  cordons  de 
GoU  et  des  faisceaux  cérébelleux  directs)  est  sain  dans  la  région  cervi- 
cale supérieure  ;  les  septa  détachés  de  la  pie-mère  ne  sont  nullement 
épaissis. 

Dans  les  parties  sclérosées,  la  lésion  est  constituée  par  la  disparition 
d'un  certain  nombre  de  tubes  nerveux.  Cette  disparition  est  loin  d'être 
totale,  même  dans  les  parties  les  plus  sclérosées  des  cordons  dégénérés. 
Les  tubes  persistants  sont  sains  pour  la  plupart,  quelques-uns  contien- 
nent un  cylindre  axe  hypertrophié,mais  on  ne  trouve  pas  de  cylindres-axes 
mis  à  nu,  ni  de  gaines  de  myéline  fragmentées.  L'intervalle  qui  sépare 
les  tubes  est  presque  uniquement  rempli  de  fibrilles  de  névroglie.  Ces 


—  347  — 


fibrilles  ont  une  tendance  manifeste  à  se  placer  parallèlement  et  dans 
le  sens  des  fibres  nerveuses,  en  sorte  que,  sur  les  coupes  transversales, 
les  espaces  qui  séparent  les  tubes  nerveux  sont  remplis  d'une  infinité 
de  petits  points  rouges  (carmin)  qui  représentent  les  fibrilles  névro- 
gliques  sectionnées  transversalement.  On  trouve  aussi  quelques  fibrilles 
perpendiculaires  aux  premières,  qui  se  disposent  surtout  en  forme  de 
rayons  dirigés  vers  le  centre  de  la  moelle,  et  ça  et  là  quelques  cellules 
araignées.  En  plein  tissu  scléreux,  dans  l'intervalle  des  tubes  sains, 
existent  quelques  très  rares  espaces  clairs,  qui  devaient  être  occupés 
par  des  corps  granuleux.  Les  vaisseaux,  dans  ces  régions  sclérosées, 
ont  des  parois  très  épaisses  et  fibro-hyalines,  mais  on  retrouve  dans 
toutes  les  autres  portions  de  la  moelle,  même  dans  celles  où  le  tissu 
nerveux  est  absolument  sain,  des  vaisseaux  semblables.  La  paroi  du 
vaisseau  est  formée  de  deux  parties  ;  une  couche  externe  nettement 
fibreuse  et  contenant  quelques  noyaux,  et  une  couche  interne  absolu- 
ment hyaline  ou  ne  présentant  que  quelques  stries  concentriques.  La 
limite  interne  est  sinueuse  et  revêtue  de  cellules  endothéliales  nor- 
males, la  lumière  est  très  petite  par  rapport  à  l'épaisseur  des  tuniques 
vasculaires  et  généralement  remplie  de  globules  rouges.  Quant  au  con- 
tour externe  du  vaisseau,  il  est  souvent  nettement  séparé  du  tissu 
nerveux  voisin  par  une  fente  artificielle  qui  n'est  certainement  pas  la 
gaine  lymphatique.  Celle-ci  a  été  englobée  par  le  tissu  fibreux  de  la 
tunique  externe.  Le  parenchyme  nerveux  est  absolument  sain,  il  est 
seulement  séparé  du  vaisseau  par  une  couche  de  névroglie  fibrillaire 
très  dense,  qui  reste  localisée  et  n'a  nulle  tendance  à  la  pénétration 
entre  les  lubes  nerveux. 

La  substance  grise  est  saine,  on  note  seulement  la  présence  d'un 
assez  grand  nombre  de  petits  vaisseaux  modifiés,  quelques-uns  sont 
dilatés,  d'autres  ont  des  parois  épaisses  et  hyalines. 

Renflement  cervical.  —  Cet  état  se  maintient  à  peu  près  sans  modi- 
fication dans  la  partie  moyenne  de  la  région  cervicale;  cependant,  au 
niveau  de  la  sixième  racine  cervicale  le  nombre  des  cylindres-axes 
hypertrophiés  augmente  notablement  dans  les  cordons  latéraux,  tandis 
que  le  développement  de  la  névroglie  s'accentue  entre  les  tubes  ner- 
veux. 

Un  certain  nombre  de  cellules  des  cornes  antérieures  ont  pris  une 
forme  arrondie,  le  pigment  qu'elles  contiennent  est  très  développé  et 
le  volume  de  la  cellule  est  diminué. 

La  pie-mère  ne  présente  pas  d'épaississement  marqué  et  aucune  trace 
d'infiltration.  Les  vaisseaux  ont  le  même  aspect  que  plus  haut,  l'artère 
spinale  antérieure  est  saine,  à  part  une  augmentation  notable  dans 
l'épaisseur  de  la  tunique  adventice,  qui  est  fibreuse.  Deux  ou  trois 
grosses  veines  qui  accompagnent  les  racines  sont  oblitérées. 


—  348  — 


Les  travées  parties  de  la  pie-mère  ne  sont  nullement  élargies,  mais 
dans  le  parenchyme  médullaire,  aussi  bien  dans  les  parties  saines  que 
dans  les  régions  sclérosées,  existent  de  nombreux  petits  vaisseaux  à 
parois  épaisses  et  hyalines. 

RÉGION  CERVICALE  INFÉRIEURE.  —  Les  altérations  des  vaisseaux,  tant 
méningés  que  médullaires,  sont  plus  marquées;  elles  prédominent  tou- 
jours dans  les  veines  et  les  petits  vaisseaux.  De  nombreuses  veines  ne 
sont  plus  représentées  que  par  des  cordons  pleins,  en  particulier  une 
grosse  veine  placée  à  l'origine  du  septum  médian  postérieur.  Celui-ci 
est  occupé  dans  toute  sa  longueur  par  des  vaisseaux  altérés,  tandis  que 
le  septum  médian  antérieur  est  d'apparence  normale.  Un  certain  nombre 
de  gros  prolongements  pénètrent  dans  la  moelle,  ils  sont  toujours  occu- 
pés par  des  vaisseaux  malades. 

Les  petits  vaisseaux  de  la  moelle  et  de  la  pie-mère  présentent  les 
aspects  que  nous  avons  décrits;  à  ce  niveau  ils  sont  déjà  plus  nombreux 
et  plus  volumineux. 

La  pie-mère  est  légèrement  épaissie  sur  les  parties  latérales,  mais  cette 
apparence  relève  de  la  présence,  dans  l'intervalle  des  plans  fibreux,  d^un 
grand  nombre  de  vaisseaux  augmentés  de  volume  et  oblitérés.  Les 
vaisseaux,  transformés  en  cordons  de  tissu  hyalin,  tranchent  par  leur 
couleur  rose  sur  les  tractus  fibreux  plus  foncés  de  la  méninge  (carmin). 
Ces  trousseaux  fibreux  sont  toutefois  un  peu  plus  épais  que  de  coutume, 
ils  ne  sont  d'ailleurs  envahis  par  aucune  prolifération  cellulaire. 

La  sclérose  augmente  d'intensité  dans  les  parties  atteintes,  elle  se 
prononce  surtout  dans  la  zone  marginale  du  cordon  latéral,  oi^i  le  nombre 
des  tubes  nerveux  est  très  restreint  ;  au  niveau  du  cordon  pyramidal 
croisé  et  du  cordon  de  Goll,  ils  sont  bien  plus  nombreux.  Les  tubes  per- 
sistants ont  un  contour  régulier,  mais  sont  occupés  souvent  par  un 
cylindre-axe  volumineux.  On  trouve  aussi  de  petits  cyjindres-axes 
ponctiformes,  exactement  circulaires  et  très  vivement  colorés  en  rouge  ; 
ils  se  distinguent  des  fibrilles  de  névroglie  par  un  diamètre  plus  consi- 
dérable ;  ils  sont  tantôt  entourés  d'une  gaine  très  mince,  tantôt  parais- 
sent absolument  libres.  L'élément  interstitiel  est  presque  exclusivement 
représenté  par  des  fibrilles  de  névroglie  adultes,  il  faut  y  joindre  un 
assez  grand  nombre  de  cellules  araignées  très  développées  et  quelques 
vacuoles  claires,  dont  quelques-unes  contiennent  des  corps  granuleux 
et  d'autres  des  boules  arrondies,  hyalines,  colorées  en  rose.  Ces  deux 
derniers  éléments  sont  assez  peu  répandus,  ils  sont  surtout  rassemblés 
dans  les  gaines  périvasculaires. 

Les  autres  parties  des  cordons  blancs  contiennent  des  tubes  nerveux 
sains,  on  note  cependant  encore  quelques  cylindres-axes  hypertrophiés 
et  quelques  cellules  araignées  exubérantes. 

La  partie  centrale  des  cornes  antérieures  a  subi  un  certain  degré  de 


—  349  — 


désorganisation.  Les  cellules  nerveuses  présentent  des  prolongements 
variqueux  ou  bien  sont  arrondies,  très  colorées  ou  même  réduites  à  un 
petit  bloc  de  granulations  pigmentaires.  On  voit  encore  des  groupes  de 
cylindres-axes  volumineux,  moniliformes,  un  grand  nombre  de  cellules 
araignées,  des  corps  amyloïdes,  des  cellules  granuleuses,  enfin  quelques 
noyaux  libres  mal  colorés. 

Dans  toute  la  région  cervicale,  l'aspect  des  racines  médullaires  est 
normal,  du  moins  pour  tous  les  faisceaux  qui  sont  compris  dans  les 
préparations.  Le  périnèvre  n'est  pas  épaissi,  on  note  seulement  la  pré- 
sence de  nombreux  vaisseaux  à  parois  hyalines  épaissies. 

RÉGION  DORSALE  SUPÉRIEURE.  —  C'est  à  cc  niveau  que  les  altérations 
sont  le  plus  prononcées  ;  nous  avons  décrit  la  topographie  de  la  sclérose 
et  l'aspect  des  coupes  à  un  faible  grossissement,  nous  n'y  reviendrons 
pas. 

Dans  toute  la  hauteur  de  cette  région,  la  pie-mère  ne  présente  qu'un 
très  léger  épaississement  sur  les  parties  latérales.  On  n'y  trouve  aucune 
infiltration  embryonnaire  importante,  excepté  dans  le  voisinage  de 
quelques  vaisseaux. 

D'une' façon  générale,  le  tissu  qui  la  compose  est  formé  de  tractus 
fibreux  à  contours  nets.  Elle  n'adhère  d'ailleurs  que  faiblement  à  la 
substance  médullaire  sous-jacente,  sauf  dans  les  parties  latérales,  où 
l'union  est  plus  intime.  Les  tractus  qui  partent  de  la  méninge  pour 
plonger  dans  la  moelle  ne  sont  pas  très  développés,  excepté  quelques- 
uns  qui  accompagnent  des  vaisseaux  modifiés. 

L'arachnoïde,  dans  cette  région,  est  fibreuse  et  légèrement  épaissie, 
elle  est  unie  à  la  pie-mère  en  certains  points  par  des  tractus  impor- 
tants. 

Tous  les  vaisseaux  englobés  dans  la  pie-mère  ou  accolés  à  cette  mem- 
brane sont  malades,  mais  à  un  degré  variable.  Les  altérations,  d'une 
façon  générale,  sont  plus  prononcées  dans  les  parties  postéro-latérales^ 
elles  présentent  les  caractères  que  nous  connaissons  déjà  en  partie. 

L'artère  spinale  antérieure,  sauf  un  léger  épaississement  fibreux  de  la 
tunique  externe,  est  intacte  dans  toute  cette  région.  La  plus  grande 
partie  des  veines  est,  au  contraire,  oblitérée.  Enfin  tous  les  petits  vais- 
seaux sont  bouchés  ou  constitués  par  une  tunique  hyaline  épaisse.  On 
trouve  aussi,  dans  l'espace  sous-arachnoïdien,  des  veines  isolées  obli- 
térées. 

Mais  ce  sont  surtout  les  vaisseaux  compris  dans  l'épaisseur  même  de 
la  moelle  qui  offrent  les  lésions  les  plus  accentuées.  Tous  ceux  qui  sont 
visibles  ont  des  parois  très  épaisses.  Les  plus  gros  sont  si  volumineux 
qu'ils  sont  très  nettement  visibles  à  la  loupe.  Leur  paroi  est  constituée 
par  du  tissu  fibreux  très  dense  ou  bien  par  une  couche  hyaline  où  per- 
siste à  peine  une  trace  de  striation  concentrique  et  ondulée.  Dans 


—  350  — 


l'épaisseur  de  ce  tissu,  on  ne  trouve  que  quelques  noyaux  arrondis  ou 
fusiformes.  Ceux-ci  sont,  au  contraire,  plus  nombreux  à  la  limite  externe 
de  la  paroi,  qui  reprend  alors  une  texture  fibreuse  plus  nette. 

Certaines  parois  sont  composées  de  deux  couches  très  bien  séparées  : 
une  couche  externe,  formée  de  fibrilles  ondulées,  et  une  couche  interne, 
hyaline,  contenant  parfois  des  vacuoles  et  des  blocs  de  substance  gra- 
nuleuse. 

Dans  l'épaisseur  de  cette  paroi,  on  observe  souvent  la  coupe  de  petits 
vaisseaux  néoformés,  limités  par  une  assise  de  cellules  endothéliales. 
De  nombreux  vaisseaux  sont  complètement  oblitérés  et  forment,  au 
milieu  du  tissu  scléreux  névroglique,  des  masses  à  contours  arrondis  ou 
festonnés,  dont  la  texture  est  ou  presque  purement  hyaline  ou  bien  net- 
tement fibreuse  (pl.  IV,  flg.  3  et  4). 

Ces  vaisseaux  sont,  pour  la  plupart^  nettement  séparés  du  tissu  sclé- 
reux ambiant,  souvent  même  ils  sont  entourés  par  une  fente  circulaire 
vraisemblablement  artificielle  et  due  à  la  rétraction  du  tissu  par  le  dur- 
cissement. La  gaine  lymphatique  a  presque  toujours  disparu  par 
symphyse  avec  la  paroi  vasculaire.  Sur  quelques  vaisseaux  cependant, 
elle  persiste,  et  son  existence  est  affirmée  par  la  présence  d'une  cou- 
ronne d'éléments  dégénérés  de  résorption  qui  entoure  le  vaisseau. 

En  tous  cas,  la  paroi  du  vaisseau  ne  fait  pas  corps  avec  le  tissu  sclé- 
reux voisin,  et  il  ne  s'en  détache  aucun  prolongement.  Les  fibrilles 
névrogliques  tassées  forment  autour  du  vaisseau  une  ceinture  qui  en 
est  souvent  séparée  par  la  fente  que  nous  avons  indiquée. 

On  retrouve  les  mêmes  modifications  dans  les  vaisseaux  des  régions 
de  la  substance  blanche,  relativement  saines,  et  dans  la  substance  grise. 

Le  parenchyme  nerveux  est  altéré  dans  toute  l'étendue  des  coupes^ 
mais  à  un  degré  variable.  La  presque  totalité  des  tubes  nerveux  a  dis- 
paru dans  la  zone  marginale  de  la  moelle,  surtout  dans  les  parties 
latérales.  Leur  destruction  est  également  très  étendue  dans  les  parties 
centrales  des  cordons  latéraux  et  postérieurs.  Les  portions  qui  sont 
contiguës  à  la  substance  grise  sont,  au  contraire,  relativement  res- 
pectées. 

Au  niveau  des  parties  les  plus  atteintes,  le  tissu  de  sclérose  est 
constitué  en  majeure  partie  par  des  fibrilles  névrogliques  et  de  nom- 
breuses cellules  araignées.  Dans  les  mailles  formées  par  l'enchevê- 
trement de  ces  éléments,  on  ne  trouve  qu'un  petit  nombre  de  cellules 
granuleuses,  quelques  boules  hyalines  arrondies  et  souvent  vacuolaires, 
et  presque  pas  de  corps  granuleux.  Les  granulations  libres  de  myéline 
manquent  totalement  dans  les  préparations  colorées  par  l'hématoxyline 
de  Weigert.  En  somme,  les  produits  de  désintégration  des  tubes  nerveux 
sont  très  peu  abondants.  On  trouve  surtout,  mêlés  au  tissu  névroglique, 
des  noyaux  mal  colorés  et  des  petits  vaisseaux  capillaires  souvent  com- 
plètement oblitérés.  Il  existe  de  plus  des  cylindres-axes  hypertrophiés 


—  351  — 


dépourvus  de  gaine,  et  quelques  très  rares  tubes  nerveux,  constitués  par 
une  petite  gaine  et  un  cylindre-axe  ponctlforme. 

Dans  les  parties  profondes  des  cordons  latéraux  et  postérieurs,  la 
sclérose  revêt  les  mêmes  caractères,  mais  le  nombre  des  tubes  conservés 
est  un  peu  plus  considérable,  ceux-ci  se  présentent  soit  avec  leurs 
caractères  normaux,  soit  avec  un  cylindre-axe  volumineux. 

Il  existe  encore  un  grand  nombre  de  cylindres-axes  hypertrophiés  dans 
les  régions  qui  entourent  la  substance  grise,  mais  à  ce  niveau  le  tissu 
interstitiel  est  peu  développé,  on  note  seulement  une  augmentation  de 
volume  et  de  nombre  des  cellules  araignées. 

La  substance  grise,  dans  toute  la  région  dorsale  supérieure,  est  très 
altérée,  un  grand  nombre  de  cellules  sont  réduites  à  de  petits  moignons 
pigmentés;  cependant  celles  qui  sont  situées  dans  la  région  antérieure 
de  la  corne  ont  conservé  pour  la  plupart  leurs  prolongements. 

Dans  la  partie  centrale  de  la  substance  grise  des  cornes,  elles  sont,  au 
contraire,  presque  totalement  détruites,  le  tissu  est  d'ailleurs  en  ce  point 
très  raréfié  et  comme  effondré;  les  fibrilles  nerveuses  font  défaut  et  le 
tissu,  très  lâche,  n'est  constitué  que  par  des  fibrilles  névrogliques  très 
espacées,  des  cellules  araignées  très  nettes,  des  cellules  granuleuses, 
des  noyaux  libres  et  quelques  boules  hyalines.  Indépendamment  de  ces 
éléments  qui  peuvent  être  caractérisés,  on  trouve  une  substance  amorphe 
granuleuse  qui  remplit  les  vides. 

La  colonne  de  Clarke  ne  forme  plus  une  région  distincte,  elle  est 
englobée  dans  le  tissu  que  nous  venons  de  décrire. 

RÉGION  DORSALE  MOYENNE.  —  A  partir  de  la  sixième  racine  dorsale, 
la  sclérose  se  cantonne  dans  les  cordons  latéraux  aux  faisceaux  pyra- 
midaux, elle  présente  alors  les  mêmes  caractères  que  dans  le  cordon 
de  Goll  à  la  région  cervicale  .supérieure,  mais  l'intensité  de  l'altération 
est  bien  plus  prononcée.  Le  tissu  de  sclérose  est  presque  uniquement 
constitué  par  des  fibrilles  névrogliques  très  serrées  et  disposées  longi- 
tudinalement  par  rapport  à  l'axe  de  la  moelle.  Les  tubes  persistants  sont 
très  nettement  distincts  du  tissu  névroglique  et  bien  conformés  en 
général.  Ils  sont  assez  nombreux  dans  le  cordon  pyramidal  gauche  et 
très  rares  dans  celui  du  côté  droit. 

La  substance  grise  présente  encore  quelques  modifications  dans  sa 
partie  centrale  et  au  niveau  de  la  colonne  de  Clarke. 

Il  existe  toujours  un  léger  épaississemeut  fibreux  de  la  pie-mère  et 
de  l'arachnoïde.  Les  altérations  vasculaires  sont  très  prononcées,  elles 
offrent  les  mêmes  caractères  et  la  même  topographie  que  plus  haut; 
elles  sont  surtout  marquées  dans  les  parties  postéro-latérales.  Dans  la 
moelle,  le  nombre  des  vaisseaux  oblitérés  ou  épaissis  est  extrêmement 
considérable,  surtout  dans  le  cordon  latéral  droit  où  ils  acquièrent  un 
développement  énorme;  mais  on  trouve  également  des  vaisseaux  avec 


—  352  — 


le  même  état  dans  le  cordon  latéral  gauche  et  même  dans  les  régions 
de  la  moelle  où  le  parenchyme  est  resté  à  peu  près  sain. 

Les  racines  médullaires,  dans  les  deux  tiers  supérieurs  de  la  région 
dorsale,  présentent  sur  les  coupes  des  altérations  manifestes,  bien  qu'as- 
sez peu  accentuées.  Ces  modifications  portent  principalement  sur  les 
racines  antérieures.  Le  nombre  des  tubes  nerveux  détruits  est  très  peu 
considérable.  L'intégrité  d'un  grand  nombre  de  tubes,  celle  du  tissu 
interstitiel  et  du  périnèvre  forment  un  contraste  frappant  avec  l'épais- 
sissement  considérable  des  parois  vasculaires. 

La  dégénérescence  des  tubes  nerveux  des  racines  antérieures  est 
purement  secondaire,  elle  relève  des  altérations  de  la  substance  grise. 
Elle  n'est  certainement  pas  provoquée  par  l'iufiltration  inflammatoire 
du  tissu  interstitiel,  car  celui-ci  est  presque  absolument  normal;  enfin, 
en  contact  avec  des  vaisseaux  presque  oblitérés,  on  trouve  des  tubes 
nerveux  absolument  sains. 

RÉGION  DORSALE  INFÉRIEURE.  —  Ce  n'est  qu'à  la  hauteur  de  la  onzième 
ou  de  la  douzième  racine  dorsale  que  la  substance  grise  reprend  ses 
caractères  normaux;  les  cellules  nerveuses  sont  cependant  encore 
atteintes  dans  les  parties  postéro-latérales  des  cornes  antérieures 
(cornes  latérales).  La  colonne  de  Clarke  a  récupéré  en  grande  partie  ses 
cellules  et  ses  fibrilles  nerveuses  ;  mais  il  existe  toujours,  tant  dans  la 
substance  blanche  que  dans  la  substance  grise,  un  certain  nombre  de 
vaisseaux  à  parois  é])aisses  et  hyalines,  qui  forment  des  taches  claires 
sur  le  fond  du  tissu.  Le  parenchyme  de  la  substance  blanche  est  d'ail- 
leurs sain,  à  part  la  sclérose  du  faisceau  pyramidal. 

Les  méninges  sont  d'épaisseur  normale  et  les  altérations  vasculaires 
diminuent  d'intensité;  on  note  cependant  un  certain  nombre  de  veines 
oblitérées  dans  le  voisinage  des  racines  postérieures  et  du  sillon  médian 
postérieur. 

Les  racines  sont  saines,  à  parties  lésions  vasculaires  que  nous  avons 
signalées  et  qui  se  retrouvent  ici. 

RÉ&ioN  LOMBAIRE.  —  Le  parenchyme  nerveux  de  la  substance  grise 
et  des  cordons  blancs  est  normal,  àpart  lasclérosedu  faisceau  pyramidal, 
dont  l'intensité  est  plus  prononcée  à  droite,  et  qui  diminue  peu  à  peu 
d'étendue  pour  disparaître  dans  la  partie  terminale  de  la  moelle. 

On  trouve  encore  dans  toutes  les  parties  de  la  moelle  quelques  vais- 
seaux à  parois  épaisses  et  hyalines. 

La  pie-mère  ne  présente  plus  aucun  épaississement  et  cependant, 
jusqu'au  niveau  des  racines  sacrées,  les  v^aisseaux  sont  encore  très 
altérés.  L'artère  spinale  antérieure  isolée  a  des  parois  épaisses,  l'en- 
dartère  est  relativement  sain,  mais  la  tunique  adventice  et  la  tunique 
moyenne  sont  bien  plus  développées  qu'à  l'état  normal  et  fibreuses. 


—  353  — 


Les  veines  spinales  antérieures  et  postérieures  possèdent  encore  une 
large  lumière,  mais  les  parois  sont  très  épaisses  et  fibreuses.  Quelques 
veines  satellites  des  racines  sont  oblitérées.  Tous  les  petits  vaisseaux 
de  la  pie-mère  ont  des  parois  épaisses  et  fibreuses  (fig.  28).  Dans  cette 


FiG.  28.  —  Cas  n°  IV.  —  Système  vasculaire  spinal  antérieur.  Bpaississement 
hyalin  des  parois  des  vaisseaux.  Intégrité  des'méninges  et  de  la  moelle.  Coupe  au 
niveau  de  la  troisième  racine  lombaire.  (Méthode  de  Weigert.) 

région  on  note  donc,  à  côté  d'un  parenchyme  méiiuUaire  sain,  l'existence, 
dans  les  parois  vasculaires,  d'altérations  généralisées,  mais  arrêtées 
dans  leur  évolution,  peu  prononcées,  et  de  date  ancienne. 

L'histoire  clinique  du  malade  qui  fait  l'objet  de  cette  observation 
peut  se  résumer  en  quelques  mots.  Onze  mois  après  un  chancre  infec- 
tant, le  sujet  éprouve  quelques  symptômes  indiquant  le  début  d'une 
lésion  médullaire,  puis  au  bout  d'un  certain  temps  deux  accidents 
aigus  à  quelques  semaines  d'intervalle;  d'abord  une  rétention  brusque 
d'urine,  puis  une  attaque  de  paraplégie.  A  partir  de  ce  moment,  les 
symptômes  marchent  rapidement.  A  la  suite  d'un  traitement  spécifique, 
l'état  du  malade  présente  une  certaine  amélioration,  puis  reste  absolu- 
ment stationnaire.  Un  an  et  demi  après  le  début  des  accidents,  le 
malade  offre  tous  les  symptômes  d'une  paraplégie  spasmodique  qui 
persiste  ensuite  à  l'état  chronique  sans  modifications.  Au  bout  de  dix 
ans,  il  meurt  d'une  affection  intercurrente. 

S,  23 


—  354  — 


L'évolution  et  la  nature  des  lésions  anatomiques  nous  paraissent 
reconnaître  l'interprétation  suivante  :  nous  avons  vu  que,  d'une  façon 
générale,  les  altérations  du  tissu  propre  de  la  pie-mère  étaient  très 
peu  marquées  et  que  les  lésions  vasculaires,  au  contraire,  étaient  pré- 
dominantes. Ces  dernières  atteignent  leur  maximum  au  niveau  de  la 
région  dorsale  supérieure,  et  c'est  précisément  en  ce  point  que  la 
sclérose  de  la  moelle  s'est  manifestée  d'une  façon  diffuse. 

L'altération  du  tissu  médullaire  doit  être  considérée  comme  la  con- 
séquence des  lésions  vasculaires.  En  effet,  la  sclérose  de  la  moelle 
n'a  pas  eu  pour  point  de  départ  une  infiltration  embryonnaire  partie 
de  la  pie-mère,  car  celle-ci  n'adhère  que  faiblement  au  tissu  médul- 
laire, elle  ne  fournit  qu'un  petit  nombre  de  prolongements  pénétrant 
dans  le  parenchyme  de  la  moelle,  et  ces  prolongements  sont  toujours 
formés  par  des  vaisseaux  épaissis. 

La  sclérose  médullaire  n'a  pas  eu  non  plus  son  point  de  départ  dans 
la  paroi  des  vaisseaux,  car  dans  les  parties  sclérosées  ceux-ci  sont  le 
plus  souvent  isolés  du  tissu  environnant.  De  plus,  en  plein  paren- 
chyme sain,  on  trouve  des  vaisseaux  qui  présentent  les  mêmes  carac- 
tères que  ceux  des  parties  sclérosées,  et  ces  vaisseaux  sont  en  contact 
avec  des  tubes  nerveux  normaux.  C'est  aussi  ce  qu'on  observe  au 
niveau  des  racines. 

Deux  particularités  permettent  d'affirmer  que  les  altérations  des  vais- 
seaux sont  primitives  et  autonomes,  et  qu'elles  ne  sont  pas  consécu- 
tives soit  aux  lésions  de  la  méninge,  soit  à  la  sclérose  des  parties  qu'ils 
traversent.  C'est  d'abord  ce  fait  que,  dans  les  régions  cervicale  et 
lombaire  où  la  pie-mère  est  normale,  tous  les  vaisseaux  sont  très  mani- 
festement altérés  (v.  fig.  28)  et  que,  dans  toute  la  hauteur  de  l'axe  spinal, 
de  nombreuses  veines  isolées  dans  la  cavité  sous-arachnoïdienne  sont 
complètement  oblitérées.  En  outre,  ainsi  que  nous  l'avons  déjà  fait 
remarquer,  on  trouve,  à  côté  de  tubes  nerveux  absolument  sains,  des 
vaisseaux  dont  l'altération  est  extrêmement  prononcée. 

La  sclérose  médullaire  qui  est  presque  purement  névroglique  dans 
ce  cas  est  consécutive  à  la  dégénération  des  éléments  nerveux.  Quant 
à  la  cause  de  cette  dégénération,  elle  doit  être  cherchée  dans  l'insuffi- 
sance d'irrigation  sanguine  qui  a  résulté  des  altérations  vasculaires. 

Les  lésions  vasculaires,  bien  qu'existant  dans  toute  la  hauteur  de  la 
moelle,  ont  leur  maximum  d'intensité  au  niveau  de  la  région  dorsale 


—  355  — 


et  c'esl  en  ce  point  que  s'est  produit  le  ramollissement  diffus  de  la 
substance  médullaire.  Les  éléments  dégénérés  ont  été  peu  à  peu 
remplacés  par  la  sclérose,  en  même  temps  que  se  manifestait  la  dégé- 
nération ascendante  ou  descendante  des  tubes  détruits. 

Toutes  les  lésions  que  nous  avons  décrites  offrent  un  caractère 
manifeste  d'ancienneté.  Les  parois  vasculaires  sont  fibreuses  et  même 
hyalines,  l'infiltration  nucléaire  est  extrêmement  discrète,  la  sclérose 
névroglique  et  conjonctive  est  fibreuse,  les  produits  de  désintégration 
des  éléments  du  parenchyme  médullaire  sont  très  rares.  En  somme 
il  s'agit,  tant  pour  les  méninges  que  pour  la  moelle,  d'un  véritable 
tissu  de  cicatrice.  Le  processus  était  donc  arrêté  depuis  longtemps 
dans  son  évolution  :  les  vaisseaux,  d'abord  infiltrés,  ont  subi  ensuite  la 
transformation  fibreuse  de  leurs  parois  et  le  processus,  qui  a  été  bien 
loin  dans  la  partie  moyenne  de  l'axe  spinal  s'est  arrêté  en  chemin  au 
niveau  des  deux  extrémités  ;  en  tous  cas,  dans  ces  régions,  la  circula- 
tion sanguine  est  restée  suffisante 

Il  existe  une  concordance  satisfaisante  entre  l'observation  clinique 
d'une  part,  les  lésions  constatées  et  l'interprétation  que  nous  en  avons 
donnée,  d'autre  part.  Les  altérations  vasculaires  ont  produit  au  début 
les  symptômes  prodromiques  que  nous  avons  notés.  A  la  destruction 
définitive  des  éléments  nerveux  répond  l'établissement  rapide  de  la 
paraplégie. 

Le  temps  d'arrêt  suivi  de  sclérose  subi  par  le  processus,  et  l'aspect 
d'ancienneté  des  lésions  constatées  à  l'autopsie  sont  bien  en  rapport 
avec  l'état  stationnaire  dans  lequel  la  maladie  est  restée  pendant  de 
nombreuses  années. 

A  l'intégrité  de  la  région  lombaire  répond  la  conservation  des  forces 
et  des  mouvements  dans  les  membres  inférieurs,  les  phénomènes 
spasmodiques  étant  la  conséquence  de  la  sclérose  descendante  du 
faisceau  pyramidal. 

Les  altérations  de  la  substance  grise,  que  nous  avons  notées  dans 
les  régions  dorsale  supérieure  et  dorsale  moyenne,  ne  paraissent  pas 
avoir  produit  de  symptômes  bien  accusés,  du  moins  ceux-ci  ont 
échappé  à  l'observation.  Quant  à  celles  de  la  substance  grise  de  la 
région  cervicale,  elles  expliquent  l'état  de  faiblesse  qui  a  été  constaté 
dans  les  membres  supérieurs. 

L'observation  précédente  peut  être  considérée  comme  un  type  de 


—  356  — 


syphilis  médullaire  d'intensité  moyenne  arrivée  au  dernier  stade  de 
son  évolution  naturelle.  Dans  ce  cas,  le  processus  éteint  n'a  subi 
aucune  recrudescence,  et  la  mort  a  résulté  d'une  affection  intercur- 
rente. Si  les  lésions  de  décubitus  se  sont  produites  vers  la  fin,  c'est 
que  l'état  général  qui,  jusque-là,  s'était  montré  satisfaisant,  avait  subi, 
par  le  fait  d'une  affection  intercurrente  grave,  une  atteinte  profonde, 
permettant  le  développement  de  ces  altérations. 

Les  trois  observations  suivantes  nous  ont  été  communiquées  par 
M.  Dejerine  avec  les  préparations  microscopiques  qui  offraient  dans 
l'aspect  des  lésions  une  grande  similitude.  Ces  cas  sont  remarquables 
par  l'analogie  de  leur  évolution,  ils  répondent  au  type  complet  carac- 
térisé par  la  série  des  phénomènes  suivants  :  début  brusque  ;  établis- 
sement, puis  persistance  pendant  un  certain  temps  d'une  paraplégie 
grave  ;  amélioration  et  finalement  état  stationnaire. 

Cas  no  V.  —  Obs.  112  (inédite).  Communiquée  par  M.  Dejerine. 

RÉSUMÉ  CLINIQUE.  —  Homme.  A  22  ans,  chancre,  accidents,  secon- 
daires, deux  mois  de  traitement.  A  27  ans,  pendarit  quelques  jours, 
difficulté  dans  la  miction,  attaque  de  paraplégie  pendant  la  nuit; 
trois  mois  de  séjour  au  lit,  amélioration,  puis  état  stationnaire  : 
paraplégie  spasmodique,  intégrité  de  la  sensibilité,  incontinence 
d'urine,  mort  douze  ans  après  le  début,  d'accidents  urinaires. 

Autopsie.  —  Pas  de  lésions  macroscopiques,  à  part  un  foyer  de  sclé- 
rose transverse  d'environ  2  centim.  de  haut  au  niveau  de  la  région 
dorsale  moyenne.  Au  microscope,  sclérose  névroglique  du  foyer, 
méninges  peu  épaissies,  altérations  scléreuses  très  prononcées  des 
vaisseaux.  Dégénérescence  secondaire  ascendante  et  descendante. 

Histoire  clinique.  —  M...,  âgé  de  38  ans,  entre  à  Bicêtre  en  1884, 
pour  une  paraplégie. 

Antécédents  personnels.  —  Le  sujet  avait  toujours  été  bien  portant 
jusqu'en  1871.  A  cette  époque,  étant  alors  âgé  de  22  ans,  il  contracte  la 
syphilis.  Il  eut  un  chancre  et  des  plaques  muqueuses,  et  suivit  alors  un 
traitement  mercuriel  pendant  deux  mois  seulement. 

Maladie  actuelle.  Commémoratifs. —  Cinq  ans  après  cet  accident,  en 
1876,  à  l'âge  de  27  ans,  le  malade  éprouva  de  la  difficulté  à  uriner,  puis 
eut  de  l'incontinence  passagère  d'urine.  Ces  accidents  duraient  depuis 
quelques  jours  seulement,  lorsqu'un  matin  il  se  réveilla  complètement 
paralysé  des  membres  inférieurs.  La  paraplégie  était  à  peu  près  abso- 


—  357  — 


lue  ;  le  malade  no  resseatit,  paraît-il,  à  cette  époque,  aucune  douleur  vive, 
mais  ses  jambes  étaient  engourdies.  Incontinence  d'urine. 

Le  malade  dut  garder  le  lit  pendant  trois  mois  ;  au  bout  de  ce  temps, 
il  commença  à  se  lever,  puis  à  marcher  peu  à  peu,  d'abord  avec  des 
béquilles,  puis  avec  des  cannes.  Ses  jambes,  dit-il,  étaient  très  raides. 

L'état  s'améliora  pendant  un  certain  temps,  mais  depuis  des  années 
le  malade  est  resté  dans  la  même  situation. 

En  1884,  il  entra  à  l'hospice  de  Bicêtre  et  îut  envoyé  dans  une  division 
de  malades  chroniques. 

Etat  actuel.  —  Homme  de  constitution  moyennement  vigoureuse, 
atteint  de  paraplégie  spasmodique  avec  contracture  très  prononcée.  Le 
malade  marche  avec  deux  cannes;  ses  jambes  sont  très  raides,  les  pieds 
se  détachent  très  ditïicilement  du  sol;  la  démarche  est  lente,  mais  le 
malade  peut  fournir  une  assez  longue  course. 

La  force  musculaire  n'est  pas  sensiblement  diminuée  dans  les  mem- 
bres inférieurs,  on  éprouve  une  grande  diflfîculté  à  fléchir  les  jambes 
contre  la  volonté  du  malade,  et  celui-ci  peut  porter  un  homme  sur  ses 
épaules,  à  la  condition  qu'il  ait  pris  auparavant  une  position  d'équilibre 
satisfaisante. 

L'intensité  de  la  contracture  gêne  la  recherche  des  réflexes  tendineux 
des  membres  inférieurs.  Le  pied  se  place  en  extension  et  on  ne  peut 
produire  le  clonus  caractéristique,  à  cause  de  la  raideur  du  membre.  La 
même  cause  empêche  de  provoquer  le  réflexe  patellaire.  Dès  qu'on 
percute  le  tendon  rotulien,  la  jambe  se  place  dans  l'extension  forcée 
par  exagération  de  la  contracture. 

Le  malade  est  atteint  d'incontinence  intermittente  d'urine,  les  envies 
sont  impérieuses,  et  le  malade  ne  quitte  jamais  son  urinai  en  caout- 
chouc. 

Sensibilité.  —  Dans  les  membres  inférieurs,  comme  dans  les  autres 
parties  du  corps,  la  sensibilité  est,  en  gros,  normale  dans  ses  modes  : 
tact,  douleurs,  température. 

Les  membres  supérieurs  sont  intacts. 

Pupilles  égales  sans  myosis,  réagissant  normalement  à  la  lumière  et 
à  la  convergence. 
Les  urines  sont  troubles  et  ammoniacales. 

Au  mois  d'avril  1888,  le  malade,  qui  avait  été  renvoyé  dans  les  divi- 
sions de  chroniques,  remonta  à  l'infirmerie  de  l'hospice  :  les  urines 
étaient  très  troubles,  chargées  de  pus,  contenaient  de  l'abumine.  L'état 
général  du  sujet  était  fortement  atteint,  la  fièvre  était  assez  forte,  l'ap- 
pétit nul.  On  fit  des  lavages  de  la  vessie  avec  de  l'eau  boriquée,  mais 
les  accidents  de  cystite  persistèrent  et  le  malade  succomba  le  25  avril. 

Autopsie.  —  Le  cerveau  et  la  moelle  seuls  ont  pu  être  examinés. 

Encéphale.  —  Boîte  crânienne  normale,  pas  d'exostoses.  Dure-mère 
saine  sur  ses  deux  faces,  sans  trace  d'épaississement  ni  d'exsudat.  Pie- 


—  ;^58  — 


mère  fine,  normale  sans  adhérences  pathologiques.  Les  vaisseaux  de  la 
base  paraissent  sains. 

Les  coupes  macroscopiques  pratiquées  sur  le  cerveau,  le  cervelet,  la 
protubérance  et  le  bulbe,  ne  permettent  de  découvrir  aucune  altération 
appréciable. 

Moelle  épinière.  —  Pas  de  lésions  osseuses,  tissu  cellulaire  périmé- 
ningé  d'apparence  saine.  Dure-mère  normale  sur  ses  deux  faces. 

Au  niveau  de  la  région  dorsale  moyenne  de  la  moelle,  on  constate 
une  teinte  grisâtre  des  cordons  blancs,  s'étendant  un  peu  plus  sur  la 
face  antérieure  que  sur  la  face  postérieure,  et  siégeant  sur  une  hauteur 
de  2  centimètres.  A  ce  niveau,  la  pie  mère  présente  une  teinte  légère- 
ment grisâtre  et  paraît  un  peu  gonflée. 

Sur  une  coupe  de  la  moelle  fraîche,  passant  parla  partie  moyenne  de 
cette  plaque,  on  constate  à  l'œil  nu  qu'à  ce  niveau  la  substance  blanche 
a  pris  une  teinte  gris  rosé  et  que  les  limites  de  la  substance  grise  et  la 
substance  blanche  sont  beaucoup  moins  nettes  qu'à  l'état  normal.  On  sent 
à  la  pression  que  le  tissu  est  induré,  scléreux. 

Quelques  fragments,  isolés  au  moyen  de  ciseaux  courbes,  et  dissociés 
dans  le  picrocarmin,  montrent  au  microscope  des  corps  granuleux,  des 
fibrilles  névrogliques  serrées  et  enchevêtrées,  des  petits  vaisseaux 
dont  les  parois  hyalines  sont  très  épaisses,  beaucoup  sont  transformées 
en  un  cordon  fibroïde  sans  lumière  centrale. 

Les  coupes  transversales  des  autres  parties  de  la  moelle  montrent 
à  l'œil  nu  une  dégénérescence  ascendante  du  cordon  de  GoU  et  une 
dégénérescence  descendante  du  faisceau  pyramidal  latéral. 

Gasn°VI.  —  observation  113 (inédite). Communiquée  parM.  Dejerine. 

RÉSUMÉ  CLINIQUE.  —  Homme  de  19  ans,  chancre,  plaques  muqueuses, 
trois  mois  de  traitement.  A  28  ans,  faiblesse  brusque  des  jambes,  gué- 
rison.  Quelques  jours  après,  mêmes  phénomènes,  puis  paraplégie  ; 
six  mois  de  séjour  au  lit,  amélioralion,  puis  état  stalionnaire  :  para- 
plégie spasmodique,  intégrité  de  la  sensibilité,  troubles  des  sphinc- 
ters; mort,  quatorze  ans  après  le  début,  de  pneumonie. 

Autopsie.  —  Plaque  grisâtre  diffuse  de  la  moelle  au  niveau  de  la 
septième  et  de  la  huitième  racine  dorsale.  Au  microscope,  foyer 
de  sclérose  névroglique  diffus,  occupant  surtout  les  cordons  posté- 
rieurs  et  les  cordons  latéraux;  épaississement  léger  des  méninges, 
altérations  des  vaisseaux.  Dégénérescence  secondaire  ascendante  et 
descendante. 

Histoire  clinique.  —  Pis...,  ferblantier,  âgé  de  42  ans. 

Antécédents  personnels.  —  A  l'âge  de  19  ans,  en  1865,  le  malade  eut 
un  chancre  syphilitique  suivi  de  plaques  muqueuses,  et  se  soumit  à 
cette  époque  à  un  traitement  mercuriel  pendant  trois  mois. 


—  359  — 


Maladie  acluelle.  Commémoralifs.  —  A  l'âge  de  28  ans,  en  1874,  le 
malade,  jusque-là  bien  portant,  éprouva  un  jour,  dans  les  jambes,  une 
faiblesse  brusque  qui  le  fit  tomber  :  mais  ce  n'était  là  qu'un  avertisse- 
ment; la  faiblesse  ne  dura  que  quelques  instants,  et  le  malade  recouvra 
bientôt  l'usage  de  ses  jambes. 

Trois  jours  plus  tard,  le  même  accident  se  reproduisit  :  le  malade  se 
rendait  à  son  travail,  lorsqu'il  fut  pris  de  tremblement  dans  les  jambes 
qui  faiblirent  sous  lui.  On  dut  le  transporter  chez  lui.  La  paralysie  fut 
d'abord  presque  totale,  s'accompagna  d'incontinence  d'urine  et  le 
malade  garda  le  lit  pendant  six  mois.  Au  bout  de  ce  temps,  il  commença 
à  marcher,  d'abord  très  péniblement,  puis,  son  état  s'améliorant  peu  à 
peu,  il  lui  fut  possible  de  reprendre  ses  occupations. 

A  partir  de  ce  moment,  la  situation  ne  s'est  guère  modifiée,  le  malade 
marche  avec  deux  cannes,  mais  il  peut  exercer  sa  profession,  fait  d'assez 
longues  courses  et  reste  debout  plusieurs  heures  par  jour. 

Eu  1886,  le  malade  entra  à  l'hospice  de  Bicêtre  et  fut  placé  dans  les 
divisions  de  chroniques. 

Le  21  mai  1888,  il  fut  admis  à  l'infirmerie  de  l'hospice  pour  des 
symptômes  de  grippe. 

On  constate  alors  l'état  suivant  :  le  malade  marche  avec  deux  cannes, 
en  se  balançant,  les  jambes  raides  incomplètement  étendues,  il  est 
digitigrade,  car  la  pointe  des  pieds  appuie  fortement  sur  le  sol,  tandis 
que  les  talons  y  reposent  à  peine. 

En  temps  ordinaire,  le  malade  peut  marcher  assez  longtemps,  il  va 
par  exemple  assez  souvent  depuis  l'hospice  jusque  dans  Paris  et  fait 
ainsi  plusieurs  kilomètres,  mais  l'allure  est  lente,  il  bute  facilement  et 
se  fatigue  assez  vite. 

La  force  musculaire  est  encore  très  grande  dans  les  membres  inférieurs 
et  il  n'y  a  pas  de  signes  évidents  d'atrophie  musculaire;  mais  dans  les 
mouvements  passifs  on  constate  une  raideur  accentuée  des  membres 
inférieurs  ;  les  réflexes  rotuliens  sont  très  exagérés,  on  provoque  des 
deux  côtés  le  phénomène  du  pied  et  même  le  tremblement  clonique  de 
la  rotule. 

La  sensibilité  objective  est  intacte  et  le  malade  n'accuse  aucune  dou- 
leur. A  aucune  période  de  sa  maladie  il  n'a  d'ailleurs  jamais  souffert  de 
douleurs  vives,  il  aurait  simplement  éprouvé  au  début  des  fourmille- 
ments et  de  l'engourdissement  dans  les  jambes. 

Les  envies  d'uriner  sont  impérieuses  et  parfois  la  miction  se  fait 
spontanément. 

Les  membres  supérieurs  et  la  tête  sont  indemnes,  les  pupilles  réagis- 
sent normalement. 

Il  s'agit,  en  somme,  d'une  paraplégie  spasmodique  de  moyenne  inten- 
sité et  à  peu  près  égale  des  deux  côtés. 

Le  malade  succomba  à  une  broncho-pneumonie  le  6  juin  1888,  à  l'âge 
de  42  ans,  quatorze  ans  après  l'attaque  de  paraplégie. 


—  360  — 


Autopsie.  —  Les  enveloppes  crâniennes  et  l'encéphale  ne  présentent 
aucune  anomalie  pathologique,  les  méninges  paraissent  saines  à  l'œil  nu, 
en  tous  cas  sans  adhérences  entre  elles  ni  avec  la  substance  nerveuse. 

Les  coupes  fraîches  du  cerveau  et  du  cervelet  ne  montrent  aucune 
lésion. 

Moelle.  —  Pas  d'altérations  macroscopiques  du  rachis  ni  de  la  dure- 
mère;  la  pie-mère  ne  présente  pas  d'épaississement  appréciable  ;  la 
moelle  est  indurée  et  d'une  teinte  grisâtre  dans  la  région  dorsale 
moyenne;  à  la  coupe,  on  constate  une  sclérose  incomplète,  diffuse  et  de 
couleur  gris  rosé,  envahissant  irrégulièrement  la  région  dorsale  moyenne 
et  présentant  son  maximum  d'intensité  au  niveau  des  septième  et 
huitième  racines  dorsales.  Dégénérescence  secondaire  ascendante  et 
descendante. 

Cas  n»  VII.  —  Observation  114  (inédite).  Communiquée  par 
M.  Dejerine. 

RÉSUMÉ  CLINIQUE.  —  Homme  ;  h  W  ans  chancre,  plaques  muqueuses, 
traitement  insuffisant  ;  à  26  ans,  faiblesse  et  fourmillements  des 
jambes,  puis  paraplégie  complète  développée  en  vingt-quatre  heures. 
Huit  mois  de  séjour  au  lit,  amélioration  et  état  stationnaire :  para- 
plégie spasmodique,  troubles  des  sphincters,  sensibilité  intacte,  pas 
de  douleurs,  pas  d'atrophie  musculaire.  Mort,  vingt  ans  après  le 
début,  de  tuberculose  pulmonaire. 

Autopsie.  —  Pas  de  lésion  macroscopique  de  la  moelle  sauf  un  foyer 
de  sclérose  transverse  long  de  3  centim.  dans  la  région  dorsale 
moyenne.  Au  microscope  :  mêmes  modifications  que  dans  les  cas 
précédents. 

Histoire  clinique.  —  Dub...,  menuisier,  âgé  de  45  ans,  à  l'hospice  de 
Bicêtre  depuis  1886. 

Antécédents.  — A  l'âge  de  20  ans,  en  1863,  le  malade  prit  un  chancre 
qui  fut  suivi  de  plaques  muqueuses.  Traitement  pendant  cinq  semaines 
à  l'hôpital  du  Midi. 

Maladie  actuelle.  Commémoratifs.  —  A  l'âge  de  26  ans,  en  1869,  le 
malade  éprouva  dans  les  jambes  un  sentiment  de  faiblesse, accompagné 
de  fourmillements  douloureux.  Ces  symptômes  se  manifestèrent  pen- 
dant quelques  jours  avec  une  intensité  variable,  lorsqu'un  jour  la  fai- 
blesse augmenta  tout  à  coup  assez  rapidement,  si  bien  que,  vingt-quatre 
heures  après,  la  paraplégie  était  complète. 

Le  malade  fut  transporté  à  l'hôpital  Lariboisière  oiî  il  resta  plus  d'une 
année.  Pendîint  huit  mois,  il  garda  le  lit,  la  paraplégie  était  très  accen- 
tuée et  s'accompagnait  d'incontinence  d'urine.  Au  bout  de  ce  temps,  le 
malade  put  se  lever  et  commença  à  marcher  peu  à  peu. 


—  361  — 


Après  avoir  bénéficié  d'une  amélioration  notable  et  progressive,  il 
est  resté  depuis  de  longues  années  dans  un  état  absolument  station- 
naire. 

La  marche  était  assez  pénible,  mais  le  malade  pouvait  cependant 
exercer  tant  bien  que  mal  sa  profession  de  menuisier. 

Il  fit  plusieurs  séjours  dans  différents  hôpitaux,  et  finalement  fut 
admis  à  Bicètre  en  avril  1886. 

Étal  actuel,  février  1889.  —  Le  malade  présente  les  signes  clas- 
siques de  la  paraplégie  spasmodique,  la  contracture  est  très  prononcée 
même  à  l'état  de  repos;  le  malade  étant  assis,  les  genoux  sont  rappro- 
chés, il  ne  peut  croiser  une  cuisse  sur  l'autre. 

Dans  les  mouvements  communiqués,  on  sent  une  grande  raideur,  et  à 
ce  moment  la  contracture  prend  une  telle  intensité  qu'elle  rend  difficile 
la  recherche  des  réflexes  ;  le  pied  se  place  en  position  équine,  il  ne 
peut  être  relevé,  et  l'on  ne  peut  pour  cette  raison  provoquer  le  trem- 
blement clonique  caractéristique.  Dans  la  marche,  la  raideur  est  égale- 
ment extrêmement  prononcée,  le  sujet  marche  difficilement  avec  deux 
cannes,  les  pieds  sont  comme  attachés  au  sol,  le  corps  est  penché  en 
avant. 

La  sensibilité  est  intacte  dans  tous  ses  modes,  le  malade  ne  se  plaint 
d'aucune  douleur. 
Incontinence  fréquente  d'urine. 

Intégrité  des  membres  supérieurs,  de  la  face,  des  yeux. 

Au  mois  de  décembre  1890,  le  malade  entre  à  l'infirmerie  :  il  est 
atteint  depuis  longtemps  de  tuberculose  pulmonaire,  mais  l'état  général 
s'est  beaucoup  afl'aissé  depuis  quelques  mois.  Mort  le  23  décembre,  à 
l'âge  de  46  ans,  vingt  ans  après  l'attaque  de  paraplégie. 

Autopsie.  —  Intégrité  à  l'examen  macroscopique  des  enveloppes 
crâniennes;  méninges  saines.  Aucune  lésion  sur  les  coupes  fraîches  du 
cerveau  et  du  cervelet. 

Moelle.  —  Pas  de  lésions  du  canal  rachidien  ni  des  méninges  appré- 
ciables à  l'œil  nu.  La  moelle, dans  la  partie  moyenne  de  la  région  dorsale, 
est  indurée  et  grisâtre  sur  une  étendue  de  3  centim.  A  la  coupe, 
on  trouve  un  tissu  gris  rosé  qui  envahit  inégalement  toute  l'épaisseur 
de  la  moelle  à  ce  niveau,  mais  est  surtout  disposé  dans  la  zone  péri- 
phérique et  dans  la  partie  postéro-latérale  du  cordon  latéral  et  du 
cordon  postérieur.  Dégénérescence  secondaire  ascendante  et  descen- 
dante. 

Examen  microscopique  des  cas  n"^  V,  VI  et  VII. 

Les  préparations  microscopiques  correspondant  à  ces  trois  cas 
nous  ont  été  confiées  par  M.  Dejerine.  Les  préparations  que  nous 


—  362  — 


avons  examinées,  colorées  par  le  carmin  ou  la  méthode  de  Weigert, 
offrent  des  lésions  très  caractéristiques,  qui  peuvent  être  rappro- 
chées de  celles  que  nous  avons  décrites  dans  notre  cas  n"  VI. 
Elles  présentent  d'autre  part,  dans  ces  trois  derniers  cas,  une 
telle  similitude  qu'il  est  possible  d'en  donner  une  description  d'en- 
semble. 

Lésions  des  méninges  et  des  vaisseaux  périphériques.  —  Dans 
aucune  des  coupes,  la  pie-mère  n'offre  d'épaississement  bien  marqué. 
Aux  régions  cervicale  et  lombaire,  elle  est  ;iussi  déliée  qu'à  l'ordinaire  ; 
mais  dans  les  régions  qui  correspondent  aux  altérations  primitives  du 
parenchyme  médullaire,  elle  offre  une  augmentation  manifeste  d'épais- 
seur qui  forme  même  quelques  amas  fibreux  importants  aux  environs 
des  systèmes  vasculaires  importants  (système  spinal  antérieur  et  sys- 
tèmes spinaux  postéro-latéraux).  On  ne  note  cependant  pas  d'élargisse- 
ment important  des  travées  conjonctives  qui  pénètrent  dans  la  substance 
nerveuse,  sauf  dans  les  points  oii  ces  prolongements  accompagnent  un 
vaisseau  à  parois  très  épaisses  et  scléreuses. 

Toutes  ces  altérations  offrent  une  apparence  sclérense  bien  en  rap- 
port avec  l'ancienneté  du  processus.  En  aucun  point  on  ne  trouve 
d'infiltration  embryonnaire  jeune,  soit  sous  forme  de  nappe  diffuse,  soit 
sous  forme  de  nodule  circonscrit.  La  pie-mère,  bien  qu'accolée  à  la 
moelle,  n'y  adhère  pas  d'une  façon  intime  dans  les  parties  dégénérées. 
Le  tissu  scléreux  de  la  méninge  est  tout  à  fait  distinct  de  la  sclérose 
de  la  moelle  sous-jacente.  Souvent,  entre  une  zone  scléreuse  du  paren- 
chyme nerveux  et  la  méninge,  il  existe  une  mince  bande  où  les  tubes 
nerveux  persistent,  ce  qui  indique  nettement  que  l'altération  de  la  moelle 
n'est  pas  le  fait  d'un  envahissement  par  une  infiltration  émanée  de  la 
pie-mère.  Aussi  bien,  dans  les  parties  qui  correspondent  à  l'altération 
transverse  primitive,  bien  que  la  pie-mère  soit  plus  épaissie,  il  n'existe 
aucune  trace  de  pénétration  de  la  moelle  par  un  tissu  conjonctif  de 
même  nature  que  celui  qui  constitue  la  méninge. 

Les  altérations  des  vaisseaux  périphériques  offrent  les  mêmes  aspects 
dans  les  trois  cas. 

D'une  façon  générale,  les  veines  sont  plus  atteintes  que  les  artères,  et 
les  grosses  branches  artérielles  sont  respectées.  En  aucun  point  on  ne 
constate  l'oblitération  de  l'artère  spinale  antérieure,  il  n'existe  même 
pas  d'endartérite  bien  caractérisée;  les  parois  du  vaisseau  sont  seule- 
ment épaissies  et  fibreuses,  principalement  au  niveau  de  la  tunique 
externe.  Ces  mêmes  remarques  sont  applicables  aux  troncs  artériels 
principaux  des  systèmes  spinaux  postéro-latéraux. 

Les  veines  correspondantes  sont  bien  plus  affectées  ;  on  trouve  de  gros 
troncs  complètement  oblitérés  et  réduits  à  un  cordon  hyalin  dont  la 


—  363  — 


périphérie  seule  présente  un  aspect  fibrillaire.  Il  est  remarquable  que 
ces  derniers  vaisseaux  se  montrent  le  plus  souvent  isolés  et  sans  adhé- 
rence avec  la  méninge  plus  ou  moins  épaissie.  Tous  les  petits  vaisseaux 
compris  dans  l'épaisseur  de  la  pie-mère,  vaisseaux  dont  la  nature  arté- 
rielle ou  veineuse  est  d'ailleurs  diflicile  à  définir,  sont  au  contraire  pro- 
fondément modifiés.  Ils  offrent  tous  une  paroi  hyaline  très  épaisse 
comparativement  à  la  lumière,  beaucoup  sont  complètement  oblitérés 
et  apparaissent  au  milieu  du  tissu  scléreux  de  la  méninge  comme  de 
petits  cercles  fibreux  ou  hyalins. 

Dans  les  régions  extrêmes  de  la  moelle,  éloignées  par  conséquent  du 
foyer  d'altération  maximum,  les  lésions  inéningo-vasculaires  présentent 
un  aspect  intéressant  que  nous  avons  décrit  à  propos  du  cas  n°  IV.  Le 
stroma  propre  de  la  pie-mère  est  régulier  et  d'épaisseur  normale, 
mais  on  trouve,  accolés  à  cette  même  membrane,  de  petits  vaisseaux 
dont  la  tunique  externe  est  très  épaissie  et  comme  doublée  extérieure- 
ment par  une  couche  fibreuse.  On  observe  aussi  à  la  surface  externe  de 
la  méninge  de  petits  épaississements  fibreux  formant  comme  un  dépôt 
organisé  surajouté  au  stroma  propre  de  la  membrane. 

Altérations  du  tisnu  nerveux.  —  Dans  les  trois  cas,  il  existe  à  la 
région  cervicale  une  dégénérescence  secondaire  bien  accusée  du  cordon 
de  Goll  et  du  faisceau  cérébelleux  direct,  et  à  la  région  lombo-sacrée 
une  sclérose  franche  du  faisceau  pyramidal.  Quant  aux  altérations  pri- 
mitives, nous  avons  déjà  indiqué  dans  les  protocoles  d'autopsie  les 
points  oîi  elles  présentaient  leur  maximum  de  développement. 

Dans  les  trois  cas,  la  moelle  n'est  intéressée  en  aucun  point  dans  toute 
son  épaisseur, les  lésions  sont  nettement  prédominantes  dans  les  cordons 
latéraux  et  les  cordons  postérieurs,  la  substance  grise  est  généralement 
respectée,  bien  qu'on  y  trouve  des  lésions  manifestes  des  cellules 
nerveuses. 

Il  existe  d'ailleurs  quelques  difi'érences  pour  la  topographie  des 
lésions  primitives  dans  les  trois  cas. 

Dans  les  cas  n"^  V  et  VI,  les  altérations  primitives,  bien  que  manifes- 
tement prédominantes  dans  la  partie  postérieure  des  cordons  latéraux 
et  dans  la  partie  adjacente  des  cordons  postérieurs,  sont  répandues 
d'une  façon  assez  dilïuse  dans  toute  la  périphérie  de  la  moelle,  sur  une 
hauteur  qui  correspond  au  foyer  d'altération  que  nous  avons  signalé. 

Elles  constituent  un  véritable  foyer  transverse  assez  limité,  bien 
qu'incomplet,  d'où  est  partie  la  dégénérescence  secondaire  ascendante 
ou  descendante.  Dans  le  cas  n»  VII,  au  contraire,  la  dégénérescence 
semble  avoir  atteint  primitivement  et  symétriquement  les  deux  cordons 
latéraux  sur  presque  toute  leur  étendue  transversale  au  moins  dans  un 
long  segment  de  la  moelle.  Le  cordon  postérieur,  au  contraire,  n'est 
atteint  sérieusement  qu'au  niveau  de  la  zone  marginale.  Aux  parties 
supérieures  de  la  moelle,  la  sclérose  du  cordon  latéral  dépasse  les 


—  364  — 


limites  ordinaires  assignées  à  la  dégénérescence  secondaire  du  faisceau 
cérébelleux  et  envahit  quelque  peu  la  région  pyramidale.  C'est  un 
aspect  que  nous  avons  déjà  constaté  dans  le  cas  no  IV.  D'ailleurs,  à 
mesure  qu'on  s'élève  dans  la  région  cervicale,  l'importance  de  cette 
dégénération  pyramidale  s'atténue,  si  bien  qu'à  la  région  cervicale  supé 
rieure  il  ne  reste  que  la  sclérose  classique  du  faisceau  cérébelleux  et 
peut-être  celle  du  faisceau  de  Gowers  sur  une  faible  étendue. 

La  dégénérescence  secondaire  du  cordon  de  Goll  est  assez  peu  mar- 
quée, au  moins  comme  intensité,  beaucoup  moins  que  dans  les  cas  n"  V 
et  no  VI. 

La  dégénérescence  pyramidale  descendante,  est  au  contraire^  extrê- 
mement accentuée  dans  la  région  lombaire,  tandis  que  le  cordon  posté- 
rieur est  absolument  intact. 

Dans  les  cas  n°  V  et  n°  VI,  la  dégénérescence  du  cordon  latéral 
remonte  aussi  un  peu  en  s'atténuant  rapidement  au-dessus  de  la  région 
qui  semble  répondre  au  foyer  d'altération  transverse  primitive,  mais  la 
dégénérescence  du  cordon  latéral  est  moins  accusée  et  la  sclérose  pyra- 
midale remonte  bien  moins  haut  que  dans  le  cas  n°  VII.  Au  contraire,  le 
cordon  postérieur  est  plus  atteint  et  le  cordon  de  Goll  dégénéré  est 
presque  totalement  dépourvu  de  tubes  nerveux,  excepté  dans  la  partie 
médiane  contiguë  au  septum  médian  postérieur.  La  sclérose  pyramidale 
descendante  est  d'ailleurs  nettement  caractérisée. 

Dans  les  trois  cas,  même  à  la  hauteur  du  foyer  transverse,  il  persiste 
dans  la  partie  intermédiaire  qui  entoure  la  substance  grise  une  zone 
de  substance  blanche  intacte,  alors  que  la  substance  grise  voisine  pré- 
sente des  modifications  importantes. 

Les  apparences  histologiques  du  tissu  nerveux  dégénéré  sont  absolu- 
ment identiques  dans  les  trois  cas. 

Les  foyers  de  sclérose  primititive  et  les  cordons  dégénérés  secondai- 
rement sont  constitués  par  du  tissu  névroglique  très  dense,  ils  ne  se 
distinguent  les  uns  des  autres  que  par  les  altérations  vasculaires  très 
développées  dans  les  premiers. 

Le  tissu  de  sclérose  névroglique  est  composé  de  fibrilles  très  serrées 
et  enchevêtrées,  affectant  les  dispositions  que  nous  avons  déjà  décrites. 
On  trouve  au  milieu  de  ce  tissu  quelques  tubes  nerveux  absolument 
intacts,  et  quelques  cylindres-axes  bien  constitués,  à  coupe  nettement 
circulaire,  bien  colorés  et  entourés  d'une  très  mince  gaine  de  myéline. 

Les  zones  scléreuses  qui  affleurent  le  contour  de  la  moelle  et  vien- 
nent au  contact  de  la  pie-mère  se  distinguent  parfaitement  du  tissu 
fibreux  de  la  méninge  et  il  n'y  a  aucune  continuité  de  tissu.  On  n'observe 
en  aucun  point  la  pénétration  dans  la  moelle  d'une  bande  conjonctive 
importante,  en  forme  de  coin,  émanée  de  la  pie-mère,  contrairement  à 
ce  que  nous  avons  constaté  dans  d'autres  cas. 

Le  processus  d'altération  semble  absolument  univoquc  dans  les  trois 
cas  et  dans  tous  les  points  atteints  primitivement. 


—  365  — 


Les  produits  de  désintégration  des  éléments  nerveux  et  les  corps 
granuleux  sont  peu  nombreux  ;  leur  existence  est  d'ailleurs  très  difficile 
à  établir  sur  des  préparations  anciennes  montées  dans  le  baume  du 
Canada.  Cependant,  les  zones  scléreuses  sont  ponctuées  de  vacuoles 
claires  et  disséminées,  et  parfois  confluentes,  qui  peuvent  être  considérées 
comme  les  loges  de  corps  granuleux  dissous  ou  éclairais  par  les  essences 
et  le  baume. 

La  sclérose  névroglique  des  cordons  dégénérés  secondairement  n'offre 
aucun  caractère  spécial  et  ces  zones,  dans  les  points  où  elles  sont  super- 
ficielles, se  comportent  vis-à-vis  de  la  pie-mère  adjacente  comme  les 
parties  atteintes  primitivement. 

Les  altérations  vasculaires  du  tissu  médullaire  sont  très  développées 
et  très  importantes.  Dans  les  zones  scléreuses  du  foyer  transverse,  ou 
trouve  des  vaisseaux  énormes,  à  parois  hyalines,  souvent  oblitérés  et 
présentant  tous  les  aspects  que  nous  avons  déjà  décrits  à  propos  du 
cas  n°  IV.  La  paroi  est  généralement  composée  de  deux  couches  :  une 
couche  externe  fibreuse,  striée  de  fibrilles  fines,  ondulées  et  parallèles, 
mêlées  de  noyaux' peu  nombreux,  et  une  couche  interne  hyaline,  colo- 
rée en  rose  par  le  carmin,  souvent  séparée  de  la  couche  externe  par 
une  fente  ou  une  zone  ondulée,  brillante,  qui  peut  être  considérée 
comme  une  membrane  élastique.  Dans  ces  conditions,  la  couche  interne 
hyaline  représenterait  la  membrane  interne  hypertrophiée  du  vaisseau. 

Souvent,  le  vaisseau  est  complètement  oblitéré  et  forme  un  cordon 
hyalin  contenant  un  débris  de  membrane  élastique  et  quelques  noyaux 
fusiformes.  Il  est  très  fréquent  de  voir  un  semblable  cordon  creusé  de 
deux  à  trois  capillaires  néoformés  nettement  caractérisés  par  un  rang 
de  cellules  endothéliales  (pl.  IV,  fig.  5). 

Enfin  le  vaisseau  hyalin  ou  fibreux  est  parfaitement  distinct  du  tissu 
névroglique  qui  l'entoure  et  lui  forme  comme  une  ceinture  de  fibrilles 
névrogliques  concentriques.  Ces  vaisseaux  sont  particulièrement  nom- 
breux et  volumineux,  dans  les  zones  qui  paraissent  avoir  été  atteintes 
primitivement,  mais  on  en  trouve  encore  un  grand  nombre  dans  les 
cordons  atteints  de  dégénérescence  secondaire. 

Enfin,  remarque  d'importance  capitale,  même  dans  les  parties  de  la 
moelle  où  le  tissu  nerveux  est  intact,  ou  voit  de  nombreux  vaisseaux 
très  volumineux,  à  parois  hyalines  très  épaisses,  presque  oblitérés  et  en 
contact  avec  des  tubes  nerveux  absolument  sains,  ou  séparés  de  ceux- 
ci  seulementpar  quelques  fibrilles  névrogliques  disposées  circulairement. 
Ce  fait  prouve]^  d'une  manière  péremptoire  que  les  altérations  vascu- 
laires sont  primitives  et  ne  résultent  pas  de  l'action  de  la  sclérose  qui 
les  environne. 

Les  altérations  de  la  substance  grise  sont  peu  marquées  ;  cependant, 
dans  les  régions  qui  correspondent  au  foyer  des  lésions  primitives  du 
tissu  nerveux,  beaucoup  de  cellules  nerveuses  ont  disparu,  celles  qui 


—  366  — 


persistent  sont  u:lobuleuses  ou  réduites  à  un  moignon  arrondi  ou  trian- 
gulaire fortement  coloré,  et  n'occupant  qu'une  partie  de  la  loge  qui  le 
contient. 

Les  racines  sont,  d'une  façon  générale,  peu  compromises;  sur  aucune 
des  préparations  elles  ne  sont  englobées  par  une  uéoformation  fibreuse,  et 
le  périnèvre  est  peu  épaissi.  Les  tubes  nerveux  y  sont  très  nombreux 
et  la  plupart  conservés  intacts,  ainsi  que  le  démontrent  les  préparations 
colorées  par  l'hémotaxyline  de  Weigert,  mais  les  vaisseaux  sont  épaissis 
et  fibreux,  les  espaces  conjonctifs  interfasciculaires  élargis.  En  somme, 
les  lésions  sont  absolument  analogues  à  celles  que  nous  avons  consta- 
tées dans  le  cas  u°  IV. 

Il  est  difficile,  dans  ces  trois  cas,  d'établir  d'une  façon  irréprochable 
la  marche  du  processus,  à  cause  de  l'ancienneté  des  lésions.  Cependant, 
nous  remarquerons  que  les  lésions  vasculaires  sont  prépondérantes, 
qu'en  plusieurs  points  elles  se  montrent  isolées  et  manifestement  pri- 
mitives ;  d'autre  part,  que  l'épaississement  des  méninges  est  modéré 
et  qu'en  aucun  endroit  on  ne  trouve  les  traces  d'un  envahissement  du 
tissu  de  la  moelle  par  un  processus  émané  de  la  pie-mère. 

Les  altérations  de  la  moelle  doivent  être  considérées  :  les  unes 
(celles  qui  sont  diffuses),  comme  consécutives  à  la  nécrose  anémique 
du  tissu  nerveux  dans  des  régions  où  la  membrane  nourricière  de  la 
moelle  et  en  particulier  les  vaisseaux  se  montrent  le  plus  altérés  ;  les 
autres  (celles  des  cordons  dégénérés  systématiquement),  comme  le 
résultat  de  la  dégénérescence  secondaire  des  tubes  nerveux  inter- 
rompus dans  leur  trajet. 

Cette  interprétation  est  appuyée  par  l'étude  anatomique  antérieure 
que  nous  avons  faite  de  cas  à  évolution  plus  rapide,  dont  le  tableau 
clinique  ne  diffère  de  celui  des  trois  derniers  que  par  la  plus  grande 
intensité  des  symptômes.  Dans  les  uns  comme  dans  les  autres,  le  début 
a  été  brusque,  ainsi  qu'il  convient  à  une  altération  résultant  d'un 
trouble  circulatoire  ;  mais  ces  derniers  cas,  qui  ont  permis  la  survie 
du  sujet,  ont  offert  le  tableau  clinique  complet  de  l'affection  et  ont 
laissé  le  processus  scléreux  atteindre  le  dernier  terme  de  son  évo- 
lution. 


—  3fi7  — 


Cas  no  VIII.  —  Observation  115  (personnelle).  Recueillie  dans  le 
service  de  M.  Dejerine,  à  l'hospice  de  Bicêtre. 

RÉSUMÉ  CLINIQUE.  —  Homme.  En  1810,  à  l'âge  de  30  ans,  chancre, 
accidents  secondaires  ;  traitement.  —  Août  187 'i,  refroidissement 
suivi  de  quelques  troubles  de  la  sensibilité  dans  les  jambes  ;  quatre 
semaines  après,  brusque  rétention  d'urine,  faiblesse,  puis  raideur 
des  jambes,  douleurs  lombaires.  Développement  progressif  d'une 
paraplégie  spasmodique  qui  persiste  ensuite  à  l'état  chronique.  — 
Juillet  1891,  affaiblissement  général,  cystite.  —  Mort  le  26  octobre 
1891. 

Autopsie.  —  Tuberculose  pulmonaire  avancée.  Pas  de  lésions  macros- 
copiques dans  le  canal  rachidien,  ni  dans  les  enveloppes  de  la 
moelle.  Foyer  d'altération  transverse  dans  la  région  dorsale  infé- 
rieure. Dégénérescence  secondaire  ascendante  et  descendante.  Pas 
d'examen  microscopique. 

Histoire  clinique.  —  Adolphe  Froid..,  employé,  âgé  de  49  ans,  entré 
au  mois  d'avril  1889  à  l'infirmerie  de  l'hospice  de  Bicêtre  dans  le  service 
de  M.  Dejerine. 

Antécédents  héréditaires.  —  Père  mort  à  60  ans  d'une  affection  de 
l'estomac.  Mère  morte  à  83  ans,  atteinte  de  rhumatisme  chronique 
déformant.  La  famille  comprenait  six  enfants,  dont  l'aîné  est  mort  à  l'âge 
de  37  ans,  à  la  suite  d'une  affection  cérébrale  qui  avait  duré  quatre  ou 
cinq  ans  et  s'était  manifestée  par  une  hémiplégie  droite  avec  aphasie. 
Les  autres  sont  en  bonne  santé,  à  l'exception  de  notre  malade. 

Antécédents  persomiels.  —  F...  était  dans  sa  jeunesse  d'un  tempé- 
rament nerveux  et  délicat,  il  avait  de  fréquents  maux  de  tête  et  des 
saignements  de  nez.  Il  reçut  une  instruction  assez  soignée,  mais  vou- 
lant préparer  les  examens  du  baccalauréat,  il  ne  put  supporter  la  fatigue 
cérébrale  qui  résultait  de  la  vie  confinée  à  laquelle  il  était  astreint.  Il 
souffrait  de  céphalalgie,  d'insomnie  et  de  vertiges.  Il  mod'fia  alors  sa 
façon  de  vivre  et,  de  20  à  30  ans,  se  mit  à  voyager  comme  placier  en 
vins. 

Malgré  sa  profession  il  échappa  à  l'alcoolisme. 

En  1870,  il  eut  une  bronchite  assez  sévère  qui  dura  plusieurs  mois  et 
s'accompagna  de  crachements  de  sang. 
Il  resta  célibataire. 

En  1870,  à  l'âge  de  30  ans,  il  eut  un  chancre  syphilitique.  Il  ne  suivit 
à  ce  moment  aucun  traitement,  mais  quelque  temps  après  il  eut  des 
manifestations  syphilitiques  cutanées  assez  sérieuses  sur  les  bras 
et  les  jambes;  il  prit  alors  des  sels  de  mercure  et  de  l'iodure  de 
potassium. 


—  368  — 


Deux  ans  aprè^s,  il  renonça  aux  voyages  et  alla  vivre  à  la  campagne 
comme  cultivateur. 

1874.  Au  mois  d'août,  étant  occupé  aux  champs  à  un  travail  fatigant, 
qui  l'avait  mis  en  sueur,  il  fut  trempé  par  un  orage  et  resta  à  l'abri 
pendant  deux  heures,  transi  et  frissonnant.  Le  lendemain  il  éprouvait 
dans  les  orteils  des  fourmillements  qui  gagnèrent  rapidement  les  jambes 
et  les  genoux;  puis  presque  aussitôt  des  douleurs  très  vives  dans  les 
membres  inférieurs.  La  sensibilité  objective  plantaire  était  en  même 
temps  plus  ou  moins  pervertie.  Il  existait  de  plus  une  céphalalgie  très 
violente.  A  cette  époque,  le  malade  suivit  un  traitement  banal,  mais  nul 
traitement  spécifique.  Néanmoins,  ces  symptômes  semblaient  s'amender, 
ils  étaient  presque  complètement  eÉfacés  au  bout  de  quatro  à  cinq 
semaines,  lorsqu'à  cette  époque  il  eut  une  brusque  rétention  d'urine 
qui  persista  toute  une  journée  et  fut  suivie  d'une  incontinence  qui  n'a 
pas  cessé  depuis.  En  même  temps,  il  existait  des  troubles  dans  les  fonc- 
tions du  sphincter  anal  :  il  y  eut  d'abord  une  constipation  opiniâtre, 
suivie  d'alternatives  de  constipation  et  de  diarrhée.  Enfin,  assez  souvent, 
les  matières  s'échappaient  malgré  la  volonté  du  malade. 

Les  jambes,  cependant,  devenaient  raides,  lourdes  et  inhabiles,  la 
marche  de  plus  en  plus  pénible.  Ces  symptômes,  toutefois,  se  dévelop- 
paient insidieusement,  sans  obliger  le  malade  à  garderie  lit. 

En  1879,  le  sujet  vint  à  Paris  et  pendant  plusieurs  années  resta  dans 
le  même  état.  Les  principaux  symptômes  étaient  l'incontinence  des 
urines  et  parfois  des  matières  fécales,  un  certain  degré  de  faiblesse  et  de 
raideur  des  membres  inférieurs  gênant  la  marche.  L'état  général  était 
satisfaisant,  les  facultés  intellectuelles  intactes,  le  malade  était  alors 
économe  dans  un  pensionnat. 

Juillet  1887.  Le  malade  éprouve  de  vives  douleurs  dans  la  région 
lombaire  et  expulse  dans  ses  urines  un  calcul  phosphatique  du  volume 
d'une  noisette  (?)  accompagné  de  petit  graviers. 

Décembre  1887.  Quelques  troubles  cérébraux,  affaiblissement  de  la 
mémoire.  Le  malade  eut  même  un  jour  une  absence,  il  se  perdit  dans 
la  rue,  erra  pendant  un  certain  temps,  à  moitié  inconscient,  et  rentra 
chez  lui  sans  se  rendre  un  compte  exact  de  ce  qui  lui  était  arrivé.  Le 
lendemain,  il  entra  à  l'hôpital  Laennec,  dans  le  service  du  professeur 
Bail  et  y  resta  trois  mois.  Novembre  1888,  entre  à  l'Hôtel-Dieu,  dans  le 
service  de  M.  Bucquoy.  Avril  1889.  Admission  à  l'hospice  de  Bicêtre 

Éia.t  actuel,  motilité.  —  Il  existe  un  mélange  de  parésie  et  de  rai- 
deur dans  les  membres  in  férieurs.  Les  mouvements  sont  lents,  mais  sans 
incoordination.  La  force  est  considérablement  diminuée;  la  jambe  étant 
étendue,  le  malade  ne  peut  résistera  l'effort  que  l'on  fait  pour  la  flécliir; 
de  même,  si  l'on  veut  étendre  la  jambe  fléchie,  il  ne  peut  s'y  opposer. 

D'autre  part,  les  réflexes  rotuliens  sont  très  exagérés,  surtout  à 
droite,  la  trépidation  clonique  du  pied  s'obtient  des  deux  côtés.  Le 


—  369  — 


réflexe  cutané  plantaire  est  plus  marqué  du  côté  droit.  Debout,  le 
malade  ne  présente  aucune  trace  du  signe  de  Romberg,  mais  il  ne  se 
sent  pas  très  solide  sur  ses  jambes  et  pourrait  être  facilement  renversé. 
La  marche  est  lente,  les  pas  sont  réguliers  mais  mal  assurés,  l'occlu- 
sion des  yeux  rend  la  démarche  encore  plus  hésitante,  sans  amener 
toutefois  de  perte  d'équilibre.  Les  pieds  traînent  sur  le  soi,  le  malade 
bute  souvent  s'il  veut  marcher  vite,  et  tombe  quelquefois  à  l'occasion 
d'un  faux  pas. 

Sensibilité.  —  Actuellement,  le  malade  éprouve  encore  quelques 
douleurs  lombaires,  mais  il  n'a  dans  les  jambes  aucune  sensation 
pénible.  La  sensibilité  objective  présente  quelques  altérations  dans  les 
membres  inférieurs.  La  sensibilité  plantaire  est  quelque  peu  altérée, 
le  malade  croit  marcher  sur  une  surface  molle  comme  du  coton.  Le 
chatouillement  de  la  plante  du  pied  est  bien  pergu  à  gauche,  mais  ne 
provoque  aucune  réaction;  à  droite,  au  contraire,  il  produit  dans  tout  le 
membre  une  agitation  involontaire  de  courte  durée. 

Le  tact  et  la  perception  de  la  douleur  sont  conservés  dans  les 
membres  inférieurs.  L'appréciation  de  la  nature  de  l'excitation  n'est 
pas  toujours  correcte  ;  le  pincement  est  souvent  perçu  comme  une 
piqûre  et  réciproquement.  La  sensibilité  thermique  est  également  un 
peu  altérée,  surtout  vers  les  pieds,  elle  ne  devient  normale  qu'à  partir 
de  l'abdomen.  Si  l'on  touche  la  jambe  avec  un  flacon  contenant  de  l'eau 
chaude  à  80°,  le  malade  sent  d'abord  un  contact,  et  ce  n'est  qu'un  ins- 
tant après  qu'il  perçoit  la  chaleur. 

Le  sens  musculaire  paraît  conservé,  le  malade  a  la  notion  exacte  de 
la  position  qu'on  donne  à  ses  membres  ;  pas  d'incoordination  motrice. 

Les  sens  spéciaux  sont  indemnes,  les  membres  supérieurs  intacts. 
Difficulté  de  la  miction,  assez  souvent  rétention  qui  nécessite  un  cathé- 
térisme. 

Amaigrissement  marqué  des  mollets  et  des  cuisses,  pas  de  troubles 
trophiques  cutanés. 

Le  malade  reste  quelque  temps  à  l'infirmerie,  puis  est  renvoyé  dans 
une  division  d'infirmes  de  l'hospice. 

Au  mois  de  juillet  1891,  il  rentre  à  l'infirmerie.  Les  troubles  moteurs 
des  jambes  sont  les  mêmes,  mais  l'état  général  a  beaucoup  baissé  ;  le 
malade  est  amaigri,  l'appétit  est  très  diminué.  Les  troubles  urinaires 
se  sont  compliqués  d'accidents  de  cystite,  les  urines  sont  troubles  et 
d'odeur  ammoniacale. 

Le  malade  succomba  le  26  octobre. 

Autopsie.  —  A  l'autopsie,  on  constata  une  tuberculose  pulmonaire 
avancée  dont  les  progrès  avaient  amené  la  mort,  et  une  cystite  puru- 
lente. A  l'ouverture  du  canal  rachidien,  on  ne  trouva  aucune  altération 
des  parois  osseuses  ni  de  la  dure-mère,  ni  des  enveloppes  molles  de  la 
moelle,  du  moins  constatables  à  l'œil  nu.  La  moelle,  sectionnée  à  l'état 

B.  24 


—  370  — 


frais,  présentait  au  niveau  de  la  région  dorsale  un  foyer  d'altération 
transverse  dont  la  nature  histologique  restait  à  déterminer;  en  tous 
cas,  la  consistance  de  la  moelle  était  plutôt  augmentée  à  ce  niveau.  II 
existait  de  plus  unedégénérescence  secondaire  manifeste,  siégeant  dans 
le  cordon  de  Goll  au-dessus  du  foyer,  et  dans  les  cordons  latéraux  au- 
dessous. 

Cette  moelle  fut  mise  dans  le  liquide  de  Millier  pour  un  examen  ulté- 
rieur, mais  elle  fut  par  la  suite  égarée. 


CHAPITRE  II 


observations  cliniques  avec  autopsie  et  examen  ilistologique 
(empruntées) 

SOMMAIRE  :   1  Observation  de  Leyden,  1876. 

1         »  Greiff,  1882. 

1         »  RuMPF,  1885. 

1  »  schmauss,  1889. 

1         »  Môller,  1891. 

3  Observations  de  Siemerling,  1891. 

3  »  GOLDFLAM,  1893. 


I 


Observation  116. 


Leyden.  —  Casuistische  Mittheilungen.  (Charité  Annalen,  Bd  III, 
année  1876,  édité  en  1878,  p.  260.) 

RÉSUMÉ  CLINIQUE.  —  Femme,  30  ans.  Syphilis  probable  à  l'âge  de 
16  ans.  A  27  ans,  en  1871,  symptômes  prodromiques  :  douleurs  et 
fourmillements  dans  les  membres  inférieurs,  jjuis  faiblesse  brusque 
suivie  de  parésie.  Amélioration.  —  4  octobre  181k,récidive  brusque, 
suivie  d'amélioration  incomplète.  —  13  décembre  181k,  nouvelle 
rechute,  suivie  de  symptômes  graves  et  persistants  :  paraplégie 
presque  absolue,  atrophie  musculaire,  douleur  dans  les  jambes 
avec  diminution  très  marquée  de  la  sensibilité  objective,  troubles 
des  sphincters.  Aggravation  progressive,  à  partir  de  janvier  1875; 
décubitus,  mort  le  10  août  1875. 

Autopsie.  —  Ramollissement  et  sclérose  de  la  moelle  lombaire,  obli- 
tération artérielle,  pie-mère  épaissie,  adhérente.  Dégénérescence 
secondaire  ascendante  et  descendante. 

Histoire  clinique.  —  Emma  K...,  âgée  de  30  ans.  Antécédents  héré- 
ditaires insignifiants.  Sujet  ordinairement  sain.  Réglée  à  14  ans;  à 
partir  de  cette  époque,  quelques  migraines  au  moment  des  menstrues. 

Mariée  à  16  ans  avec  un  homme  âgé  qui  semble  lui  avoir  commu- 
niqué la  syphilis.  Jusqu'à  l'âge  de  20  ans,  elle  eut  ijuatre  enfants  qui 
moururent  rapidement. 

Un  peu  plus  tard,  ayant  perdu  son  mari,  elle  vint  à  Paris  oîi  elle  mena 
la  vie  de  «  femme  entretenue  ».  Jusqu'à  cette  époque  (1870),  elle  avait 
vécu  à  Strasbourg. 

En  1871,  pendant  le  siège  de  Paris,  elle  avait  alors  27  ans,  elle  souf- 
frit de  privations  et  éprouva  alors  dans  les  jambes  des  douleurs  et  des 
fourmillements.  Bientôt  survint  brusquement  une  faiblesse  des  jambes, 
telle  que  la  malade  qui  était  dans  la  rue  à  ce  moment  dut  s'asseoir 
sous  une  porte  cochère  pour  ne  pas  tomber.  A  la  suite  de  cet  accident^ 
flaccidité  et  amaigrissement  des  mollets. 

Amélioration^  mais  guérison  incomplète,  car  la  malade,  revenue  à 
Strasbourg  en  1873,  se  plaignait  de  faiblesse  dans  les  jambes. 

Retour  à  Paris.  Le  4  octobre  1874,  récidive  des  accidents  ;  brusque- 
ment douleur  vive  dans  la  jambe  gauche  et  paralysie  totale.  Au  bout  de 


—  374  — 


deux  mois,  amélioration  incomplète.  La  malade  retourne  à  Strasbourg 
et  entre  à  l'hôpital  le  15  décembre  1874  pour  une  troisième  atteinte. 

État  actuel,  20  décembre. —  Femme  bien  constituée,  membres  supé- 
rieurs et  région  céphalique  sains,  état  général  satisfaisant.  La  malade 
se  plaint  de  douleurs  dans  les  jambes  et  de  paralysie.  Les  deux  extré- 
mités inférieures  sont  profondément  et  presque  également  paralysées; 
de  faibles  mouvements  des  orteils  et  des  articulations  des  pieds  sont 
seuls  possibles.  Si  l'on  essaye  de  mettre  la  malade  debout,  ses  jambes 
ploient  sous  elle;  atrophie  des  mollets,  atrophie  moins  accentuée  aux 
cuisses.  Réflexes  diminués,  mais  pas  complètement  abolis. 

Sensibilité  altérée,  une  piqûre  d'épingle  est  mal  perçue  et  mal 
localisée. 

La  partie  inférieure  du  rachis  est  douleureuse  à  la  pression,  mais 
sans  déformation. 
Sphincters  incomplètement  paralysés. 

La  paralysie  se  complète  jusqu'au  13  janvier,  époque  à  laquelle  elle 
est  totale.  La  sensibilité  disparaît  peu  à  peu  ;  perte  totale  des  réflexes, 
paralysie  des  sphincters.  Les  membres  supérieurs  étaient  faibles,  trem- 
blaient dans  les  mouvements,  mais  n'étaient  pas  paralysés  à  proprement 
parler. 

Depuis  le  15  janvier,  développement  rapide  des  accidents  de  décubi- 
tus. Mort  le  10  avril  1875. 
La  maladie  comprend  trois  périodes. 

La  première  commence  en  1871  :  après  quelques  prodromes,  faiblesse, 
paralysie  brusque,  amélioration  progressive  mais  guérison  incomplète. 

Deuxième  attaque  le  4  octobre  1874,  amélioration  encore  incomplète 

Nouvelle  rechute  à  la  suite  d'un  voyage  le  13  décembre,  rechute  qui 
produit  une  paralysie  totale  et  amène  la  mort  le  10  avril  1875. 

Autopsie.  —  Ramollissement  et  coloration  grise  par  places  dans  la 
moelle  lombaire.  L'examen  détaillé  à  la  suite  du  durcissement  a  donné 
les  résultats  suivants. 

Il  s'agit  d'un  foyer  morbide  de  la  partie  inférieure  de  la  région  dor- 
sale empiétant  sur  le  renflement  lombaire  et  long  de  plusieurs  centi- 
mètres. Le  foyer  offre  d'ailleurs  des  aspects  variés  sur  les  différentes 
coupes. 

Dégénération  secondaire  ascendante  du  cordon  de  Goll  et,  dans  la 
région  cervicale,  atrophie  de  la  substance  grise. 

Dégénérescence  secondaire  descendante  des  cordons  latéraux  dans  le 
renflement  lombaire  avec  un  ratatinement  de  la  substance  grise  des 
cornes  antérieures,  plus  prononcé  à  droite  qu'à  gauche. 

Le  territoire  du  foyer  de  myélite  off're  des  particularités  remarquables. 

Dans  sa  partie  moyenne,  il  envahit  toute  la  largeur  delà  moelle,  mais 
d'une  façon  inégale. 

Au  premier  coup  d'œil,  on  voit  que  la  moitié  gauche  est  atrophiée  et 


—  375  — 


fortement  imprégnée  de  couleur  rouge.  La  moitié  gauchie  est  spongieuse, 
verdâtre,  de  consistance  finement  vésiculeuse.  Il  s'agit  à  gauche  d'une 
sclérose  vulgaire  de  la  moelle,  nous  n'y  insisterons  pas.  Dans  la  moitié 
droite,  il  s'agit,  au  contraire,  d'un  processus  qui  revêt  tous  les  caractères 
d'une  myélite  aiguë. 

On  remarque  de  plus,  dans  la  partie  gauche  sclérosée,  un  petit  foyer 
situé  à  la  périphérie  de  la  partie  postérieure  du  cordon  latéral,  d'une 
consistance  ferme,  et  presque  décoloré.  C'est  un  tissu  de  cicatrice  privé 
de  fibres  nerveuses  et  assez  pauvre  en  cellules  embryonnaires.  Dans  le 
centre,  on  trouve  une  artère  complètement  oblitérée  et  remplie  de  gra- 
nulations jaunes,  de  pigment  sanguin.  Ce  foyer  est  assez  peu  étendu  et 
ne  se  retrouve  que  sur  un  petit  nombre  de  coupes. 

Enfin,  dans  toute  l'étendue  de  la  partie  malade,  la  pie-mère  est  épais- 
sie, infiltrée  de  cellules  et  adhérente. 

Il  est  à  remarquer  que  la  lésion  anatomique,  comme  l'histoire  clinique, 
comprend  trois  stades. 

A  la  première  période  correspond  la  cicatrice  fibreuse  avec  l'artère 
oblitérée;  à  la  seconde,  la  sclérose;  à  la  troisième,  le  foyer  de  myélite 
aiguë. 

L'auteur  considère  la  sclérose  médullaire  comme  une  cicatrice  (résidu 
d'un  foyer  de  ramollissement)  et  le  foyer  de  myélite  comme  une  réci- 
dive. 

Les  circonstances  qui  plaident  en  faveur  de  l'origine  syphilitique  du 
processus  sont  : 

1°  L'infection  syphilitique  relevée  dans  les  antécédents  ; 

2»  L'évolution  de  l'affection,  qui  a  présenté  des  alternatives  de  rémis- 
sion incomplète  et  d'aggravation  ; 

3»  Au  point  de  vue  anatomique,  la  constitution  cicatricielle  qu'on 
retrouve  dans  une  faible  étendue  de  la  moelle  comme  résidu  d'une  myé- 
lite antérieure,  et  l'oblitération  artérielle. 

De  nombreuses  recherches  sur  la  syphilis  cérébrale  ont  appris  que 
l'artérite  oblitérante  suivie  de  ramollissement  est  une  caractéristique 
fréquente  delà  syphilis  cérébrale.  Cette  donnée  peut  s'appliquer  logi- 
quement à  la  moelle,  surtout  dans  le  cas  actuel. 

Observation  117  (résumée). 

Greiff.  Ueber  Riickenmarkssyphilis.  Arch.  f.  Psych.,  1882,  Bd  XII, 

p.  564. 

RÉSUMÉ  CLINIQUE.  —  Femme,  i3  ans,  ulcérations  aux  parties  génitales 
il  y  a  douze  ans;  fausse  couche.  Avril  1880,  céphalalgie,  troubles 
cérébraux.  Septembre  1880,  troubles  de  la  motilité  dans  les  membres, 
mais  les  phénomènes  psychiques  occupent  le  premier  rang.  Etat  de 


—  876  — 


la  sensibilité  inexplorable  à  cause  de  l'état  mental.  Dépression, 
paraplégie,  collapsus.  Mort  le  2  mars  1881. 

Autopsie.  —  Cerveau.  Méningite,  petits  foyers  de  ramollissement 
(cerveau  et  protubérance).  Moelle.  Méningite  dans  la  région  cervi- 
cale, dilatations  vasculaires. 

Examen  microscopique.  —  Inflammation  de  la  pie-mère  surtout  péri- 
vasculaire  ;  lésions  considérables  des  artères  et  des  veines.  Alté- 
rations relativement  peu  prononcées  des  éléments  propres  du  tissit 
nerveux. 

Histoire  clinique.  —  Femme  de  43  ans;  rien  dans  les  antécédents 
héréditaires. 

Mariée  depuis  douze  ans  ;  douze  grossesses,  dont  une  fausse  couclie 
de  trois  mois  suivie  de  métrorrliagies  abondantes.  Tous  les  enfants 
sont  morts  au  bout  de  quelques  mois  ou  de  quelques  semaines,  sauf 
une  petite  fille  qui  est  actuellement  en  bonne  santé. 

Le  mari  affirme  avoir  toujours  été  bien  portant,  mais  il  a  remarqué 
que  sa  femme  présentait  des  ulcérations  aux  parties  génitales  au 
moment  de  son  mariage.  L'existence  de  la  malade  est  pleine  de  fatigues 
et  de  privations  ;  sauf  l'anémie,  elle  ne  se  plaint  de  rien  ;  cependant,  après 
sa  fausse  couche  (mars  1880),  elle  fut  atteinte  de  manie  puerpérale  : 
insomnie,  excitation^  accès  de  colère,  troubles  psychiques;  ces  acci- 
dents durèrent  quatorze  jours.  La  malade  reprit  alors  son  travail,  mais 
il  existait  une  diminution  notable  des  forces. 

En  avril,  douleurs  frontales,  caractère  sombre,  puis  insomnie,  tris- 
tesse, crainte,  tendance  au  suicide.  Cet  état  s'accentue  et  la  malade 
entre  à  l'hôpital  le  19  juin  1880. 

Elle  semble  d'abord  n'être  qu'une  mélancolique  simple:  dépression, 
peur,  démence  et  obnubilatioa  ;  il  n'existe  pas  de  troubles  moteurs, 
seulement  quelques  modifications  pupillaires  passagères. 

A  la  fin  de  septembre,  il  survient  de  l'excitation  nocturne,  la  malade 
est  agitée,  marmotte  sans  cesse  les  mêmes  phrases.  De  plus,  il  existe 
des  troubles  de  la  motllité,  du  tremblement  et  des  mouvements  cho- 
réiques  dans  les  mains  et  dans  les  bras.  Parésie  faciale  droite.  Marche 
naturelle.  Quelques  éclairs  d'intelligence,  pendant  lesquels  la  malade  se 
plaint  de  céphalalgie,  d'étourdissements,  d'odeurs  désagréables. 

Cet  état  se  maintient  jusqu'en  janvier  1881.  A  cette  époque,  elle  est 
tout  à  fait  démente,  ne  reconnaît  plus  personne,  se  promène  toute  la 
journée,  cherche  à  s'enfuir,  a  peur  de  tout.  Inégalité  pupillaire,  parésie 
faciale,  quelques  phénomènes  passagers  de  paralysie  dans  les  muscles 
des  yeux  fptosis  persistant  à  droite,  ptosis  variable  à  gauche;  diplopie 
probable.  La  parole  est  embrouillée,  mais  la  malade  tire  la  langue 
directement. 

Démarche  trépidante,  chutes  fréquentes,  pas  de  diminution  notable 
dans  la  force  musculaire. 


-  377  — 


La  sensibilité  ne  peut  être  explorée  à  cause  de  l'état  mental,  mais  la 
conductibilité  douloureuse  et  réflexe  est  conservée. 

Le  d  janvier,  la  température  tombe  à  +  32»,  sans  état  de  collapsus,  et 
se  maintient  du  13  au  16  entre  +  30o  et  +  35".  Elle  se  maintient  à  +  36o 
jusqu'au  24,  puis  remonte  à  la  normale,  qu'elle  dépasse  le  26  et  le  28, 
où  elle  marque  -f  40»  et  +  42°, 2.  La  peau  est  sèche,  il  existe  un  état  de 
somnolence.  Dans  la  suite,  la  courbe  thermométrique  subit  de  grandes 
oscillations. 

Au  commencement  de  février,  l'état  de  dépression  fait  place  à  la  gaieté, 
au  rire,  à  la  loquacité.  Les  jambes  sont  alors  très  faibles,  la  malade  ne 
peut  se  tenir  debout.  Ptosis  gauche,  convulsions  dans  le  domaine  du 
nerf  facial  gauche. 

Dans  le  courant  de  février,  Texcitatiou  reparaît,  accès  de  violences, 
boulimie;  la  température  retombe  à  32°,  le  2  mars.  Le  soir,  collapsus. 
Mort. 

Autopsie.  —  Calotte  crânienne  épaisse  et  compacte.  Vaisseaux  de 
la  dure-mère  vides.  Pie-mère  congestionnée  ;  à  la  base  ,  elle  est 
congestionnée  et  trouble,  surtout  au  voisinage  de  la  protubérance  et 
du  chiasma  ;  adhérences  dans  la  fente  cérébrale  antérieure,  épaississe- 
mont  de  la  pie-mère  au  niveau  des  tractus  olfactifs  ;  de  même  au  niveau 
du  lobe  temporal,  jusqu'à  la  fosse  sylvienne  à  droite,  et  sur  une  moins 
grande  étendue  à  gauche. 

Les  artères  de  la  base  du  cercle  de  Willis  et  de  la  scissure  de 
Sylvius  présentent  des  plaques  blanchâtres  et  des  nodosités. 

Plaques  grisâtres  sur  les  nerfs  optiques  et  sur  les  nerfs  crâniens. 

Ventricules  latéraux  dilatés  par  de  la  sérosité, 

La  substance  cérébrale  est  ferme.  A  droite,  au  niveau  de  la  partie 
antérieure  du  corps  strié,  existe  une  place  ramollie  et  jaunâtre.  La 
substance  corticale  est  normale,  sauf  dans  les  parties  qui  correspondent 
aux  adhérences.  En  ces  points,  la  limite  nette  entre  la  substance  grise 
et  la  substance  blanche  a  disparu. 

Dans  la  protubérance  :  à  gauche,  un  point  ramolli  et  jaunâtre,  de 
la  grosseur  d'un  pois  ;  à  droite  un  foyer  analogue  plus  petit. 

Moelle.  —  Région  cervicale  ferme  ;  l'aire  de  la  substance  grise 
est  plus  étendue  à  droite,  mais  plus  bas  cette  différence  disparaît. 
Moelle  plus  ferme  qu'à  l'état  normal.  Aorte  et  artères  principales  saines 
et  lisses. 

Néphrite  interstitielle  des  deux  côtes.  Urne  masse  gommeuse  dans  le 
foie.  Ostéo-sclérose  de  la  tête  fémorale. 

Examen  microscopique  [résumé).  —  Pour  le  cerveau,  on  constatait 
dans  les  artères  l'altération  décrite  parHeubner. 

Moelle.  — ■  Asymétrie  des  cornes  antérieures,  dégénérescence  des 
cordons  de  Goll  et  des  faisceaux  cérébelleux  directs. 

Dans  la  substance  grise  et  dans  les  sillons,  on  constatait  à  l'œil  nu  de 
nombreux  petits  points  noirs  et  des  stries  dus  aux  vaisseaux. 


La  dure-mère  est  saine.  L'arachnoïde  est  épaissie,  mais  a  conservé 
sa  transparence. 

La  pie-mère  est  épaissie  surtout  au  niveau  de  la  région  cervicale,  où 
elle  a  près  d'un  demi-millimètre  d'épaisseur. 

Les  vaisseaux  qui  rampent  à  sa  surface  sont  très  sinueux,  en  partie 
remplis  de  sang.  En  certains  points,  il  existe  des  dilatations  des  bran- 
ches anastomotiques  ([ui  partent  des  vaisseaux  spinaux  et  se  dirigent 
avec  les  racines  vers  les  orifices  de  la  dure-mère. 

Sur  une  artère  de  la  région  pyramidale,  on  trouve  un  renflement 
nodulaire  de  la  grosseur  d'un  grain  de  chènevis. 

Pour  la  commodité  de  l'étude,  la  pie-mère  avec  les  vaisseaux  fut  dé- 
tachée de  la  moelle  et  incluse  à  part. 

Il  existe  des  modifications  très  prononcées  des' artères  et  des  veines. 

Les  artères  sont  atteintes  de  l'affection  décrite  par  Heubner. 

Pour  les  veines,  il  s'agit  d'une  altération  d'un  caractère  différent,mais 
dont  le  résultat  ultime  est  l'oblitération  du  vaisseau. 

Artères.  — Au  niveau  des  pyramides,  on  trouve  une  endartérite  d'in- 
tensité variable  suivant  les  vaisseaux,  mais  d'un  degré  moyen  en  géné- 
ral. La  tunique  musculaire  est  normale.  C'est  seulement  dans  les  points 
où  la  tunique  interne  atteint  son  plus  haut  degré  d'altération  qu'on 
constate  une  infiltration  légère  de  la  tunique  adventice  ;  on  trouve  le 
plus  souvent  une  endartérite  manifeste  avec  quelques  lésions  de  l'ad- 
ventice, la  musculaire  étant  intacte  ;  celle-ci  n'est  affectée  que  plus 
tard. 

Arièrespinale  antérieure  (cinquième  racine  cervicale).  —  Légèrement 
épaissie,  endartérite  oblitérante,  accompagnée  de  lésions  dans  la 
tunique  adventice,  musculeuse  intacte. 

La  pie-mère  présente  le  maximum  d'altération  dans  les  régions  qui 
entourent  la  tunique  adventice  des  vaisseaux.  —  (Région  dorsale  supé- 
rieure.) Épaississement  de  l'endartère ,  tissu  composé  de  cellules 
allongées  et  fusiformes  ;  tunique  moyenne  intacte,  légère  infiltration 
de  l'adventice  et  des  parties  voisines  de  la  pie-mère.  —  (Région  dorsale 
inférieure.)  Endartérite  très  légère  ;  tuniques  moyenne  et  externe 
intactes.  En  certains  points  cependant,  il  existe  une  infiltration  très 
prononcée  de  l'adventice  et  la  pie-mère, dans  le  voisinage,  est  très  épais- 
sie. —  (Région  lombaire.)  —  Endartérite  de  moyenne  intensité.  Ici 
l'adventice  est  également  infiltrée. 

L'infiltration  de  la  pie-mère  et  des  veines  du  voisinage  est  très  mar- 
quée. 

Veines.  —  Le  processus  est  tout  différent  de  celui  qui  atteint  les 
artères.  La  paroi  entière  du  vaisseau  est  intéressée;  il  s'agit  d'un  épais- 
sissement avec  rétrécissement  concentrique  qui  aboutit  à  l'oblitération. 

Dans  le  premier  stade  de  simple  épaississement,  il  existe  une  aug- 
mentation du  nombre  des  cellules  entre  les  plans  des  tuniques,  surtout 


—  379  — 


dans  les  couches  externes  ;  ces  cellules  s'apf^loinèrent,  tandis  que  la 
pie-inère  du  voisinage  est  aussi  très  infiltrée.  Puis  il  se  fait  une  diminu- 
tion progressive  du  calibre  de  la  lumière,jusqu'à  la  disparition  complète; 
il  en  résulte  un  cordon  solide  composé  de  fibres  ondulées  et  de  cellules 
rondes. 

Ces  lésions  sont  surtout  développées  dans  les  régions  cervicale  et 
lombaire. 

A  côté  de  cette  «  phlébite  oblitérante  »,  on  trouve  des  dilatations  des 
veines,  tantôt  cylindriques,  tantôt  fusiformes. 

Pie-mère.  — Le  stroma  conjonctif  est  très  épaissi,  les  faisceaux  sont 
élargis  et  le  tissu  d'apparence  presque  homogène  et  peu  coloré.  L'infil- 
tration embryonnaire  est  surtout  développée  au  voisinage  des  vaisseaux. 
On  peut  constater  très  souvent  que  là  où  les  modifications  des  artères 
et  des  veines  sentie  plus  marquées,  l'infiltration  delà  pie-mère  est  aussi 
la  plus  massive,  et  que  l'infiltration  de  l'adventice  des  artères  et  des 
veines  est  en  rapport  immédiatavec  l'infiltration  delà  pie-mère  enflam- 
mée. 

Dans  la  région  où  l'épaississement  de  la  pie-mère  était  le  plus  accen- 
tué et  visible  à  l'œil  nu  (région  cervicale),  le  prolongement  du  sillon 
antérieur  a  cinq  fois  son  diamètre  normal.  Tout  le  sillon  est  comblé  par 
un  stroma  fin  rempli  de  cellules  rondes.  L'épaississen  ent  part  du  sillon 
antérieur  et  se  propage  sur  les  côtés  de  la  moelle  jusque  dans  la  partie 
moyenne  des  cordons  latéraux  où  il  s'atténue.  Dans  le  voisinage  et 
dans  le  centre  de  cette  néoformation,  les  vaisseaux  sont  extrêmement 
altérés.  L'arachnoïde  est  également  épaissie  en  ce  point. 

Dans  toute  l'étendue  de  la  moelle  même,  et  surtout  dans  les  parties 
cervicale  et  lombaire,  il  y  a  des  modifications  en  rapport  avec  les  lésions 
des  vaisseaux  et  de  la  pie-mère.  Sur  une  coupe  dans  la  moelle  cervicale, 
où  l'épaississement  de  la  pie-mère  est  le  plus  prononcé,  on  trouve  un 
élargissement  considérable  des  septa  conjonctifs  qui  vont  de  la  pie- 
mère  dans  la  moelle.  Ces  prolongements  sont  quatre  à  cinq  fois  plus 
considérables  que  normalement,  ils  donnent  naissance  à  des  prolonge- 
ments secondaires  également  élargis.  Ce  processus  est  étendu  irrégu- 
lièrement sur  la  coupe  transversale  des  cordons  blancs,  surtout  dans 
les  points  où  la  pie-mère  est  le  plus  affectée,  et  dans  les  points  où  les 
vaisseaux  entrent  dans  la  moelle.  En  quelques  endroits,  le  processus 
d'envahissement  de  la  moelle  est  si  intense  que  tout  un  segment  de  la 
substance  est  remplacé  par  ce  tissu.  Les  septa  les  plus  larges  englo- 
bent des  vaisseaux  dont  les  parois  sont  épaissies  et  la  gaine  périvascu- 
laire remplie  de  masses  de  cellules;  un  vaisseau  peut  être  ainsi  entouré 
par  une  ou  plusieurs  assises  de  cellules.  Les  vaisseaux,  coupés  longitu- 
dinalement,  montrent  des  élargissements  fusiformes  et  des  irrégularités 
de  leur  lumière.  Dans  la  substance  grise  et  surtout  dans  la  blanche,  il 
y  a  autour  de  ces  vaisseaux  un  exsudât  homogène  tel  qu'il  a  été  décrit 


—  380  — 


par  Hayem,  principalement  au  voisinage  du  canal  central  et  en  arrière 
de  la  commissure  postérieure.  On  trouve  encore  des  plaques  homogènes 
très  colorées,  à  contour  en  zigzags,  qui  suivent  les  septa,  ou  bien  sont 
isolées.  Parfois  elles  englobent  la  coupe  d'un  vaisseau  ou  un  groupe 
de  fibres  nerveuses  qui  paraissent  comprimées.  Ces  plaques  contien- 
nent quelquefois  un  grand  nombre  de  noyaux,  dans  leur  voisinage  on 
voit  des  corps  amyloïdes,  mais  pas  de  corps  granuleux. 

Les  éléments  nerveux  sont  peu  altérés,  cylindres-axes  et  gaines  sont 
conservés  en  général  ;  la  gaine  manque  le  plus  souvent  dans  les  tubes 
entourés  par  les  plaques  et,  au  voisinage  des  vaisseaux  élargis,  il  y  a 
quelques  cylindres-axes  gonflés  ;  le  tissu  paraît  dissocié  et  friable. 

Les  cordons  de  Goll  présentent  la  prolifération  du  tissu  interstitiel 
ordinaire  aux  dégénérescences  secondaires  ;  il  n'y  a  pas  de  dégénéres- 
cence des  cordons  latéraux. 

La  substance  grise,  en  dehors  des  altérations  vasculaires  et  périvas- 
culaires,  est  à  peu  près  saine,  les  cellules  ^nerveuses  sont  normales, 
pigmentées.  Le  canal  central  est  entouré  de  nombreuses  cellules  et 
souvent  double. 

Pas  de  ramollissement  ni  de  lésion  systématique  bien  prononcée. 

En  résumé  :  infiltration  très  accentuée  de  la  pie-mère  au  début  de 
son  évolution  ou  très  avancée  suivant  les  points.  Altération  très  pro- 
noncée des  artères  et  des  veines,  avec  lésion  de  la  moelle  caractérisée 
par  un  gonflement  et  une  hyperplasie  du  tissu  interstitiel,  une  exsuda- 
tion inflammatoire  autour  des  vaisseaux  et  une  participation  modérée' 
des  éléments  nerveux. 

Greiff  explique  la  genèse  des  lésions  artérielles  de  la  façon  suivante: 
raffection  débute  dans  la  tunique  externe,  l'endartérite  est  secon- 
daire. Cependant  celle-ci  est  jusqu'à  un  certain  point  indépendante, 
car  une  fois  provoquée  elle  peut  s'étendre  au  loin  et  se  propager  dans 
des  parties  du  vaisseau  où  il  n'y  a  pas  de  modifications  des  couches 
externes.  La  tunique  moyenne,  au  contraire,  n'est  affectée  que  quand 
l'adventice  et  l'endartère  sont  profondément  altérés,  elle  n'a  par  elle- 
même  aucune  tendance  à  s'infiltrer  primitivement. 

L'affection  des  veines  est  toute  particulière  et  Greiff  semble  être 
le  premier  à  la  décrire  dans  les  veines  de  la  moelle. 

Les  altérations  du  tissu  nerveux  propre  sont  consécutives  à  la 
fois  à  l'infiltration  partie  de  la  pie-mère  et  aux  altérations  vasculaires 
qui  produisaient  un  ralentissement  de  la  circulation. 


—  381  — 


Observation  118  (résumée). 

RUMPF.  —  Beitrâge  zur  pathologischen  Anatomie  des  Centralnerven- 
systems  (  ueber  Geliirn  und  Ruckenmarks  syphilis).  A rch.  Psych., 
1885.  Bd  XVI,  H.  2,  p.  410. 

RÉSUMÉ  CLINIQUE.  —  Si/phUis  à  29  ans  ;  onze  mois  après,  hémiplégie 
droite,  puis,  quelques  mois  plus  tard,  paraplégie  spasmodique  avec 
troubles  des  sphincters.  Mort  deux  ans  après  le  début  de  l'hémi- 
plégie. 

Autopsie.  —  Foyer  appoplectique  ancien  dans  le  cerveau  du  côté 
gauche,  dégénérescence  secondaire  du  faisceau  pyramidal  droit 
dans  la  moelle.  Sclérose  primitive  du  cordon  latéral  gauche  et  foyer 
de  myélite  transverse  dans  la  région  dorsale.  Altérations  vascu- 
laires  considérables. 

Histoire  clinique  (résumée).  —  Un  tailleur  de  pierres  prend  la  syphilis 
à  29  ans  (éruption  et  angine),  traitement  par  des  frictions  mercurielles. 
Onze  mois  après,  hémiplégie  droite  subite  qui  s'améliore  par  l'élec- 
tricité et  le  traitement  spécifique.  A  la  suite  de  cette  hémiplégie,  il  sur- 
vint au  bout  de  quelques  mois  une  paralysie  spasmodique  des  membres 
inférieurs,  puis  de  l'incontinence  d'urine  et  des  matières  fécales.  Dou- 
leurs en  ceinture.  Finalement  la  sensibilité  diminua  dans  les  deux 
membres  inférieurs. 

Le  malade  succomba  quelques  mois  plus  tard  aux  accidents  du  décu- 
bitus, deux  ans  environ  après  l'apparition  de  l'hémiplégie. 

Autopsie.  —  On  trouva  :  1°  dans  le  cerveau  :  un  foyer  apoplectique  de 
vieille  date  dans  l'hémisphère  gauche,  occupant  la  partie  interne  du 
noyau  lenticulaire,  empiétant  un  peu  sur  la  capsule  interne  et  le  corps 
strié. 

2°  Dans  la  moelle  :  une  dégénérescenc  du  cordon  latéral  gauche. 
Cette  lésion  commençait  à  la  partie  supérieure  de  la  région  cervicale, 
oîi  elle  était  très  peu  marquée,  et  descendait  en  s'accentuant  et  en 
s'étendant;  une  dégénérescence  des  cordons  de  Goll,  qui  gagnait  les 
cordons  cunéiformes  au  niveau  du  segment  dorsal. 

Dans  l'épaisseur  de  ce  segment,  la  moelle  était  le  siège  d'un  travail 
inflammatoire  qui  occupait  toute  son  épaisseur,  et  qui  se  cantonnait 
dans  les  cordons  postérieur  le  long  du  segment  lombaire. 

Toutes  les  parties  sclérosées  se  distinguent  par  un  développement 
considérable  de  vaisseaux  et  par  l'augmentation  du  tissu  conjonctif  et 
des  noyaux.  Ces  lésions  sont  particulièrement  accentuées  dans  le  cordon 
latéral  gauche.  Elles  sont  en  général  limitées  à  la  région  pyramidale 


—  382  — 


des  cordons  latéraux;  cependant  à  gauche  elles  s'étendent  excentrique- 
ment  et  atteignent  la  corne  postérieure. 

En  somme,  d'après  l'auteur,  il  s'agissait  dans  ce  cas  d'une  dégéné- 
rescence secondaire  du  faisceau  pyramidal  droit,  à  laquelle  se  sont  asso- 
ciées plus  tard  une  sclérose  primitive  du  cordon  latéral  gauche  et  une 
myélite  transverse  du  segment. dorsal,  laquelle  tenait  peut-être  sous  sa 
dépendance  la  sclérose  du  cordon  latéral  gauche. 

Les  altérations  vasculaires  étaient  extrêmement  prononcées  et  l'au- 
teur en  donne  la  description  suivante. 

«  A  la  région  dorsale,  le  tissu  de  sclérose  contient  un  nombre  consi- 
dérable de  vaisseaux  très  développés  (artères  et  veines).  Entre  ces  vais- 
seaux, on  ne  trouve  qu'un  très  petit  nombre  de  tubes  nerveux  conservés. 
Ces  altérations  sont  surtout  marquées  dans  la  substance  blanche,  tandis 
que  la  substace  grise  est  relativement  peu  modifiée,  à  part  un  dévelop- 
pement énorme  des  vaisseaux.  A  la  suite  du  durcissement,  il  s'est  pro- 
duit dans  le  tissu  de  nombreuses  fentes. 

«  Dans  les  préparations,  les  vaisseaux  se  trouvent  sectionnés,  soit 
transversalement,  soit  longitudinalement. 

«  Sur  les  coupes  transversales,  ce  qui  frappe  tout  d'abord,  c'est  le  petit 
calibre  de  la  lumière,  qui  est  quelquefois  si  exiguë  qu'elle  ne  peut  être 
distinguée  qu'avec  un  fort  objectif.  Enfin  sur  quelques  vaisseaux  elle 
manque  totalement.  Sur  ces  vaisseaux,  et  sur  ceux  qui  possèdent  encore 
une  lumière,  on  trouve  des  parois  très  épaisses,  formées  d'anneaux  con- 
centriques assez  irréguliers  et  composés  d'un  tissu  fibrillaire  semé  de 
nombreux  noyaux.  Dans  beaucoup  de  vaisseaux,  il  est  impossible  de 
différencier  la  tunique  interne  ;  sur  d'autres,  au  contraire,  on  peut  pour- 
suivre les  modifications  de  cette  membrane.  On  trouve  alors  une  hyper- 
plasie  nucléaire  considérable,  qui  envahit  la  lumière  du  vaisseau  qu'elle 
rétrécit  ;  c'est  le  tableau  de  l'endartérite.  Mais  ces  modifications  ne  se 
limitent  pas  à  la  tunique  interne,  et  les  autres  parties  de  la  paroi  sont 
envahies  par  le  même  processus.  En  d'autres  points,  on  trouve  des 
vaisseaux,  des  veines  surtout,  oià  se  sont  produites  des  thromboses. 
Dans  ce  cas,  on  constate  dans  la  lumière  du  vaisseau  l'existence,  en  dehors 
des  noyaux  qui  tendent  à  y  pénétrer,  de  grandes  cellules  avec  plusieurs 
prolongements.  Ces  cellules,  disséminées  dans  la  lumière,  souvent  unies 
entre  elles  et  bien  colorées  par  le  carmin,  ont  l'apparence  de  cellules 
granuleuses.  Il  faut  y  joindre  un  fin  réseau  fibrillaire  qui  parcourt  le 
caillot.  Il  s'agit  évidemment  là  d'une  artérite  ou  phlébite  oblitérante  qui 
s'est  ajoutée  aux  modifications  de  la  couche  interne.  Tous  ces  vaisseaux 
sont  entourés  par  une  zone  de  prolifération  nucléaire  très  accentuée. 

«  Sur  les  coupes  longitudinales  des  vaisseaux,  on  voit  une  paroi  relati- 
vement compacte  entourée  d'une  gaine  qui,  selon  sa  richesse  en  noyaux, 
s'applique  plus  ou  moins  à  la  paroi  vasculaire  et  donne  l'impression  d'un 
espace  lymphatique  périvasculaire. 


—  383  — 


«  L'infiltration  embryonnaire  et  la  prolifération  du  tissu  conjonctif 
s'étendent  dans  le  tissu  environnant.  Cet  envahissement  est  surtout 
prononcé  dans  les  points  où  l'artère  ou  bien  la  veine  est  entourée  d'une 
gaine  abondante  en  noyaux  qui  rayonnent  dans  toutes  les  directions.  La 
pie-mère  est  relativement  très  peu  altérée,  sauf  dans  la  région  dorsale. 
A  ce  niveau,  les  vaisseaux  sont  épaissis  et  le  tissu  conjonctif  hyper- 
plasié,  surtout  dans  le  sillon  médian  postérieur  oîi  le  prolongement  de  la 
pie- mère  contient  des  vaisseaux  épaissis  et  de  nombreux  noyaux.  Au- 
dessus  et  au-dessous  de  cette  région,  la  pie-mère  redevient  normale. 

«  A  mesure  que  l'on  considère  dans  la  moelle  des  régions  plus  éloignées 
de  la  région  dorsale,  les  altérations  vasculaires  diminuent  d'intensité. 
Toutefois,  dans  ces  parties,  les  nombreux  vaisseaux  que  l'on  y  trouve 
sont  encore  atteints  soit  d'artérite,  soit  de  phlébite  dont  les  apparences 
sont  analogues  à  celles  que  nous  avons  décrites. 

«  Ces  altérations  sont  surtout  développées  dans  le  cordon  latéral  gauche 
pour  presque  toute  la  longueur  de  la  moelle.  Elles  sont  moins  accentuées 
dans  le  cordon  latéral  droit. 

«  Dans  la  région  lombaire,  tous  les  cordons  affectés  montrent  des  allé- 
rations  vasculaires  également  assez  prononcées,  moins  toutefois  qu'au 
niveau  du  segment  dorsal.  » 

L'auteur  établit  une  comparaison  entre  les  lésions  vasculaires  qu'il 
a  constatées  et  celles  qui  ont  été  décrites  par  Heubner  dans  les  vais- 
seaux du  cerveau  et  par  Greiff  dans  ceux  de  la  moelle.  11  reconnaît 
toutefois  que  ces  modifications,  bien  que  pouvant  être  logiquement 
attribuées  à  la  syphilis,  n'ont  cependant  rien  d'absolument  caracté- 
ristique. 

Observation  119  (résumée). 

ScHMAUSS.  Zur  Kenntniss  des  Ruckenmarkssyphilis.  Deutsches  Arch. 
f.  hlin.  Med.,  Leipzig,  1888-89,  XLIV,  p.  244-264,  2  pl. 

RÉSUMÉ  CLINIQUE.  —  Homme.  Syphilis  à  25  ans,  en  1875,  traitement . 
Printemps  1887,  iritis.  Avrit  1887,  symptômes  prodromiques  d'une 
affection  spinale.  Début  en  septembre  1887 ,  à  37  ans;  traîne  la  jambe 
pendant  quelques  jours,  puis  paraplégie  brusque,  rétention  d'urine, 
troubles  de  la  sensibilité,  décubitus,  mort  en  deux  semaines. 

Autopsie.  —  Pas  d'altérations  osseuses  ni  méningées  ;  dans  la  moelle, 
plaques  diffuses  de  sclérose. 

Examen  microscopique.  —  Méninges  saines,  à  part  des  lésions  vascu- 
laires. Vaisseaux  de  la  moelle  ét  de  la  pie-mèrv  très  altérés,  infil- 
tration et  dégénérescence  hyaline  des  parois;  thromboses.  Altéra- 


~  384  — 


tions  du  parenchyme  médullaire  en  rapport  avec  les  lésions  vascu- 
laires. 

Histoire  clinique  (résumée).  —  Le  sujet  était  un  homme,  qui  vers 
râge  de  25  ans,  en  1874  ou  1875,  contracta  la  syphilis.  Le  traitement 
spécifique  fut  institué  à  cette  époque. 

Au  printemps  de  1887,  le  malade,  alors  âgé  de  37  ans,  eut  une  iritis 
syphilitique. 

Au  mois  d'avril  de  la  même  année  il  se  maria,  bien  qu'à  cette  époque 
il  commençât  à  éprouver  de  la  fatigue  dans  les  jambes,  des  douleurs 
dans  la  région  sacrée  et  une  abolition  de  la  perception  du  sol  sur  lequel 
il  marchait;  il  lui  semblait  que  son  pied  reposait  sur  une  semelle  de 
caoutchouc.  Au  conimencement  de  septembre,  il  commença  à  traîner  la 
jambe,  et  quelques  jours  après  il  fut  pris  d'une  paralysie  subite,  avec 
rétention  de  l'urine  et  des  matières  fécales. 

On  constata  alors  des  altérations  très  marquées  de  la  motilité  et  de  la 
sensibilité.  Un  peu  plus  tard,  la  sensibilité  s'améliora  un  peu,  puis  elle 
disparut  complètement.  Il  se  produisit  des  secousses  dans  les  jambes. 
La  paralysie  du  rectum  et  de  la  vessie  persista.  Vers  la  fin,  l'urine 
s'écoulait  goutte  à  goutte  et  les  matières  fécales  s'échappaient  en  dehors 
de  la  volonté  du  malade. 

Puis,  phénomènes  de  décubitus  aigu,  escarre  énorme  qui  dénude  le 
sacrum,  œdème  périmalléolaire.  Fièvre,  39o-40o,  frissons,  diarrhée,  col- 
lapsus.  Mort  le  14  septembre  1887. 

Autopsie.  —  Aucune  altération  macroscopique  des  enveloppes  osseuses 
ou  molles  de  la  moelle. 

L'autopsie  fut  assez  imcomplète  et  Schmauss  n'eut  à  sa  disposition 
que  les  portions  cervicale  et  dorsale  de  la  moelle,  avec  la  partie  corres- 
peudante  de  la  colonne  vertébrale. 

Examen  microscopique  {passiin).  —  La  moelle  présentait  des  foyers 
d'altération  en  plaques  et  en  stries. 

Cordons  postérieurs.  —  Dans  le  renflement  cervical,  le  cordon  de 
GoU  est  dégénéré  en  entier  jusqu'à  la  commissure  grise.  Les  parties 
antéro-latérales  des  cordons  postérieurs  sont  également  atteintes,  et  il 
existe  une  légère  augmentation  du  tissu  conjonctif  dans  les  faisceaux 
cunéiformes. 

Un  peu  plus  bas,  la  partie  dégénérée  du  cordon  de  Goll  n'atteint  pas 
la  commissure.  Les  portions  antérieures  du  cordon  postérieur  sont 
saines;  mais  des  deux  côtés,  la  zone  marginale  voisine  de  la  racine  pos- 
térieure est  le  siège  d'une  dégéoération  qui  se  prolonge  dans  le  cordon 
grêle.  Plus  bas  encore,  le  cordon  de  Goll  seul  est  pris,  les  cordons  grêles 
sont  sains. 

Dans  la  région  dorsale,  la  sclérose  des  cordons  postérieurs  est  irré- 
gulièrement distribuée.  En  certaines  régions,  elle  so  limite  aux  cordons 


-  385  — 


de  Goll  ;  eo  d'autres,  elle  forme  des  plaques  diffuses.  Dans  d'autres 
poiuts,  la  portion  antérieure  des  cordons  de  Goll  est  saine,  etc. 

Cordons  latéraux.  —  Dans  les  régions  cervicale  et  dorsale,  il  existe 
des  plaques  irrégulières  de  sclérose,  le  plus  souvent  disposées  à  la  péri- 
phérie, plus  rarement  dans  les  parties  centrales.  Il  n'y  a  pas  de  locali- 
sation exclusive  aux  pyramides  ;  les  lésions  sont  plus  prononcées  au 
voisinage  des  racines  postérieures. 

Cordons  antérieurs.  —  Même  localisation  à  la  périphérie  ;  élargisse- 
ment des  septa  conjonctifs. 

Les  méninges  sont  saines,  à  part  des  lésions  vasculaires.  Dans  la 
moelle,  les  vaisseaux  sont,  les  uns  normaux,  les  autres  à  parois  très 
épaisses,  avec  une  lumière  rétrécie.  Les  trois  couches  des  tuniques  vas- 
culaires ne  se  comportent  pas  de  la  même  façon:  la  couche  interne  est 
épaissie  et  hyaline,  la  membrane  fenètrée  éloignée  du  centre.  Sur  cer- 
taines places,  l'endartère  épaissi  présente  une  structure  fibrillaire  ou 
esl  infiltré  de  cellules  rondes.  Dans  les  portions  hyalines,  il  existe 
aussi  des  espaces  circulaires  remplis  de  cellules. 

Les  cellules  endothéliales  sont  quelquefois  multipliées,  mais  pas 
constamment  ;  dans  quelques  vaisseaux,  les  noyaux  endothéliaux  ont 
disparu  ou  sont  réduits  à  quelques  vestiges. 

La  membrane  élastique  est  très  nette  et  quelquefois  multiple. 

Parfois  l'infiltration  de  la  tunique  interne  fait  défaut,  ou  bien  se  place 
au  second  plan,  les  altérations  étant  plus  marquées  dans  la  tunique 
moyenne  ou  la  gaine  lymphatique. 

L'altération  de  la  couche  moyenne  se  caractérise  par  la  perte  des 
noyaux  musculaires  et  par  le  développementde  cellules  analogues  àcelles 
qui  envahissent  l'endartère. 

Parfois  l'infiltration  est  surtout  prédominante  dans  les  parties  péri- 
phérii{ues  du  vaisseau  artériel. 

Il  existe  entre  ces  trois  formes  des  types  de  transition  et  des  types 
combinés. 

Il  faut  ajouter  que,  dans  la  dégénérescence  hyaline,  le  bloc  hyalin 
semble  avoir  une  structure  fibrillaire,  avec  peut-être  une  dégénération 
homogène  partielle.  On  constate  dans  beaucoup  de  petits  vaisseaux  des 
thrombus  formés  pendant  la  vie.  L'abondance  des  globules  blancs  et  le 
nombre  restreint  des  globules  rouges  indique  une  formation  lente.  Le 
caillot  est  parcouru  par  un  fin  réseau  fibrineux  avec  des  granulations. 
Les  parois  présentent  d'ailleurs  les  altérations  que  nous  connaissons. 
Les  zones  sclérosées  de  la  moelle  ont  partout  un  rapport  défini  avec  les 
vaisseaux  modifiés,  elles  accompagnent  les  vaisseaux  qu'on  trouve  avec 
leur  gaine  lymphatique  infiltrée  au  milieu  des  plaques  de  sclérose. 

La  destriictirin  de''  gaines  de  myéline  et  des  fibres  suit  la  direction  de 
la  gaine  lymphatique  qui  est  le  point  de  départ  du  processus  de  dégé- 
nération. 

S.  25 


—  386  — 


La  sclérose  est  constituée  par  une  disparition  des  fibres  nerveuses, 
avec  formations  de  tractus  épais  et  hyalins,  qui  séparent  les  tulles  per- 
sistants. 

Les  noyaux  sont  augmentés  de  nombre  et  ne  se  distinguent  pas  des 
noyaux  de  névroglie.  Pas  de  caryokinèse. 

Il  existe  de  grands  noyaux  irréguliers,  étoilés,  dont  les  rayons  très 
fins  se  prolongent  dans  la  substance  interstitielle,  donnant  l'aspect  de 
cellules  araignées.  Les  autres  parties  du  tissu  interstitiel  paraissent 
sans  structure,  même  avec  le  plus  fort  objectif. 

Les  modifications  vasculaires  que  nous  avons  signalées  existent  dans 
la  substance  blanche,  la  substance  grise  et  dans  la  pie-mère  ;  elles  ne 
se  limitent  pas  à  un  territoire  vasculaire  déterminé,  mais  atteignent 
jusqu'aux  plus  petits  vaisseaux. 

Les  veines  étaient  également  atteintes  de  phlébite  et  d'endophlébite 
oblitérante. 

En  résumé,  il  s'agissait  de  foyers  irréguliers  de  sclérose  de  la  sub- 
stance blanche,  sclérose  marginale  et  dégénérescence  secondaire  des 
cordons  de  Goll  qui  s'expliquait  par  les  foyers  de  sclérose  situés  plus 
bas  et  dont  l'ensemble  intéressait  toute  la  largeur  du  cordon  postérieur. 
Toutefois  cette  dégénérescence  n'est  pas  exclusivement  secondaire,  car 
les  cordons  cunéiformes  sont  également  atteints  et,  de  plus,  le  tissu  de 
sclérose  présente  une  dégénérescence  hyaline  analogue  à  celle  des 
loyers  inférieurs. 

L'altération  des  vaisseaux  est  certainement  primitive  ;  en  effet,  dans 
les  méninges,  il  n'y  a  pas  de  lésions,  bien  que  les  vaisseaux  y  soient 
même  plus  altérés  que  dans  la  moelle;  de  plus  les  lésions  de  la  moelle 
accompagnent  partout  les  vaisseaux. 

Les  altérations  vasculaires  sont,  les  unes  régressives,  ce  sont  la  dégé- 
nération hyaline,  la  transformation  fibrillaire,  l'oiîlitération  ;  les  autres 
inflammatoires,  comme  l'infiltration  cellulaire.  Il  existe  de  plus  des 
thrombus  composés  de  cellules  lymphatiques. 

Tantôt  c'est  l'infiltration  cellulaire  qui  domine,  ou  bien  c'est  la  dégé- 
nérescence hyaline  ;  d'autres  fois  ces  deux  processus  sont  également 
développés  ;  aussi  peut-on  regarder  l'infiltration  comme  une  inflam- 
mation régressive,  qui  est  en  tous  cas  postérieure  à  la  dégénérescence 
hyaline. 

L'endartérite  est  consécutive  à  l'altération  des  deux  couches  externes 
ou  est  combinée  à  ces  modifications. 

L'altération  vasculaire  précédente  se  distingue  de  l'athérome  par 
l'absence  de  processus  de  nécrose  et  par  Tenvahissement  de  toutes  les 
parties  de  la  paroi  {panartérite). 

L'altération  du  tissu  nerveux  peut  être  considérée  comme  secondaire 
aux  lésions  vasculaires.  L'évolution  du  processus  serait  la  suivante: 
oblitération  vasculaire  et  troubles  de  nutrition  suivis  de  dégénération 


—  387  — 


des  éléments  nerveux.  Il  se  fait  ensuite  un  travail  secondaire  de  proli- 
fération de  noyaux  et  de  cellules  fusiformes.  Les  corps  granuleux  sont 
un  indice  de  résorption. 

Observation  120  (résumée). 

Magnus  Môller. — Zur  Kenntniss  des  Riickenmarkssyphilis.  ^î'c/iiu. 
f.  Dermatologie  und  Syphilis.  —  Wieu,  1891,  XIII,  p.  207-252, 
2  pl. 

Dans  ce  travail,  M.  Môller  rapporte  cinq  observations  de  syphilis 
médullaire  intéressant  trois  hommes  et  deux  femmes.  Ces  cas  sont  sur- 
venus moins  de  deux  ans  après  l'infection.  Le  cinquième  cas  fut  suivi 
de  mort  et  est  particulièrement  intéressant.  L'auteur  a  constaté  des 
altérations  vasculaires  considérables  qu'il  a  décrites  et  figurées. 

RÉSUMÉ  CLINIQUE.  —  Homme,  4.5  ans,  syphilis  en  automne  1881 .  En 
1888 ,  quelques  phénomènes  cérébraux.  —  16  avril  1889,  paraplégie 
survenue  en  une  journée,  rétention  d'urine,  paresthésies  légères, 
paraplégie  flasque.  Décubitus.  Mort  le  22  juin. 

Autopsie.  —  Pas  d'altérations  microscopiques  de  la  moelle. 

Examen  microscopique.  — Altérations  vasculaires  considérables  dans 
la  moelle  et  les  méniyiges.  Endartérite  et  endophlébite  prédomi- 
nantes. Infiltration  embryonyiaire  de  la  pie-mère  très  discrète  et 
périvasculaire.  Foyer  de  ramollissement  ischémique  long  de  3  à 
4  centim.  dans  la  région  dorsale  moyenne.  Dégénérescence  secondaire 
ascendante  et  descendante. 

Histoire  clinique.  —  J.-L.-J.  Charpentier,  45  ans,  entré  à  l'hôpital 
le  16  mai,  mort  le  22  juin  1880. 

A  l'automne  de  l'année  1887,  le  sujet  avait  pris  la  syphilis  ;  accidents 
secondaires,  traitement  mercuriel. 

En  1888,  quelques  phénomènes  cérébraux  :  céphalalgie^  bourdonne- 
ments d'oreille,  surdité. 

IG  avril  1889.  Le  matin,  impossibilité  d'uriner;  l'après-midi,  fourmil- 
lements dans  les  cuisses  et  faiblesse  des  jambes.  Pas  de  douleurs,  ni 
dans  les  jambes  ni  dans  le  rachis;  pas  de  douleurs  en  ceinture  ni  de 
raideur  du  dos. 

Les  jours  suivants,  même  état,  cathétérisme  obligatoire. 

19  avril.  Escarre  sacrée  ([ui  s'agrandit  rapidement. 

16  mai.  Paraplégie  complète,  flasque,  avec  quelques  secousses  dans 
les  jambes  ;  pas  de  douleurs,  à  part  un  sentiment  d'engourdissement 
dans  les  jambes,  abolition  des  réflexes  rotuliens  et  cutanés,  léger 


—  388  — 


œdème  des  malléoles  ;  hypothermie.  Pas  de  troubles  trophiques  ni 
vaso-moteurs  eu  dehors  de  l'escarre  gangréneuse. 

24  mai.  Aggravation  des  symptômes  du  décubitus  ;  incontinence  des 
urines  et  des  matières  fécales  ;  marasme. 

Malgré  le  traitement  spécifique,  mort  le  22  juin,  deux  mois  et  six  jours 
après  Tattaque  de  paraplégie. 

Autopsie.  —  On  ne  trouve  dans  la  moelle  et  les  méninges  aucune 
altération  macroscopique  appréciable,  en  sorte  qu'on  aurait  pu  croire 
à  une  paralysie  «  sine  materia  »,  comme  disaient  les  anciens  auteurs 
(Zambaco). 

Après  cinq. mois  de  séjour  dans  le  liquide  de  Mtiller,  la  moelle  présente 
sur  les  coupes  examinées  à  l'œil  nu  un  foyer  d'altération  long  de  3  à 
4  centim.  et  situé  au  milieu  de  la  région- dorsale.  En  ce  point,  on  trouve 
dans  la  substance  blanche  des  stries  et  des  petites  taches  disposées  en 
rayons  qui  n'atteignent  pas  la  substance  grise.  Les  plus  grands  foyers 
sont  surtout  situés  à  la  partie  postérieure  des  cordons  latéraux.  La 
coloration  de  ces  foyers  est  jaune  gris,  comme  celle  de  la  substance 
grise,  mais  d'un  ton  plus  mat,  d'apparence  plus  granuleuse. 

Il  n'y  a  pas  d'altérations  macroscopiques  de  la  substance  grise.  On 
observe  de  plus  une  dégénération  ascendante  des  cordons  de  Goll  et 
des  faisceaux  cérébelleux  directs  et  une  dégénération  descendante  des 
cordons  latéraux. 

Les  méninges  et  les  racines  paraissent  saines. 

Examen  microscopique.  —  Au  microscope  on  reconnaît  : 

1"  Une  altération  des  vaisseaux,  qui  aboutit  à  la  diminution  de  calibre 
et  à  l'oblitération  complète  de  la  lumière  du  vaisseau; 

2°  Des  altérations  de  la  substance  blanche  ; 

1°  Sur  toutes  les  coupes,  les  vaisseaux  compris  dans  l'épaisseur  de 
la  pie-mère  ou  situés  en  dehors  d'elle  ont  leurs  parois  épaissies  ou 
sont  oblitérés. 

A  la  partie  supérieure  de  la  moelle,  près  du  sillon  médian  postérieur, 
on  trouve  une  grosse  veine  oblitérée. 

Au  niveau  du  renflement  lombaire,  on  trouve  également  un  vaisseau 
oblitéré  près  du  sillon  postérieur. 

Si,  de  ces  deux  parties  extrêmes,  on  se  rapproche  du  milieu  de  la 
région  dorsale,  on  constate  que  le  nombre  des  vaisseaux  malades  aug- 
mente progressivement.  L'intensité  des  altérations  vasculaires  s'accen- 
tue également  et  atteint  son  maximum  au  niveau  du  segment  de  la 
moelle  qui  à  l'reil  nu  paraissait  le  plus  modifié. 

Dans  cette  région,  les  vaisseaux  sont  altérés  surtout  dans  la  partie 
postérieure  (zones  radiculaires  postérieures  et  sillon  postérieur;  pie- 
mère  et  substance  médullaire).  La  moitié  au  moins  des  vaisseaux  est 
oblitérée.  Dans  la  région  antérieure,  les  modifications  sont  moins  pro- 
noncées; près  du  sillon  antérieur,  il  n'y  a  que  des  altérations  veineuses. 

L'affection  porte  à  la  fois  sur  les  artères  et  sur  les  veines. 


—  389  — 


Pour  les  artères,  si  l'on  cherche  quel  est  le  point  de  départ  du  pro- 
cessus et  son  mode  de  progression  dans  la  paroi,  on  constate  que  c'est 
lu  membrane  interne  qui  est  affectée  la  première. 

Sur  la  coupe  des  vaisseaux,  on  trouve  de  nombreuses  formes  de 
transition,  depuis  un  léger  épaississement  de  la  membrane  interne, 
jusqu'à  l'oblitération  complète.  Les  coupes  successives  d'une  même 
artère  montrent  une  série  d'altérations  croissantes  de  la  membrane 
interne.  Au  début,  l'épaississement  n'est  pas  aussi  accentué  sur  tout  le 
pourtour  interne  du  vaisseau,  il  a  l'apparence  d'une  prolifération  en 
forme  de  croissant  et  constituée  par  une  masse  fondamentale  d'appa- 
rence granuleuse  contenant  des  cellules  fusiformes.  Dans  un  stade  plus 
avancé,  les  cellules  s'allongent  encore  et  se  placent  concentriquement 
dans  la  substance  intermédiaire  légèrement  striée.  Puis,  à  mesure  que 
l'épaississement  progresse,  le  nombre  des  cellules  diminue,  les  stries 
de  la  substance  fondamentale  se  voient  moins  et  la  structure  est  moins 
différenciée. 

Tandis  que  les  modifications  de  la  membrane  interne  atteignent  ce 
degré  d'intensité,  les  autres  couches  de  la  paroi  du  vaisseau  conservent 
ordinairement  leur  aspect  normal. 

La  membrane  élastique  est  partout  distincte  et  la  couche  musculaire 
bien  limitée.  La  tunique  adventice  a  son  épaisseur  normale,  avec  des 
cellules  en  quantité  ordinaire.  Mais  peu  à  peu,  la  lim.ite  entre  les  di- 
verses couches  devient  plus  indistincte,  la  membrane  élastique  n'est 
plus  aussi  finement  striée,  elle  devient  trouble  et  semble  parfois  se 
dédoubler;  on  constate  aussi  plusieurs  membranes  élastiques  ondulées 
sur  quelques  artères.  La  tunique  musculaire  se  charge  de  petites  gra- 
nulations, les  noyaux  sont  moins  nets.  L'adventice  est  encore  saine. 

Enfin,  quand  l'artère  est  complètement  oblitérée,  on  voit  en  dedans 
de  la  couche  élastique  une  partie  centrale  d'apparence  homogène  con- 
tenant une  petite  quantité  de  cellules  fusiformes,  ou  même  complète- 
ment privée  de  cellules. 

Quand  la  membrane  élastique  a  complètement  disparu,  le  centre  est 
formé  par  une  boule  hyaline  à  la  périphérie  de  laquelle  on  voit  quelques 
noyaux  allongés  indiquant  la  place  de  l'ancienne  musculaire.  Tout  à  fait 
en  dehors  se  trouve  la  tunique  adventice,  avec  ou  sans  hyperplasie 
cellulaire. 

Pour  les  veines,  c'est  encore  la  membrane  interne  qui  est  essentielle- 
ment affectée.  Sur  les  veines  qui  ont  leur  paroi  modifiée,  mais  où  la 
lumière  persiste,  l'adventice  a  à  peu  près  l'aspect  normal,  tandis 
qu'entre  elle  et  l'endothélium  on  trouve  une  couche  hyaline.  On 
constate  parfois  dans  cette  couche  une  striation  concentrique  qui.  ici 
comme  pour  les  artères,  correspond  à  un  stade  plus  avancé  dans  l'alté- 
ration. 

Dans  les  vaisseaux  oblitérés,  on  trouve  parfois  un  ou  plusieurs  petits 


—  390  — 


vaisseaux  de  nouvelle  formation,  à  la  place  ordinairement  oîi  se  trouvait 
la  couche  musculaire  ou  bien  en  dedans  de  celle-ci. 

Bien  qu'eu  général  les  modifications  de  l'adventice  soient  plus  tar- 
dives que  celles  de  la  membrane  interne,  on  trouve  cependant  par  excep- 
tion des  vaisseaux  où  à  l'épaississement  de  la  tunique  interne  se  joint 
une  infiltration  très  marquée  de  la  tunique  adventice. 

La  plupart  des  vaisseaux,  même  ceux  dont  le  calibre  est  très  rétréci, 
contiennent  du  sang  qui  a  conservé  ses  caractères  normaux.  Mais 
plusieurs  vaisseaux  sont  thrombosés,  la  lumière  est  partiellement  rem- 
plie par  une  masse  granuleuse  riche  en  cellules  qui  ont  l'aspect  de 
globules  blancs,  et  parcourue  d'un  fin  reticulum.  La  pie-mère  est  d'épais- 
seur normale,  en  dehors  des  modifications  que  nous  avons  décrites. 
On  ne  trouve  d'hyperplasie  cellulaire  qu'au  pourtour  des  vais- 
seaux. 

2°  Pour  les  altérations  du  tissu  nerveux,  sur  les  coupes  faites  dans  le 
segment  de  la  moelle  oii  les  lésions  macroscopiques  étaient  le  plus 
marquées,  coupes  colorées  par  les  méthodes  de  Weigert  ou  de  Pal,  on 
trouve  une  dégénération  ou  une  destruction  des  éléments  nerveux.  Les 
fibres  nerveuses  ont  disparu,  elles  sont  remplacées  par  des  produits  de 
dégénération  et  des  éléments  étrangers. 

Sur  des  champs  entiers  de  microscope,  au  niveau  surtout  des  cordons 
postérieurs,  on  ne  trouve  plus  une  fibre  nerveuse  normale,  ou  bien  une 
ou  deux  tout  au  plus  ;  çà  et  là,  on  voit  un  cylindre-axe  granuleux  et 
renflé  dont  la  gaine  de  mj'éline  est  réduite  à  un  contour  bleu  noirâtre, 
le  fond  est  constitué  par  une  masse  de  grumeaux  et  de  fragments 
de  nuance  plus  claire,  mais  dont  la  couleur  bleu  noirâtre  indique 
l'origine  myélinique. 

Ces  modifications  sont  encore  plus  caractéristiques  sur  les  coupes 
longitudinales.  La  gaine  de  myéline  est  remarquablement  variqueuse, 
séparée  par  places  du  cylindre-axe  mis  à  nu,  formant  en  d'autres  points 
des  amas  fusiformes  dont  le  centre  est  parfois  occupé  par  une  partie 
claire  en  forme  de  vacuole. 

Les  cylindres-axes  montrent  des  renflements  fusiformes,  ils  se  disposent 
en  zigzags,  en  forme  de  vrille,  de  crochet,  etc.  Ces  altérations  sont 
surtout  accentuées  dans  la  périphérie  de  la  moelle  et  aussi  au  voisinage 
de  la  substance  grise  ;  les  fibres  de  la  zone  intermédiaire  sont  moins 
altérées. 

La  substance  fondamentale  (interstitielle  ?)  qui  résulte  de  la  destruc- 
tion des  éléments  nerveux  est  partout  prédominante.  Elle  est  constituée 
par  un  reticulum  de  névrogliedans  les  mailles  duquel  se  trouvent  logés 
les  éléments  de  dégénération  que  nous  venons  d'indiquer.  On  y  trouve 
encore  des  cellules  graisseuses  plus  ou  moins  grosses,  tantôt  très  nette- 
ment dessinées,  tantôt  irrégulières.  Elles  ont  disparu  en  certains  points, 
laissant  dans  le  tissu  un  espace  vide  vacuolaire. 


—  391  — 


On  trouve,  par  places,  des  îlots  formés  par  un  amas  de  cellules  granu- 
leuses enserrées  dans  un  réseau  névroglique  qui  est  refoulé  à  la  jiéri- 
phérie. 

A  côté  de  ces  produits  d'un  processus  dégénérât! f,  on  pouvait 
s'attendre  à  trouver  des  phénomènes  d'irritation  des  vaisseaux  :  augmen- 
tation du  nombre  des  cellules  périvasculaires,  etc.  On  constate  bien 
un  certain  degré  de  ce  processus,  les  cellules  de  l'adventice  sont 
hyperplasiées,  mais  les  parois  des  vaisseaux  sont  à  peine  épaissies. 

Dans  quelques  vaisseaux,  la  lumière  est  remplie  par  un  amas  de 
globules  blancs  entourés  d'un  reticulum  fin.  Les  éléments  de  la  sub- 
stance grise,  vaisseaux  et  tissu  interstitiel,  cellules  et  tubes  nerveux, 
sont  restés  intacts. 

Les  racines  des  portions  cervicale  et  dorsale  supérieure  de  la  moelle 
sont  intactes.  Pour  les  racines  voisines  du  foyer,  il  existe  des  lésions 
irrégulièrement  distribuées  dans  les  fibres  postérieures.  A  un  faible 
grossissement,  on  voit  nettement  une  hyperplasie  embryonnaire  au 
pourtour  des  vaisseaux  et  une  destruction  accentuée  des  fibres  nerveu- 
ses. Avec  un  fort  objectif,  on  constate  des  modifications  analogues  à 
celles  delà  moelle  :  disparition  des  fibres  nerveuses,  prédominance  du 
tissu  interstitiel  qui  forme  un  réseau  dont  les  mailles  sont  vides  ou 
remplies  pas  des  corps  granuleux.  Léger  épaississement  hyalin  ou  fibril- 
laire  des  parois  vasculaires.  Les  cellules  granuleuses  sont  nombreuses 
autour  des  vaisseaux.  Périnèvre  intact.  Aucune  formation  pathologique 
au  point  où  la  racine  traverse  la  dure-mère,  ni  dans  les  ganglions  racbi- 
diens. 

Au  niveau  de  la  protubérance,  on  trouve  quelques  altérations  vascu- 
laires. 

M.  Mo  lier  fait  suivre  l'exposé  de  cette  observation  des  considé- 
rations suivantes  : 

Le  foyer  constaté  au  niveau  de  la  région  dorsale  résultait  d'une 
nécrose  anémique  consécutive  à  l'altération  des  vaisseaux  radiculaires 
postérieurs. 

L'altération  des  artères  consistait  surtout  en  une  endartérite  analogue 
à  celle  que  Huebner  a  décrite  dans  les  vaisseaux  du  cerveau.  Le  sujet 
était  syphilitique  et  la  lésion  présentait  les  caractères  attribués  à  la 
syphilis  artérielle. 

Deux  caractères  négatifs  importants  sont  encore  en  faveur  de  la 
nature  syphilitique  du  processus  :  c'étaient,  d'une  part,  l'absence  de  dégé- 
nérescence graisseuse  dans  la  paroi  des  vaisseaux  altérés,  et  d'autre 
part,  l'absence  également  de  lésions  athéromateuses  dans  l'aorte  et  les 
gros  troncs. 

Enfin,  ni  les  commémoratifs  ni  l'examen  microscopique  n'ont  permis 


—  392  — 


de  concevoir  une  étiologie  autre  que  la  syphilis  pour  expliquer  la 
maladie. 

Le  fait  de  la  localisation  exclusive  de  la  syphilis  aux  vaisseaux  n'est 
pas  rare  dans  la  littérature  médicale.  Le  développement  soudain  de  la 
paraplégie  dans  ce  cas  peut  paraître  surprenant,  mais  cette  Ijrusquerie 
dans  le  début  de  la  paralysie  est  ordinaire  dans  la  syphilis  artérielle  du 
cerveau  et  l'explication  est  la  même  pour  la  moelle. 

Dans  le  rétrécissement  progressif  des  artères,  la  substance  nerveuse 
peut  plus  ou  moins  s'accoutumer  à  une  diminution  lente  dans  l'apport 
des  matéiiaux  de  nutrition;  mais  cette  modification  ne  peut  s'accentuer 
impunément  au  delà  d'une  certaine  limite  ;  il  arrive  un  moment  où  la 
circulation  est  insuffisante,  et  il  se  produit  alors  une  altération  du  tissu 
nerveux. 

Il  est  possible  encore  qu'à  ce  degré  l'altération  ne  persiste  pas  et 
que  la  substance  nerveuse  s'iiabitue  de  nouveau  à  cette  faible  circula- 
tion ;  mais  bientôt  survient  un  nouvel  accès.  On  peut  ainsi  observer 
une  série  d'oscillations  avant  la  nécrose  définitive. 

Dans  le  cas  actuel,  l'absence  de  phénomènes  d'excitation,  de  contrac- 
ture, de  raideur  et  de  douleur  est  en  rapport  avec  l'intégrité  des 
méninges.  Les  altérations  partielles  des  racines  dorsales  et  lombaires 
expli(iuent  l'absence  des  réfiexes  et  l'existence  de  l'hyperesthésie. 

Le  traitement  spécifique  a  été  et  devait  être  inutile,  car  il  était  néces- 
sairement sans  action  sur  un  parenchyme  nécrosé. 

Les  trois  observations  suivantes  sont  empruntées  à  Siemerling, 
elles  sont  complexes,  tant  par  la  localisation  des  lésions  primitives  que 
par  l'évolution  de  ces  lésions  et  les  altérations  secondaires  qui  en  ont 
résulté.  En  effet,  deux  de  ces  observations  ont  trait  à  des  cas  de 
Syphilis  cérébro-spinale  ;  de  plus,  à  côté  d'altérations  médullaires 
secondaires  relevant  des  troubles  circulatoires  produits  par  l'inflam- 
mation des  vaisseaux  et  de  la  membrane  nourricière  tout  entière,  on 
trouve  dans  ces  trois  cas  un  envahissement  plus  ou  moins  étendu  de 
la  moelle  même  par  l'infiltration  spécifique  gommeuse. 

.  Observation  121  (résuméej. 

E.  Siemerling.  Zur  Syphilis  des  Centralnervensystems.  Arch.  f.  Psycli., 
1891,  Bd  XXII,  p.  191  (obs.  1). 

RÉSUMÉ  CLINIQUE.  —  Femme,  47  nns.  Syphilitique.  Douleurs  dans  les 
jambes  pendant  plusieurs  semaines,  puis  paraplégie  développée  en 
une  nuit  (11  mai  1881). —  21  mai  :  paraplégie  flasque,  réflexes  dimi- 


—  393  — 


nues,  sensibilité  amoindrie  dam  le  membre  inférieur  gauche,  para- 
lysie des  sphincters.  Aggravation  progressive  des  phénomènes  para- 
lytiques et  des  troubles  de  la  sensibilité.  Mort  le  7  juin. 
Autopsie.  —  Congestion  de  la.  substance  cérébrale,  athérome  des 
artères  de  la  base.  Dans  la  moelle,  foyer  de  myélite  transverse  au 
niveau  de  la  région  dorsale  inférieure,  avec  épnississement  et  infil- 
tration gommeuse  partant  de  la  pie-mère  et  envahisssnt  le  cordon 
antérieur  gauche  jusqu'à  la  corne  antérieure.  Foyer  de  ramollisse- 
ment dans  le  locus  niger. 

Histoire  clinique.  —  B.  M...,  femme  âgée  de  47  ans,  alcoolique  et 
syphilitique;  l'époque  de  la  contamination  est  inconnue,  mais  elle  a  subi 
plusieurs  cures  spécifiques,  en  particulier,  au  mois  de  janvier  1886,  puis 
au  mois  de  septembre  de  la  même  année,  pour  une  iritis  syphilitique. 
En  1887,  après  plusieurs  semaines  de  symptômes  prodromiques,  pendant 
lesquelles  elle  éprouva  dans  les  jambes  de  vives  douleurs,  elle  ressentit 
une  nuit  (le  11  mai  1887)  des  douleurs  au  niveau  du  sacrum  et  se 
trouva  paraplégique,  elle  ne  perdit  pas  connaissance,  mais  put  à  peine 
se  dresser  assise  sur  son  lit. 

État  actuel.  21  mai.  —  Paralysie  flasque  des  extrémités  inférieures^ 
réflexes  diminués,  altération  de  la  sensibilité,  diminution  et  lenteur 
dans  la  perception  des  impressions  douloureuses  au  niveau  du  membre 
inférieur  gauche.  Incontinence  des  urines  et  des  matières  fécales.  L'état 
des  réflexes  patellaires  a  beaucoup  varié  d^un  jour  à  l'autre  pendant  les 
dix-neuf  jouis  qui  ont  précédé  la  mort.  Au  début,  il  y  avait  une  dimi- 
nution des  réflexes  et  même  une  absence  complète  du  côté  gauche,  puis 
on  constata  une  abolition  complète,  et  bientôt  après  une  exagération, 
puis  un  retour  à  l'état  normal. 

La  mort  survint  dans  le  collapsus,  le  8  juin.  Température  post 
mortem,  42o,  5. 

Autopsie.  —  L'étude  porta  sur  le  cerveau  et  sur  la  moelle.  La  moelle 
montre,  sur  une  coupe  de  la  région  dorsale  inférieure,  des  taches  rouges 
dans  la  substance  blanche.  La  région  lombaire  supérieure  et  le  renfle- 
ment correspondant  paraissent  sur  tpute  la  coupe  très  rouges  et  semés 
d'un  grand  nombre  de  taches  grisâtres. 

La  calotte  crânienne  est  extraordinairement  rouge  et  dure.  Cerveau 
petit,  pèse  1,110  grammes,  très  congestionné. 

Les  vaisseaux  de  la  base,  en  particulier  l'artère  basilaire  et  l'artère 
sylvienne,  sont  d'apparence  athéromateuse  de  deux  côtés.  Les  ganglions 
centraux  sont  intacts. 

Diagnostic.  —  Myélite  transverse,  congestion  cérébrale,  athérome 
des  artères  de  la  base  du  crâne. 

Etude  microscopique.  —  Les  altérations  atteignent  leur  maximum 
d'intensité  dans  la  région  dorsale  inférieure  de  la  moelle,  elles  dimi- 
nuent au-dessus  et  au-dessous. 


—  394  — 


Coupe  dans  la  région  dorsale  inférieure.  —  Lapie-mère  est  épaissie, 
composée  de  stratifications  conjonctives,  surtout  au  niveau  des  régions 
antérieure  et  postérieure,  moins  au  niveau  des  cordons  latéraux.  Au 
niveau  du  cordon  antérieur  gauche,  elle  forme  un  bourrelet  saillant 
dans  lequel  l'infiltration  cellulaire  est  très  prononcée.  De  ce  point,  l'in- 
filtration pénètre  en  forme  de  coin  dans  la  substance  blanche  et  envahit 
même  la  corne  antérieure  dont  les  éléments  cellulaires  ont  disparu. 
Presque  tous  les  septa  conjonctifs  détachés  de  la  pie-mère  sont  élargis 
et  infiltrés  de  cellules.  Dans  la  substance  blanche,  comme  dans  la  grise, 
on  trouve  un  grand  nombre  de  vaisseaux  dont  les  parois  sont  épaissies 
et  infiltrées.  Au  niveau  de  la  tumeur  même,  les  vaisseaux  sont  remplis 
de  sanq-  et  un  grand  nombre  oblitérés.  Çà  et  là,  on  trouve  une  fibre 
nerveuse  dont  la  gaine  est  fragmentée  et  le  cylindre-axe  très  petit. 

Les  cellules  de  la  corne  antérieure  droite  sont  intactes,  tandis  que 
celles  de  l'autre  côté  sont  détruites.  Un  grand  nombre  de  fibres  ner- 
veuses de  la  substance  blanche,  en  particulier  au  voisinage  du  foyer, 
préientent  des  altérations  assez  accentuées.  La  gaine  de  myéline  a 
perdu  sa  disposition  concentrique,  le  cylindre-axe  est  gonflé  ou  détruit. 

Les  vaisseaux  de  la  pie-mère,  notamment  l'artère  et  la  veine  spinales 
antérieures  montrent  des  modifications  de  leurs  parois.  L'artère  spinale 
antérieure  est  atteinte  d'une  endartérite  assez  légère  ;  la  veine  corres- 
pondante est  infiltrée  de  cellules,  mais  l'oblitération  n'est  pas  complète. 
Le  même  aspect  se  retrouve  sur  les  grosses  et  petites  veines  accolées  à 
la  pie-mère  ou  contenues  dans  son  épaisseur,  les  parois  sont  épaisses, 
infiltrées,  quelques  veines  sont  oblitérées. 

Les  racines  antérieures  sont  englobées  par  le  processus  et  complète- 
ment détruites.  Les  racines  postérieures  ont  beaucoup  moins  souffert. 
Le  périnèvre  est  infiltré,  mais  les  fibres  nerveuses  sont  pour  la  plupart 
intactes.  Quelques  gaines  de  myéline  et  quelques  cylindres-axes  seule- 
ment ont  disparu.  Les  vaisseaux  des  racines  ont  leurs  parois  envahies 
par  des  cellules  embryonnaires  et  sont  le  point  de  départ  de  traînées 
de  noyaux  qui  s'infiltrent  entre  les  tubes  nerveux. 

Dans  la  région  dorsale  tout  à  fait  inférieure  et  dans  la  région  lom- 
baire, l'énorme  épaississement  de  la  pie-mère  a  disparu,  il  existe  seu- 
lement une  légère  infiltration,  qui  pénètre  moins  dans  la  substance 
blanche. 

La  veine  spinale  antérieure  est  si  épaisse  qu'elle  est  complètement 
oblitérée,  tandis  que  l'artère  correspondante  ne  montre  d'infiltration 
qu'au  niveau  de  la  tunique  adventice. 

.  A  mesure  que  l'on  descend  vers  la  partie  inférieure  de  la  moelle, 
répaississement  de  la  pie-mère  et  l'importance  de  la  prolifération  dimi- 
nuent. Le  nombre  des  septa  épaissis  est  encore  assez  grand,  notamment 
dans  les  cordons  latéraux.  L'artère  spinale  antérieure,  comme  les  autres 
vaisseaux  de  la  pie-mère,  présente  les  mêmes  aspects  que  plus  haut, 


—  395  — 


mais  la  veine  spinale  antérieure  n'est  pas  oblitérée.  Beaucoup  de  vais- 
seaux de  la  substance  grise  ont  leurs  parois  infiltrées  de  noyaux,  parti- 
culièrement les  veines  voisines  du  canal  central. 

Un  peu  au-dessus  du  renflement  lombaire,  les  altérations  sont  beau- 
coup moins  accentuées.  L'épaisseur  de  la  pie-mère  diminue,  le  nombre 
des  septa  épaissis  est  très  restreint.  L'infiltration  des  parois  vasculaires, 
celle  de  la  veine  spinale  antérieure,  en  particulier,  est  modérée  et  se 
limite  à  l'adventice.  Au  niveau  du  renflement,  l'épaississement  de  la  pie- 
mère  est  très  léger;  les  septa  sont  plus  élargis.  Les  éléments  de  la  sub- 
stance nerveuse  et  les  racines  sont  intacts. 

Régions  supérieures  de  la  moelle.  —  Dans  la  région  cervicale,  la 
pie-mère  ne  parait  pas  épaissie,  mais  elle  est  cependant  infiltrée. 
Quelques  septa  des  cordons  latéraux  sont  élargis.  Rien  de  particulier 
dans  la  substance  nerveuse.  Pour  l'artère  spinale  antérieure,  infiltration 
très  légère  de  la  tunique  adventice;  même  particularité  pour  la  veine, 
mais  à  un  degré  plus  marqué.  Toutes  les  autres  veines  ont  leurs  parois 
infiltrées. 

Racines  antérieures  intactes.  Dans  les  racines  postérieures  d'un  côté, 
il  existe  un  faisceau  de  fibres  complètement  dégénéré  et  remplacé  par 
du  tissu  conjonctif  riche  en  cellules. 

Dans  le  renflement  cervical,  mêmes  altérations,  racines  intactes. 

Région  dorsale  supérieure.  — C'est  à  ce  niveau  que  commence  l'élar- 
gissement des  septa  et  l'infiltration  des  parois  veineuses.  Les  vaisseaux 
de  la  substance  grise  sont  intéressés.  Le  processus  augmente  d'inten- 
sité à  mesure  qu'on  se  rapproche  de  la  région  dorsale  moyenne. 

Le  bulbe,  la  protubérance  et  les  tubercules  quadrijumeaux  ont  égale- 
ment été  étudiés  sur  des  coupes.  Il  existe  un  petit  foyer  de  ramollisse 
ment  dans  le  locus  niger,  au  voisinage  du  noyau  oculo-moteur  commun 
d'un  côté.  Les  autres  parties  sont  saines. 

L'artère  vertébrale  d'un  côté  présente  sur  la  coupe  une  membrane  in- 
terne très  épaisse,  une  infiltration  de  la  tunique  interne  et  de  la  tunique 
musculaire,  avec  de  petits  foyers  hémorrhagiques  récents.  La  membrane 
élastique  a  perdu  sa  disposition  ondulée  et  est  comme  tendue. 

Observation  122  (résumée). 

E.  SiEMERLiNG.  Loc.  cit.,  p.  197  (obs.  II).  Syphilis  cérébro-spinale. 

RÉSUMÉ  CLINIQUE.  —  Femme  65  ans.  Date  de  Vinfection  syphilitique 
inconnue.  En  1882,  accidents  oculaires.  Décembre  1881,  parésie 
progressive  des  jambes.  26  décembre,  attaque  apoplectiforme.  18  jan- 
vier 1888,  hémiparésie  droite,  paralysie  oculaire, phénomènes  pupil- 
laires,  démence,  affaiblissement  rapide.  Mort  le  22  février. 


—  396  — 


Autopsie.  —  Gommes  et  foyers  multiples  de  ramollissement  dans  les 
hémisphères  et  l'isthme  de  l'encéphale. 

Moelle.  —  Dégénérescence  de  la  paroi  des  vaisseaux,  épaississement 
de  la  pie-mère,  gomme  de  la  région  dorsale  inférieure  et  des  cor- 
dons postérieurs.  Dégénérescence  ascendante.  Foyers  hémorrha- 
giques  dans  le  segment  cervical.  Atrophie  des  racines  postérieures. 

Histoire  clinique.  —  P...,  femme  âgée  de  65  ans.  L'époque  de  la 
contamination  syphilitique  n'a  pu  être  fixée.  En  1878,  la  malade  eut  une 
éruption  sur  tout  le  corps. 

A  l'été  de  1882,  après  un  refroidissement,  paralysie  des  muscles  de 
l'œil  gauche,  accompagnée  de  diplopie. 

Au  commencement  de  décembre  1887,  parésie  progressive  des 
jambes.  La  malade  put  d'abord  continuer  à  marcher,  puis  le  séjour  au  lit 
devint  nécessaire. 

26  décembre  1887.  Attaque  aplopectiforme,  suivie  d'une  paralysie 
passagère  du  côté  droit,  affaiblissement  intellectuel. 

Le  18 janvier  1888,1a  malade  entre  à  l'hôpital.  Pendant  les  trente-quatre 
jours  qui  précédèrent  sa  mort,  elle  présenta  les  symptômes  suivants  : 
démence,  hémiparésie  droite  avec  participation  du  facial.  Abolition  de  la 
réaction  pupillaire.  Paralysie  complète  de  l'oculo-moteur  à  droite. 
Exagération  des  réflexes  patellaires  surtout  à  droite.  L'état  mental  de 
la  malade  ne  permet  pas  de  se  renseigner  sur  les  troubles  de  lasensi. 
blité.  La  malade  succombe  dans  le  coUapsus  le  22  février  1888. 

Autopsie.  —  On  trouve  des  gommes  et  des  foyers  multiples  de  ramol- 
lissement dans  les  ganglions  centraux  et  dans  la  capsule  interne  gau- 
che. Un  foyer  situé  dans  la  couche  optique  à  droite  se  continuait  dans 
le  pédoncule.  L'examen  histologique  a  fait  constater  des  altérations  des 
parois  des  artères  de  l'encéphale,  la  dégénérescence  des  noyaux  et 
troncs  de  l'oculo-moteur  commun  et  de  l'oculo-moteur  externe  du  côté 
gauche.  Infiltration  du  chiasma;  atrophie  des  nerfs  optiques. 

Moelle.  —  Dure-mère  intacte.  La  pie-mère,  dans  la  région  cervi- 
cale supérieure  et  la  région  dorsale  inférieure,  estmodéréraentépaissie. 
Dans  le  renflement  cervical,  le  septum  antérieur  forme  un  coin  épais. 
Les  amas  de  noyaux  de  la  pie-mère  sont  surtout  localisés  autour  des 
vaisseaux. 

A  la  région  lombaire,  l'épaississementde  la  pie-mère  cesse,  on  trouve 
seulement  cà  et  là  une  légère  infiltration  de  cellules  rondes.  Les  alté- 
rations des  vaisseaux  de  la  pie-mère  sont  surtout  prononcées  dans  les 
veines,  tandis  que  les  artères  sont  proportionnellement  très  peu  inté- 
ressées. Cette  différence  est  partout  sensible,  mais  elle  est  surtout  mani- 
feste dans  les  gros  vaisseaux.  L'artère  spinale  antérieure  ne  présente 
dans  la  région  cervicale  supérieure  qu'un  léger  épaississement  de 
la  membrane  interne  et  une  faible  infiltration  de  la  tunique  adventice  ; 


—  397  — 


dans  les  autres  points  de  son  parcours,  on  ne  trouve  pas  d'altérations 
marquées.  Il  en  est  tout  autrement  de  la  veine  :  l'adventice  est  infil- 
trée au  niveau  de  la  région  dorso-lombaire  sur  une  longue  étendue,  la 
membrane  interne  est  très  épaissie. 

A  la  hauteur  du  renflement  cervical,  la  veine  est  complètement  obli- 
térée. On  trouve  un  grand  nombre  de  vaisseaux  néoformés,  on  en 
compte  jusqu'à  six  dans  l'épaisseur  du  thrombus  ;  quelques-uns  contien- 
nent des  globules  rouges,  ils  ont  tous  une  lumière  très  nette.  Malgré 
cette  oblitération  complète,  la  membrane  élastique  a  bien  conservé  son 
aspect  de  ruban  ondulé,  la  tunique  musculaire  est  peu  infiltrée,  il  n'y 
a  que  l'adventice  qui  soit  épaisse  et  riche  en  noyaux. 

Pour  la  substance  médullaire,  on  trouve  par  places  des  altérations 
variées  de  la  substance  grise  et  de  la  substance  blanche,  jusqu'au  niveau 
delà  région  dorsale  inférieure.  Plus  bas,  la  moelle  et  les  racines  émer- 
gentes sont  intactes,  à  part  une  légère  infiltration  de  la  pie-mère. 

A  partir  de  la  partie  moyenne  de  la  région  dorsale,  on  constate  une 
dégénération  ascendante  du  cordon  de  Goll,  avec  prédominance  d'un 
côté.  Cette  dégénération  a  pour  point  de  départ  une  tumeur  gommeuse 
qui  siège  dans  la  région  dorsale  inférieure.  Cette  tumeur  est  accolée  à 
la  pie-mère  légèrement  épaissie  et  pénètre  comme  un  coin  dans  un  des 
cordons  postérieurs.  La  corne  postérieure  du  même  côté  est  complè- 
tement détruite  ;  les  deux  cornes  antérieures  sont  intéressées,  les  cel- 
lules et  les  fibrilles  nerveuses  en  grande  partie  détruites.  Cette  néo  for- 
mation comprime  le  cordon  postérieur  du  côté  opposé  et  l'envahit 
même  un  peu  plus  haut,  en  faisant  disparaître  la  séparation  constituée 
par  le  septum  postérieur.  Dans  le  cordon  postérieur  ainsi  comprimé, 
on  constate  une  atrophie  très  marquée  des  tubes  nerveux.  Les  racines 
postérieures  sont  dégénérées. 

Les  cordons  latéraux  ont  également  souffert  de  la  pression  excen- 
trique de  la  tumeur.  Les  septa  sont  élargis,  infiltrés  de  noyaux.  La  plu- 
part des  tubes  nerveux  sont  en  voie  de  dégénération. 

En  un  poiût  du  cordon  antérieur,  on  trouve  encore  une  petite  infiltra- 
tion partie  de  la  pie-mère. 

Sur  les  coupes  qui  intéressent  des  parties  plus  élevées  de  la  région 
dorsale,  on  note  un  développement  marqué  des  vaisseaux  dans  la  sub- 
stance blanche  et  surtout  dans  la  substance  grise,  et  un  élargissement 
des  septa.  La  tumeur  se  prolonge  un  peu  en  avant. 

Les  nombreux  vaisseaux  qui  parcourent  la  substance  grise  ont  leurs 
gaines  lymphatiques  très  élargies,  souvent  remplies  de  globules  rouges  ; 
les  parois  elles-mêmes  du  vaisseau  sont  épaisses,  infiltrées  de  cellules 
rondes. 

La  dégénération  ascendante  du  cordon  de  Goll  se  prolonge  dans  la 
moelle  allongée  jusqu'au  noyau  du  cordon  grêle.  Dans  la  région  cervicale 
supérieure  et  le  renflement  cervical,  on  voit  des  foyers  hémorrhagiques 


—  398  — 


dans  la  substance  médullaire  (substance  grise  et  cordons  blancs  surtout). 
Ces  foyers  ont  amené  le  déplacement  de  certaines  parties  ;  une  des 
cornes  postérieures  est  ainsi  déjetée.  Après  résorption  partielle  du  sang, 
il  se  produit  une  rétraction  du  tissu  et  une  diminution  du  diamètre  de 
toute  la  coupe  ;  ainsi,  en  un  point  de  la  région  cervicale  inférieure,  à  la 
suite  d'une  Jiémorrhagie  dans  la  corne  antérieure  et  la  substance  blanche 
voisine,  le  cordon  blanc  est  réduit  presque  de  moitié.  A  la  périphérie 
du  foyer,  on  voit  encore  quelques  globules  sanguins,  mais  le  tissu 
détruit,  d'aspect  homogène,  ne  présente  aucune  structure,  aucun  déve- 
loppement de  tissu  conjonctif.  Dans  la  corne  antérieure  opposée,  il  y  a 
quelques  globules  rouges. 

En  certains  points,  notamment  au  niveau  du  cordon  antéro-latéral 
d'un  côté,  il  existe  un  envahissement  embryonnaire  parti  de  la  pie- 
mère. 

Les  racines  antérieures  des  régions  cervicale  et  dorsale  supérieure 
sont  intactes.  Dans  les  racines  postérieures,  quelques  fibres  sont  le  siège 
d'une  atrophie  simple. 

Observation  123  (résumée). 
E.  SiEMERLiNG.  —  Loc.  cit.,  p.  205  (OBS.  III).  Syphilis  cérébro-spinale 

RÉSUMÉ  CLINIQUE. — Femme,  42  ans,  pas  de  traitement  spécifique 
antérieur.  Depuis  le  mois  de  mars  1887,  nombreuses  manifestations 
de  syphilis  cérébrale  :  ictus,  phénomènes  convulsifs  et  paraly- 
tiques. État  actuel,  8  février  1888  :  démence,  hémiplégie  gauche, 
parésie  de  la  jambe  droite,  troubles  pupillaires,  hémianopsie  droite 
réflexes  variables.  Sensibilité  (?).  Dans  la  suite  aggravation,  phéno- 
mènes bulbaires;  mort  dans  le  coma  après  une  attaque  apoplecti- 
forme  le  26  mars  1888. 

Autopsie.  —  Gommes,  foyers  hémorrhagiques  et  foyers  de  ramollis- 
sement dans  le  ceroeau  et  l'isthme,  dégénérescence  partielle  des 
nerfs  crâniens. 

Moelle.  —  Epaississement  considérable  des  méninges,  altération 
des  parois  vasculaires.  Foyers  gommeux  dans  la  substance  de  la 
moelle,  altérations  myélitiques  diffuses.  Dégénérescence  ascendante 
du  faisceau  pyramidal  antérieur  à  droite,  atrophie  des  racines 
antérieures  et  postérieures.  Destruction  d'une  moitié  de  la  moelle, 
consécutive  à  une  hémorrhagie  et  à  un  ramollissement. 

Histoire  clinique.  —  A.  E...,  âgée  de  42  ans.  L'époque  de  l'infection 
syphilitique  est  inconnue,  en  tous  cas  la  malade  n'a  jamais  suivi  de 
traitement  spécifique. 

Au  mois  de  mars  1887,  attaque  apoplectiforme  suivie  d'une  paralysie 
du  côté  gauche  qui  s'améliore  rapidement. 


—  399  — 


Retour  de  la  paralysie  quelques  mois  plus  tard.  Août  1887,  fin  janvier 
1886:  deux  attaques  convulsives  avec  perte  de  connaissance. 

Le  7  février,  troisième  attaque  de  paralysie  du  côté  gauche.  Le  len- 
demain, la  malade  entre  à  l'hôpital  en  état  de  démence,  avec  une  para- 
lysie de  tout  le  côté  gauche,  facial  compris  ;  parésie  de  la  jambe  droite, 
abolition  de  la  réaction  pupillaire,  hémianopsie  droite.  Parole  traînante) 
nasillarde.  Conservation  des  réflexes  patellaires.  Plus  tard,  l'état  des 
réflexes  varie  beaucoup  d'un  jour  à  l'autre.  La  paralysie  gauche  rétro- 
cède ;  nouvelles  attaques  épileptiformes.  Les  réactions  pupillaires  repa 
raissent. 

Par  moments,  symptômes  graves  de  paralysie  bulbaire. 
L'état  de  démence  ne  permet  pas  de  se  renseigner  sur  l'état  de  la 
sensibilité. 

Mort  dans  le  coma  après  une  attaque  apoplectiforme,  26  mars  1888. 

Autopsie.  —  Cerveau  et  isthme  :  ramollissement  de  l'hémisphère 
gauche  ;  une  gomme  du  volume  d'une  noix  dans  le  lobe  temporal  gauche. 
Sclérose  des  artères  de  la  base.  Foyers  hémorrhagiques  dans  la  moelle 
allongée,  dans  la  protubérance,  dans  les  tubercules  quadrijumeaux. 
Dégénérescence  descendante  de  la  pyramide  droite.  Tuméfaction  et 
infiltration  du  chiasma,  atrophie  partielle  rétrobulbaire  du  nerf  optique. 
Légère  dégénérescence  des  deux  nerfs  oculo-moteurs  communs. 

Moelle.  —  Les  enveloppes  molles,  la  substance  médullaire  et  les 
racines  sont  très  altérées. 

La  pie-mère  est  épaissie  depuis  le  haut  de  la  région  cervicale  jusqu'à 
la  région  sacrée,  stratifiée,  et  infiltrée  de  cellules  rondes.  Le  maximum 
d'épaississement  siège  dans  la  région  cervicale  et  le  renflement  lom- 
baire, le  minimum  dans  la  région  dorsale  moyenne.  Les  parois  des 
vaisseaux  de  la  pie-mère  sont  très  altérées,  surtout  celles  des  veines. 
Cette  prédominance  est  du  moins  manifeste  pour  les  vaisseaux  dont  le 
calibre  permet  d'établir  leur  nature  artérielle  ou  veineuse. 

L'artère  spinale  antérieure  n'est  pas  atteinte  au  même  degré  dans  les 
différentes  régions  : 

Au  niveau  du  renflement  cervical,  l'endothéliura  est  soulevé  par 
une  hémorrhagie,  la  membrane  élastique  et  la  tunique  musculaire  sont 
saines,  l'adventice  est  infiltrée. 

Dans  la  région  dorsale  supérieure,  l'adventice  seule  est  envahie  par 
des  cellules  rondes. 

Dans  la  région  dorsale  moyenne,  l'épaississement  considérable  de 
l'endartère  oblitère  presque  complètement  la  lumière  du  vaisseau.  A 
partir  de  ce  point,  Tadventice  seule  est  infiltrée,  les  autres  membranes 
sont  saines. 

Au  commencement  de  la  région  lombaire,  l'artère  est  intacte  ;  puis 
l'infiltration  de  l'adventice  reparait  au  niveau  du  renflement  lom- 
baire. 


—  400  — 


Dans  les  autres  vaisseaux,  l'endartère  est  aussi  épaissi. 

La  veine  spinale  antérieure  est  également  atteinte  comme  l'artère. 
Elle  est  absolument  saine  juste  aq-dessus  du  renflement  lombaire. 
Dans  les  autres  régions,  la  paroi'  est  infiltrée  de  cellules,  mais  l'épais- 
sissement  ne  va  pas  jusqu'à  l'oblitération. 

La  substance  blanche  est  très  altérée  et  par  divers  processus. 

Dans  toute  la  hauteur  de  la  moelle,  on  trouve  une  dégénération  des- 
cendante de  la  pyramide  latérale  gauche  et  de  la  pyramide  antérieure 
droite  jusqu'au  milieu  de  la  région  dorsale. 

La  pîe-mère  épaissie  envoie  dans  la  substance  médullaire  des  septa 
épaissis  et  riches  en  cellules.  En  plusieurs  points,  on  trouve  une  infil- 
tration très  prononcée  qui  pénètre  comme  un  coin  à  des  profondeurs 
variées.  Cette  infiltration  n'a  pas  toujours  l'aspect  du  tissu  conjonctif 
émané  de  la  pie-mère,  en  certains  points  elle  a  les  caractères  d'un  épais- 
sissement  gommeux  et  paraît  même  en  état  de  nécrobiose.  Cet  aspect 
est  surtout  manifeste  pour  une  masse  qui,  dans  la  région  dorsale  infé- 
rieure, a  détruit  une  corne  avec  une  grande  partie  de  la  substance 
grise. 

Au  niveau  de  la  région  dorsale  supérieure,  une  tumeur  gommeuse 
s'est  développée  dans  l'épaisseur  du  faisceau  pyramidal  dégénéré  et  a 
envahi  une  grande  partie  du  cordon  latéral.  La  pie-mère  à  ce  point  n'est 
pas  particulièrement  épaissie  et  la  périphérie  de  la  moelle  contient 
même  encore  des  fibres  saines.  Les  coupes  pratiquées  à  ce  niveau 
semblent  indiquer  que  la  néoplasie  n'a  pas  eu  la  pie-mère  pourpoint  de 
départ;  tout  au  contraire,  l'existence  d'une  bande  marginale  saine  semble 
prouver  qu'elle  a  pris  naissance  dans  le  faisceau  pyramidal  dégénéré, 
et  qu'elle  s'est  étendue  excentriquement. 

L'infiltration  embryonnaire  émane  le  plus  souvent  de  la  pie  mère  des 
régions  antérieures  ;  celle-ci  envoie  d'épais  tractus  dans  la  substance 
blanche  au  niveau  du  renflement  cervical,  de  la  région  dorsale  inférieure, 
de  la  région  lombaire  supérieure  et  du  renflement  correspondant. 

Les  racines  antérieures  traversent  sans  altération  la  partie  atrophiée 
du  renflement  cervical.  L'infiltration  gommeuse  des  cordons  antérieurs 
est  surtout  prononcée  dans  la  région  dorsale  inférieure.  En  ce  point,  on 
trouve  la  tumeur  que  nous  avons  déjcà  mentionnée  et  qui  détruit  une 
grande  partie  de  la  substance  grise. 

Les  cordons  latéraux  adjacents,  principalement  celui  du  côté  gauche 
dans  lequel  existe  la  dégénération  descendante,  sont  fortement 
envahis. 

Dans  la  région  dorsale  inférieure,  la  destruction  porte  sur  presque 
toute  une  moitié  de  la  moelle.  Quelques  portions  des  cordons  antérieur 
et  latéral  persistent  encore.  Les  deux  cornes  de  ce  côté  sont  fortement 
prises.  La  pie-mère  adjacente  est  très  épaissie.  L'ensemble  de  la  coupe 
est  déformé,  le  septum  médian  déplacé. 


—  401  — 


L'origine  du  processus  est  difficile  à  déterminer,  il  n'a  pas  l'aspect 
d'un  tissu  de  cicatrice,  mais  résulte  peut-être  de  la  fonte  d'une  tumeur 
gommeuse  ou  de  la  résorption  d'un  foyer  hémorrhagique,  peut-être  des 
deux  à  la  fois.  L'affaissement  de  la  région  et  le  déplacement  du  septum 
antérieur  s'accordent  bien  avec  l'idée  d'une  tumeur  qui  aurait  existé  en 
ce  point. 

Les  altérations  des  cordons  postérieurs  sont  relativement  plus  légères. 
La  dégénération  d'une  partie  des  cordons  postérieurs  est  certai- 
nement secondaire  à  l'atrophie  très  marquée  des  racines  postérieures  ; 
lésions  que  nous  décrirons  plus  loin.  Cette  dégénération  est  visible  dans 
le  renflement  cervical,  les  régions  dorsale  inférieure,  lombaires  supé- 
rieure et  moyenne  et  le  renflement  correspondant.  Cependant,  dans  les 
étages  où  les  racines  postérieures  sont  moins  atteintes,  les  altérations 
des  cordons  postérieurs  sont  également  moins  prononcés  ;  dans  les 
régions  cervicale  inférieure  et  dorsale  supérieure,  par  exemple.  Il  n'y  a 
d'infiltration  dans  les  cordons  postérieurs  qu'au  niveau  d'une  mince 
zone  périphérique  à  la  hauteur  de  la  région  cervicale  inférieure  ;  autre- 
ment, il  ne  s'agit  que  d'une  atrophie  simple  avec  disparition  des 
fibres. 

Au  sujet  des  altérations  de  la  substance  grise  que  nous  avons  déjà 
en  partie  décrites,  il  faut  ajouter  qu'ici,  comme  dans  la  substance 
blanche,  les  parois  des  vaisseaux  sont  très  épaissies,  notamment  celles 
des  veines  qui  se  trouvent  au  voisinage  du  canal  central.  Les  parois 
vasculaires  sont  surtout  très  épaisses  dans  la  région  dorsale  supérieure, 
oii  se  trouvent  également  des  hémorrhagies  récentes  Les  cellules  des 
cornes  antérieures  sont  intactes. 

Le  processus  d'altération  de  la  substance  blanche  est  surtout  repré- 
senté par  une  infiltration  de  cellules  rondes.  La  pie-mère  épaissie 
envoie  des  tractus  élargis  et  riches  en  noyaux  dans  le  tissu  nerveux. 
Les  vaisseaux  sont  dilatés,  leurs  parois  sont  infiltrées  de  cellules  rondes, 
bon  nombre  sont  oblitérés.  La  plupart  des  tubes  nerveux  sont  détruits 
ou  en  voie  de  dégénérescence. 

Il  ne  nous  reste  plus  que  les  racines  à  étudier.  Les  racines  anté- 
rieures et  postérieures  sont  atteintes  de  la  même  façon.  Cependant  le 
processus  est  plus  marqué  là  où,  avec  un  épaississemenl  prononcé  de  la 
pie-mère,  on  constate  un  envahissement  du  tronc  nerveux,  en  particu- 
lier dans  la  région  dorsale  inférieure.  Dans  les  régions  cervicale  et 
dorsale  supérieure,  les  racines  ont  moins  souffert. 

Les  altérations  ne  sont  pas  non  plus  régulièrement  réparties  dans 
toutes  les  racines  d'un  même  étage;  c'est  ainsi  que  dans  la  région  lom- 
baire on  trouve  sur  les  racines  divers  degrés  d'altération,  et  les  nerfs 
de  la  queue  de  cheval  présentent  des  faisceaux  intacts,  à  côté  d'autres 
complètement  détruits. 

La  nature  du  processus  de  destruction  est  la  même  que  pour  la  moelle. 

S.  .  26 


Le  périnèvre  est  épaissi,  infiltré  de  cellules,  il  entame  le  faisceau  ner- 
veux sans  le  pénétrer.  D'autres  fois  l'endonèvre  est  intéressé,  il  est 
épaissi,  rempli  de  noyaux  qui  s'amassent  surtout  autour  des  vaisseaux. 

L'intensité  de  cette  prolifération  est  très  variable.  En  certains  points, 
il  existe,  comme  dans  la  moelle,  du  tissu  gommeux  en  voie  de  nécrose. 
Cet  aspect  est  surtout  net  dans  une  racine  antérieure  de  la  région  dor- 
sale supérieure;  tandis  que  la  moitié  du  faisceau  nerveux  est  infiltrée 
de  noyaux,  le  reste  est  composé  d'un  tissu  nécrosé,  riche  en  vaisseaux 
et  pauvre  en  noyaux,  qui  entourent  les  quelques  tubes  nerveux  persis- 
tants. 

Dans  cette  prolifération,  les  tubes  nerveux  ont  plus  ou  moins  souf- 
fert. En  certains  points  ils  ont  totalement  disparu,  ailleurs  on  trouve 
des  fibres  avec  cylindre-axe  et  gaine  de  myéline  en  plein  tissu  infiltré  ou 
nécrosé.  La  gaine  de  myéline  a  souvent  perdu  son  apparence  concen- 
trique, le  cylindre-axe  est  gonflé  ou  très  petit.  Dans  les  faisceaux  où  le 
périnèvre  seul  est  atteint,  les  tubes  nerveux  sont  sains. 

L'auteur  fait  remarquer  la  variété  des  altérations  constatées  dans 
ces  trois  cas. 

Infiltration  de  la  pie-mère,  altérations  vasculaires,  envahissement 
du  tissu  nerveux  (substance  blanche  et  racines)  parrinfiltration,hémor- 
rhagies  et  foyers  de  ramollissement,  altérations  rayélitiques  des  élé- 
ments de  la  substance  blanche,  dégénérescence  secondaire  ascendante 
et  descendante.  Enfinil  existait  de  véritables  tumeurs  gommeuses  dont 
le  point  de  départ,  le  plus  souvent  méningé,  a  été  aussi  dans  un  cas 
rant  médullaire.  Ces  néoplasies  gommeuses  ont  subi  en  certains 
points  la  caséification  centrale. 

Les  altérations  des  éléments  nerveux  sont  toujours  secondaires. 

Mais  c'est  principalement  sur  les  altérations  des  vaisseaux  que 
l'auteur  attire  l'attention.  Il  rappelle  les  cas  où  des  altérations  ana- 
logues ont  été  constatées  et  fait  remarquer  la  diversité  de  ces  modi- 
fications. 

Tantôt  c'est  dans  la  tunique  adventice  que  domine  l'infiltration,  les 
autres  parties  du  vaisseau  restant  presque  saines  ,  d'autres  fois  on 
constate  une  endartérite  type  prédominante  telle  que  l'a  décrite 
Heubner . 

Les  veines  sont  toujours  plus  profondément  modifiées  et  atteintes 
de  phlébite  oblitérante. 

Les  parois  vasculaires  sont  infiltrées  de  cellules  embryonnaires  ou 
hyalines  ;  la  lumière  souvent  oblitérée. 


—  403  — 


De  nombreux  vaisseaux  néoformés  apparaissent,  tant  dans  les  parois 
du  vaisseau  épaissi  que  dans  le  caillot  central  organisé. 

L'intensité  de  l'altération  n'est  pas  toujours  proportionnelle  à  celle 
du  tissu  environnant.  C'est  ainsi  que  dans  des  parties  où  la  pie- 
mère  est  très  épaissie,  les  vaisseaux  peuvent  être  peu  touchés  ;  dans 
d'autres,  au  contraire,  leurs  lésions  sont  prédominantes. 

Ces  lésions  vasculaires  n'ont  d'ailleurs  rien  de  spécifique,  et  c'est 
plutôt  dans  l'ensemble  des  lésions  qu'il  faut  chercher  une  caracté- 
ristique de  la  syphilis. 

Observation  124.  (résumée). 

S.  GoLDFLAM.  Ueber  Ruckenmarks-syphilis.    Wiener  Klinik.  Feb.- 
Mârz  1893,  p.  41.  (obs.  X),  p.  65.  Myelitis  acuta.  Myelomalacia. 

RÉSUMÉ  CLINIQUE.  —  Homme,  31  ans,  syphilis  depuis  quinze  mois. 
Période prodromique  :  douleurs  lancinantes  et  engourdissement 
dans  les  jambes,  douleurs  en  ceinlure.  Puis  rétention  d'urine.  Après 
douze  ou  quatorze  jours,  paraplégie  rapide  et  complète.  Etat  actuel, 
quatre  semaines  après  le  début  {29  août  1885)  :  paraplégie  absolue, 
flasque,  anesthésie  jusqu'à  la  ceinture,  douleurs  en  ceinture  légères, 
constipation,  incontinence  d'urine.  Dans  la  suite  escarres,  infec- 
tion, mort  le  11  septembre. 

Autopsie.  • —  Épaississement  léger  de  la  pie-mère  cérébrale,  pas  de 
lésions  du  cerveau.  Moelle  :  deu.x  foyers  de  ramollissement  (cin- 
quième et  sixième  racines  dorsales),  (douzième  dorsale,  première 
racine  lombaire). 

Examen  microscopique.  — Pie-mère  infiltrée  surtout  au  pourtour  des 
vaisseaux.  Altérations  vasculaires  extrêmement  prononcées  dans  la 
pie-mère  et  dans  la  moelle.  Foyers  hémorrhagiques,  nécrose  des 
éléments  nerveux,  au  niveau  des  foyers  de  ramollissement.  Dégé- 
nérescence secondaire  des  cordons  de  Goll.  Racines  très  altérées 
dans  la  région  dorsale. 

Histoire  clinique.  —  H...,  31  ans,  entre  à  l'hôpital  le  29  août  1885, 
pour  une  paraplégie. 

Début  il  y  a  quatre  semaines,  par  des  douleurs  vives  dans  les  jambes 
et  les  organes  génitaux  externes,  pendant  quelques  minutes  seulement  le 
premier  jour.  Le  jour  suivant  (mercredi)  les  douleurs  reprennent  et 
cèdent  à  un  bain  ;  douleurs  en  ceinture  d'abord  légères.  Jusqu'au  ven- 
dredi, le  malade  se  sentait  assez  biea;  le  soir,  reprise  des  douleurs  en 
ceinture  et  des  élancements  dans  les  jambes,  amélioration  par  l'huile 
de  ricin,  les  douches,  la  quinine. 


—  404  — 


Le  mardi  suivant,  état  assez  bon,  légères  douleurs  en  ceinture  et  épi- 
gastriques,  engourdissement  des  extrémités  inférieures. 

Jeudi,  rétention  d'urine,  le  lendemain  cathétérisme  obligatoire,  les 
jambes  sont  plus  raides  et  le  malade  est  obligé  de  se  coucher.  Quelques 
jours  plus  tard,  treize  ou  quatorze  jours  après  le  début  des  accidents, 
le  malade  ne  pouvait  plus  faire  aucun  mouvement  avec  ses  jambes. 

Au  bout  de  quelques  jours,  escarre  sacrée,  puis  escarre  des  trochan- 
ters,  oedème  des  jambes,  constipation,  incontinence  des  urines  qui  sont 
troubles,  douleurs  en  ceinture  légères. 

Le  malade,  quinze  mois  auparavant,  avait  eu  un  chancre  induré  avec 
ganglions  cervicaux, angine;  àla suite,  traitement mercuriol etabsencede 
manifestations  jusqu'en  janvier  1885.  A  cette  époque,  céphalalgie,  puis 
paralysie  passagère  du  bras  droit  sans  participation  de  la  face  ni  de  la 
parole  ;  guérison  en  quatre  ou  cinq  jours.  Un  peu  plus  tard,  douleur  et 
gonflement  du  coude  droit. 

Dans  le  jeune  âge,  scrofule,  excès  sexuels,  fièvre  typhoïde,  pas  d'al- 
coolisme. 

État  actuel.  —  Bonne  constitution,  alopécie,  ganglions  inguinaux  et 
épitrochléens,  pas  d'autres  signes  de  la  syphilis,  arthrite  modérée  du 
coude  droit,  avec  atrophie  partielle  des  muscles  du  bras  et  de  l'épaule, 
diminution  de  l'excitabilité  électrique. 

Pieds  et  jambes  enflés.  PJscarres  sacrée  et  trochantériennes. 

Extrémités  inférieures  complètement  paralysées  et  flasques. 

Persistance  de  quelques  petits  mouvements. 

Réflexe  rotulien  très  faible  à  droite,  un  peu  plus  accusé  à  gauche, 
perte  de  l'excitabilité  électrique. 

Sensibilité  (tact,  douleur,  température)  abolie  dans  les  pieds  et  les 
jambes,  très  émoussée  dans  les  cuisses. 

Perte  du  sens  musculaire,  conservation  du  réflexe  cutané  plantaire. 

Incontinence  des  urines,  qui  sont  alcalines  et  troubles,  constipation, 
absence  d'érections. 

L'anesthésie  remonte  jusqu'à  l'ombilic. 

Les  muscles  abdominaux  sont  paralysés,  et  le  réflexe  abdominal 
aboli. 

Nerfs  crâniens  sains,  intelligence  conservée. 

5  septembre.  Frissons  depuis  quelques  jours,  affaiblissement  général. 
Les  jours  suivants  :  extension  des  escarres,  fièvre,  état  infectieux. 
Mort  le  11  septembre  1885. 

Autopsie.  —  Épaississement  des  méninges  cérébrales.  Substance 
cérébrale  congestionnée,  mais  sans  lésions  macroscopiques. 

Dure-mère  spinale  adhérente  aux  corps  vertébraux  dans  la  région 
lombaire. 

Moelle  ramollie  en  deux  points. 

1°  A  la  hauteur  des  cinquième  et  sixième  racines  dorsales.  La  coupe 


—  405  — 


dans  cette  partie  montre  de  nombreux  petits  foyers  hémorrhagiques, 
surtout  dans  la  moitié  gauche  de  la  moelle  et  dans  la  substance  grise. 
Dans  le  cordon  latéral  droit,  une  tache  jaunâtre.  La  couleur  de  la  sub- 
stance médullaire  est  gris  jaunâtre.  Le  dessin  de  la  substance  grise  est 
conservé. 

2°  A  la  hauteur  des  douzième  dorsale  et  première  lombaire.  La  pie- 
mère  est  épaissie,  congestionnée,  les  cordons  latéraux  comme  gonflés, 
la  consistance  est  encore  plus  molle  que  celle  du  premier  foyer,  la 
teinte  jaune  plus  accusée;  la  substance  grise  est  déformée. 

Les  vaisseaux  de  la  pie-mère,  à  la  hauteur  de  la  queue  de  cheval,  sont 
remplis  de  caillots  rouges  et  mous. 

Les  préparations  à  l'état  frais  montrent  des  boules  et  des  granula- 
tions de  myéline,  des  gouttes  de  graisse,  des  tubes  nerveux  gonflés  et 
des  corps  granuleux. 

Pas  de  tuberculose  pulmonaire,  cystite,  pyélonéphrite  ascendante. 

Examen  microscopique.  —  Après  durcissement  de  la  moelle,  l'examen 
microscopique  décèle  des  altérations  surtout  marquées  dans  les  deux 
foyers  dorsal  et  lombaire. 

Foyer  dorsal  (cinquième  et  sixième  racines  dorsales).  —  On  trouve 
une  masse  de  vaisseaux  sur  la  coupe,  car  les  petits  eux-mêmes  sont 
remplis  de  sang.  Les  parois  vasculaires  sont  très  épaisses  et  scléreuses, 
aux  dépens  surtout  de  la  membrane  interne  qui  est  fibreuse.  La  tunique 
adventice  et  la  gaine  lymphatique  sont  remplies  de  cellules  lymphoïdes. 
Les  cellules  de  l'endothélium  sont  augmentées  de  nombre  et  pénètrent 
dans  la  lumière  du  vaisseau.  Les  plus  petits  vaisseaux  présentent  cet 
épaississement  prononcé  de  la  tunique  interne  et  l'infiltration  péri- 
vasculaire. 

L'épaississement  des  parois  est  tel  que  les  vaisseaux  voisins  arrivent 
à  se  confondre.  Certains  vaisseaux  ont  un  volume  absolument  inaccou- 
tumé. 

Le  rétrécissement  de  la  lumière  est  souvent  extrême  et  va  jusqu'à 
l'oblitération  complète. 

A  côté  des  vaisseaux,  il  y  a  des  épanchements  sanguins  microscopi- 
ques et  même  visibles  à  l'œil  nu  et  souvent,  dans  l'épaisseur  même  des 
parois  vasculaires,  des  granulations  de  pigment  sanguin. 

L'infiltration  de  la  tunique  adventice  et  de  l'espace  périvasculairc 
s'étend  souvent  dans  les  parties  environnantes  du  tissu  médullaire. 

Les  éléments  nerveux  sont  très  altérés.  Dans  la  substance  blanche, 
principalement  dans  les  cordons  latéraux  au  niveau  des  points  qui  con- 
stituent les  taches  jaunes  visibles  à  l'état  frais,  les  tubes  nervi'ux  sont 
détruits  presque  complètement.  Le  degré  de  l'altération  est  variable  : 
fibres  ne  se  colorant  plus,  cylindres-axes  hypertrophiés,  corps  granu- 
leux. 

Le  réseau  névroglique  est  hypertrophié,  riche  en  noyaux.  En  maints 


—  406  — 


endroits,  le  tissu  médullaire  prend  l'aspect  d'un  tissu  granuleux  semé 
de  noyaux,  ou  bien  est  constitué  par  un  réseau  de  travées  épaissies;  les 
mailles  sont  occupées  par  des  corps  granuleux  ou  forment  des  vacuoles 
privées  de  corps  granuleux  par  l'action  de  l'alcool  et  des  essences.  Les 
fibres  nerveuses  saines  sont  relativement  plus  nombreuses  dans  le 
voisinage  de  la  substance  grise. 

Les  cellules  nerveuses  des  cornes  antérieures  se  colorent  mal,  elles 
sont  gonflées,  arrondies,  vitreuses,  sans  noyau  et  privées  de  prolon- 
gements; un  petit  nombre  seulement  a  conservé  son  noyau  et  ses  nu- 
cléoles. Mêmes  altérations  dans  les  cellules  des  colonnes  de  Clarke. 
ha,  pie-mère  est  épaissie,  infiltrée  de  cellules  qui  sont  surtout  groupées 
autour  des  vaisseaux.  Les  parois  de  ceux-ci  présentent  au  plus  haut 
degré  les  mêmes  modifications  que  les  vaisseaux  intramédullaires. 
L'épaississement  porte  surtout  sur  la  membrane  interne.  L'adventice 
est  infiltrée,  la  lumière  rétrécie  est  obstruée  par  un  caillot  ou  complè- 
tement oblitérée.  Dans  le  centre  des  vaisseaux,  on  trouve  de  nombreuses 
cellules  lymphoïdes.  Il  y  a  de  plus  dans  la  pie-mère  des  épanchements 
sauguins  et  des  granulations  de  pigment  hématique,  mais  pas  d'épaissis- 
sement  des  prolongements  de  la  pie-mère  dans  la  moelle. 

Dans  les  racines  tant  antérieures  que  postérieures,  on  ne  trouve 
presque  plus  de  tubes  nerveux,  le  périnèvre  et  l'endonèvre  sont  infiltrés, 
on  trouve  des  faisceaux  de  fibres  détruits  et  des  corps  granuleux.  Les 
vaisseaux  des  racines  sont  épaissis  et  infiltrés. 

L'intensité  des  altérations  atteint  son  maximum  à  la  hauteur  des 
cinquième  et  sixième  racines  dorsales;  au-dessus  et  au-dessous,  elle 
diminue,  surtout  dans  la  direction  du  segment  cervical. 

Au  niveau  du  premier  nerf  dorsal,  les  modifications  sont  encore 
notables  :  hyperliémie,  foyers  hémorrhagiques  peu  nombreux,  épaissis- 
sement  et  infiltration  modérés  des  parois  vasculaires,  tissu  névrogiique 
hyperplasié  et  riche  en  noyaux,  fibres  nerveuses  détruites,  corps  gra- 
nuleux, vacuoles.  Dans  les  cordons  de  Goll,  début  de  la  dégénérescence 
secondaire  ascendante. 

Mais  à  cette  hauteur  il  y  a  déjà  beaucoup  de  fibres  nerveuses  saines. 
Les  cellules  nerveuses  sont  encore  gonflées,  vitreuses  sans  prolonge- 
ments ni  noyau. 

Les  modifications  de  la  pie-mère  sont  analogues  à  celles  que  nous 
connaissons,  mais  moins  prononcées.  Les  racines  sont  encore  très 
infiltrées  et  presque  complètement  privées  de  fibres. 

Dans  la  région  cervicale  inférieure  et  le  renflement  cervical,  l'aspect 
est  presque  absolument  normal,  mise  à  part  la  dégénérescence  secon- 
daire du  cordon  de  Goll.  Pas  d'altération  des  vaisseaux,  la  névroglie 
est  déliée,  les  tubes  nerveux  se  colorent  bien.  Dans  les  cornes  anté- 
rieures, le  réseau  nerveux  reparaît,  les  groupes  de  cellules  nerveuses 
occupent  leur  place  ;  ces  éléments  sont  polygonaux,  possèdent  leurs 


—  407  — 


prolongements  et  leur  noyau.  La  pie-mère  est  mince  et  sans  modification, 
à  part  quelques  petits  foyers  d'infiltratioa  périvasculaire.  Les  racines 
nerveuses  sont  intactes. 

L'aspect  normal  s'accentue  à  mesure  qu'on  remonte  vers  la  moelle 
allongée. 

Au-dessous  du  foyer  dorsal,  les  altérations  continuent  assez  marquées. 

A  la  hauteur  de  la  huitième  racine  dorsale,  on  trouve  les  modifications 
des  vaisseaux,  les  foyers  hémorrhagiques,  des  foyers  de  nécrose  dans 
la  substance  blanche^  l'altération  des  cellules  nerveuses,  l'infiltration  de 
la  pie-mère  surtout  autour  des  vaisseaux  comme  plus  haut. 

A  la  hauteur  de  la  dixième  racine  dorsale,  les  altérations  s'atténuent. 

Les  tubes  nerveux  sont  conservés  partout,  les  vaisseaux  sont  moins 
nombreux,  moins  remplis  de  sang,  les  parois  sont  moins  épaisses  et 
moins  infiltrées.  La  névroglie  n'est  épaissie  que  dans  les  zones  péri- 
phériques. Beaucoup  de  cellules  nerveuses  sont  bien  formées,  mais 
quelques-unes  sont  dégénérées.  La  pie-mère,  mince  et  peu  infiltrée, 
contient  encore  de  nombreux  vaisseaux,  notamment  de  grosses  veines 
énormément  épaissies,  très  infiltrées  et  oblitérées.  Les  racines  sont  peu 
touchées. 

Au  niveau  du  deuxième  foyer  d'altération  {douzième  dorsale,  pre- 
mière lombaire),  le  processus  atteint  le  plus  haut  degré  d'intensité. 

La  pie-mère  est  épaissie  et  l'infiltration,  développée  surtout  autour 
des  vaisseaux,  prend  même  en  certains  points  l'aspect  d'une  tumeur 
gommeuse  qui  ne  pénètre  d'ailleurs  jamais  dans  le  tissu  même  de  la 
moelle.  Les  vaisseaux  de  la  méninge  sont  épaissis,  infiltrés,  le  rétré- 
cissement de  leur  lumière  va  jusqu'à  l'oblitération. 

L'infiltration  cellulaire  envahit  les  racines  dont  les  tubes  sont  détruits, 
les  gaines  de  Schwann  sont  vides.  Le  périnèvre,  l'endonèvre  et  les 
vaisseaux  sont  épaissis. 

Par  suite  vraisemblablement  de  l'épaississement  de  la  pie-mère,  la 
moelle  est  déformée,  le  diamètre  antéro-postérieur  est  diminué,  la  fis- 
sure antérieure  est  sinueuse,  les  cornes  antérieures,  surtout  celle  de 
droite,  sont  inclinées  vers  les  cordons  latéraux.  Dans  la  substance  médul- 
laire il  existe  une  hyperplasie  des  noyaux,  les  vaisseaux  sont  conges- 
tionnés, leurs  parois  épaissies,  infiltrées,  entourées  de  petits  foyers 
hémorrhagiques  moins  nombreux  toutefois  que  dans  le  foyer  dorsal.  Le 
nombre  des  cellules  nerveuses,  surtout  dans  la  corne  gauche,  est  dimi- 
nué; celles  qui  persistent  sont  hyalines  ou  granuleuses,  sans  prolonge- 
ments ni  noyau. 

Dans  la  partie  moyenne  du  renflement  lombaire,  l'hyperplasie 
nucléaire  est  encore  notable,  on  trouve  encore  des  foyers  hémorrhagi- 
ques. Les  altérations  vasculaires  sont  plus  modérées  ;  dans  la  sub- 
stance grise,  il  y  a  de  nombreux  larges  capillaires  (néoformés)  dont  les 
parois  sont  infiltrées  (ces  néocapillaires  ont  déjà  été  notés  par 
Oppenheim  et  Jiirgens). 


—  408  — 


Les  tubes  nerveux  sont  conservés,  le  réseau  nerveux  de  la  substance 
grise  bien  formé,  les  cellules  nerveuses  saines  pour  la  plupart,  la  pie- 
mère  normale.  Dans  les  racines  :  nombreuses  fibres  saines,  péri- 
nèvre  et  endonèvre  peu  infiltrés. 

Région  lombaire  inférieure.  —  Les  altérations  sont  minimes.  La  pie- 
mère  est  mince  ;  dans  les  racines,  quelques  fibres  seulement  sont  détruites. 
Dans  la  substance  grise,  de  nombreux  capillaires  néoformés  et  quelques 
petits  foyers  hémorrhagiques. 

L'artère  vertébrale  et  ses  branches  étaient  atteintes  d'une  endartérite 
très  prononcée,  la  périartérite  était  au  contraire  peu  marquée. 

Pas  d'altération  des  troncs  nerveux  périphériqnes  ni  des  muscles  des 
membres  inférieurs. 

L'auteur  considère  ce  cas  comme  un  exemple  de  ramollissement 
{myélomalacie)  relevant  des  altérations  du  système  circulatoire  de  la 
moelle. 

Observation  125  (résumée). 
S.  GoLDFLAM.  Lac.  cit.  (obs.  XI),  p.  73.  Myelomalacia. 

RÉSUMÉ  CLINIQUE.  —  Homme,  22  ans,  Au  début  du  mois  de  mai  1890, 
chancre  induré,  accidents  secondaires,  traitement.  Céphalalgie 
précoce.  Au  commencement  de  septembre  1890  :  symptômes  prémo- 
nitoires, rachialgie,  etc.,  quelques  jours  après,  paralysie  de  la  jambe 
droite,  puis  de  la  jambe  gauche.  Bientôt  paraplégie  complète.  Anes- 
thésie  jusqu'aux  fausses  côtes,  rétention  d'urine.  Puis  escarres, 
fièvre,  marasme.  Mort  le  12  octobre  1890,  trente-deux  jours  après  le 
début  des  phénomènes  paralytiques,  cinq  mois  après  l'infection. 

Autopsie.  —  Pas  de  tuberculose  pulmonaire,  cystite,  pyélo-néphrite. 
Cerveau  sain.  Ramollissement  de  la  moelle  dorsolombaire. 

Examen  microscopique.  —  Altératio7is  légères  du  tissu  projjre  de  la 
pie-mère.  A  Itérations  vasculaires  énormes,  nécrose  anémique  de  la 
moelle. 

Histoire  clinique.  —  Homme  de  22  ans,  entré  à  l'hôpital  le  24  sep- 
tembre 1890.  Au  commencement  de  mai  1890,  chancre  induré^  ganglions, 
roséole.  Traitement  :  frictions  et  KL  Un  peu  plus  tard,  céphalalgie 
intense,  sensation  de  froid  dans  le  dos,  puis  rachialgie  qui  privait  le 
malade  de  sommeil.  Quatorze  jours  avant  l'entrée  l'hôpital,  paralysie 
des  sphincters,  paresthésie  et  paralysie  de  la  jambe  droite  dans  la 
même  journée.  Le  lendemain,  la  jambe  gauche  est  prise.  La  sensibilité 
a  persisté  encore  quelque  temps,  dans  la  jambe  gauche  surtout.  Cathé- 
térisme  obligatoire.  Constipation.  Traitement  mixte  infructueux. 

État  à  Ventrée.  —  Paralysie  flasque  et  complète  des  membres  infé- 


—  409  — 


rieurs.  Réflexe  plantaire  faible.  Disparition  des  réflexes  crémastérien 
et  abdominal.  Sensibilité  et  sens  musculaire  complètement  abolis,  le 
malade  ne  perçoit  ni  les  piqûres,  ni  le  pincement,  ni  le  contact  de  l'eau 
bouillante. 

Rétention  complète  d'urine,  perte  du  sentiment  de  distension  vésicale 
et  du  besoin  de  la  défécation.  Urines  alcalines,  purulentes.  Le  malade 
ne  peut  s'asseoir  sur  son  séant  sans  aide,  les  muscles  abdominaux  ne 
se  contractent  plus.  La  colonne  vertébrale  n'est  pas  sensible  à  la 
pression. 

L'anesthésie  remonte  jusqu'aux  fausses  côtes  en  avant  et  jusqu'à  la 
dernière  vertèbre  dorsale  en  arrière. 

Pupilles  égales,  réagissant  bien.  Les  organes  des  sens,  la  face,  l'intel- 
ligence, sont  intacts.  Traitement  mixte. 

29  septembre.  Escarre  sacrée;  petits  frissons  depuis  quelques  jours. 

Les  jours  suivants,  l'escarre  s'étend,  d'autres  se  produisent  au  niveau 
des  trochanters;  oedème  des  jambes,  fièvre,  frissons  répétés,  anorexie, 
marasme. 

Mort  le  12  octobre  1890,  trente-deuxième  jour  de  la  maladie,  cinq  mois 
après  l'infection  syphilitique. 

Autopsie.  —  Cadavre  amaigri^  etc.  Poumons  sains,  cystite  purulente 
avec  péritonite  circonscrite  dans  le  voisinage.  Pyélonéphrite  ascen- 
dante. 

Dure-mère  cérébrale  saine  ;  pie-mère  œdémateuse.  Cerveau  sain  à  la 
coupe. 

Dure-mère  spinale  lisse,  mais  congestionnée.  A  la  coupe  de  la  moelle 
dorsale,  on  trouve  des  foyers  gris  rosé  dans  la  substance  blanche  et  la 
substance  grise.  Dans  la  région  lombaire  supérieure,  cette  apparence 
envahit  toute  la  surface  de  la  coupe,  sauf  une  mince  bande  marginale. 
Les  contours  de  la  substance  grise  sont  diffus  (myélite  aiguë  disséminée 
dorso-lombaire). 

Examen  microscopique  de  la  moelle.  Région  cervicale  supérieure. 
—  Cordons  de  GoU  dégénérés  secondairement.  Nombreuses  veines  à 
parois  infiltrées. 

Région  cervicale  inférieure.  —  La  pie-mère,  surtout  dans  la  partie 
postérieure,  est  épaissie  et  infiltrée.  La  plupart  des  vaisseaux  ont  des 
parois  très  épaisses  et  infiltrées  de  cellules.  Altération  qui  va  jusqu'à 
l'oblitération.  L'infiltration  cellulaire  est  surtout  prononcée  au  niveau 
de  la  tunique  adventice  ;  cependant  beaucoup  de  vaisseaux  présentent 
un  épaississement  de  la  membrane  interne.  Ces  modifications  intéres- 
sent surtout  les  veines,  les  artères  sont  bien  moins  malades.  Infiltration 
légère  des  racines  antérieures  et  postérieures. 

Dans  la  moelle,  les  vaisseaux  sont  congestionnés,  beaucoup  ont  leurs 
parois  infiltrées.  Hémorrhagie  dans  la  corne  antérieure.  Sur  les  confins 
de  la  corne  antérieure,  on  trouve  dans  le  cordon  antérieur  une  accu- 


—  410  — 


mulation  de  cellules  rondes  qui  correspond  vraisemblablement  à  un 
vaisseau.  Le  nombre  des  tubes  nerveux  est  diminué  dans  la  partie 
postérieure  des  cordons  postérieurs,  la  névroglie  est  gonflée. 

Région  dorsale  supérieure.  —  Pie-mère  assez  infiltrée  de  cellules. 
Les  vaisseaux,  surtout  les  veines,  ont  des  parois  énormément  épaissies, 
la  tunique  adventice  est  infiltrée,  beaucoup  de  lumières  sont  oblitérées. 
Dans  les  racines,  il  y  a  presque  autant  de  fibres  altérées  que  de  fibres 
saines. 

Les  vaisseaux  de  la  moelle  sont  dilatés  ou  à  parois  infiltrées.  Dans  la 
substance  blanche,  les  petits  foyers  visibles  à  l'œil  nu  montrent  des 
altérations  très  prononcées  des  tubes  nerveux  :  la  myéline  a  disparu,  le 
cylindre-axe  est  gonflé, souvent  granuleux  ;  corps  granuleux  ;  destruction 
complète  des  tubes;  vacuoles  vides.  A  la  périphérie  de  la  moelle,  il  y 
a  cependant  encore  quelques  fibres  saines  ;  la  névroglie  est  en  proli- 
fération. 

Parmi  les  cellules  nerveuses,  il  n'y  en  a  que  quelques-unes  qui  ont 
conservé  leurs  prolongements  ;  les  autres  sont  atrophiées,  arrondies  ou 
triangulaires,  avec  ou  sans  noyau.  Cet  aspect  se  retrouve  en  particulier 
au  niveau  des  colonnes  de  Clarke. 

Région  dorsale  moyenne.  —  Mêmes  altérations  de  la  méninge;  c'est- 
à-dire  épaississement  énorme  des  parois  vasculaires  surtout  pour  les 
veines,  oblitérations  vasculaires,  infiltration  de  la  tunique  adventice.  ' 

Racines  antérieures  et  postérieures  très  altérées  :  destruction  de  la 
gaine  de  myéline,  hypertrophie  des  cylindres-axes,  vacuoles,  destruction 
complète.  Infiltration  modérée  du  périnèvre  et  de  l'endonèvre.  Parois 
vasculaires  épaissies  ;  mais  tous  les  tubes  ne  sont  pas  détruits,  il  en 
persiste  même  un  assez  grand  nombre. 

Dans  cette  région,  le  tissu  médullaire  est  très  altéré.  Pour  la  sub- 
stance blanche,  on  trouve  une  foule  de  petits  foyers  ou  de  grands  oià  les 
tubes  sont  complètement  détruits.  Entre  ces  foyers,  il  y  a  encore  des 
parties  relativement  saines.  Cet  état  de  ramollissement  siège  surtout 
dans  les  zones  marginales  ;  il  existe  aussi  dans  la  partie  centrale,  et 
couvre  sur  la  coupe  une  étendue  plus  considérable  que  les  parties  rela- 
tivement saines  surtout  disposées  autour  de  la  substance  grise. 

L'altération  s'étend  partout,  mais  intéresse  les  cordons  antéro-latéraux 
plus  que  les  postérieurs. 

La  forme  des  foyers  est  irrégulière  :  ils  sont  tantôt  triangulaires  à  base 
périphérique,  tantôt  ronds  ou  ovales,  ou  irréguliers.  Dans  ces  foyers,  les 
cylindres-axes  sont  énormes,  la  myéline  a  disparu,  les  vaisseaux  sont 
dilatés,  infiltrés,  çà  et  là  existent  des  petits  foyers  hémorrhagiques. 

Altérations  profondes  des  cellules  nerveuses  des  cornes  antérieures 
et  des  colonnes  de  Clarke  ;  elles  sont  gonflées,  granuleuses,  vacuo- 
laires,  rondes  ou  ovales,  ordinairement  sans  prolongements  ni  noyau. 

Région  dorsale  inférieure.  —  Mêmes  altérations.  Dans  les  parois 


—  411  — 


épaissies  des  vaisseaux  on  trouve  de  nombreux  capillaires  néoformés 
dont  le  nombre  peut  aller  jusqu'à  une  dizaine. 

Région  lombaire  supérieure.  —  Les  altérations  vasculaires  de  la  pie- 
mère  sont  ici  très  marquées.  En  un  point  de  la  partie  latérale,  on  trouve 
dans  la  pie-mère  une  grosse  veine  très  épaissie,  infiltrée  et  oblitérée, 
qui  déprime  la  moelle  sans  quô  l'infiltration  pénètre  dans  son  intérieur 
entre  les  tubes  nerveux. 

Dans  la  substance  blanche,  il  n'y  a  presque  pas  de  modifications, 
quelques  tubes  nerveux  seulement  sont  détruits  à  la  périphérie  de  la 
coupe  et  la  névroglie  est  hyperplasiée. 

Les  cellules  nerveuses  sont  encore  profondément  altérées. 

Région  lombaire  moyenne.  —  Pie  mère  mince,  légèrement  infiltrée, 
vaisseaux  peu  altérés,  à  part  un  certain  nombre  de  veines  oblitérées. 
Racines  saines.  Dans  la  moelle,  congestion  peu  prononcée,  la  plupart 
des  cellules  et  des  tubes  nerveux  sont  sains. 

Dans  une  corne  antérieure,  il  y  a  un  amas  de  cellules  lymphoïdes  qui 
semble  correspondre  à  la  coupe  d'un  vaisseau,  mais  le  fait  n'est  pas 
absolument  certain. 

Région  lombaire  inférieure.  —  Pie-mère  légèrement  infiltrée,  vais- 
seaux légèrement  épaissis  et  infiltrés  mais  sans  diminution  de  calibre. 
Les  parties  périphériques  de  la  moelle  présentent  une  légère  hyperplasie 
de  la  névroglie.  Les  cellules  nerveuses  sont  normales  pour  la  plupart. 

L'auteur  insiste  sur  la  faible  intensité  des  lésions  propres  à  la  pie- 
mère,  l'absence  de  participation  des  prolongements  pie-mériens  dans 
la  moelle.  Il  fait  ressortir  l'importance  des  lésions  vasculaires,  en  fai- 
sant remarquer  l'existence  de  la  vascularisation  secondaire.  Enfin,  il 
considère  la  lésion  médullaire  comme  un  ramollissement  anémique 
consécutif  aux  altérations  des  vaisseaux. 

Observation  126. 

S.  GOLDFLAM.  Loc.  cit.  (obs.  'VIT),  p.  55. 

RÉSUMÉ  CLINIQUE.  —  Homme,  syphilis  en  188^,  à  49  ans.  En  1885,  dou- 
leurs sacrées,  faiblesse  des  jambes,  puis  paralysie  déoeloppée  pro- 
gressivement, paralysie  des  sphincters.  État  en  1888  (11  mars)  : 
paraplégie  complète  avec  participation  des  sphincters.  Sensibilité 
conservée,  sauf  pour  la  température.  Réflexes  rotuliens  conservés. 
Les  jours  suivanls  aggravation,  escarres,  marasme,  mort  le 
3  juin  1888. 

Autopsie.  —  Cerveau  sain,  la  moelle  présente  de  nombreuses  taches 
de  sclérose,  surtout  dans  la  région  dorso-lombaire,  pie-mère  légère- 
ment épaissie  et  trouble. 


—  412  — 


Examen  microscopique.  — Pie-mère  épaissie,  infiltrée,  surtout  autour 
des  vaisseaux.  Altérations  vasculaires  énormes.  Dans  lanioelle,  dégé- 
nérescence ascendante  du  cordon  de  Goll,  sclérose  ynarginale  dans 
la  région  dorsale  moyenne  et  inférieure.  Moelle  déformée  et  perte 
de  substance  centrale  à  la  région  dorsale  inférieure.  Ramollissemen 
dans  la  régioii  lombaire  supérieure.  Nécrose  des  éléments  nerveux, 
sclérose  névroglique.  Racines  médullaires  du  segment  dorsal  très 
altérées. 

Histoire  clinique.  —  L...,  53  ans,  entre  à  l'hôpital  le  11  mars  1888. 
Depuis  trois  ans,  il  souft're  de  douleurs  dans  la  région  sacrée.  Progres- 
sivement il  s'est  développé  une  faiblesse  des  jambes  qui  est  allée  j  usqu'à 
la  paralysie  complète.  Depuis  le  début  de  l'affection,  incontinence  des 
urines  et  des  matières  fécales. 

Il  y  a  quatre  ans,  infection  sypiiilitique  suivie  de  traitement. 

Etat  actuel.  —  Homme  vigoureux,  sans  lésions  des  viscères.  Paralysie 
complète  des  jambes,  sensibilité  conservée  sauf  pour  la  température, 
réflexes  conservés. 

Traitement  mixte,  bains,  électrisation. 

17  mars  1888.  Apparition  des  symptômes  de  décubitus  au  niveau  du 
sacrum. 

Le  22.  Œdème  des  jambes,  les  plaies  des  pointes  de  feu  ne  se  gué- 
rissent pas. 

Avril.  Escarres  aux  malléoles  externes,  bulles  remplies  de  sérosité  à 
la  plante  des  pieds. 

Le  13.  Perte  des  réflexes  rotuliens;  la  sensibilité  disparaît  au  niveau 
des  pieds. 

Mai.  Légère  amélioration,  quelques  mouvements  reparaissent  dans 
les  pieds. 

Le  27.  Aggravation  ;  les  jours  suivants,  extension  des  escarres,  abcès, 
fièvre,  marasme. 
Mort  le  3  juin  1888. 

Autopsie.  —  Lésions  du  décubitus,  etc.  Aortite  chronique,  cœur  gros, 
poumons  sans  lésions  tuberculeuses,  néphrite. 

Cerveau.  —  Pie-mère  laiteuse,  surtout  à  la  convexité  des  hémisphères 
petit  foyer  hémorrhagique  de  la  pie-mère  au  niveau  de  la  protubérance. 
Artères  de  la  base  du  cerveau  épaissies.  Substance  cérébrale  pàle,  ven- 
tricules dilatés,  granulations  épendymaires  sur  la  paroi  des  ventricules 
latéraux  et  du  quatrième  ventricule. 

Moelle.  —  Liquide  sous-arachnoïdien  abondant.  Pie-mère  épaisse  et 
trouble,  unie  à  la  dure-mère  par  de  nombreux  tractus  lâches.  La  sub- 
stance médullaire  est  pâle.  La  moelle,  un  peu  grêle  dans  la  région  dorsale 
inférieure,  est  aplatie  latéralement;  dans  la  moitié  gauche,  on  trouve 
une  cavité  arrondie,  large  de  2  niillim.  et  haute  de  trois  quarts  de  centi- 


—  413  — 


mètre  qui  semble  formée  surtout  aux  dépens  de  la  corne  postérieure 
droite  et  est  remplie  de  sang.  La  sui^stance  médullaire  présente  une 
coloration  diffuse  à  cette  hauteur,  la  consistance  parait  normale. 

Examen  microscopique  après  durcissement.  Deuxième  racine 
cervicale.  —  Dégénération  secondaire  des  cordons  de  Goll.  Dégéné- 
ration marginale  du  cordon  latéral.  Pie-mère  mince,  légèrement  infil- 
trée, vaisseaux  sains,  sauf  l'artère  spinale  antérieure  dont  la  membrane 
interne  est  épaissie.  Dans  la  substance  grise,  quelques  petits  foyers 
hémorrliagiques.  Beaucoup  de  cellules  nerveuses  ont  perdu  leurs  pro- 
longements et  leur  noyau. 

Quatrième  racine  cervicale.  —  Même  disposition  des  parties  dégéné- 
rées. Pie-mère  mince,  mais  gros  vaisseaux  (artères  et  veines)  présentant 
un  épaississement  de  la  membrane  interne.  Beaucoup  de  veines  ont  une 
lumière  très  rétrécie.  Racines  :  épaississement  de  Tendonèvre,  infiltra- 
tion légère  et  épaississement  modéré  des  parois  vasculaires. 

Huitième  racine  cervicale.  —  Pie-mère  épaissie,  infiltrée,  prolonge- 
ments intramédullaires  importants.  Vaisseaux  épaissis,  tunique  adventice 
infiltrée,  cellules  endothéliales  multipliées,  pénétrant  dans  la  lumière 
du  vaisseau.  Dans  la  moelle,  dégénération  marginale  du  cordon  latéral 
et  sclérose  prononcée  des  cordons  de  Goll.  Espaces  périvasculaires 
remplis  de  cellules.  Quelques  corps  amyloïdes.  Nombreuses  cellules 
nerveuses,  sans  prolongements  ni  noyau,  remplies  de  pigment. 

Deuxième  racine  dorsale.  —  Même  état  de  la  pie-mère,  vaisseaux, 
artères  surtout,  avec  une  membrane  interne  épaissie,  lumière  très  rétrécie, 
en  partie  comblée  par  des  cellules  endothéliales.  Atrophie  partielle  des 
racines  avec  infiltration  et  altérations  vasculaires.  Dans  la  moelle,  la  dégé- 
nération marginale  s'étend  en  profondeur.  Réseau  aévroglique  épaissi, 
corps  amyloïdes.  Entre  les  parties  très  altérées  et  les  parties  saines,  zone 
de  transition  oii  les  tubes  nerveux  présentent  des  modifications  variées, 
depuis  la  destruction  de  la  gaine  de  myéline,  le  gonflement  du  cylindre-axe, 
jusqu'à  la  disparition  complète  de  la  fibre  et  la  formation  de  corps  granu- 
leux. Cellules  araignées  hypertrophiées  et  multipliées.  Cellules  nerveuses 
très  altérées.  Les  parois  des  vaisseaux  sont  épaisses,  légèrement  fibreu- 
ses, les  espaces  périvasculaires  dilatés  et  remplis  de  petites  cellules,  de 
corps  amyloïdes  et  de  corps  granuleux.  L'infiltration  périvasculaire 
s'étend  un  peu  dans  le  tissu  environnant. 

Sur  les  coupes  longitudinales,  la  névroglie  forme,  au  niveau  des  cor- 
dons de  Goll,  des  faisceaux  parallèles,  et  dans  la  sclérose  marginale,  un 
réseau  épais. 

Cinquième  racine  dorsale.  —  Dégénérescence  de  presque  tout  le 
cordon  postérieur,  sauf  une  petite  bande  contiguë  aux  cornes  posté- 
rieures. La  dégénération  marginale  est  toujours  prononcée,  surtout  au 
niveau  des  cordons  latéraux.  Le  tissu  médullaire  (tubes  et  racines)  et 
les  vaisseaux  présentent  les  mêmes  altérations  que  plus  haut.  De  même 


—  414  — 


pour  les  racines.  Dans  les  cordons  postérieurs,  la  névroglie  forme  des 
tourbillons  analogues  à  ceux  qu'ont  signalés  Dejerine  et  Letulle  dans  la 
maladie  de  Friedreich  (sclérose  névroglique  pure). 

Septième  racine  dorsale.  —  La  moelle  est  déformée,  aplatie  latéra- 
lement du  côté  droit,  la  corne  correspondante  déjetée  en  dehors.  Les 
régions  scléreuses  occupent  à  peu  près  la  même  situation  et  les  modi- 
fications du  tissu  médullaire  sont  celles  que  nous  avons  indiquées.  Petit 
foyer  hémorrhagique  à  la  base  de  la  corne  antérieure  gauche. 

Dixième  racine  dorsale.  —  Moelle  aplatie  d'avant  en  arrière,  cornes 
postérieures  écartées.  Dans  la  partie  postérieure  de  la  moitié  droite  de 
la  moelle,  il  y  a  une  perte  de  substance,  elliptique,  formée  aux  dépens  de 
la  corne  postérieure  et  limitée  par  un  épaississement  de  la  névroglie. 
La  dégénération  marginale  est  moins  large  que  plus  haut.  Les  altérations 
microscopiques  du  tissu  sont  celles  que  nous  connaissons. 

Région  dorso-lombaire.  —  On  voit  ici  comment  le  ramollissement 
médullaire  est  sous  la  dépendance  des  altérations  des  vaisseaux  de  la 
pie-mère.  En  rapport  avec  un  épaississement  énorme  de  la  paroi  de 
l'artère  spirale  antérieure  (épaississement  surtout  formé  par  la  mem- 
brane interne),  et  avec  un  rétrécissement  excessif  de  la  lumière  du 
vaisseau,  on  trouve  des  altérations  très  prononcées  des  cordons  anté- 
rieurs et  des  cornes  antérieures.  Les  éléments  nerveux  sont  nécrosés  : 
tubes  nerveux  détruits  et  remplacés  par  des  corps  granuleux,  etc.,  cel- 
lules nerveuses  atrophiées,  etc.  Il  existe  quelques  petits  foyers  hémor- 
rhagiques  dans  la  substance  grise. 

Région  lombaire  inférieure.  —  Lésions  moins  prononcées.  L'endar- 
tère  de  l'artère  spinale  antérieure  est  moins  épais,  la  lumière  du  vais- 
seau largement  béante,  les  vaiseaux  de  la  moelle  sont  moins  altérés. 
Cordons  postérieurs  presque  intacts.  Dégénération  marginale  légère. 
Dans  la  substance  grise,  quelques  petits  foyers  hémorrhagiques.  Alté- 
ration modérée  des  cellules  nerveuses. 

Racines  presque  absolument  saines. 

Dans  l'aorte  descendante,  inflammation  de  la  membrane  interne. 
Endartérite  prononcée  des  branches  de  l'artère  basilaire  et  de  l'artère 
cérébrale  postérieure. 

D'après  l'auteur,  les  altérations  de  la  moelle  sont  dues  à  deux  causes. 
L'épaississement  de  la  pie-mère  tient  sous  sa  dépendance  la  dégéné- 
ration marginale.  D'autre  part,  la  destruction  des  tubes,  le  ramollis- 
sement, les  petites  hémorrhagies  sont  une  conséquence  des  troubles 
circulatoires  résultant  des  lésions  des  vaisseaux. 


CHAPITRE  III 

OBSERVATIONS  CLINIQUES  PERSONNELLES 


Observation  127  (personnelle). 


RÉSUMÉ  CLINIQUE.  —  Homme.  Décembre  1886,  19  ans  :  chancre, 
accidents  secondaires,  traitement.  Juin  1887,  six  mois  après  le 
chancre  faiblesse  génitale.  29  juin,  refroidissement;  lourdeur  des 
jambes,  troubles  vêsicaux.  l^i  juillet,  attaque  de  paraplégie,  inconti- 
nence des  urines  et  des  matières  fécales.  Amélioration.  22  juillet, 
rapide  recrudescence  des  symptômes,  douleurs  en  ceinture,  crises 
rectales  et  vésicales.  Traitement  intensif.  1888  :  après  amélioration, 
guérisonincomplète  et  persistance  des  symptômes  à  l'état  chronique. 
1892  :  paraplégie  spasmodique  légère,  troubles  des  sphincters,  sensi- 
bilité intacte. 

Histoire  clinique.  —  M.  X...,  25  ans,  étudiant. 

Aiitécédents  héréditaires.  —  Rien  d'important  à  signaler,  aïeul 
maternel  sujet  aux  rhumatismes, mère  rhumatisante. 

Antécédents  personnels.  —  Aucune  maladie  sérieuse,  sujet  vigoureux. 

1886.  Décembre.  A  cette  époque,  M.  X...,  alors  âgé  de  19  ans,  eut  un 
chancre  induré  de  la  verge.  Cet  accident  fut  bientôt  suivi  de  manifes- 
tations secondaires  de  la  syphilis  :  roséole  et  plaques  muqueuses  dis- 
crètes. Le  traitement  du  début  fut  assez  suivi,  il  prit  en  effet  cent 
pilules  de  protoiodure,  quelques  grammes  d'iodure  de  potassium  et 
environ  1,000  grammes  de  sirop  de  Gibert. 

Maladie  actuelle.  Commémoratifs.  —  1887.  Vers  le  milieu  du  mois 
de  juin,  six  mois  par  conséquent  après  l'accident  primitif,  survint  un 
affaiblissement  très  marqué  de  la  puissance  virile,  ce  fut  le  premier 
symptôme  qui  frappa  le  malade  ;  en  même  temps  quelques  douleurs 
lombaires  assez  vagues  se  manifestèrent. 

Le  29  juin,  étant  en  sueur,  le  malade  subit  un  refroidissement  brusque 
et,  deux  jours  après,  il  éprouvait  une  recrudescence  des  douleurs  lom- 
baires, les  jambes  devenaient  lourdes,  engourdies,  il  semblait  au  malade 
qu'à  chaque  membre  inférieur  un  poids  très  lourd  était  attaché;  néan- 
moins, la  marche  était  encore  possible  quoique  assez  pénible.  La  mic- 
tion était  très  gênée,  l'urine  n'était  émise  qu'après  de  longs  efforts, 
goutte  à  goutte  et  en  plusieurs  reprises. 

13  juillet.  La  faiblesse  des  jambes  augmenta  notablement,  dans  la 
soirée,  la  marche  était  devenue  très  difficile,  elle  n'était  même  possible 
qu'avec  l'aide  d'un  camarade. 

Le  14.  Au  matin,  le  malade,  essayant  de  se  lever,  ne  peut  se  tenir 

S.  27 


—  418  — 


sur  les  jambes  qui  fléchissent  sous  lui,  il  tombe  et  ne  peut  se  relever. 
Il  existe  d'assez  vives  douleurs  dans  la  région  lombaire  et  sur  le  trajet 
des  nerfs  intercostaux,  mais  pas  dans  les  jambes  au  niveau  desquelles 
le  malade  n'éprouve  qu'une  sensation  d'engourdissement. 

Les  sphincters  sont  totalement  paralysés,  l'urine  s'écoule  goutte  à 
goutte  et  les  matières  fécales  ne  peuvent  être  retenues.  En  même  temps, 
il  existe  une  certaine  obuubilation  de  l'intelligence,  le  malade  ne  se 
rappelle  pas  très  bien  tous  les  détails  des  accidents  qu'il  a  présentés  à 
cette  époque,  car  il  se  trouvait  dans  un  état  semi-comateux. 

Toutefois  ce  premier  orage  ne  dura  pas,  au  bout  de  quelques  jours  le 
malade  put  se  relever  ;  il  se  remit  même  sur  pied  avec  une  rapidité 
surprenante,  puisque  à  partir  du  19  juillet  il  put  sortir  et  subir,  le  21,  un 
examen  pour  le  baccalauréat.  Il  éprouvait  cependant  une  grande  difïï- 
culté  dans  la  marche  et  souffrait  de  douleurs  lombaires  ;  l'incontinence 
d'urine  persistait. 

Le  22.  Comme  conséquence  peut-être  des  fatigues  que  le  malade 
avait  supportées  la  veille,  il  survint  une  recrudescence  des  symptômes. 
M.  X...  fut  forcé  dès  lors  de  garder  le  lit  et  commença  à  suivre  un  trai- 
tement régulier,  ce  qui  n'avait  pas  encore  été  fait  depuis  le  début  des 
symptômes  médullaires.  Le  traitement  spécifique  fut  institué  et  des 
pointes  de  feu  appliquées  fréquemment  sur  la  région  rachidienne.  Les 
douleurs  lombaires  et  intercostales  étant  assez  vives,  on  usa  également 
de  quelques  vésicatoires  volants.  Vers  le  milieu  du  mois  d'août,  les 
symptômes  tendant  à  s'amender,  le  malade  put  se  lever  et  commença 
à  faire  quelques  pas,  puis  de  courtes  promenades.  Mais  il  existait  toujours 
une  faiblesse  extrême  des  jambes,  la  marche  n'était  possible  qu'avec 
deux  cannes.  L'urine  et  les  matières  fécales  n'étaient  retenues  qu'à 
graud'peine,  les  besoins  étaient  absolument  impérieux. 

Un  fait  qui  mérite  d'être  signalé,  c'est  que,  pendant  que  se  déroulaient 
des  symptômes  spinaux,  il  n'en  existait  pas  moins  des  manifestations 
de  syphilis  cutanée  et  le  malade  eut  des  taches  sur  la  peau  jusqu'au 
mois  de  septembre. 

Mi-septembre.  Au  retour  d'une  promenade,  le  malade  éprouve  brus- 
quement dans  la  région  vésicale  une  douleur  excessivement  vive  qui 
persiste  près  de  six  heures.  Ce  nouveau  symptôme  fut  un  des  plus 
pénibles  que  le  malade  ait  ressentis.  Ces  crises  vésicales  furent 
d'abord  très  rapprochées,  puis  ne  se  manifestèrent  que  tous  les  quinze 
jours  et  s'espacèrent  encore  davantage  dans  la  suite.  Elles  consistaient 
en  une  sorte  de  ténesme  avec  faux  besoin  d'uriner  et  émission  dou- 
loureuse de  quelques  gouttes  d'urine.  Un  phénomène  analogue  ne  tarda 
pas  à  se  manifester  au  rectum.  Les  crises  reotales  toutefois  étaient 
moins  violentes,  le  malade  éprouvait  la  sensation  d'un  corps  étranger 
volumineux  qui  faisait  office  de  dilatateur.  Ce  symptôme  n'a  pas  disparu 
aujourd'hui  et  il  est  très  gênant,  car  outre  la  douleur  qui  en  résulte, 


—  419  — 


le  malade  est  dans  l'inipossibilité  absolue  de  retenir  les  gaz  intestinaux. 

1888.  Avec  cette  année,  commence  ce  que  le  malade  appelle  très  jus- 
tement sa  période  d'état  statioiinaire.  Les  symptômes  ne  sont  pas  assez 
accentués  pour  l'empêcher  de  participer  à  la  vie  commune.  La  marche 
est  assez  difficile,  les  jambes  sont  raides,  mais  avec  une  canne  il  ne  s'en 
tire  pas  mal  et  peut  sortir  pour  se  livrer  à  ses  occupations  journalières. 
II  n'existe  aucune  douleur  dans  les  jambes,  seulement  quelques  dou- 
leurs vagues  dans  les  reins,  mais  surtout  des  crises  vésicales  et  rec- 
tales qui  sont  le  symptôme  le  plus  pénible.  Toutefois,  ces  crises  sont 
moins  fréquentes  qu'au  début,  elles  ne  surviennent  que  tous  les  mois, 
elles  sont  plus  supportables  bien  que  leur  durée  semble  augmenter. 
Les  sphincters  sont  toujours  très  insuffisants;  l'impuissance  génitale 
absolue. 

Le  traitement  pendant  cette  année  fut  régulièrement  suivi  : 

Pointes  de  feu  trois  l'ois  par  semaine.  2  gr.  d'iodure  par  jour.  Bains 

sulfureux,  un  par  .semaine.  Faradisation  ;  deux  séances  par  semaine. 
En  somme,  à  la  fin  de  l'année,  le  malade  bénéficiait  d'une  certaine 

amélioration,  surtout  à  l'égard  du  fonctionnement  des  jambes. 

1889.  Pendant  les  mois  de  janvier  et  de  février,  l'administration  de 
l'iodure  est  continuée,  puis  cessée  au  commencement  de  mars. 

Mars  et  avril.  Le  malade  essaie  quelques  séances  de  suspension.  Il 
éprouve  pendant  l'opération  une  sensation  de  bien-être  dans  les  jambes, 
puis  à  la  suite  aucune  amélioration.  Douches  froides  et  bains  alcalins. 

De  mai  en  septembre  aucun  traitement. 

Septembre,  octobre,  novembre.  6  gr.  d'iodure  par  jour. 

Décembre.  Aucun  traitement. 

1890.  Janvier,  février,  mars.  KL  6  gr.  par  jour. 

D'avril  en  novembre,  aucun  traitement  ;  état  stationnaire. 
Novembre,  décembre.  Reprise  du  traitement  et  médication  intensive. 
Tous  les  trois  jours  on  faisait  au  malade  une  injection  hypodermique 
d'un  centimètre  cube  de  la  solution  suivante  : 

Peptonate  d'hydrargyre   50  centigr. 

Eau   10  gr. 

L'iodure  de  potassium  est  consommé  à  des  doses  excessives  qui 
atteignent  jusqu'à  10  gr.  par  jour. 

1891.  Cessation  du  traitement  pendant  les  trois  premiers  mois. 
Avril,  mai.  Traitement  intensif,  accidents  d'iodisme. 

Juin,  juillet.  Séjour  à  La  Malou.  Amélioration  sensible  pendant  la  cure, 
mais  nullement  persistante. 

Août,  septembre.  Le  malade  laisse  de  côté  les  médicaments  spécifi- 
ques et  prend  des  préparations  ferrugineuses  et  de  la  noix  de  Kola. 

1892.  Depuis  de  nombreux  mois,  l'état  du  malade  reste  le  même,  les 
deux  symptômes  dominants  sont  la  raideur  des  jarnbes  et  l'incontinence 
d'urine. 


—  420  — 


État  actuel,  septembre  1892.  —  Sujet  vigoureux,  de  taille  moyenne, 
santé  générale  excellente. 

Motilitè.  —  La  face  est  intacte,  les  membres  supérieurs  également 
à  part  une  légère  augmentation  du  réflexe  olécrânien.  Tous  les  phéno- 
mènes sont  localisés  à,  la  moitié  inférieure  du  corps. 

Le  malade  étant  assis,  meut  ses  jambes  assez  facilement,  mais  les 
mouvements  sont  gênés  par  une  raideur  qui  oblige  le  malade  à  un  effort 
considérable  pour  l'exécution  des  différents  mouvements.  Cette  gêne 
se  manifeste  lorsqu'on  demande  au  malade  de  croiser  l'une  de  ses 
cuisses  sur  l'autre  pour  l'étude  des  réflexes  ;  il  exécute  difficilement  ce 
mouvement,  et  est  obligé  de  s'aider  de  ses  mains.  Cependant,  ce  n'est 
pas  la  force  musculaire  qui  manque,  car  le  malade  peut  opposer  une 
résistance  invincible  dans  les  conditions  ordinaires  à  un  mouvement 
de  flexion  communiquée.  Il  n'existe  non  plus  aucune  incoordination 
motrice,  mais  une  sorte  de  maladresse  due  à  la  contracture.  Les  réflexes 
rotuliens  sont  très  exagérés  des  deux  côtés  et  l'on  provoque  facilement 
le  tremblement  clonique  du  pied.  Les  réflexes  cutanés  sont  également 
très  développés;  une  excitation  un  peu  vive  du  tégument  provoque  un 
mouvement  brusque  dans  les  jambes.  Le  malade  a  lui-même  remarqué 
ce  phénomène  :  il  a  au  pied  un  cor  qui  n'est  pas  très  douloureux,  mais, 
lorsqu'un  choc  vient  atteindre  ce  cor,  bien  que  la  douleur  ne  soit  pas 
très  vive,  elle  détermine  néanmoins  un  mouvement  intempestif  que  le 
malade  ne  peut  réprimer. 

Dans  la  station  debout,  les  jambes  sont  rapprochées,  les  pieds  paral- 
lèles et  non  en  équerre  comme  il  est  normal. 

L'extension  des  deux  membres  n'est  pas  absolue,  le  membre  inférieur 
étendu  ne  forme  pas  une  courbe  à  concavité  antérieure,  mais  il  existe 
une  très  légère  flexion  de  la  jambe.  Pas  de  signe  de  Romberg.  La  force 
est  considérable,  et  l'on  peut  se  suspendre  aux  épaules  du  malade  sans 
faire  fléchir  ses  jambes. 

La  marche  est  possible  sans  canne,  elle  peut  se  prolonger  un  temps 
très  long,  mais  le  sujet  se  fatigue  cependant  plus  vite  qu'un  individu 
sain.  Les  pas  sont  courts,  les  genoux  frottent  l'un  contre  l'autre.  La 
trace  des  pas,  au  lieu  de  faire  avec  la  ligne  de  direction  un  angle  ouvert 
en  avant,  est  parallèle  à  cette  ligne  ou  même  forme  un  angle  ouvert  en 
arrière.  En  effet,  la  pointe  du  pied  tend  à  se  porter  en  dedans  en  même 
temps  qu'elle  est  abaissée.  A  chaque  pas,  la  pointe  du  pied  frôle  le  sol 
et  le  bout  de  la  semelle  s'use  rapidement;  c'est  pour  cette  raison  que  le 
malade  marche  plus  facilement  avec  des  chaussures  à  talon  haut.  Le 
sujet  marche  à  petits  pas  en  exagérant  le  soulèvement  du  corps  et  en 
imprimant  à  son  bassin  un  léger  mouvement  de  rotation  pour  permettre 
au  pied  qui  est  en  arrière  de  se  porter  en  avant.  Toutes  ces  particula- 
rités modifient  l'allure  et  lui  donnent  un  caractère  spécial. 

La  course  est  naturellement  très  gênée;  si  le  sujet  veut  accélérer 


—  421  — 


l'allure  de  son  pas,  les  enjambées  deviennent  de  plus  en  plus  courtes  et 
les  jambes  s'embarrassent. 

Seyisibililé,  phénomènes  subjectifs.  —  Nous  avons  signalé  les  dou-  ' 
leurs  lombaires  du  début,  elles  ont  aujourd'hui  à  peu  près  complètement 
disparu.  Le  malade  n'a  jamais  éprouvé  de  véritables  douleurs  dans  les 
jambes,  il  a  simplement  ressenti  au  début  une  sorte  d'engourdissement 
qui  se  confondait  avec  le  sentiment  de  lourdeur  qui  existait  en  même 
temps. 

Depuis  un  an  environ,  le  malade  a  une  céphalalgie  frontale  persis- 
tante, plutôt  diurne  que  nocturne. 

Les  crises  vésicales  sont  actuellement  très  rares  ainsi  que  les  douleurs 
rectales,  et  très  supportables. 

Sensibilité  objective.  —  Il  n'existe  pour  ainsi  dire  pas  de  modifica- 
tions de  la  sensibilité  objective,  le  sujet  perçoit  le  moindre  contact, 
apprécie  très  exactement  les  variations  de  température  des  corps  que 
l'on  applique  sur  les  téguments.  Il  semblerait  présenter  un  certain 
degré  d'hyperesthésie  au  chatouillement  et  à  la  douleur,  à  cause  de 
l'exagération  des  réflexes  qui  provoquent  ces  excitations  ;  mais  ce  phé- 
nomène traduit  tout  simplement  une  augmentation  de  la  réflectivité 
médullaire  et  non  une  exaltation  de  la  perception. 

La  pression  sur  les  apophyses  épineuses  de  la  colonne  vertébrale  est 
douloureuse  dans  la  portion  dorsale  moyenne.  Cette  zone  s'étend  du 
niveau  correspondant  à  l'angle  interne  de  l'omoplate  jusqu'à  G  centim. 
au-dessous.  De  plus,  l'apophyse  mastoïde  droite  est  douloureuse  à  la 
pression,  il  semble  exister  en  ce  point  un  léger  degré  de  périostite. 

Troubles  des  sphincters.  —  Les  besoins  d'uriner  sont  fréquents  et 
impérieux,  le  malade  se  plaint  même  de  ne  pas  toujours  percevoir  très 
nettement  ce  besoin  et  de  perdre  ses  urines.  Chaque  fois  qu'il  fait  un 
effort,  ou, si  étant  assis,  lise  lève  un  peu  brusquement, quelques  gouttes 
d'urine  s'écoulent,  en  sorte  que  le  malade  est  presque  constamment 
mouillé.  Les  matières  fécales  sont  assez  bien  retenues,  il  n'en  est  pas 
de  même  des  gaz  intestinaux  qui  s'échappent  contre  le  gré  du  malade. 

Le  sens  génital  est  extrêmement  troublé  dans  son  fonctionnement. 
Dans  les  premières  périodes  de  l'affection,  les  érections  étaient  suppri- 
mées, et  dans  les  tentatives  de  coït,  l'éjaculation  était  remplacée  par  un 
gonflement  douloureux  du  gland  et  de  la  verge.  Actuellement,  il  existe 
bien  des  érections,  mais  le  malade  les  déclare  inutilisables  ;  ou  bien, 
l'éjaculation  survient  accompagnée  d'une  sensation  anormale  extrême- 
ment vive  et  la  verge  restant  flaccide. 

Il  n'existe  ni  troubles  trophiques  cutanés  ni  atrophie  musculaire,  les 
urines  sont  claires.  L'état  général  est  excellent,  l'examen  des  différents 
appareils  n'indique  aucune  lésion  viscérale. 


—  422  — 


Observation  128  (personnelle).  (Malade  observé  dans  le  service  de 
M.  Dujardin-Beaumetz,  à  l'hôpital  Cochin,  puis  dans  le  service  de 
M.  le  professeur  Debove  à  l'hôpital  Andral.) 

RÉSUMÉ  CLINIQUE.  —  Homme.  En  1880  à  28  ans,  chancre,  accidents 
secondaires,  traitement  insufftsant.  Mai  1801,  onze  ans  après  le 
chancre  :  céphalalgie,  douleurs  lombaires,  engourdissement,  lour- 
deur des  jambes.  Septembre,  même  accident  suivi  de  persistance 
de  phénomènes  parétiques.  État  1892.  Paraplégie  spasmodique 
de  moyenne  inlejisité,  troubles  vésicaux,  sensibilité  intacte. 
1893  :  même  état. 

Histoire  clinique.  —  Edouard  Del       ajusteur  mécanicien,  âgé  de 

40  ans,  entré  le  3  inai_1892,  dans  le  service  de  M.  Dujardin-Beaumetz  à 
l'hôpital  Cochin. 

Antécédents  héréditaires.  —  Père  mort  à  l'âge  de  45  ans,  d'accidents 
palustres  (?)  Mère  vivante  bien  portante,  âgée  de  58  ans.  Fils  unique. 

Antécédents  personnels.  —  N'a  jamais  été  malade  dans  son  enfance  ; 
à  14  ans,  il  devient  apprenti  mécanicien,  puis  soldat  de  21  ans  à  24  ans. 
Il  était  très  vigoureux.  Reste  célibataire. 

En  1880,  à  l'âge  de  28  ans,  chancre  syphilitique  suivi  d'une  roséole 
caractéristique  et  de  plaques  muqueuses.  Le  malade  fut  traité  pendant 
deux  mois  à  deux  mois  et  demi  par  des  pilules  de  protoiodure  et  du 
sirop  de  Gibert.  Ce  fut  le  seul  traitement  du  début. 

En  1882,  30  ans.  Syphilides  cutanées,  éruption  de  boutons  sur  tout  le 
corps.  Le  malade  prit  à  cette  époque  un  «  sirop  dépuratif  «  pendant 
un  mois.  Ce  furent  les  seuls  accideats  que  le  malade  éprouva  dans  les 
premières  années  qui  suivirent  l'infection  syphilitique. 

Maladie  actuelle.  Commémoratifs.  —  Au  mois  de  mai  1891,  à  l'âge 
de  39  ans,  ofize  ans  après  le  chancre,  il  éprouva  quelques  maux  de  tête, 
des  vertiges  pas&agei's,  en  même  temps  que  quelques  sensations  péni- 
bles dans  la  région  lombaire.  11  éprouvait  également  de  temps  à  autre, 
une  sorte  d'engourdissement  dans  les  jambes  qui  lui  semblaient  plus 
sensibles  au  froid  que  de  coutume,  il  chercha  même  à  combattre  cette 
mpression  en  portant  des  caleçons  de  tlanelle.  Tous  ces  symptômes 
étaient  assez  légers  ot  le  malade  continuait  de  travailler.  Certain  s  jours, 
il  éprouvait  un  peu  plus  de  fatigue  que  de  coutume,  ses  jambes  étaient 
un  peu  moins  souples  sans  être  raides,  enfin  le  soir  il  ressentait  quelques 
crampes,  mais  il  n'a  noté  à  cette  époque  aucun  trouble  des  fonctions 
urinaires. 

Cet  état  se  prolongea  pendant  quelques  mois,  il  était  assez  peu  grave 
pour  queje  malade  ne  songeât  pas  à  se  soigner. 

Au  mois  d'à  )ût,  trois  mois  environ  après  le  début  des  symptômes  que 
nous  venons  de  signaler,  il  se  produisit  un  phénomène  important. 


—  423  — 


Depuis  plusieurs  jours,  le  sujet  avait  eu  un  surcroît  de  besogne  ;  le 
travail  pressant  un  peu  dans  la  fabrique  où  il  était  employé,  il  avait  fait 
«  des  heures  en  plus  »,  et  il  se  sentait  assez  fatigué,  lorsque,  un  matin, 
en  sortant  de  l'atelier  pour  aller  déjeuner,  il  éprouva  tout  à  coup  dans 
les  reins  une  sensation  de  refroidissement,  il  fut  pris  à  ce  moment  d'un 
tremblement  généralisé  et  ses  jambes  fléchirent  sous  lui. 

Il  vacillait  et  allait  tomber  sans  l'aide  de  ses  camarades  qui  l'accom- 
pagnaient. Ceux-ci  le  maintinrent  et  le  firent  asseoir.  Au  bout  de  quel- 
ques instants,  il  put  se  relever,  mais  il  se  traînait  avec  peine  et  se 
sentait  «  éreinté  ».  Il  dut  rentrer  chez  lui  et  se  reposer  le  reste  de  la 
journée.  Le  lendemain  il  reprit  son  travail,  mais  ses  jambes  étaient 
faibles  et  la  fatigue  survenait  rapidement.  Un  mois  plus  tard,  il  eut  une 
nouvelle  attaque  de  paraplégie  qui  survint  à  peu  près  dans  les  mêmes 
circonstances.  Le  soir,  en  revenant  de  l'atelier,  ses  jambes  faiblirent 
sous  lui  tout  à  coup,  il  dut  s'asseoir  et  ne  put  rentrer  chez  lui  que  sou- 
tenu par  plusieurs  personnes. 

Néanmoins,  les  jours  suivants,  le  malade  n'était  pas  complètement 
paraplégique,  il  pouvait  encore  marcher,  mais  en  traînant  les  jambes 
et  avec  une  canne. 

A  partir  de  ce  moment,  le  malade  souffre  de  la  constipation,  il  n'a  pas 
de  rétention  ni  d'incontinence  d'urine,  mais  il  éprouve  une  longue  hési- 
tation dans  la  miction.  La  sensation  pénible  que  le  malade  ressentait  à 
la  région  lombaire  devint  plus  vive  dans  les  premiers  mois  qui  suivirent 
son  attaque  de  paraplégie,  c'était  une  douleur  continue,  sourde,  con- 
tusive,  il  s'y  joignait  un  sentiment  de  constriction  en  ceinture.  Ces 
symptômes  douloureux  s'exagéraient  lorsque  le  malade,  étant  assis, 
faisait  un  effort  pour  se  relever.  Cependant  la  raideur  des  jambes  aug- 
mentait, c'était  elle,  plutôt  que  la  faiblesse,  qui  gênait  le  malade;  les 
membres  inférieurs  tendaient  à  se  fléchir  légèrement,  le  malade  ne 
pouvait  les  étendre  complètement,  et  lorsqu'il  faisait  effort  pour  y  arri- 
ver, ses  jambes  étaient  prises  de  tremblement. 

Dans  ces  conditions,  le  travail  journalier  était  impossible,  le  malade 
reste  chez  lui,  il  prend  2  grammes  d'iodure  par  jour  et  quelques 
bains  sulfureux. 

Au  mois  de  décembre  1891,  il  entre  à  l'hôpital  Laennec  dans  le  service 
du  professeur  Bail.  On  le  traite  par  l'iodure,  4  grammes  par  jour,  des 
frictions  mercurielles,  des  pointes  de  feu  sur  la  colonne  vertébrale  et 
des  bains  sulfureux.  Le  malade  dit  avoir  éprouvé  une  certaine  amélio- 
ration pendant  son  séjour  à  l'hôpital,  où  il  reste  jusqu'à  la  fin  d'août  1892. 

Il  entre  le  3  mai  à  l'hôpital  Cochin  dans  le  service  de  M.  Dujardin- 
Beaumetz. 

État  actuel.  Mai  1892.  —  Le  malade  est  un  sujet  de  haute  stature  et 
bien  constitué.  L'état  général  est  excellent,  l'examen  des  viscères  ne 
permet  de  relever  aucune  altération.  Le  malade  se  plaint  seulement 


—  424  — 


d'avoir  les  jambes  raides  et  d'être  fort  gêné  dans  la  marche.  Il  n'existe 
pas  de  troubles  céphaliques,  ni  rien  d'anormal  dans  les  yeux  ni  les  mus- 
cles de  la  face.  Les  fonctions  des  membres  supérieurs  sont  absolument 
intactes.  Tous  les  symptômes  sont  localisés  aux  membres  inférieurs. 

Motilité.  —  Le  malade  a  la  démarche  typique  d'un  sujet  atteint  de 
paraplégie  spasmodique.  Il  s'appuie  sur  une  canne,  les  jambes  sont  légè- 
rement fléchies  et  la  pointe  du  pied  ne  peut  être  complètement  détachée 
du  sol  sur  lequel  elle  traîne.  Les  jambes  frottent  l'une  contre  l'autre, 
les  pas  sont  courts  et  croisés.  Le  dandinement  du  tronc  qui  accompagne 
chaque  pas  traduit  l'effort  que  fait  le  malade  pour  porter  la  jambe  en 
avant.  La  partie  antérieure  de  la  semelle  des  chaussures  est  complète- 
ment usée. 

Cette  raideur  des  jambes  et  l'effort  que  nécessite  la  marche  amènent 
une  prompte  fatigue  et  s'opposent  à  toute  allure  un  peu  vive.  Si  le 
malade  essayait  de  courir,  les  jambes  s'embarrasseraient  et  il  tomberait. 
Cet  accident  lui  est  d'ailleurs  arrivé  plusieurs  fois.  Il  n'existe  d'autre 
part  aucune  incoordination  motrice,  ni  signe  de  Romberg.  Le  malade 
étant  assis  ne  peut  croiser  une  jambe  sur  l'autre  sans  le  secours  de  ses 
mains.  Dans  cette  situation,  ou  constate  une  exagération  très  marquée 
du  réflexe  patellaire  des  deux  côtés  et  la  trépidation  clonique  du  pied 
s'obtient  facilement. 

Au  lit,  le  sujet  éprouve  une  certaine  difficulté  à  soulever  ses  jambes, 
il  ne  peut  le  faire  qu'avec  lenteur.  Toutefois,  la  force  musculaire  est 
pour  ainsi  dire  intacte,  car  lorsque  le  malade  maintient  ses  jambes  dans 
l'extension,  on  ne  peut  les  fléchir  avec  les  moyens  ordinaires. 

Sensibilité.  —  Les  douleurs  de  reins  ont  diminué  depuis  quelque 
temps,  le  malade  n'a  jamais  eu  de  douleurs  dans  les  jambes,  actuelle- 
ment il  sent  parfaitement  le  sol  sur  lequel  il  marche  et  ne  présente 
aucun  trouble  de  la  sensibilité  objective.  Il  existe  une  certaine  difficulté 
de  la  miction,  des  envies  impérieuses  et  une  tendance  à  la  constipation. 

Pendant  dix  mois  le  malade  fut  traité  à  l'hôpital  Cochin  par  l'iodure, 
les  pointes  de  feu  sur  la  colonne  vertébrale  et  les  bains  sulfureux,  sans 
qu'on  ait  pu  noter  la  moindre  modification  dans  son  état. 

En  mars  1893,  il  entre  à  l'Iiôpital  Andral,  dans  le  service  de  M.  Debove. 
Les  symptômes  sont  les  mêmes,  les  douleurs  lombaires  ont  complète- 
ment disparu.  En  somme,  après  deux  attaques  brusques  de  paraplégie, 
le  malade  est  resté  frappé  d'une  paraplégie  spasmodique  de  moyenne 
intensité. 

Le  processus  d'altération  médullaire  est  aujourd'hui  arrêté  dans  sa 
progression,  mais  la  lésion  produite  n'en  persiste  pas  moins  et  le  malade 
est  atteint  d'une  affection  vraisemblablement  incurable. 

Mars  1894.  —  Même  état. 


—  425  — 


Observation  129  (personnelle).  —  Recueillie  dans  le  service  de 
M.  Dejerine,  à  l'hospice  de  Bicêtre. 

RÉSUMÉ  CLINIQUE.  —  Homme,  fin  1885,  22  ans,  chancre.  Mars  1891, 
cinq  ans  et  demi  après  le  chancre,  troubles  urinaires.  Mai,  fai- 
blesse et  raideur  des  jambes.  En  juin,  établissement  d'une  paraplé- 
gie développée  en  quelques  jours.  Cystite,  décubitus,  infection 
urineuse.  Mort  le  22  août.  Pas  d'autopsie. 

Histoire  clinique.  —  Théodore  G...,  employé,  âgé  de  28  ans,  entré 
le  6  août  1891  à  l'infirmerie  de  l'hospice  de  Bicêtre,  dans  le  service  de 
M.  Dejerine. 

Nous  ne  trouvons  rien  de  particulier  à  signaler  dans  les  antécédents, 
sinon  que,  à  la  fin  de  l'année  1885,  le  sujet  alors  âgé  de  22  ans  eut  un 
chancre  à  la  verge.  Cet  accident  fut  suivi  d'une  roséole  et  de  plaques 
muqueuses.  Il  n'a  pas  été  noté  dans  l'observation  si  le  malade  a  suivi  un 
traitement  rigoureu.x.  au  début  de  sa  maladie. 

Quoi  qu'il  en  soit,  au  mois  de  mars  1891,  cinq  ans  et  demi  envi- 
ron après  l'accident  primaire,  le  sujet  éprouve  quelques  troubles 
vésicaux,  il  avait  de  fréquents  besoins,  d'autres  fois  il  éprouvait  de  la 
difficulté  à  uriner.  Toutefois  ces  symptômes  étaient  légers,  si  bien  que, 
au  printemps  de  cette  même  année,  le  malade  put  accomplir  comme 
réserviste  une  période  d'exercices  de  vingt-huit  jours. 

En  rentrant  du  régiment,  au  mois  de  mai,  il  éprouva  quelques  fai- 
blesses dans  les  jambes  avec  engourdissement  et  de  lourdeur,  en  même 
temps  que  les  troubles  des  sphincters  s'accentuaient. 

Au  mois  de  juin,  les  symptômes  paralytiques  atteignirent  en  quelques 
jours  un  tel  degré  d'intensité  que  le  malade  dut  prendre  le  lit.  Il  se 
manifesta  des  symptômes  de  cystite  pour  lesquels  il  entra  dans  le  ser- 
vice de  M.  le  professeur  Guyon  à  l'hôpital  Necker. 

DeNecker.le  sujet  fut  transportée  l'hospice  de  Bicêtre  et  nous  avons 
constaté  à  son  entrée  Tétat  suivant. 

Etat  actuel,  6  août.  —  Il  existe  une  très  grande  raideur  des  jambes 
qui  rend  très  difficiles  les  mouvements  spontanés  et  oppose  une  vive 
résistance  aux  mouvements  communiqués. 

Les  réflexes  rotuliens  sont  très  exagérés. 

Le  malade  peut  encore  se  tenir  sur  ses  jambes  et  faire  même  quel- 
ques pas,  mais  il  n'y  arrive  qu'avec  peine,  les  jambes  ont  tendance  à 
se  croiser,  les  pointes  des  pieds  ne  quittent  pas  le  sol  sur  lequel  elles 
frottent. 

Le  malade  se  plaint  de  vives  douleurs  lombaires,  mais  ne  présente 
pas  de  troubles  de  la  sensibilité  objective. 
Les  urines  s'écoulent  malgré  la  volonté  du  malade, elles  sont  troubles, 


—  426  — 


fétides.  Le  sujet  est  atteint  d'une  cystite  grave  et  présente  tous  les 
signes  d'une  infection  urineuse,  température  dépassant  40»,  insomnie, 
agitation  légère,  langue  sèche  et  rouge  sur  les  bords. 

Pendant  les  jours  qui  suivirent,  Tétat  général  ne  fit  qu'empirer,  la 
fièvre  prit  le  type  rémittent  à  grandes  oscillations. 

Le  14  août,  on  constatait  l'état  suivant. 

L'état  spasmodique  des  membres  inférieurs  est  beaucoup  atténué  et 
a  fait  place  à  une  paralysie  presque  complète  et  flasque.  Le  malade  ne 
peut  plus  lever  les  jambes  au-dessus  du  plan  du  lit.  Si  on  lui  demande 
de  soulever  les  membres  inférieurs,  il  traîne  le  talon  sur  le  lit  et  peut  à 
peine  esquisser  la  flexion  de  la  jambe.  Les  réflexes  rotuliens  se  mani- 
festent encore,  mais  ils  sont  beaucoup  moins  accusés  qu'au  jour  de  l'en- 
trée du  malade. 

L'insuffisance  du  sphincter  vésical  persiste  et  les  urines  sont  déplus 
en  plus  altérées. 
Une  escarre  sacrée  s'est  développée. 

L'état  général  est  très  affaibli.  La  sensibilité  est  toujours  à  peu  près 
conservée. 

Le  malade  succomba  le  22  août  aux  progrès  de  l'infection  urineuse. 
Il  ne  nous  fut  pas  possible  de  vaincre  la  résistance  de  la  famille  qui 
s'opposa  à  Tautopsie. 

Observation  130  (personnelle).  —  Recueillie  dans  le  service  de 
M.  Dejerine. 

RÉSUMÉ  CLINIQUE.  —  Homme  :  Syphilis  à  19  ans,  en  186k.  1868,  23  ans  ; 
phénomènes  prémonitoires  :  incontinence  passagère  d'urine,  effon- 
dreynent  des  jambes,  douleurs  rachidiennes.  10  jours  après,  para- 
plégie brusque,  douleurs  en  ceinture.  Séjour  au  lit  pendant  dix 
mois,  amélioration  progressive  jusqu'au  dix-huitième  mois,  puis, 
état  stalionnaire.  État  actuel,  1800  :  paraplégie  spasmodique  intense, 
troubles  légers  de  la  sensibilité,  incontinence  d'urine.  1893,  même 
état. 

Histoire  clinique.  —  Laf.,  48  ans.  AThospice  de  Bicêtre  depuis  1871. 

Antécédents  héréditaires.  —  Père  mort  de  la  poitrine  à  47  ans, 
mère  morte  à  74  ans  à  la  suite  d'une  chute.  La  grand'mère  maternelle 
a  été  hémiplégique  pendant  vingt  ans.  Deux  frères  bien  portants. 

Antécédents  personnels.  —  Rougeole  dans  l'enfance,  pas  de  rhu- 
matismes. 

Dans  l'adolescence,  quelques  excès  de  vin,  léger  degré  d'alcoolisme; 
pituites  matinales,  cauchemars  la  nuit. 

A  l'âge  de  19  ans,  en  1864,  il  eut  des  chancres  qui  furent  diagnos- 
tiqués infectants  à  l'hôpital  du  Midi.  A  la  suite,  accidents  secondaires 
dans  la  gorge,  qui  ont  traîné  six  mois.  Pas  de  traitement. 


—  427  — 


A  l'âge  de  20  ans,  chute  grave.  Le  malade,  qui  était  couvreur,  tombe 
du  deuxième  étage  ;  à  la  hauteur  du  premier,  il  heurte  un  écliafau- 
dage,  il  s'y  accroche  d'abord,  mais  ne  peut  s'y  retenir  et  arrive  sur  le 
sol  les  pieds  les  premiers,  puis  tombe  à  la  renverse.  Cet  accident  n'eut 
pas  de  suites  bien  graves,  le  malade  put  marcher  le  reste  de  la  journée, 
mais  la  courbature  l'obligea  à  prendre  un  repos  de  huit  jours. 

Maladie  actuelle.  Commémoratifs.  —  En  1868,  à  l'âge  de  23  ans, 
il  éprouva  un  jour  de  la  difficulté  à  uriner,  et  constata  bientôt  après 
qu'il  urinait  malgré  lui.  Quelques  jours  après,  ce  fut  un  autre  symp- 
tôme :  il  l'ut  pris  en  travaillant  d'une  sorte  de  commotion  vive  dans  le 
jarret  qui  fléchit  brusquement  ;  il  crut  d'abord  qu'un  camarade  l'avait 
frappé  par  derrière.  Huit  ou  dix  jours  après  l'apparition  de  ces  acci- 
dents, il  ressentit  dans  les  reins  une  douleur  intense.  Le  lendemain 
matin,  il  prit  une  purgation,  alla  à  la  selle,  se  recoucha,  se  rendormit 
et  quand,  quelques  heures  après,  il  se  réveilla,  il  était  paralysé  des 
jambes. 

La  marche  et  la  station  debout  étaient  impossibles,  le  malade  resta 
confiné  au  lit  pendant  dix  mois,  complètement  paraplégique  d'abord  et 
perdant  ses  urines.  L'amélioration  se  produisit  lentement.  Au  bout  de 
dix  mois,  il  put  commencer  à  se  lever  et  à  se  tenir  sur  ses  jambes  avec 
un  solide  appui,  mais  ce  n'est  qu'au  bout  de  dix-huit  mois  qu'il  parvint 
à  marcher  avec  deux  cannes.  C'est  alors  qu'il  remar(iua  surtout  la  rai- 
deur extrême  dont  ses  jambes  étaient  le  siège. 

Depuis  cette  époque,  l'état  du  malade  est  resté  absolument  station- 
naire. 

Dès  le  début  de  la  paralysie,  le  malade  ressentit  dans  les  membres 
inférieurs  des  douleurs  vives,  assez  brusques,  d'un  caractère  presque 
fulgurant,  siégeant  dans  les  cuisses,  les  molleis  et  la  verge.  Leur  acuité 
n'est  pas  trè.s  forte,  mais  leur  fréquence  très  grande.  Certains  jours,  il 
aurait  pu  compter  une  centaine  de  crises,  qui  s'accompagnaient  de 
secousses  dans  les  jambes  et  même  dans  les  muscles  de  la  moitié  infé- 
rieure du  tronc.  De  temps  en  temps,  mais  beaucoup  plus  rarement,  il 
existait  des  douleurs  en  ceinture  à  la  hauteur  delà  région  lombaire.  Ces 
phénomènes  douloureux  ont  beaucoup  dimin  ué  dans  la  suite. 

Anaphrodisie  à  peu  près  complète  depuis  le  début  de  l'affection. 

État  actuel,  1890.  —  Malade  âgé  de  45  ans.  Homme  de  constitution 
vigoureuse,  maigre,  mais  assez  bien  musclé,  sans  atrophie  musculaire. 

Paraplégie  spasmodique.  Le  malade  marche  en  traînant  les  jambes 
sur  le  sol,  surtout  du  côté  droit.  A  gauche,  le  malade  parvient  à  élever 
la  pointe  du  pied  et  à  éviter  de  frôler  le  sol  avec  les  orteils,  ce  qu'il  ne 
peut  faire  avec  le  pied  droit. 

Il  existe  un  état  de  contracture  permanente  très  prononcé  ;  le 
malade  étant  assis  ou  couché,  le  moindre  mouvement  volontaire  ou 
passif  détermine  une  rigidité  telle  qu'il  est  impossible  de  se  rendre 
compte  de  la  force  musculaire  des  membres  inférieurs. 


—  428  — 


Cependant  cet  état  de  contracture  intense  diminue  quelquefois,  dans 
certaines  conditions,  lorsque  la  volonté  du  malade  cessed'intervenir,  ou 
quand  les  mouvements  communiqués  ne  sont  pas  trop  brusques.  On 
peut  alors,  dans  ces  conditions,  constater  une  certaine  diminution  de  la 
force  musculaire,  sans  qu'il  soit  possible  d'apprécier  exactement  jusqu'à 
quel  degré,  car  cet  état  de  contracture  légère  fait  place  immédiate- 
ment à  une  rigidité  intense  lorsqu'on  ordonne  au  malade  de  résister  au 
mouvement  passif. 

Les  réflexes  tendineux  des  membres  inférieurs  sont  très  exagérés. 
La  percussion  du  tendon  rotulien  détermine  un  tremblement  de  tout  le 
membre  et  une  exagération  de  la  contracture,  qui  maintient  la  jambe 
en  extension. 

Le  phénomène  du  pied  est  difTicile  à  obtenir  à  cause  de  l'intensité  de 
la  raideur  qui  maintient  le  pied  en  position  équine. 

Sensibilité.  —  La  sensibilité  tactile  est  diminuée  dans  la  partie  infé- 
rieure du  corps,  jusqu'à  environ  cinq  centimètres  au-dessous  d'une 
ligne  horizontale  passant  par  le  mamelon,  en  avant  et  en  arrière  ;  il 
semble  au  malade  qu'on  le  touche  à  travers  un  caleçon  ou  un  maillot. 

La  perception  douloureuse  est  au  contraire  plus  exquise  dans  les 
membres  inférieurs  que  dans  les  membres  supérieurs  et  la  moitié  supé- 
rieure du  tronc.  Il  existe  une  zone  circulaire,  haute  de  cinq  travers  de 
doigt  environ,  au  niveau  de  l'ombilic,  dans  laquelle  la  sensibilité  à  la 
douleur  est  au  contraire  un  peu  diminuée. 

L'appréciation  de  la  température  est  très  altérée  dans  les  membres 
inférieurs.  Le  contact  d'un  objet  en  métal  froid  détermine  les  sensations 
suivantes  sur  les  jambes  et  sur  les  cuisses:  d'abord  une  sensation  de 
chaleur  désagréable,  presque  un  sentiment  de  brûlure,  ce  n'est  qu'au 
bout  de  quatre  à  cinq  secondes  que  la  sensation  de  froid  apparaît.  A 
partir  de  la  racine  des  membres  inférieurs,  cette  perversion  de  la  sensi- 
bilité au  froid  disparait  peu  à  peu. 

Un  flacon  rempli  d'eau  à  50°  environ  étant  appliqué  sur  les  diffé- 
rentes parties  des  membres  inférieurs,  la  sensation  de  chaleur  n'est 
provoquée  qu'au  bout  de  plusieurs  secondes,  et  elle  est  très  amoin- 
drie en  comparaison  de  la  finesse  de  perception  au  niveau  des  membres 
supérieurs.  Le  retard  dans  la  transmission  et  la  diminution  dans  la 
perception  qualitative  s'atténuent  dans  la  racine  des  membres  inférieurs 
et  disparaissent  dans  la  moitié  inférieure  de  l'abdomen.  Le  retard  dans 
la  transmission  n'existe  que  pour  la  perception  de  la  température,  il 
fait  complètement  défaut  pour  le  tact  et  pour  la  douleur. 

Le  sens  musculaire  et  la  notion  de  position  des  membres  sont 
normaux. 

Actuellement,  il  n'existe  pas  de  douleurs  spontanées,  le  malade  se 
plaint  seulement  d'un  sentiment  d'engourdissement  dans  les  jambes. 
Le  réflexe  crémastérien  a  disparu. 


—  429  — 


Le  chatouillement  de  la  plante  du  pied  détermine  une  exagération  de 
la  contracture  dans  les  membres  inférieurs. 

Sphincters.  —  Incontinence  des  urines,  le  malade  ne  perd  pas  ses 
urines  continuellement,  mais  elles  s'échappent  par  instants  contre  sa 
volonté.  Constipation. 

Dans  les  membres  supérieurs  et  dans  la  sphère  des  nerfs  crâniens, 
on  ne  note  aucun  symptôme  anormal.  Réflexes  iriens  normaux. 

État  actuel,  mars  1893.  —  Le  malade,  examiné  de  nouveau,  se  trouve 
absolument  dans  le  même  état;  ce  qui  frappe  surtout,  c'est  l'extrême 
intensité  de  la  contracture  développée  dans  les  membres  inférieurs. 
Dans  l'acte  de  la  marche,  les  pieds  sont  collés  au  sol,  à  la  surface 
duquel  ils  décrivent  un  léger  arc  de  cercle  à  chaque  pas.  Lorsque  le 
malade  allonge  les  jambes,  le  mouvement  d'extension  s'exagère,  il 
gagne  tous  les  segments  du  membre,  la  position  équine  du  pied  s'ac- 
centue et  tout  mouvement  antagoniste  est  pour  un  certain  temps 
devenu  impossible. 

En  somme,  depuis  vingt-trois  ans,  l'état  est  resté  absolument  sta- 
tionnaire. 

Observation  131    (personnelle).  —  Recueillie  dans  le  service  de 
M.  Dejerine,  à  l'hospice  de  Bicêtre. 

RÉSUMÉ.  — Homme,  chancre  syphilitique  à  37  ans,  traitement  insuf- 
fisant. En  septembre  1880,  apparition  des  symptômes  prémoni- 
toires d'une  affectio7i  médullaire  :  troubles  vésicaux,  lourdeur  des 
jambes,  etc.,  qui  durent  trois  mois.  En  décembre  1881  :  paraplégie 
brusque;  si.x  mois  de  séjour  au  lit, puis  amélioration,  marche  pos- 
sible. Persistance  d'une  paraplégie  spasmodique  avec  troubles  des 
sphincters  sans  modification  jusqu'à  l'époque  actuelle  (1893). 

Histoire  clinique. —  M...,  tailleur,  âgé  de  49  ans,  entré  le  1«''  mars 
1891,  dans  le  service  de  M.  Dejerine  à  l'hospice  de  Bicêtre. 
Antécédents  héréditaires.  —  Insignifiants. 

Antécédents  personnels.  —  Le  malade  ne  présente  aucune  particu- 
larité intéressante  dans  ses  antécédents,  il  ne  s'est  pas  marié,  n'a 
jamais  souffert  d'aucune  maladie  grave. 

En  1879,  à  l'âge  de  37  ans,  il  eut  à  la  verge  un  chancre  accompagné 
d'une  induration  locale  très  nette,  et  d'un  engorgement  ganglionnaire 
inguinal.  A  la  suite,  il  eut  une  éruption  de  syphilides  papulo-squameuses 
sur  tout  le  corps  et  des  plaques  muqueuses  dans  la  bouche.  Le  traite- 
ment à  cette  époque  fut  pour  ainsi  dire  nul;  le  malade  a  pris  quelques 
pilules  dont  il  ignorait  la  composition  et  pendant  un  petit  nombre  de 
jours  seulemer^t. 

Maladie  actuelle.  Commémorai  ifs.  —  Au  mois  de  septembre  1880, 


—  430  — 


juste  un  an  après  l'infection,  le  malade  remarqua  que  les  besoins  d'uri- 
ner devenaient  plus  fréquents  ;  ils  furent  bientôt  impérieux  si  bien  que, 
lorsqu'il  ne  les  satisfaisait  pas  à  bref  délai,  la  miction  s'opérait  en 
dehors  de  sa  volonté.  Presque  simultanément  il  sentit  que  son  membre 
inférieur  gauche  devenait  lourd  et  était  le  siège  de  picotements.  La 
jambe  droite  fut  bientôt  prise  de  phénomènes  analogues,  quoique  plus 
légers.  Néanmoins  tous  ces  symptômes  étaient  assez  légers  pour  que  le 
malade  pût  continuer  à  marcher  et  à  se  livrer  à  ses  occupations  journa- 
lières. Cet  état  durait  depuis  trois  mois  environ  avec  une  faible  accen- 
tuation progressive,  lorsque,  au  mois  de  décembre,  il  survint  une  para- 
plégie brusque  sans  douleur  dans  l'espace  d'une  nuit. 

Le  malade  fut  alors  transporté  à  l'hôpital  Beaujon  dans  le  service  de 
M.  Millard.  La  paraplégie  était  absolue,  mais  le  malade  ne  se  souvient 
pas  s'il  existait  en  même  temps  une  anesthésie  correspondante,  en  tous 
cas  il  n'a  souffert  à  cette  époque  d'aucune  douleur  vive.  Pendant  les  cinq 
ou  six  premiers  mois,  le  malade  ne  put  quitter  son  lit,  puis  peu  à  peu, 
sous  l'influence  d'un  traitement  énergique  (pointes  de  feu,  Kl  dont  le 
malade  prenait  jusqu'à  8  gr.  par  jour),  l'amélioration  se  produisit,  et  la 
marche  redevint  possible. 

En  juin  1881,  il  fut  envoyé  aux  eaux  de  Bagnères-de-Luchon. 

Au  mois  d'octobre  1881,  le  malade  entra  dans  le  service  de  Damas- 
chino  à  Laennec,  où  il  resta  quatre  ans.  Pendant  tout  ce  temps,  il  fut 
soumis  à  un  traitement  régulier,  mais  son  état  ne  subit  aucune  modifi- 
cation. Le  malade  nous  dit  qu'il  marchait  comme  actuellement,  c'est-à- 
dire  avec  deux  cannes,  que  ses  jambes  étaient  raides  tandis  que  ses 
bras  ont  toujours  été  absolument  indemnes.  Ses  reins  étaient  faibles 
et  lorsqu'il  voulait  s'asseoir,  il  se  laissait  tomber  plutôt  qu'il  ne  s'as- 
seyait. Il  avait  également  de  la  difficulté  à  se  relever. 

Au  sortir  de  l'hôpital  Laennec,  à  la  fin  de  l'année  1885,  le  malade  qui 
pouvait  marcher  avec  deux  cannes  et  dont  les  bras  étaient  valides, 
reprit  son  ancien  métier  de  tailleur.  Il  vécut  ainsi  pendant  plusieurs 
années  assez  misérablement,  tantôt  livré  à  ses  propres  ressources,  tan- 
tôt séjournant  pendant  quelque  temps  à  l'hôpital  ;  il  obtint  enfin  son 
admission  à  l'hospice  de  Bicêtre. 

État  actuel,  mars  1891.  —  Le  malade  marche  avec  deux  cannes  et 
traîne  les  pieds  à  la  surface  du  sol  ;  il  peut  à  peine  soulever  ses  pieds  et 
ne  peut  non  plus  étendre  complètement  les  jambes  qui,  dans  la  station 
debout,  présentent  toujours  un  certain  degré  de  flexion.  Dans  ces  con- 
ditions, la  station  verticale  est  possible  sans  appui  pourvu  que  le 
malade  n'essaye  pas  de  faire  un  mouvement  avec  les  jambes  ;  il  conserve 
l'équilibre  après  l'occlusion  des  paupières. 

Dans  la  marche,  les  pieds  butent  contre  les  moindres  saillies  et  les 
chaussures  sont  très  usées  à  la  partie  antérieure  de  la  semelle. 

Lorsque  le  malade  est  assis,  la  contracture  en  flexion  s'exagère,  les 


—  431  — 


jambes  ue  se  mettent  toutefois  pas  facilemeut  à  angle  droit  ainsi  qu'il 
est  naturel  dans  cette  position,  il  doit  faire  de  grands  efforts  pour  les  y 
placer  et  il  lui  est  encore  plus  difficile  de  les  allonger  complètement. 

La  raideur  est  très  prononcée,  mais  la  force  musculaire  très  déve- 
loppée. 

Les  réflexes  rotuiiens  sont  très  exagérés  des  deux  côtés. 

La  sensiblité  paraît  intacte  dans  tous  ses  modes. 

Envies  impérieuses  d'uriner  et  mictions  involontaires  si  le  malade  ne 
peut  satisfaire  immédiatement  ce  besoin.  On  institue  dès  cette  époque 
un  traitement  suivi  par  l'iodure  de  potassium  et  le  malade  est  envoyé 
dans  les  divisions  de  chroniques. 

État  actuel,  avril  1893.  —  A  un  nouvel  examen,  le  malade  présente 
l'état  suivant  : 

Motilité.  —  L'état  des  membres  inférieurs  est  toujours  le  même. 
Etat  assis,  le  malade  ne  peut  croiser  une  jambe  sur  l'autre  qu'au  prix 
de  grands  efforts  et  en  s'aidant  de  ses  mains.  Les  jambes  ne  peuvent 
être  allongées  complètement  et  lorsqu'elles  sont  dans  cette  situation 
d'extension  incomplète,  le  malade  éprouve  de  grandes  difficultés  à 
rapprocher  ses  pieds  de  la  chaise.  En  somme,  tous  les  mouvements  des 
ziiembres  inférieurs  s'accompagnent  d'une  raideur  extrême.  Cette  con- 
tracture latente  ne  cesse  d'ailleurs  jamais  complètement  et,  si  on 
ordonne  au  malade  de  se  laisser  aller  en  s'abandonnant  absolument, 
on  éprouve  une  extrême  résistance  dans  les  mouvements  communiqués. 
La  force  musculaire  parait  d'ailleurs  intacte;  si  l'on  dit  au  malade  de 
s'opposer  aux  mouvements  imprimés  à  ses  jambes,  il  résiste  avec 
énergie  et  efficacement. 

Les  réflexes  rotuiiens  sont  excessivement  exagérés,  le  clonus  du  pied 
s'obtient  facilement  des  deux  côtés  ;  les  mouvements  spasmodiques 
réflexes  se  produisent  du  reste  spontanément,  le  malade  éprouve  fré- 
quemment des  secousses  dans  les  jambes  et  si  la  pointe  du  pied  est 
posée  seule  à  terre,  la  jambe  est  prise  de  trémulation. 

Dans  la  station  verticale,  le  malade  garde  l'équilibre  même  les  yeux 
fermés  et  peut  supporter  un  poids  considérable,  mais  l'équilibre  dispa- 
raît si  on  le  pousse  ou  s'il  veut  se  servir  de  ses  jambes,  car  alors  la  rai- 
deur se  développe  et  entrave  les  mouvements. 

Dans  l'acte  de  la  marche,  qui  n'est  possible  qu'avec  le  secours  d'au 
moins  une  canne,  la  raideur  atteint  son  maximum,  les  pieds  pressent 
sur  le  sol  dont  ils  ne  peuvent  se  détacher,  les  genoux  frottent  l'un 
contre  l'autre  et  le  malade  penché  en  avant,  traîne  les  pieds  et  accroche 
les  moindres  aspérités  du  sol. 

Il  existe  de  plus  une  certaine  faiblesse  dans  les  muscles  lombaires; 
la  raideur  est  bien  le  phénomène  qui  gêne  le  plus  le  malade  lorsqu'il 
veut  s'asseoir  et  qui  l'empêche  de  se  lever  librement;  niais,  lorsqu'il 
est  assis,  il  se  maintient  dans  cette  position  assez  faiblement  et  oscille 
facilement  à  droite  ou  à  gauche  lorsqu'on  le  pousse. 


—  432  — 


Sensibilité.  —  Le  malade  n'a  jamais  ressenti  de  vives  douleurs,  il  a 
seulement  éprouvé,  dans  les  premiers  temps  de  sa  maladie,  une  sensa- 
tion pénible  de  pesanteur  dans  les  lombes  et  des  fourmillements  ou  des 
picotements  dans  les  jambes.  Actuellement,  les  jambes  sont  un  peu 
engourdies,  mais  il  n'y  a  pas  de  douleurs. 

La  sensibilité  objective  est  intacte  sauf  une  certaine  diminution  dans 
la  finesse  de  la  perception  tactile. 

Sphincters.  —  La  tendance  à  la  constipation  est  légère,  mais  les 
troubles  vésicaux  occupent  toujours  une  place  importante  :  mictions 
impérieuses  et  involontaires  à  l'occasion. 

Troubles  trophicp.ies .  —  Dans  la  période  d'acuité  de  son  affection,  le 
malade  a  eu  dans  la  région  sacrée  des  excoriations  qui  ont  guéri  dans 
la  suite.  Aujourd'hui  il  n'existe  pas  de  troubles  trophiques  cutanés  ni 
d'atrophie  musculaire  notables. 

Les  membres  supérieurs  sont  absolument  intacts  ainsi  que  le  domaine 
des  nerfs  crâniens.  L'intelligence  est  normale  ;  l'état  général  satisfai- 
sant. 

Observation  132  (personnelle).  —  Recueillie  dans  le  service 
de  M.  Dejerine. 

Résumé  clinique.  —  Homme.  Février  1887,26  ans,  chancre.  Accidents 
secondaires,  traitement  insuffisant.  Septembre  1888,  vingtième 
mois,  douleur  rachidienne,  faiblesse  de  la  jambe  droite  développée 
rapidement,  troubles  des  sphincters.  Mars  1889,  jambe  gauche  prise  ; 
aggravation  progressive  des  symptômes  de  paraplégie  spasmodique. 
Amélioration  légère,  puis  état  stationnaire.  État  en  mars  1893: 
paraplégie  spasmodique  de  moyenne  intensité,  sensibilité  intacte 
troubles  des  sphincters. 

Histoire  clinique.  —  Amédée  Bail...,  cocher,  âgé  de  22  ans.  Hospice 
de  Bicêtre. 

Antécédents  héréditaires.  ■ —  Père  et  mère  encore  vivants  en  bonne 
santé.  Quatre  frères  et  une  sœur  bien  portants.  Un  frère  mort  du 
croup. 

Antécédents  personnels.  —  Le  sujet  n'a  gardé  le  souvenir  d'aucune 
maladie  grave  dans  son  enfance.  Il  travailla  aux  champs  jusqu'à  l'âge 
de  21  ans  ;  il  n'était  pas  buveur.  De  21  ans  à  23  ans,  soldat  ;  pendant 
"  son  service,  il  prend  les  oreillons  sans  complications  testiculaires.  Au 
retour  du  régiment,  il  entre  comme  cocher  dans  une  maison  bourgeoise. 

En  février  1887,  àl'âge  de  25  ans,  chancre  induré  du  prépuce  du  côté 
gauche.  A  la  suite,  roséole,  plaques  muqueuses.  Ces  accidents  cutanés 
ont  persisté  jusqu'au  dix-huitième  mois  après  le  chancre,  puis  ont  dis- 
paru et  ne  se  sont  jamais  reproduits. 

Le  malade  n'a  jamais  suivi  de  traitement  sérieux,  il  a  pris  seulement 


—  433  — 


une  petite  quantité  d'iodure  de  potassium  et  de  sirop  de  Gibert  après 
l'apparition  de  Ja  roséole,  mais  très  irrégulièrement. 

Maladie  actuelle.  Commémoratifs.  —  Le  11  septembre  1888,  19  mois 
après  le  chancre,  il  menait,  à  six  heures,  du  matin  ses  chevaux  chez  le 
maréchal-ferrant,  lorsqu'il  éprouva  un  sentiment  de  refroidissement 
général  avec  des  frissons.  Lorsqu'il  rentra,  une  heure  après,  il  sentit 
sa  jambe  droite  devenir  lourde,  il  put  cependant  marcher  dans  l'après- 
midi  mais  en  traînant  la  jambe.  Dans  cette  même  journée,  il  commença 
à  ressentir  une  douleur  sourde  dans  la  région  dorso-lombaire,  un  sen- 
timent de  tension  qui  s'exagérait  lorsqu'il  se  courbait  ou  qu'il  penchait 
la  tête  en  avant.  Dans  les  jours  qui  suivirent,  la  paralysie  delà  jambe, 
qui  était  d'abord  légère,  s'accentua  progressivement. 

Au  bout  de  trois  semaines,  il  commença  à  éprouver  de  la  difficulté  à 
uriner,  puis  des  besoins  impérieux,  si  bien  qu'il  lui  est  souvent  arrivé 
d'uriner  dans  son  pantalon. 

Malgré  ces  accidents,  le  malade  continue  à  travailler,  mais  la  fai- 
blesse et  la  raideur  de  la  jambe  droite  augmentaient. 

Mars  1889.  Six  mois  après  le  début  des  symptômes  paralytiques,  la 
jambe  gauche  se  prend  à  son  tour  et  les  symptômes  s'accentuent  rapi- 
dement dans  les  deux  membres  inférieurs.  Pendant  cette  période,  le 
malade  se  soumit  à  un  traitement  assez  régulier  qui  consistait  en  bains 
sulfureux,  frictions  mercurielles  et  iodure  de  potassium,  2  à  3gr.  par 
jour. 

15  avril  1889.  Le  malade  quitte  complètement  son  service  et  se 
retire  chez  ses  parents,  à  la  campagne,  où  il  reste  14  mois.  A  son  départ 
et  pendant  son  séjour  à  la  campagne,  il  lui  était  impossible  de  travailler, 
il  ne  pouvait  marcher  sans  cannes,  ses  pieds  butaient  contre  tous  les 
reliefs  du  sol  et  il  faisait  des  chutes  fréquentes.  Il  existait  toujours  de 
la  pollakiurie  et  de  plus,  la  constipation  qui  existait  au  début  avait  fait 
place  à  un  certain  degré  de  relâchement  du  sphincter  anal.  Lorsque  le 
malade  urinait,  il  lui  arrivait  souvent  de  laisser  échapper  des  matières 
fécales. 

Le  traitement  était  continué  sans  grand  succès. 

P''  juin  1890.  Le  malade  revient  à  Paris  et  entre  immédiatement  dans 
le  service  de  M.  Duguet,  à  l'hôpital  Lariboisière,  où  il  reste  cinq  mois, 
toujours  dans  le  même  état. 

2  décembre  1890.  Il  entre  à  l'infirmerie  de  l'hospice  de  Bicêtre,  dans 
le  service  de  M.Dejerine  :  on  constate  l'état  suivant: 

État  actuel.  —  La  marche  est  à  la  rigueur  possible  sans  le  secours  de 
cannes,  mais  elle  ne  peut  se  prolonger  bien  longtemps  et  le  malade 
bute  contre  le  moindre  obstacle.  La  base  de  sustentation  est  élargie 
par  l'écartement  des  jambes,  les  pieds  traînent  sur  le  sol,  les  muscles 
des  cuisses  et  des  jambes  sont  contracturés  ;  la  démarche  est  nettement 
spasmodique.  Après  un  effort,  il  persiste  un  certain  degré  de  contrac- 
S.  28 


ture  dans  les  muscles  des  jambes  et  on  constate  des  secousses  rapides 
qui  cessent  bientôt. 

Au  repos,  les  pieds  sont  légèrement  équins,  les  orteils  peuvent  être 
fléchis,  mais  la  flexion  du  pied  sur  la  jambe  et  de  la  jambe  sur  la  cuisse 
est  limitée  et  difficile. 

Les  réflexes  patellaires  et  plantaires  sont  très  exagérés,  la  trépi- 
daton  épileptoïde  du  pied  très  facile  à  provoquer. 
Pas  d'atrophie  musculaire.  Sens  musculaire  intact. 
Sensibilité.  —  Le  tact,  la  perception  de  la  douleur  et  de  la  tempéra- 
rature  sont  normaux.  Il  existe  de  la  pollakiurie  et  parfois  de  l'inconti- 
nence d'urine.  Constipation  habituelle.  Les  membres  supérieurs  sont 
intacts  ainsi  que  le  domaine  des  nerfs  crâniens. 

21  mars  1891.  Le  malade  quitte  l'hospice  de  Bicêtre  pour  entrer  dans 
le  service  de  M.  Landouzy  à  l'hôpital  Laennec.  Il  y  resta  deux  ans  et 
suivit  un  traitement  régulier  par  les  frictions  mercurielles  d'abord,  puis 
par  l'iodure  de  potassium,  sans  bénéficier  d'aucune  amélioration. 
Le  malade  entre  définitivement  à  Bicêtre  le  2  mars  1893. 
État  actuel.  15  mars  1893.  — Motilité.  —  Le  malade  étant  assis,  les 
jambes  ont  tendance  à  se  placer  dans  l'extension,  il  ne  peut  croiser  une 
jambe  sur  l'autre,  ni  à  droite  ni  à  gauche,  il  soulève  très  difficileoient 
ses  pieds  au-dessus  du  sol,  surtout  le  droit,  il  lui  est  très  difficile  égale- 
ment de  rapprocher  les  genoux  jusqu'au  contact. 

Les  jambes  sont  très  raides,  et  Ton  a  beaucoup  de  peine  à  déterminer 
des  mouvements  communiqués  rapides,  bien  que  le  malade  s'efforce  de 
laisser  ses  membres  aussi  souples  que  possible.  La  force  musculaire 
est  très  développée  et  l'on  n'arrive  que  difficilement  à  fléchir  la  jambe  du 
malade  contre  sa  volonté.  Les  réflexes  sont  extrêmement  exagérés,  le 
clonus  de  la  rotule  et  du  pied  s'obtiennent  des  deux  côtés.  Cependant  la 
raideur  semble  un  peu  moins  prononcée  du  côté  gauche. 

Dans  la  station  debout,  le  malade  une  fois  «  calé  »,  se  tient  bien  en 
équilibre  ;  pas  de  signe  de  Romberg. 

La  marche  n'est  possible  qu'avec  un  bâton,  le  malade  marche  sur  la 
pointe  des  pieds,  il  bute  facilement  et  tombe  souvent;  fréquemment 
pendant  la  marche  ses  jambes  sont  prises  de  tremblement. 

Le  malade  use  ses  chaussures  à  la  pointe  et  en  dehors  surtout  du  côté 
droit,  il  a  fait  lui-même  cette  remarque,  que  «  les  talons  sont  encore 
tout  neufs  lorsque  le  bout  est  percé  ». 

La  nuit,  il  éprouve  des  secousses  dans  les  jambes. 
Sensibilité .  —  Actuellement,  il  n'existe  aucune  altération  marquée  de 
la  sensibilité  o'ojective.  Le  malade  nous  raconte  qu'au  début  de  son 
affection  il  existait  une  diminution  très  prononcée  de  la  sensibilité  : 
lorsqu'on  lui  piquait  les  jambes  avec  une  épingle,  il  ne  percevait  d'abord 
qu'un  simple  contact,  et  ne  ressentait  une  douleur  que  lorsque  l'épingle 
était  profondément  enfoncée. 


—  435  — 


Au  début  également  il  avait  des  douleurs  lombaires  assez  vives,  des 
fourmillements  dans  les  jambes  avec  un  sentiment  d'agacement.  Les 
orteils  étaient  douloureux. 

A  l'époque  actuelle,  le  malade  n'éprouve  plus  aucune  douleur,  il  res- 
sent seulement  une  légère  impression  de  froid  dans  les  jambes. 

Les  apophyses  épineuses  ne  sont  pas  douloureuses  à  la  pression. 

Sphincters.  —  11  existe  une  certaine  difficulté  de  la  miction,  l'incon- 
tinence a  disparu,  mais  les  besoins  sont  toujours  impérieux;  la  consti- 
pation domine,  le  malade  reste  parfois  huit  jours  sans  aller  à  la  selle. 

Au  début,  il  perdait  ses  matières,  mais  cet  accident  ne  lui  est  pas 
arrivé  depuis  plus  d'un  an.  Le  sens  génital  est  complètement  aboli. 

Les  membres  supérieurs,  la  face,  sont  intacts,  l'intelligence  parfaite- 
ment conservée. 

En  somme,  il  s'agit  d'une  localisation  morbide  exclusivement  spinale; 
l'affection  est  apparue  à  peine  deux  mois  après  la  disparition  des  der- 
nières manifestations  cutanées,  elle  a  débuté  assez  brusquement,  puis 
s'est  développée  progressivement  pendant  une  annéejusqu'à  un  certain 
degré.  Après  une  légère  amélioration  à  la  suite  d'un  traitement  opiniâtre, 
l'état  est  resté  stationnaire  depuis  cinq  ans  environ. 

Observation  133  (personnelle).  —  Recueillie  daus  le  service 
de  M.  Dejerine. 

RÉSUMÉ  CLINIQUE.  —  Homine.  En  1868,  20  ans,  chancre,  traitement 
incomplet.  1872,  douleurs  rachidiennes,  raideur  des  jambes,  déve- 
loppement progressif  des  accidents,  n^ais  nombreuses  j^efiies 
attaques  de  paraplégie,  suivies  chaque  fois  d'une  aggravation  dans 
les  symptômes.  Depuis  1885,  état  stationnaire.  État  en  1891  :  para- 
plégie spasmodique  modérée,  sensibilité  intacte,  pollakiurie,  mic- 
tions involontaires.  1893  :  même  état. 

Historique  clinique.  —  A.  R...,  charron,  45  ans. 

Antécédents  héréditaires.  —  Père  mort  à  75  ans  et  mère  morte  à 
74  ans  de  vieillesse  (?).  Douze  enfants  :  quatre  morts  en  bas  âge,  huit 
vivants  en  bonne  santé  sauf  notre  malade. 

Antécédents  personnels.  —  Rien  de  particulier  dans  l'enfance  de 
notre  sujet,  qui  commença  à  marcher  à  l'âge  ordinaire  et  ne  présenta 
jamais  rien  dans  les  membres  inférieurs.  A  l'âge  de  8  ans  il  est  apprenti 
fumiste,  puis  imprimeur  à  l'âge  de  13  ans  et  enfln,  à  15  ans,  charron, 
métier  qu'il  a  conservé  depuis. 

En  1867,  à  l'âge  de  19  ans  1/2,  il  a  l'œil  gauche  crevé  accidentelle- 
ment et  est  dans  la  suite  réformé  du  service  militaire  pour  cette 
infirmité. 

A  20  ans,  en  1888,  il  prend  un  chancre  et  se  traite  quinze  jours  seu- 
lement. 


—  436  — 


A  26  ans,  il  se  marie  malgré  l'apparition  depuis  déjà  près  de  deux  ans 
des  premiers  symptômes  de  l'affection  dont  il  est  atteint  actuellement. 

Sa  femme  a  eu  neuf  enfants  et  n'a  jamais  fait  de  fausse  couclie.  De 
ces  enfants  quatre  sont  morts  en  bas  âge,  deux  de  la  diphtérie,  un 
d'accident  et  un  autre  d'une  affection  indéterminée,  les  cinq  autres  sont 
bien  portants. 

Maladie  actuelle.  Commémoratifs.  —  Vers  1872,  le  malade  com- 
mença à  éprouver  dans  les  jambes  un  sentiment  d'alourdissement  qui 
augmenta  lentement  et  progressivement.  En  même  temps  il  éprouvait 
quelques  douleurs  sourdes  dans  les  reins  et  une  sensation  de  refroidis- 
sement au  niveau  des  genoux. 

Peu  à  peu,  les  jambes  devinrent  plus  raides  et  la  marche  devint 
difficile,  le  malade  butait  souvent. 

Ces  symptômes  étaient  très  peu  marqués  dans  les  premières  années, 
carie  malade  continuait  son  état  et  put  se  marier  en  1874.  Nous  avons 
vu  même  qu'il  avait  eu  de  nombreux  enfants. 

Cependant  dans  la  suite,  l'affection  fit  des  progrès,  de  nouveaux 
accidents  particuliers  attirèrent  son  attention  à  partir  de  l'année  1880 
à  peu  près.  En  effet,  au  cours  de  l'évolution  de  la  maladie,  le  malade  a 
éprouvé  à  plusieurs  reprises  des  aggravations  brusques  qui  se  mani- 
festaient par  de  petites  attaques  de  paraplégie,  à  la  suite  desquelles  il 
était  obligé  pendant  un  ou  deux  jours  de  garderie  repos.  Mais  il  n'a 
jamais  éprouvé  de  paralysie  prononcée  le  forçant  à  un  séjour  prolongé 
au  lit. 

Après  un  certain  nombre  d'alternatives,  d'aggravations  et  d'amé- 
liorations incomplètes,  l'état  est  resté  absolument  stationnaire  de- 
puis 1885. 

A  partir  de  cette  époque,  le  malade  devient  un  infirme,  il  peut  mar- 
cher, mais  la  marche  est  difficile,  et  il  ne  peut  travailler  qu'assez  irrégu- 
lièrement. En  1887,  le  malade  entre  à  l'hospice  de  Bicêtre. 

État  actuel,  en  1891.  —  Homme  de  constitution  vigoureuse,  bien 
musclé  et  en  bonne  santé.  Tous  les  phénomènes  sont  localisés  dans  les 
membres  inférieurs. 

Moiilité.  —  A  l'état  de  repos,  il  existe  une  contracture  de  faible 
intensité  dans  les  membres  inférieurs  qui  manquent  de  souplesse  dans 
les  mouvements  passifs.  Mais  pas  de  raideur  prononcée^  ni  d'équinisme. 

La  force  musculaire  est  considérable,  on  ne  peut  fléchir  les  jambes 
du  malade  contre  sa  volonté  même  en  déployant  une  grande  force. 

Les  réflexes  rotulicns  sont  exagérés,  mais  il  n'existe  pas  de  tremble- 
ment clonique  des  pieds. 

La  démarche  est  celle  de  la  paraplégie  spasmodique  ordinaire,  elle 
est  possible  sans  canne,  mais  ne  peut  se  prolonger  longtemps  sans 
fatigue.  Elle  est  gênée  par  la  contracture  et  non  par  la  faiblesse,  car  le 
malade  peut  porter  un  homme  sur  ses  épaules  sans  que  ses  jambes  fai- 
blissent 


—  437  — 


Sensibilité.  —  La  seiiii!)ilité  est  absolumont  normale  dans  tous  ses 
modes.  Le  tact,  la  douleur,  la  perception  de  la  température  sont  aussi 
développés  que  dans  les  membres  supérieurs. 

Il  n'e.^iste  pas  de  douleurs  vives  dans  les  jambes -ni  dans  la  région 
lombaire,  le  malade  éprouve  seulement  un  sentiment  pénible  de  tension 
au  niveau  de  la  région  lombaire  inférieure  dans  la  station  debout.  Le 
réflexe  cutané  plantaire  est  exagéré. 

Sphinclers.  —  Mictions  fréquentes  et  souvent  involontaires.  Les 
membres  supérieurs  et  le  domaine  des  nerfs  crâniens  sont  intacts. 
RéHexes  lumineux  et  accommodatif  normaux  pour  l'œil  droit,  le  seul  per- 
sistant. 

État  actuel,  10  mai  1893.  —  Le  malade  marche  avec  deux  cannes  en 
traînant  la  pointe  du  pied  sur  le  sol,  il  «  pique  du  bout  du  pied  »,  bute 
souvent  et  tombe  même. 

Raideur  très  marquée  des  jambes  qui,  dans  la  position  assise,  ne 
peuvent  être  croisées  sans  le  secours  des  mains. 

Réflexes  rotuliens  très  marqués  ;  pas  de  clonus  du  pied. 

Sensibilité  intacte. 

Envies  impérieuses  d'uriner,  pas  de  constipation  marquée.  Rien  aux 
membres  supérieurs. 
L'état  se  maintient  sans  changement. 

Observation  134  (personnelle).  — Recueillie  dans  le  service 
de  M.  Dejerine. 

RÉSUMÉ  CLINIQUE.  —  Homme,  1857,  30  ans,  chancre  et  accidents 
secondaires.  —  1801,  faiblesse  passagère  des  jambes.  Septembre 
1862,  attaque  légère  de  paraplégie  brusque,  prédominance  dans  la 
jambe  droite,  rétention  d'urine.  Puis  aggravation  progressive  dans 
les  deux  jambes,  paralysie  des  sphincters,  douleurs  dans  les  reins. 
Depuis  l'année  18Gk  a  peu  près,  état  stationuaire.  —  État  en  1889, 
62  ans  :  paraplégie  spasmodique  avec  prédominance  à  droite,  sen- 
sibilité intacte,  troubles  des  sphincters,  atrophie  musculaire  du 
membre  inférieur  droit.  —  Dans  la  suite,  affaiblissement  de  l'état 
général.  —  Etat  en  1803,  66  ans:  séjour  au  lit,  paraplégie  spasmo- 
dique plus  marquée  à  droite,  amaigrissement  des  jambes,  troubles 
légers  de  la  sensibilité,  paralysie  des  sphincters,  escarre  sacrée. 

Histoire  CLINIQUE.  —  Prosper  J...,  garçon  de  restaurant,  âgé  de 
GG  ans,  à  l'hospice  de  Bicêtre  depuis  1865. 

Antécédents  héréditaires.  —  Père  alcoolique,  mort  à  75  ans.  Mère 
morte  à  71  ans.  A  eu  quatre  frères  dont  un  est  mort  à  50  ans  et  une  sœur 
morte  jeune 

Antécédents  personnels.  —    Fièvre  typhoïde  à  l'âge  de  16  ans. 


—  438  - 


Devient  garçon  de  café  et  de  restaurant  ;  malgré  sa  profession,  n'aurait 
pas  commis  d'excès  alcooliques,  mais  excès  vénériens  de  20  à  30  ans. 
Exempté  du  service  militaire  par  le  sort. 

En  1857,  à  l'âge  de  30  ans,  il  contracte  à  la  verge  un  chancre  dont  il" 
n'a  que  la  cicatrice;  trois  ou  quatre  mois  après,  apparition  de  plaques 
muqueuses  sur  les  lèvres  et  dans  la  bouche,  croûtes  sur  la  tête  et  chute 
des  cheveux.  Ces  accidents  durent  un  an.  Le  malade  n'a  pas  été  soigné 
par  un  médecin,  mais  il  prenait  chez  un  pharmacien  des  médicaments 
dont  il  ne  peut  indiquer  la  nature. 

En  18G0,  à  l'âge  de  33  ans,  il  se  maria  et  eut  six  mois  après  un  fils 
qui  vécut. 

Maladie  actuelle.  Commémoratifs.  —  Dans  le  courant  de  l'année 
1861,  le  malade  éprouva  à  plusieurs  reprises  un  sentiment  de  faiblesse 
dans  les  jambes  ;  le  travail  était  devenu  plus  pénible.  Ce  phénomène 
n'était  pas  absolument  persistant,  mais  il  se  prolongeait  quelquefois  et 
s'exagérait  certains  jours. 

Au  mois  de  septembre  1862,  le  malade  était  employé  comme  garçon 
dans  un  restaurant  du  Palais-Royal,  fut  pris  soudainement,  pendant 
qu'il  faisait  son  service,  de  vives  douleurs  dans  les  reins,  ses  deux  mem- 
bres inférieurs  pris  d'une  faiblesse  subite  fléchirent  sous  lui.  Il  put 
néaiimoias  rentrer  à  pied  chez  lui,  mais  il  lui  semblait  qu'il  marchait 
sur  du  caoutchouc  et  que  ses  pieds  s'enfonçaient  dans  le  sol.  11  dut 
prendre  le  lit  et  vingt-quatre  ou  quarante-huit  heures  après,  il  avait 
une  rétention  complète  d'urine.  Le  médecin  appelé  pratiqua  le  cathé- 
térisme  qui  dut  être  répété  deux  fois  par  jour,  et  soumit  le  malade  à  un 
traitement  qui,  au  bout  de  deux  mois,  n'avait  produit  aucune  amélio- 
ration. 

En  novembre  1862,  il  entra  dans  le  service  de  Cullerier,  à  l'hôpital  du 
Midi,  oîi  il  fut  soumis  pendant  trois  mois  à  un  traitement  spécifique  : 
pilules  et  KL 

Pendant  le  premier  mois,  le  malade  continua  à  souffrir  de  rétention 
d'urine,  puis  il  se  produisit  une  incontinence  de  l'urine  et  des  matières 
fécales  ;  le  besoin  était  bien  perçu,  mais  l'expulsion  ne  pouvait  être 
retardée.  Le  malade  était  atteint  d'une  diarrhée  persistante  et  l'état 
général  laissait  à  désirer. 

La  faiblesse  des  jambes,  qui  au  début  était  plus  marquée  à  droite, 
s'égalisait  dans  les  deux  jambes  et  au  bout  de  trois  mois  de  séjour  à 
l'hôpital  elle  était  encore  assez  prononcée  pour  que  le  malade  ne  pût 
marcher  que  difficilement  avec  l'aide  d'une  canne. 

Le  malade  sort  de  l'hôpital  du  Midi  pour  entrer  immédiatement  à 
l'Hôtel-Dieu  où  il  resta  six  mois.  Traitement  :  bains  sulfureux  et  iodure 
de  potassium. 

En  août  1863,  il  entre  à  Necker  chez  Delpech  où  il  fut  soumis  à  un 
traitement  spécifique  très  actif,  qui  dut  être  suspendu  à  cause  de  la 


~  439  — 


salivation  abondante  et  du  décliausseinent  des  dents.  L'état  général 
s'était  amélioré,  mais  l'état  des  jambes  était  toujours  le  même,  le  malade 
ne  pouvait  marcher  qu'avec  des  cannes,  l'incontinence  d'urine  per- 
sistait. 

En  1864:,  le  malade  fut  successivemient  soigné  par  Hérard,  à  Lariboi- 
sièrc  et  par  Maisonneuve,  à  l'IIôtel-Dieu,  sans  plus  de  résultat. 

En  1865,  il  entre  à  l'hospice  de  Bicètre.  De  1865  à  1889,  l'affection  est 
restée  absolument  stationnaire,  le  malade  souffrait  toujours  un  peu  des 
reins,  il  marchait  avec  difficulté  et  perdait  souvent  ses  urines  et  les 
matières  fécales.  De  temps  à  autre  les  douleurs  lombaires  devenaient 
plus  vives,  et  les  jambes  lui  manquaient  tout  d'un  coup  complètement, 
il  s'affaissait  alors  et  avait  beaucoup  de  peine  à  se  relever.  Il  éprouvait 
aussi  fréquemment  du  tremblement  dans  la  jambe  droite. 

En  1889,  les  symptômes  augmentèrent  d'intensité,  le  malade  qui  sor- 
tait souvent  de  Bicètre  les  années  précédentes,  dut  renoncer  à  le  faire 
surtout  à  cause  de  la  paralysie  des  sphincters. 

État  actuel,  novembre  1889.  —  Malade  âgé  de  62  ans.  A  l'inspection, 
ce  qui  frappe  tout  d'abord  c'est  un  amaigrissement  marqué  de  tout  le 
membre  inférieur  droit. 

Les  réflexes  rotuliens  sont  exagérés  des  deux  côtés,  mais  surtout  à 
droite,  le  tremblement  clonique  du  pied  n'existe  que  de  ce  côté. 

Le  malade  ne  peut  marcher  qu'avec  une  canne  qu'il  tient  de  la  main 
gauche,  il  fauche  de  la  jambe  droite  qui  est  dans  l'extension  et  contrac- 
turée  ;  la  pointe  du  pied  est  abaissée  et  traîne  sur  le  sol. 

La  sensibilité  est  intacte  dans  tous  ses  modes,  le  réflexe  plantaire 
peu  modifié. 

La  miction  est  lente,  l'urine  ne  sort  qu'après  de  grands  efforts  et  en 
petite  quantité,  les  matières  fécales  s'échappent  fréquemment  au  cours 
de  la  miction.  D'autres  fois  au  contraire  il  existe  des  envies  impérieuses 
suivies  immédiatement  de  miction  involontaire. 

L'atrophie  musculaire  est  très  nette  dans  le  membre  inférieur  gauche, 
les  mesures  circonférentielles  des  différents  segments  des  deux  membres 
indiquent  une  différence  de  2  à  3  centimètres. 

Les  membres  supérieurs,  les  nerfs  crâniens,  les  organes  des  sens  sont 
intacts.  L'examen  des  différents  organes  décèle  des  lésions  pulmonaires 
localisées  aux  sommets. 

Dans  les  années  suivantes  l'état  général  s'affaiblit  peu  à  peu,  le 
malade  souffre  d'une  bronchite  chronique,  la  motiiité  disparait  peu  à 
peu  dans  les  membres  inférieurs. 

État  acluei,  en  mai  1893.  Malade  âgé  de  66  ans. 

Le  malade  est  presque  incapable  de  se  maintfuir  debout.  11  présente 
les  signes  d'une  paraplégie  spasmodique  avec  prédominance  dans  la 
jambe  droite.  Assis  dans  un  fauteuil,  il  peut  encore  croiser  la  jambe 
gauche  sur  la  droite,  mais  non  la  droite  sur  la  gauche.  Au  lit,  il  arrive 


—  440  — 


encore  à  soulever  ses  deux  membres  inférieurs  à  une  faible  hauteur 
au-dessus  du  plan  du  lit,  mais  le  droit  moins  facilement.  Raideur  à 
l'occasion  des  mouvements  volontaires,  surtout  à  droite.  Quandla  jambe 
est  dans  l'extension,  il  résiste  assez  bien  aux  tentatives  de  flexion.  Les 
mouvements  de  flexion  sont  limités,  le  malade  ne  peut  amener  la  face 
postérieure  de  la  jambe  en  contact  avec  la  cuisse. 

Amaigrissement  des  membres  inférieurs,  état  flasque  et  atrophie  des 
deux  mollets.  Pas  de  contraction  fibrillaire,  pas  d'exagération  de  la 
contraction  idio- musculaire. 

Trépidation  épileptoïde  du  pied  surtout  à  droite,  réflexes  rotuliens 
exagérés  des  deux  côtés.  Marche  et  station  debout  impossibles. 

Sensibililé.  —  Il  existe  une  légère  diminution  de  la  sensibilité  dans 
tous  ses  modes,  et  un  peu  de  retard  dans  la  perception.  La  diff'érence 
est  à  peine  sensible  entre  la  partie  inférieure  et  la  partie  supérieure 
du  tronc,  cependant  Thypo-esthésie  semble  remonter  sur  le  tiers  infé- 
rieur de  l'abdomen. 

Troubles  trophiques.  —  Léger  oedème  cachectique  des  jambes. 
Escarre  sacrée. 

Pas  de  phénomènes  douloureux  actuellement  dans  les  jambes. 

Sphincters.  —  Insuffisants.  Incontinence  des  matières  fécales.  Alter- 
native de  rétention  et  d'incontinence  d'urine  ;  actuellement,  le  malade 
est  atteint  de  rétention  avec  incontinence  par  regorgement  ;  on  est 
obligé  de  le  sonder,  l'urine  est  épaisse,  trouble,  ammoniacale,  sédimen- 
teuse  et  renferme  du  pus.  Douleuràla  fln  de  l'évacuation  par  lecathéter. 
Le  malade  se  plaint  d'une  douleur  continue  avec  exacerbations  dans  la 
région  vésicale  et  irradiations  dans  les  reins.  Alternatives  de  constipa- 
tion et  de  diarrhée.  Les  membres  supérieurs,  le  domaine  des  nerfs  crâ- 
niens et  les  sens  spéciaux  sont  indemnes. 

Mais  l'état  général  est  très  atteint,  le  malade  soufîre  de  sa  vessie,  il 
est  atteint  de  bronchite  chronique  et  a  perdu  l'appétit. 

Depuis  deux  ou  trois  ans  les  phénomènes  spasmodiques  sont  moins 
accentués  dans  les  membres  inférieurs,  mais  l'élément  parétiquo  a  fait 
des  progrès  (1). 

Observation  135  (personnelle).  —  Recueillie  dans  le  service  de 
M.  Dejerine. 

RÉSUMÉ  CLINIQUE.  —  Homme.  En  1882,  à  25  ans,  syphilis,  traitement 
mercuriel;  accidents  secondaires,  céphalée^  angine  spécifique 
grave.  Juillet  1888,  six  ans  après  le  chancre,  accidents  cérébraux 
graves  diffus,  hémiplégie  incomplète,  variable,  délire,  coma  ; 
traitement,  guérison.  Septembre  1888,  symptômes  spinaux,  puis 
paralysie  rapide  intéressant  d'abord  une  jambe,  puis  les  deux. 
Paraplégie  complète,  anesthésie,  contracture  presque  immédiate, 

(1)  Le  malade  a  succombé  en  février  1894;  l'examen  anatomique  sera  publié 
ultérieurement. 


—  441  — 


paralysie  des  sphincters,  escarres.  Amélioration.  Persistance  d'une 
paraplégie  spasmodique  excessivement  intense,  marche  et  station 
debout  impossibles,  sensibilité  presque  intacte,  alternatives  d'incon- 
tinence et  de  rétention  des  urines.  1892,  même  état.  1893,  légère 
amélioration,  mais  marche  encore  impossible. 

Histoire  clinique.  —  Joseph  ,Gr...,  employé  de  chemin  de  fer,  âgé 
de  33  ans,  entré  en  avril  1891,  dans  le  service  de  M.  Dejerine,  à  l'hospice 
de  Bicétre. 

Antécédents  héréditaires.  —  Père  et  mère  âgés,  mais  bien  portants. 
Sur  quatre  enfants^  un  est  mort  du  croup  à  5  ans,  une  sœur  est  morte  à 
26  ans  de  phtisie  galopante;  restent  un  frère  de  25  ans,  bien  portant,  et 
notre  malade.  Pas  d'hérédité  nerveuse  dans  la  famille. 

Antécédents  personnels.  —  Dans  l'enfance,  rougeole,  croup  à  l'âge 
de  6  ans. 

A  partir  de  l'âge  de  19  ans,  le  malade  est  marin,  jusqu'à  l'âge  de 
24  ans,  puis  il  devient  employé  dans  une  compagnie  de  chemins  de  fer. 

En  1882,  au  milieu  de  l'année,  le  malade  prend  la  syphilis  et  se  met 
au  traitement  spécifique  trois  semaines  après  avoir  reconnu  son  chancre. 
Il  prend  de  la  liqueur  de  Van  Swieten  pendant  deux  mois  et  des  bains. 
La  roséole  passe  inaperçue,  mais  le  malade  perd  ses  cheveux.  Cépha- 
lalgie, syphilides,  corona  veneris.  Plaques  muqueuses,  qui  apparaissent 
quatre  mois  après  le  chancre  et  se  montrent  excessivement  relielles. 
Ces  plaques,  très  étendues  et  profondément  ulcérées,  persistèrent  d'une 
façon  presque  continue  pendant  plus  de  deux  ans;  elles  envahirent  la 
gorge  et  provoquèrent  des  accidents  assez  graves  pour  qu'on  dût  songer, 
un  moment,  à  pratiquer  la  trachéotomie  (deux  ans  et  demi  après  le 
chancre).  Le  malade  suivit  alors  un  traitement  spécifique  énergique 
pendant  trois  mois. 

Puis  le  malade  resta  pendant  deux  ans  sans  présenter  aucune  mani- 
festation, si  bien  qu'à  l'âge  de  31  ans,  au  mois  d'avril  1888,  il  se  maria. 

Maladie  actuelle.  Commémoratifs.  —  Moins  de  trois  mois  après  son 
mariage,  dans  le  courant  de  juillet,  le  malade  était,  paraît-il,  occupé 
depuis  plusieurs  jours  à  des  travaux  intellectuels  fatigants,  il  avait  à 
son  bureau  un  surcroît  de  besogne,  lorsque  survint  dans  son  caractère 
un  changement  considérable.  Il  devint  irascible,  bizarre,  puis  bientôt 
éprouva  des  vertiges;  un  jour,  il  fut  pris  d'un  délire  furieux,  on  dut  le 
ramener  chez  lui  et  le  faire  coucher,  il  souffrait  d'une  céphalée  violente, 
et  le  moindre  bruit  réveillait  ses  douleurs,  il  ne  reconnaissait  personne, 
était  très  agité.  Cet  état  ne  s'améliora  pas  malgré  l'administration  d'une 
dose  quotidienne  de  8  gr.  de  bromure  ;  il  durait  depuis  une  quinzaine 
de  jours,  lorsque  le  malade  fut  frappé  dans  la  nuit  d'une  attaque  d'hémi- 
plégie gauche.  Tout  d'abord,  le  malade  ne  pouvait  faire  aucun  mouve- 
ment avec  le  bras  ni  avec  la  jambe;  cependant,  à  son  dire,  la  face  était 
restée  intacte  et  l'état  de  délire  s'était  amendé.  On  institua  un  traitement 


—  442  - 


énergique  par  l'iodure  et  les  frictions.  Peu  à  peu,  les  mouvements 
revinrent  dans  les  membres  paralysés,  si  bien  que  le  malade  se  levait 
complètement  guéri,  trente  jours  après  l'attaque  de  paralysie  et  quarante- 
cinq  jours  après  l'apparition  des  premiers  symptômes  cérébraux.  Le 
traitement  fut  alors  interrompu. 

Deux  semaines  environ  plus  tard,  le  malade,  qui  avait  reprisses  occu- 
pations, éprouva  dans  les  jambes  de  l'engourdissement  avec  un  sentiment 
de  lourdeur  ;  moins  de  vingt-quatre  heures  après,  la  jambe  gauche  était 
paralysée;  le  lendemain,  c'était  le  tour  de  la  droite.  La  paraplégie  fut 
alors  complète,  absolue  etflasque,  elle  s'accompagnait  d'anesthésie  dans 
les  membres  inférieurs,  car  le  malade  ne  percevait  à  ce  niveau  ni  les 
piqûres,  ni  le  pincement,  ni  les  brûlures.  Les  sphincters  étaient  complè- 
tement paralysés,  le  malade  était  absolument  incapable  de  retenir  ses 
urines  ou  ses  matières.  Pendant  quelques  jours,  par  contre,  la  vessie  ne  se 
vidait  pas  spontanément  et  l'on  dut  avoir  recours  au  cathétérisme.  La 
position  assise  ne  pouvait  être  maintenue.  Les  membres  supérieurs 
étaient  intacts  ainsi  que  la  tête. 

Le  malade  resta  chez  lui  pendant  quelques  semaines  avec  un 
traitement  mixte,  puis  entra  au  conunencement  de  novembre  dans  le 
service  de  M.  le  professeur  Fournier,  à  l'hôpital  Saint-Louis.  A  ce 
moment,  le  malade  était  encore  complètement  paralysé  des  jambes,  mais 
la  paralysie  avait  changé  de  caractère,  les  phénomènes  spasmodiques 
étaient  très  développés.  La  contracture,  excessivement  intense,  était 
apparue,  au  dire  du  malade,  quinze  jours  environ  après  l'attaque  de 
paraplégie.  Les  jambes  se  plaçaient  dans  la  demi-flexion,  le  malade 
était  incapable  de  les  étendre  spontanément,  et  pour  les  allonger,  on 
devait  user  d'une  force  considérable. 

Durant  les  vingt-huit  mois  que  le  malade  p  SLSS3,  cl  l'hôpital  Saint-Louis, 
il  fut  soumis  au  traitement  suivant  : 

Première  année  :  Kl  d'une  façon  continue  et  jusqu'à  13  grammes  par 
jour.  De  plus,  frictions  pendant  les  six  premiers  mois  et  pilules  mercu- 
rielles  pendant  les  six  autres. 

Deuxième  année  :  KBr.,  6  grammes  par  jour. 

Pendant  les  quatre  derniers  mois,  le  traitement  fut  suspendu.  On  usa 
aussi  de  courants  électriques  continus. 

•  Les  phénomènes  graves  persistèrent  pendant  plus  de  deux  ans,  la 
paraplégie  était  absolue,  le  malade  ne  pouvait  s'asseoir  sur  son  lit,  les 
contractures  étaient  excessives,  l'incontinence  des  sphincters  perma- 
nente, les  érections  disparues. 

La  sensibilité  revint  peu  à  peu  dans  les  membres  paralysés,  la  per- 
ception était  même  exaltée  comme  la  réflectivité  médullaire,  qui  était 
si  développée  que  le  moindre  attouchement  provoquait  un  mouvement 
réflexe  désordonné  ;  un  choc  contre  le  lit  du  malade  le  faisait  tres- 
sauter. 


—  443  — 


Des  escarres  énormes  se  développèrent,  puis  rétrocédèrent  dans  la 
suite,  elles  n'étaient  pas  encore  cicatrisées  lorsque  le  malade  quitta 
rhôpital. 

Suivant  le  malade,  son  état  s'améliora  un  peu  vers  la  fin  de  la 
deuxième  année  de  son  séjour  à  Saint-Louis,  mais  il  ne  put  jamais  se 
mettre  debout. 

En  avril  1891,  il  entra  à  l'hospice  de  Bicêtre. 

État  actuel.  — Le  malade  est  incapable  de  se  tenir  debout;  au  lit, 
il  ne  peut  se  maintenir  assis  sans  l'aide  des  infirmiers.  Les  jambes  sont 
dans  l'extension  et  maintenues  dans  cette  position  par  une  contracture 
excessive;  elles  ne  peuvent  être  soulevées  spontanément  au-dessus  du 
plan  du  lit,  et  l'adduction  est  si  énergique  que  les  jambes  se  croisent 
souvent  sans  que  le  malade  puisse  les  écarter. 

On  éprouve  une  difficulté  extrême  à  fléchir  la  jambe  sur  la  cuisse  et 
même  à  soulever  la  jambe  étendue  à  cause  de  la  raideur  musculaire. 
Lorsque  les  jambes  sont  fléchies,  le  malade  ne  peut  les  allonger,  il  y 
parvient  cependant  au  moyen  d'un  artifice  :  en  pinçant  la  peau  de  la 
face  antérieure  de  ses  cuisses,  il  détermine  un  réflexe  qui  ramène  ses 
jambes  dans  l'extension  ;  on  provoque  le  même  phénomène  par  la  per- 
cussion des  tendons  rotuliens.  Lorsque  les  jambes  sont  étendues,  la 
raideur  est  telle  que  le  réflexe  rotulien  ne  peut  être  déterminé  ;  il  en 
est  de  même  du  clonus  du  pied,  les  pieds  sont  maintenus  en  position 
équine,  et  il  est  impossible  de  les.  fléchir  sur  la  jambe. 

Le  malade  éprouve  de  temps  à  autre  des  secousses  dans  les  membres 
inférieurs;  d'autres  fois,  les  jambes  se  fléchissent  spontanément  et 
lentement  et  restent  pendant  un  temps  variable  dans  cette  position  que 
le  malade  est  incapable  de  modifier;  souvent  alors,  elles  s'allongent 
subitement  avec  la  brusquerie  d'un  ressort  qui  se  détend.  Les  muscles 
de  la  région  lombaire  sont  aussi  contracturés  ;  lorsque  surviennent  les 
paroxysmes  de  contracture,  le  malade  est  alors,  selon  son  expression, 
comme  «  une  barre  de  fer  ». 

La  contracture,  dans  ce  cas,  atteint  son  plus  haut  degré,  et  les 
muscles,  loin  d'être  paralysés,  donnent  la  mesure  de  leur  plus  grande 
énergie;  seuls,  les  muscles  de  la  ceinture  offrent,  à  côté  de  la  raideur, 
une  parésie  assez  marquée;  mais  il  est  difficile  de  reconnaître  quelle 
part  revient  à  l'un  et  à  l'autre  de  ces  deux  phénomènes  pour  expliquer 
l'impuissance  où  se  trouve  le  malade  à  se  tenir  sur  son  séant. 

Sensibilité.  —  La  sensibilité  au  tact  et  à  la  douleur  est  conservée, 
elle  est  même  exaltée,  et  les  excitations  cutanées  déterminent  des 
mouvements  réflexes  exagérés.  Le  malade  n'a  jamais  souffert  de  dou- 
leurs,''au  début  de  son  affection,  il  a  seulement  éprouvé  un  sentiment 
de  refroidissement  et  d'engourdissement  dans  les  jambes  ;  actuellement, 
il  a  encore  cette  impression,  mais  n'a  aucun  élancement,  aucune  dou- 
leur sourde  dans  les  jambes,  ni  dans  les  reins. 


—  444  — 


Sphincters.  —  Les  urines  s'écoulent  continuellement,  tantôt  goutte 
à  goutte,  tantôt  par  jets  intermittents.  Le  malade  est  absolument  inca- 
pable de  modérer  cette  miction  spontanée  qu'il  perçoit  d'ailleurs  à 
peine.  Le  relâchement  du  si^liincter  anal  qui  existait  au  début  a  fait 
place  à  une  constipation  persistante. 

Les  érections  sont  totalement  abolies. 

Troubles  trophiques.  —  Si  l'on  en  croit  le  malade,  les  membres 
inférieurs  auraient  un  peu  maigri,  il  n'existe  cependant  aucune  atrophie 
musculaire  notable  et  les  membres  sont  bien  musclés. 

Au  niveau  du  sacrum,  on  trouve  une  escarre  en  bonne  voie  de  gué- 
rison,  et  dont  les  bords  sont  entourés  d'un  tissu  de  cicatrice. 

Les  membres  supérieurs  et  le  domaine  des  nerfs  crâniens  sont  intacts, 
l'intelligence  parfaite,  l'état  général  excellent.  Nous  avons  eu  le  loisir 
d'observer  ce  malade  pendant  tout  le  cours  de  l'année  1891,  dans  le 
service  de  M.  Dejerine,  et  nous  n'avons  remarqué  aucune  modification 
importante  dans  l'aspect  de  l'affection.  A  part  la  cicatrisation  complète 
de  l'escarre,  quelques  mois  après  l'entrée  à  Bicêtre,  l'état  du  malade 
est  resté  stationnaire. 

Laissant  de  côté  le  traitement  mercuriel,  on  prescrivit  une  dose  quo- 
tidienne modérée  d'iodure  et  des  bains  sulfureux. 

Les  contractures  persistaient  avec  la  même  intensité,  l'incontinence 
d'urine  et  la  constipation  offraient  toujours  le  même  caractère  et  le 
malade  ne  se  plaignait  d'aucune  douleur.  Souvent,  on  le  levait  dans  un 
fauteuil,  les  jambes  se  mettaient  alors  en  flexion  et  les  pieds  se  plaçaient 
sous  le  meuble  avec  une  énergie  telle,  souvent,  que  le  malade  était 
attiré  en  avant  et  qu'il  avait  beaucoup  de  peine  à  se  maintenir  sur  son 
siège.  Peut-être,  à  la  fin  de  l'année,  le  malade  avait-il  au  total  bénéficié 
d'une  très  légère  amélioration;  en  tous  cas,  il  était  alors  incapable  de 
se  tenir  debout,  même  avec  un  soutien. 

État  actuel,  26  mars  1893.  —  Nous  avons  revu  la  malade  un  an  après 
et  noté  l'état  suivant. 

Depuis  quatre  mois,  le  malade  peut  se  tenir  assis  sur  son  lit.  Il  peut 
même  à  la  rigueur  se  tenir  debout,  mais  pas  plus  de  quatre  à  cinq 
minutes,  appuyé  sur  son  lit,  et,  pour  ainsi  dire,  en  équilibre  instable, 
car  il  n'y  a  que  le  pied  droit  qui  repose  en  entier  sur  le  sol;  le  pied 
gauche,  en  extension  forcée,  ne  touche  le  plancher  que  par  la  pointe. 
Dans  cette  position,  le  malade  ne  peut  faire  aucun  mouvement  de  ses 
jambes  qui  sont  raides  «  comme  des  piquets  ».  Ainsi  qu'il  le  fait  lui- 
même  remarquer  très  justement,  c'est  cette  contracture  qui  est  la  cause 
de  son  impotence,  il  sent  bien  ses  jambes  fortes,  elles  sont  même  «  plus 
fortes  que  lui  »,  car  il  ne  peut  modifier  les  mouvements  et  les  positions 
qu'elles  affectent  spontanément. 

Clonus  de  la  rotule  et  du  pied  ;  réflectivité  médullaire  extrême. 

La  sensibilité  est  intacte,  l'incontinence  d'urine  n'est  pas  persistante, 


—  445  — 


mais  les  envies  sont  iinpérieus(is.  Constipation  modérée;  le  malade  va 
à  la  selle  deux  à  trois  fois  par  semaine.  Les  érections  renaîtraient 
Mars  1894.  Même  état. 

Observation  136  (personnelle).  —  Recueillie  dans  le  service  de 
M.  Dejerine. 

RÉSUMÉ  CLINIQUE.  —  Homme.  A  21  ans,  en  1880,  chancre  induré, acci- 
dents secondaires, pas  de  traitement.  1883  :  accidents  tertiaires, gom- 
mes, douleurs  en  ceinture.  26  juillet  1883,  rétention  d'urine  brus- 
que. Le  lendemain  fourmillements  dans  les  jambes,  puis  paraplégie 
rapide.  Six  mois  de  séjour  au  lit.  Marche  possible  avec  des  béquilles 
aubout  de  huit  mois  Etat  stat  ionnaire. État  en  1891  :  paraplégie  spas- 
modique  de  moyenne  intensité,  signe  de  Romberg, sensibilité  objec- 
tive h  peu  près  intacte,  douleurs  rachidiennes  légères,  troubles 
des  sphincters. 

Histoire  clinique.  —  J.  Jeand..,  menuisier,  âgé  de  29  ans  à  son  entrée 
à  Bicêtre,  le  29  décembre  1888. 

Antécédents  héréditaires —  Père  mort  d'accident  à  63  ans;  mère 
morte  de  péritonite  à  52  ans,  un  frère  vivant,  âgé  d'une  quarantaine 
d'années,  bien  portant. 

Antécédents  personnels.  —  Rougeole  à  5  ans.  A  16  ans,  chancre 
mou  et  bubon  suppuré. 

En  1880,  à  l'âge  de  21  ans,  chancre  induré,  et  cinq  à  six  semaines 
après,  plaques  muqueuses  multiples  de  la  gorge  et  de  l'anus. 

Le  malade  part  au  régiment  et  ne  suit  aucun  traitement.  Cependant  à 
la  fin  de  l'année  1882,  deux  ans  et  demi  environ  après  le  chancre,  il  pré- 
senta quatre  gommes  sous-cutanées  au  niveau  de  la  cuisse  gauche,  une 
sur  le  troisième  métacarpien  de  la  main  droite  et  une  entre  les  doigts 
de  cette  même  main. 

Il  prit  alors^  chaque  jour,  pendant  deux  mois  seulement  :  1  gramme 
d'iodure  de  potassium  et  une  cuillerée  à  café  de  liqueur  de  Van 
Swieten. 

Maladie  actuelle.  Commémoratifs.  —  Pendant  les  premiers  mois  de 
l'année  1883,  le  malade  éprouva  quelques  douleurs  en  ceinture,  il  avait 
souvent  mal  aux  reins,  se  sentait  courbaturé,  mais  ces  symptômes 
n'étaient  pas  assez  marqués  pour  l'obliger  à  cesser  son  service. 

Le  26  juillet  1883,  après  un  fort  abus  de  boisson,  il  fut  pris  de  vio- 
lentes érections,  accompagnées  de  douleurs  en  ceinture  très  vives.  Le 
lendemain  il  ne  put  se  lever,  il  lui  était  impossible  d'uriner.  Pendant 
48  heures,  il  éprouva  des  fourmillements  dans  les  jambes,  et  souffrait 
d'une  véritable  hyperesthésie  au  niveau  des  membres  inférieurs. 

Lorsqu'on  transporta  le  malade  à  l'hôpital  militaire,  il  était  complè- 
tement paraplégique  ;  il  ne  souffrait  plus,  mais  il  ne  se  rappelle  pas  si 


—  446  — 


ses  jambes  étaient  devenues  insensibles.  Usait  seulement  que,  lorsqu'on 
l'examina  dans  la  suite  à  plusieurs  reprises,  ses  réflexes  patellaires  et 
plantaires  étaient  exagérés  et  qu'il  présentait  le  phénomène  du  pied. 

Peu  à  peu,  les  mouvements,  qui  n'avaientd'ailleurspas  complètement 
disparu,  revinrent  dans  les  jambes,  mais  le  malade  ne  put  commencer 
à  se  lever  qu'au  bout  de  six  mois. 

Deux  mois  après  il  pouvait  marcher  avec  des  béquilles. 

Pendant  tout  le  temps  de  son  séjour  à  l'hôpital  militaire,  il  fut  soumis 
au  traitement  par  l'iodure,  par  les  frictions  mercurielles  ou  le  sirop  de 
Gibert. 

Il  fut  alors  envoyé  à  Paris  en  convalescence  pendant  trois  mois,  puis 
aux  eaux  de  Barèges  oià  il  continua  son  traitement  spécifique.  A  la  suite 
de  cette  cure,  il  fut  réformé  du  service  militaire  (fin  1884). 

Depuis  cette  époque,  le  malade  est  resté  à  peu  près  dans  le  même 
état,  il  entra  successivement  dans  plusieurs  services  hospitaliers  à 
Paris,  puis  fut  définitivement  admis  à  l'hospice  de  Bicètre  le  24  décem- 
bre^ 1888. 

État  actuel,  1891.  — Le  malade  marche  d'ordinaire  avec  une  canne, 
les  jambes  écartées  et  penché  en  avant,  les  pieds  quittent  diflflcile- 
ment  le  sol  sur  lequel  ils  traînent  par  la  pointe. 

La  marche  est  possible  sans  canne,  mais  les  caractères  particuliers 
de  l'allure  spasmodique  sont  ici  très  marqués.  Au  moment  oi^i  le  malade 
se  met  en  marche,  la  raideur  envahit  les  jambes,  elle  atteint  son  maxi- 
mum dans  les  muscles  fessiers  qui  immobilisent  l'articulation  coxo- 
fémorale  et,  pour  porter  sa  jambe  en  avant,  le  malade  incline  son  tronc 
tout  d'une  pièce  du  côté  opposé.  Il  en  résulte  une  démarche  hanchée 
particulière  accompagnée  d'un  balancement  des  bras.  Les  talons  frap- 
pent le  sol,  les  jambes  sont  maintenues  dans  l'extension,  le  regard  est 
fixé  sur  le  sol.  Le  malade  peut  fournir  une  course  assez  longue  sans 
fatigue,  mais  il  marche  lentement  et  ne  peut  courir. 

Le  malade  étant  assis  ou  couché  on  constate  que  les  réflexes  rotuliens 
sont  très  exagérés,  le  phénomène  du  pied  s'obtient  facilement.  Les 
mouvements  sont  gênés  par  la  contracture,  mais  pas  incoordonnés,  seu- 
lement un  peu  brusques,  La  force  musculaire  des  jambes  est  très  déve- 
loppée bien  qu'inférieure  à  la  normale. 

Les  jambes  seraient  amaigries,  au  dire  du  malade;  il  n'y  a  pas  d'atro- 
phie musculaire  vraie. 

Nous  avons  vu  que  le  malade  talonne  en  marchant,  d'une  façon  un 
peu  spéciale  il  est  vrai;  qu'il  ne  quitte  pas  le  sol  des  yeux  et  que  les 
mouvements  sans  être  incoordonnés  sont  un  peu  brusques.  Il  faut  join- 
dre à  ces  particularités  l'existence  bien  caractérisée  du  signe  de  Rom- 
berg.  L'ensemble  de  ces  signes  forme  l'ébauche  du  syndrome  tabétique 
qui  prend  ici  une  certaine  importance. 

Sensibilité.  —  La  sensibilité  objective  (sensibilité  douloureuse,  per- 


—  447  — 


ception  du  tact  et  de  la  température)  est  bien  conservée  dans  les  mem- 
bres inférieurs.  Cependant,  sur  le  côté  gauche  du  tronc,  au  niveau  d'une 
bande  large  de  trois  doigts,  partant  du  milieu  de  la  ligne  blanche  abdo- 
minale et  allant  jusqu'à  la  colonne  vertébrale,  il  existe  une  diminution 
manifeste  de  la  sensibilité  dans  tous  ses  modes. 

A  intervalles  éloignés,  douleurs  sourdes  très  supportables  dans  la 
région  dorso-lorabaire. 

Les  sphincters  sont  atteints  dans  leur  fonctionnement  :  le  malade  est 
forcé  d'obéir  immédiatement  au  besoin  d'uriner  sous  peine  d'avoir  de 
rincontinence.  Parfois  il  y  a  de  l'incontinence  noclurne.  Plusieurs  fois, 
au  cours  de  ces  dernières  années  les  urines  sont  devenues  troubles  et 
la  miction  douloureuse. 

Le  besoin  de  la  défécation  est  également  impérieux,  les  matières 
s'échappent  même  souvent  lorsqu'elles  sont  liquides.  Fonctions  géni- 
tales abolies. 

Les  membres  supérieurs,  la  tête,  les  sens  spéciaux,  sont  intacts. 

1893.  Nous  avons  retrouvé  le  malade  dans  le  même  état.  Il  marche 
avec  une  canne  et  sort  chaque  jour  de  l'hospice,  il  présente  toujours  la 
même  allure  spéciale.  A  l'examen  on  constate  les  mêmes  phénomènes 
spasmodiques.  Les  envies  d'uriner  sont  toujours  impérieuses,  le  malade 
porte  un  urinai  en  caoutchouc. 

Observation  137  (inédite).  —  Tirée  du  registre  d'observations  de 
M.  Dejerine  à  l'hospice  de  Bicêtre. 

RÉSUMÉ  CLINIQUE.  —  Homnn'.  Syphilis  (?)  en  186k,  à  28  ans.  181k, 
douleurs  rachidiennes.  Mai  lSlô,  brusque  rétention  d'urine,  douleurs 
en  ceinture ,  paraplégie  rapide ,  flasque,  sensibilité  (1)  Séjour  au 
lit  obligatoire  pendant  les  deux  années  suivantes.  En  1811.  État  : 
paraplégie  spasmodique,  contracture,  station  debout  impossible, 
troubles  de  la  sensibilité,  incontinence  d'urine  par  regorgement, 
troubles  tropkiques. 

Histoire  CLINIQUE.  —François  Mich...,  garçon  de  café,  41  ans,  entré 
à  Bicêtre  en  mai  1877. 

Antécédents  personnels.  —  Blenuorrhagie  en  1860.  Alcoolisme. 

En  1864,  à  l'âge  de  28  ans,  il  eut  trois  petits  chancres  sur  la  nature 
desquels  il  est  difficile  de  se  prononcer.  Le  malade  aurait  été  traité 
à  l'hôpital  du  Midi  pendant  trois  semaines  sans  prendre  de  mercure. 
Ces  chancres  auraient  été  diagnostiqués  mous.  Le  malade  ne  présente 
pas  d'accidents  secondaires. 

Dix  ans  plus  tard,  au  début  de  l'année  1874,  il  éprouva  des  accidents 
dont  la  nature  semble  indiquer  une  inoculation  syphilitique  antérieure 
de  date  récente,  bien  que  l'accident  primitif  ait  passé  inaperçu.  Il  eut 


—  448  — 


en  effet  des  croûtes  sur  le  cuir  chevelu,  perdit  ses  cheveux  et  présenta 
des  ulcérations  anales  pour  lesquelles  il  alla  à  l'hôpital  Saint-Louis  ;  on 
lui  prescrivit  une  pommade  mercurielle  et  des  pilules.  Ces  accidents 
durèrent  trois  à  quatre  mois. 

MsilcLdie  actuelle.  Commémoralifs.  —  Un  mois  plus  tard,  le  malade 
ressentit  dans  les  reins  des  douleurs  accompagnées  de  frissons  qui 
l'obligèrent  à  prendre  le  lit  pendant  une  huitaine  de  jours  ;  c'étaient 
des  douleurs  aiguës  que  le  malade  compare  à  des  piqûres  profondes. 
Après  quelques  semaines  de  repos,  le  malade  reprit  son  travail,  mais 
les  jambes  étaient  pesantes,  et  la  fatigue  les  envahissait  rapidement. 
Ces  symptômes  s'amendèrent  peu  à  peu,  mais,  pendant  le  reste  de 
Tannée  1884  et  au  commencement  de  l'année  1875,  il  ressentait  de  temps 
à  autre  une  douleur  lombaire  sourde  et  de  la  faiblesse  des  jambes. 

Au  mois  de  mai  1875  (39  ans),  il  fut  tout  d'un  coup  dans  l'impossibilité 
d'uriner  malgré  une  envie  pressante,  en  même  temps  il  se  sentait  la 
tête  lourde,  ses  jambes  refusaient  de  le  porter,  il  chancelait  et  dut  se 
coucher. 

A  ce  momentj  il  n'éprouvait  aucune  sensation  remarquable  dans  les 
jambes,  mais  il  lui  semblait  avoir  un  «  corset  de  fer  »  autour  de  la 
poitrine.  Quelques  heures  plus  tard,  il  était  complètement  paralysé  et 
dans  l'impossibilité  de  mouvoir  ses  jambes.  Dans  les  premiers  temps, 
la  paraplégie  était  flasque,  et  il  semble  qu'à  cette  époque  les  membres 
inférieurs  aient  perdu  la  sensibilité.  Il  y  eut,  au  début,  de  la  rétention 
persistante  d'urine  et  l'on  dut  sonder  le  malade  pendant  six  mois,  matin 
et  soir. 

Pendant  vingt-deux  mois,  le  malade  fut  soigné  chez  lui,  et  ne  put 
quitter  son  lit.  Il  fut  traité  par  l'iodure  et  le  bromure  de  potassium. 

Séjour  de  deux  mois  à  l'hôpital  Lariboisière,  puis  admission  à  Bicêtre 
en  mai  1877,  deux  ans  après  Tattaque  de  paraplégie. 

A  ce  moment,  le  malade  pouvait  se  tenir  quelques  instants  debout 
sur  les  jambes,  en  s'appuyant  sur  un  fauteuil,  mais  la  marche  était  abso- 
lument impossible. 

Les  jambes  étaient  raides,  les  réflexes  très  exagérés  et  le  sphincter 
vésical  insuffisant. 

Vers  le  mois  de  décembre  1877,  le  malade  éprouva  des  douleurs  dans 
la  cuisse  droite  et  un  sentiment  de  brûlure  dans  les  jambes.  La  con- 
tracture augmenta  et  les  jambes  se  placèrent  dans  la  demi-flexion. 

État  actuel.  Janvier  1878.  —  L'état  général  est  assez  satisfaisant,  le 
malade  paraît  bien  musclé,  mais  il  est  complètement  paraplégique,  il 
est  incapable  de  se  tenir  debout.  Il  ne  peut  faire  aucun  mouvement  de 
ses  jambes,  et  parvient  seulement  à  remuer  les  orteils.  Les  membres 
inférieurs  sont  contracturés,  la  jambe  droite  dans  la  demi-flexion,  la 
jambe  gauche  allongée.  La  raideur  oppose  une  grande  résistance  aux 
mouvements  communiqués  et  s'exagère  lorsqu'on  essaie  de  les  déter- 
miner. 


-  449  - 


Sensibilité.  —  La  sensibilité  objective  dans  tous  ses  modes  (tact, 
douleur,  température)  est  atténuée  dans  le  membre  inférieur  droit  et 
très  émoussée  à  gauche.  Il  y  a  de  plus  erreur  dans  la  localisation  des 
excitations.  Il  n'existe  pas  actuellement  de  douleurs. 

Sphincters. —  Incontinence  d'urine  par  regorgement.  Avec  la  sonde, 
on  retire  300  ou  400  gr.  d'urine  et  le  malade  reste  alors  deux  ou  trois 
heures  sans  perdre  d'urine. 

Il  n'existe  pas  d'atrophie  des  muscles  des  membres  inférieurs,  la 
contractilité  faradique  est  conservée,  la  sensibilité  électrique  plus 
marquée  à  droite. 

Les  membres  supérieurs  et  la  tête  sont  indemnes. 

Traitement.  —  Pointes  de  feu  sur  la  région  rachidienne;  1  gr.  d'io- 
dure  de  potassium  et  une  cuillerée  de  sirop  de  Gibert  par  jour. 

En  février,  congestion  pulmonaire,  point  de  côté,  toux,  fièvre,  râles 
humides  et  bronchophonie. 

Juin.  Plaque  érythémateuse  très  étendue,  envahissant  la  face  interne 
des  cuisses,  les  bourses  et  la  moitié  inférieure  de  l'abdomen.  Plaques 
analogues  sur  le  flanc  gauche  et  sur  la  face  palmaire  de  l'avant-bras 
gauche.  Cette  dernière  localisation  prouve  qu'il  s'agit  d'un  érythème 
infectieux  (urines  troubles,  ammoniacales)  et  non  d'un  trouble  trophique 
car  les  bras  sont  indemnes  de  phénomènes  paralitiques.  Janvier  1879. 
Même  état  pour  les  membres  inférieurs.  Plaque  arrondie,  large  de 
10  centim.  environ,  indurée  et  de  couleur  vineuse  sur  la  fesse  droite,  il 
s'agit  bien  ici  d'une  lésion  de  décubitus. 

L'observation  s'arrête  là  et  nous  ignorons  quelle  a  été  la  destinée 
du  malade. 


Observation  138  (inédite).  —  Communiquée  par  M.  Dejerine. 

RÉSUMÉ  CLINIQUE.  —  Homme.  En  mars  1890,  à. 52  ans,  chancre,  trai- 
tement incomplet.  Août  1891,  paraplégie  développée  en  deux  ou  trois 
jours,  incontinence  d'urine;  aggravation  rapidement  progressive  ; 
séjour  au  lit,  puis  amélioration.  Mars  1892.  Paraplégie  spasmodique, 
sensibilité  intacte,  troubles  des  sphincters. 

Histoire  clinique.  —  M.  X...,  profession  libérale. 

Antécédents.  —  Au  mois  de  mars  1890,  M.  X...,  alors  âgé  de  52  ans 
prit  un  chancre  qui,  paraît-il,  ne  fut  pas  suivi  d'accidents  secondaires. 
Il  suivit  un  traitement  insuffisant  car  il  ne  prit  que  trente  pilules  de 
Ricord  en  tout. 

Maladie  actuelle.  Commémoratifs.  —  Depuis  cette  époque,  iln'éprouva 
aucun  symptôme  jusqu'en  août  1891  Aceinoment,  sans  phénomènes 
prémonitoires  il  fut  frappé  en  deux  ou  trois  jours  d'une  paraplégie 
avec  incontinence  d'urine  et  constipation.  Cependant  la  paralysie  des 
S.  29 


—  450  — 


jambes  n'était  pas  complète,  car  pendant  trois  semaines  le  malade  put 
encore  marcher,  quoique  avec  beaucoup  de  difficulté. 

Il  survint  alors  une  aggravation  rapide  des  symptômes  et  le  malade 
dut  garder  le  lit  pendant  plusieurs  semaines.  Lorsque,  au  bout  de  ce 
laps  de  temps,  il  commença  à  se  lever  et  à  marcher,  il  constata  que 
ses  jambes,  encore  très  faibles,  étaient  aussi  très  raides.  Ces  symptômes 
prédominèrent  d'abord  dans  la  jambe  gauche,  puis  s'égalisèrent  dans 
les  deux  membres. 

Le  malade  qui,  depuis  le  début  des  accidents  spinaux  ne  s'était 
soumis  à  aucun  traitement  spécifique,  vint,  au  mois  de  mars  1892,  con- 
sulter M.  Dejerine. 

État  actuel.  —  Le  sujet  a  tous  les  symptômes  de  la  paraplégie 
spasmodique,  la  démarche  est  classique,  il  traîne  les  pieds  sur  le  sol  et 
marche  en  se  dandinant. 

La  contracture  latente  se  développe  dans  les  mouvements  voulus  et 
même  dans  les  mouvements  passifs,  car  on  éprouve  de  la  résistance 
dans  les  mouvements  imprimés  aux  jambes.  Incontinence  d'urine  inter- 
mittente. 

Réflexes  patellaires  exaltés,  phénomènes  du  pied. 
Force  musculaire  considérable. 
Sensibilité  intacte  dans  tous  ses  modes. 

Intégrité  des  membres  supérieurs,  du  domaine  des  nerfs  crâniens  et 
des  fonctions  psychiques. 

Traitement  :  frictions  mercurielles,  KL  à  haute  dose. 

En  août,  séjour  à  Aix,  en  Savoie.  Légère  amélioration  dans  la  con- 
tracture. 

Fonctions  génitales  complètement  abolies. 

Observation  139  (inédite).  —  Tirée  du  registre  d'observations  du  service 
de  M.  Dejerine  à  l'hospice  de  Bicêtre. 

RÉSUMÉ  CLINIQUE.  —  Homme.  A  2k  ans,  en  188.5,  chancre  et  accidents 
secondaires.  Novembre  1881,  élancements  dans  les  jambes,  faiblesse 
et  raideur,  pas  de  douleurs  vives.  Marche  progressive  de  l'affec- 
tion, et  en  février  1888  aggravation  des  symptômes  :  parésie  des  deux 
jambes,  anesthésie  correspondante.  Etat  en  1889:  paraplégie  spas- 
modique, sensibilité  intacte,  troubles  des  sphincters.  2  avril  1890, 
encéphalopathie,  phénomènes  transitoires,  aphasie  passagère.  Dans 
la  suite,  localisation  aux  membres  inférieurs,  état  stationnaire. 

Histoire  clinique.  —  Dur...,  Léon,  commissionnaire,  entré  en 
décembre  1888  à  l'hospice  de  Bicêtre  dans  le  service  de  M.  Dejerine. 

Antécédeyits.  —  On  ne  trouve  noté  aucune  particularité  importante 
dans  les  antécédents  héréditaires  ou  personnels  du  malade,  si  ce  n'est 
le  fait  suivant  : 


—  451  — 


En  1885,  a  l'âge  de  24  ans,  le  sujet  qui  était  célibataire  fut  atteint 
d'un  chancre  suivi  de  roséole  et  de  plaques  muqueuses.  Il  n'est  pas  dit 
s'il  suivit  un  traitememt  à  cette  époque. 

Maladie  actuelle,  Commémoratifs.  —  En  1887,  vers  le  mois  de 
novembre,  il  ressentit  dans  les  deux  jambes  des  élancements  qu'il  com- 
pare à  des  secousses  électriques  mais  non  douloureuses,  partant  du 
bout  des  pieds  et  remontant  vers  les  hanches.  Ces  secousses  ont  per- 
sisté pendant  très  longtemps,  mais  ont  diminué  d'intensité  à  la  suite 
d'un  traitement  spécifique.  Le  sujet  n'éprouvait  d'ailleurs  aucune  dou- 
leur vive.  A  cette  même  époque  les  jambes  étaient  plus  faibles  que  de 
coutume  et  souvent  raides, 

Tous  ces  symptômes  se  développaient  très  lentement  et  n'eurent  tout 
d'abord  qu'une  très  faible  intensité.  Mais  au  mois  de  février  1888,  il  se 
produisit  une  aggravation  rapide  des  accidents.  La  jambe  gauche  sur- 
tout faiblit  rapidement  il  arriva  même  plusieurs  fois  qu'elle  se  déroba 
sous  le  malade  et  occasionna  des  chutes.  La  jambe  droite  ne  tarda  pas 
à  se  prendre  à  son  tour  mais  avec  moins  d'intensité, 

A  cette  époque  les  symptômes  parétiques  étaient  extrêment  accusés 
et  s'accompagnèrent  d'une  anesthésie  qui  remontait  jusqu'au  pli  de 
l'aine;  le  malade,  qui  ne  perdit  d'ailleurs  pas  complètement  Tusage  de 
ses  jambes,  ne  sentait  pas  le  sol  sur  lequel  reposaient  ses  pieds. 

Au  bout  de  quelque  temps  les  accidents  subirent  un  temps  d'arrêt 
puis  le  malade  soumis  à  un  traitement  spécifique  vit  son  état  s'amélio- 
rer. 

État  actuel,  janvier  1889.  —  A  son  entrée  à  l'hôpital  de  Bicêtre,  le 
malade  dont  l'état  reste  stationnaire  depuis  quelques  mois  i)résente  les 
symptômes  suivants. 

Motilité.  —  Démarche  spasmodique  caractéristique  surtoutdéveloppée 
pour  la  jambe  gauche.  Quand  le  malade  marche,  tous  les  muscles  entrent 
en  contracture,  la  jambe  ne  se  fléchit  pas,  le  talon  antérieur  de  la 
plante  du  pied  traîne  sur  le  sol.  Il  n'existe  d'ailleurs  pas  d'incoordina- 
tion motrice;  le  malade  ne  lance  pas  ses  jambes  de  côté.  La  jambe 
droite  se  fléchit  plus  facilement,  les  muscles  sont  bien  aussi  contrac- 
turés  mais  plus  faiblement.  Les  réflexes  rotuliens  sont  exaltés  peut- 
être  un  peu  davantage  du  côté  gauche.  Le  phénomène  du  pied  facile  à 
provoquer  des  deux  côtés  est  aussi  plus  marqué  à  gauche.  Réflexe 
plantaire  aboli  avec  conservation  de  la  perception  du  chatouillement. 
Pas  de  signe  de  Romberg. 

Sensibilité.  —  Pas  de  retard  dans  la  perception  des  diff'érentes 
excitations  cutanées.  La  température,  le  contact,  les  excitations  dou- 
loureuses, sont  perçus  d'une  façon  égale  et  normale  des  deux  côtés. 

Dans  les  premiers  mois  de  son  aff'ection,  le  malade  eut  une  anesthésie 
complète  remontant  jusqu'au  pli  de  l'aine  des  deux  côtés;  abolition  qui 
portait  sur  tous  les  modes  de  la  sensibilité:  il  ne  sentait  pas  le  parquet 


sur  lequel  reposaient  ses  pieds,  on  lui  traversait  complètement  la  peau 
sans  provoquer  de  douleur. 

Nous  trouvons  dans  l'intensité  de  ce  symptôme  la  preuve  de  l'exis- 
tence d'une  période  d'acuité  à  l'origine  de  la  maladie. 

Sphinch'rs.  —  Dans  les  premiers  temps  le  malade  eut  de  la  rétention 
d'urine  puis  de  l'incontinence.  Il  souffrait  également  d'évacuations  invo- 
lontaires des  matières  fécales.  Aujourd'hui,  il  n'a  plus  d'incontinence 
mais  est  obligé  au  contraire  de  faire  des  efforts  pour  uriner  et  pour 
aller  à  la  selle. 

Pas  de  troubles  trophiques  ni  d'atrophie  musculaire.  Le  malade  mis 
au  traitement  par  l'iodure  de  potassium  pendant  quelques  semaines 
quitte  au  bout  de  ce  temps  l'hospice  de  Bicêtre  dans  le  même  état. 

Le  21  mars  1890,  le  malade  entre  de  nouveau  dans  le  service;  depuis 
un  mois  ses  jambes  sont,  paraît-il,  plus  faibles,  il  ne  peut  quitter  son 
bâton  et  fait  de  fréquents  faux-pas.  Il  n'y  a  d'ailleurs  rien  de  changé 
dans  les  autres  symptômes. 

Le  2  avril  1890,  hier  au  soir,  le  malade  a  souffert  d'un  mal  de  tête 
qui  a  persisté  toute  la  nuit.  Au  matin,  la  céphalalgie  a  augmenté  et 
vers  dix  heures,  le  malade  est  devenu  totalement  aphasique.  Les  bras 
remuaient  encore  mais  étaient  pris  de  tremblement  à  l'occasion  des 
mouvements  voulus. 

Au  moment  oii  nous  voyons  le  malade  dans  la  matinée,  il  exprime  par 
des  gestes  le  mal  de  tête  dont  il  souffre  et  se  montre  très  affecté  de  ne 
pouvoir  parler,  la  langue  d'ailleurs  se  meut  librement  et  n'est  pas 
déviée. 

Le  malade  entend  et  comprend  très  bien  les  questions  qu'on  lui  pose, 
l'intelligence  paraît  intacte  mais  l'aphasie  est  complète. 

Il  est  incapable  de  lire  et  ne  peut  même  reconnaître  les  lettres.  Il  est 
également  incapable  d'écrire,  il  saisit  de  travers  la  plume  qu'on  lui 
présente  mais  parvient  après  quelques  griffonnages  à  tracer  son  nom. 

Il  éprouve  des  éblouissements  passagers  et  voit  moins  distinctement 
que  de  coutume.  Il  existe  d'ailleurs  de  l'inégalité  dans  les  pupilles,  la 
gauche  est  plus  petite  que  la  droite.  Traitement.  —  Kl,  2  gr.,  une 
pilule  de  protoiodure  de  mercure^ 

3  Avril.  Même  état  que  la  veille,  intelligence  intacte,  vision  plus 
claire. 

Le  4.  Le  malade  a  recouvré  complètement  l'usage  de  la  parole,  pas 
de  bredouillement.  Il  lit  très  bien. 

Les  jours  suivants  les  phénomènes  cérébraux  ne  se  sont  pas  produits, 
mais  les  symptômes  sont  toujours  les  mêmes  dans  les  membres  infé- 
rieurs. 

Quelques  semaines  plus  tard  le  malade  quitte  le  service. 


—  453  — 


Observation  140  (personnelle).  —  Recueillie  dans  le  service  de  M.  le 
professeur  Debove,  à  l'hôpital  Andral. 

RÉSUMÉ  CLINIQUE.  —  Homme  Janvier  1886, 17  aiis  et  demi,  chancre,  acci- 
dents secondaires,  traitement  incomplet.  Septembre  1890,  phéno- 
mènes prémonitoires  :  douleurs  de  reins,  difficulté  de  la  miction; 
engourdissement,  lourdeur  des  jambes,  céphalalgie.  Puis  paraplégie 
progressive  qui  atteint  son  ma.ximum  en  trois  semaines.  Séjour  au 
lit  pendant  trois  mois,  amélioration  aboutissant  à  une  paraplégie 
spasmodique  persistant  à  iétat  chronique.  Mars  1893,  paraplégie 
spasmodique  légère  avec  signe  de  Romberg,  diminution  de  la  sensi- 
bilité, douleurs  rectales,  miction  impérieuse. 

Histoire  clinique.  —  Louis  Och...,  journalier,  âgé  de  24  ans. 

Antécédents  héréditaires  —  Père  mort  subitement  à  60  ans;  mère 
morte  phthisique  à  35  ans.  Sur  cinq  enfants,  trois  sont  morts  de  tuber- 
culose pulmonaire,  deux  restent  :  un  sujet  de  21  ans  bien  portant  et  notre 
malade. 

Antécédents  personnels.  —  Le  sujet  né  à  terme  et  élevé  au  biberon 
a  marché  assez  tard,  il  ne  se  souvient  pas  d'avoir  fait  dans  son  enfance 
de  maladie  grave,  mais  il  était  chétif  et  a  uriné  au  lit  jusqu'à  l'âge  de 
12  ans.  11  alla  à  l'école  justiu'à  l'âge  de  15  ans,  puis  travailla  depuis 
dans  les  plumes.  Au  mois  de  janvier  1889,  à  l'âge  de  17  ans  et  demi,  il 
prit  un  chancre  de  la  verge  sur  la  partie  droite  du  frein,  à  la  suite  il 
eut  une  roséole  et  des  maux  de  gorge.  Dès  qu'il  se  fut  aperçu  de  l'exis- 
tence de  son  chancre  il  alla  à  l'hôpital  Saint-Louis  oii  il  ne  resta  pas. 

Lè  traitement  qu'il  suivit  à  cette  époque  fut  le  suivant:  Pilules  de 
protoiodure,  2  par  jour  pendant  un  mois.  Kl,  2  gr.  pendant  trois  mois. 

A  la  On  de  l'année  il  perdit  ses  cheveux  et  éprouva  de  la  céphalée 
surtout  le  soir,  il  reprit  alors  KL  2  gr.  pendant  trois  à  quatre  mois. 

Dans  la  suite  rien  à  signaler,  quelques  maux  de  tète  sans  persistance. 
En  1888,  il  entre  à  Saint-Louis  pour  une  affection  cutanée  des  deux 
mains  (eczéma  du  métier?) 

Maladie  actuelle.  Commémorât  ifs.  —  A  la  fin  de  septembre  1800, 
trois  ans  et  neuf  mois  après  le  chancre  |21  ans),  le  malade  éprouva  des 
maux  de  reins  et  des  douleurs  en  ceinture  assez  fortes.  La  douleur 
rachidienne  était  surtout  marquée  la  nuit,  elle  empêchait  le  malade  de 
dormir  et  s'accompagnait  d'un  sentiment  de  constriction  à  la  ceinture. 
Huit  jours  après,  le  malade  éprouvait  de  la  difficulté  pour  uriner,  la 
miction  exigeait  de  grands  efforts. 

Huit  jours  encore  plus  tard  survinrent  dans  les  jambes  des  fourmille- 
ments, des  picotements,  mais  pas  de  douleurs  vives,  en  même  temps 
le  malade  sentait  ses  jambes  lourdes  elles  n'étaient  pas  raides,  mais 
assez  faibles,  les  mouvements  étaient  incertains  et  la  marche  festonnée, 


—  454  — 


hésitante.  Eu  même  temps  il  existait  de  la  céphalalgie  surtout  le  soir. 

La  difficulté  dans  la  marche,  puis  la  paralysie  des  mouvements 
s'accentuèrent  rapidement  dans  les  jours  suivants,  si  bien  que  trois 
semaines  après  l'apparition  des  premières  douleurs  le  malade  ne  pou- 
vait se  tenir  debout  et  qu'on  dut  le  transporter  à  l'hôpital.  Il  entra  au 
mois  d'octobre  1890,  dans  le  service  de  M.  Rendu  à  l'hôpital  Necker.  Il 
fut  soigné  par  les  frictions  mercurielles,  le  Kl,  jusqu'à  8  grammes  par 
jour.  Révulsion  locale  :  ventouses  scarifiées,  pointes  de  feu. 

Pendant  trois  mois  le  malade  garda  le  lit,  il  pouvait  remuer  les  jambes 
avec  difficulté,  se  tenait  bien  assis  dans  un  fauteuil,  mais  était  incapable 
de  marcher. 

Les  frictions  mercurielles  furent  arrêtées  au  bout  de  deux  mois  à  cause 
de  la  gingivite.  Bains  sulfureux. 

Après  trois  mois  de  séjour  au  lit,  le  malade  commença  à  marcher  en 
s'appuyant  aux  lits,  puis  avec  une  canne,  il  ne  perdait  pas  ses  urines 
comme  au  début  de  son  affection,  mais  les  envies  étaient  impérieuses. 

Le  malade  resta  cinq  mois  à  l'hôpital  ;  quand  il  en  sortit,  le  15  mars 
1891,  l'état  était  considérablement  amélioré,  si  bien  qu'il  pouvait  mar- 
cher sans  canne.  Dans  ces  conditions,  il  put  reprendre  son  travail  chezlui, 
mais  il  était  incapable  de  retourner  à  l'atelier.  Il  dut  bientôt  abandonner 
complètement  son  métier  et  s'occupa  à  coller  des  bandes  de  journaux. 
Le  traitement  était  continué  :  Kl,  1  gr  par  jour  pendant  cinq  à  six  mois. 

A  pai'tie  de  cette  époque  la  situation  du  malade  ne  s'est  modifiée  en 
aucune  façon  à  ce  qu'il  dit. 

Il  éprouva  cependant  quelques  accidents  passagers  qui  l'obligèrent 
plusieurs  fois  à  entrer  à  l'hôpital. 

Il  fit  successivement  les  différents  stages  hospitaliers  suivants  : 

Juillet  1891,  entre  à  l'hôpital  Lariboisière  chez  M.  Duguet  à  cause  de 
la  reprise  de  la  céphalalgie  et  pour  quelques  troubles  de  la  vue.  Trai- 
tement :  sirop  de  Gibert,  Kl,  bains  sulfureux.  Reste  trois  semaines. 

Novembre  1891.  Entre  à  l'hôpital  Andral,  service  de  M.  Debove,  pour 
de  la  céphalalgie,  des  douleurs  de  reins  et  des  crises  de  douleurs  gas- 
triques. Kl  et  solution  de  cocaïne  pour  les  douleurs  stomacales.  Séjour  : 
1  mois,  puis  convalescence  à  l'asile  de  Vincennes. 

Janvier  1892,  entre  à  l'hôpital  de  la  Charité,  service  de  M.  Cons- 
tantin Paul  ;  céphalalgie,  séjour  un  mois. 

Juillet  1892.  Séjour  de  deux  mois  à  l'hôpital  Cochin,  dans  le  service 
de  M.  Gouraud  pour  des  douleurs  de  reins.  Traitement  :  Kl,  pointes 
de  feu. 

Le      mars  1893.  Le  malade  entre  à  l'hôpital  Andral. 

Étal  actuel.  — Malade  chétif,peu  musclé;  étant  assis, les  genoux  sont 
rapprochés,  il  a  de  la  peine  à  les  écarter  et  à  croiser  une  cuisse  sur 
l'autre.  Les  mouvements  sont  gênés  par  un  mélange  de  parésie  et  de 
raideur,  mais  il  n'existe  pas  de  contracture  persistante. 


—  455  — 


Réflexes  rotuliens  très  exagérés  et  clonus  du  pied  des  deux  côtés 
avec  prédominance  des  symptômes  du  côté  droit.  La  force  des  membres 
inférieurs  est  un  peu  diminuée. 

Jje  malade  peut  se  tenir  debout  mais  il  perd  l'équilibre  les  yeux 
fermés. 

La  marche  s'accompagne  du  balancement  classique  qu'on  observe 
chez  les  sujets  atteints  de  paraplégie  spasmodique,  mais  la  roideur  des 
jambes  n'est  pas  aussi  absolue  que  dans  les  cas  ordinaires.  Le  sujet  a 
le  corps  penché  en  avant,  il  marche  sans  le  secours  de  cannes;  les  pieds 
frottent  sur  le  sol  à  chaque  pas,  et  le  talon  frappe  fortement  à  chaque 
pas,  surtout  à  gauche. 

Le  malade  marche  beaucoup  plus  difficilement  dans  l'obscurité,  il 
perd  l'équilibre  quand  il  change  brusquement  de  direction  ou  lorsqu'il 
fait  demi-tour,  il  ne  peut  avancer  les  yeux  fermés  car  il  chancelle 
immédiatement. 

Il  n'existe  d'ailleurs  pas  d'incoordination  motrice  nette,  ni  de  perte 
du  sens  musculaire,  mais  le  malade  étant  couché  ne  peut  maintenir 
ses  jambes  élevées  sans  que  celles-ci  soient  prises  immédiatement  de 
tremblement. 

Sensibilité.  —  Le  malade  n'éprouve  aucune  douleur  au  niveau  des 
jambes  mais  il  souffre  encore  un  peu  des  reins  et  la  pression  de  la 
colonne  vertébrale  est  douloureuse  entre  la  neuvième  et  la  onzième 
vertèbre  dorsale.  Il  se  plaint  de  fréquents  maux  de  tête,  surtout  le 
soir. 

Sensibilité  objective.  —  Diminution  du  tact,  l'attouchement  n'est  pas 
perçu  dans  la  partie  inférieure  du  corps  jusqu'à  un  travers  de  main 
au-dessous  de  l'ombilic  en  avant  et  jusqu'à  l'extrémité  supérieure  du 
pli  interfessier  en  arrière.  Il  existe  une  égale  diminution  de  la  percep- 
tion douloureuse  et  de  la  perception  thermique.  Le  malade  souffre 
d'envies  d'uriner  impérieuses,  il  est  en  général  constipé  mais  est  sujet 
à  des  crises  de  diarrhée  accompagnées  de  coliques  et  a  parfois  à  ce 
moment  de  l'incontinence  des  matières. 

Il  éprouve  parfois,  au  niveau  du  rectum,  des  élancements  brusques 
et  des  sensations  de  brûlure  qui  rappellent  les  douleurs  fulgurantes. 
Appétit  génital  très  atténué. 

Les  membres  supérieurs  et  le  domaine  des  nerfs  crâniens  sont 
indemnes.  Depuis  deux  ans,  le  malade  a  la  vue  un  peu  trouble,  son 
acuité  visuelle  a  diminué,  mais  ce  symptôme  relève  d'une  certaine 
opacité  du  cristallin.  Les  réflexes  iriens  sont  normaux. 

On  note  quelques  signes  légers  de  tuberculose  aux  sommets  des  pou- 
mons et  un  souffle  systolique  à  la  pointe  du  cœur.  Le  malade  est  soumis 
aux  frictions  mercurielles  et  à  l'iodure  de  potassium. 

Il  quitte  l'hôpital  à  la  fin  d'avril  1893,  dans  le  même  état,  il  y  revient 
d'ailleurs  deux  mois  après. 


—  456  — 


Etat  actuel,  septembre  1893.  —  État  statioanaire,  paraplégie  spas- 
modique  légère,  réflexes  très  exagérés,  démarche  spastique  et  légè- 
rement festonnée,  signe  de  Romberg  manifeste,  mais  aucune  douleur, 
réflexes  iriens  normaux,  céphalalgie  légère  intermittente. 

Observation  141  (personnelle).  —  Recueillie  dans  le  service  de  M.  le 
professeur  Debove  à  l'hôpital  Andral. 

RÉSUMÉ  CLINIQUE.— //omme  de 31  ans, mars  1889,chancre,ti-ailement, 
accidents  secondaires.  Septembre  1892  période  prémonitoire  :  dou- 
leurs lombaires  troubles  des  sphincters.  5  octobre,  paralysie  de  la  jambe 
droite,  puis  paraplégie  les  jours  suivants;' rétention  d'urine,  troubles 
de  la  sensibilité  objective,  douleurs  lombaires  violentes  ;  améliora- 
tion, marche  possible  au  bout  de  trois  mois,  puis  état  stationnaire. 
État  en  juin  1893  :  paraplégie  spasmodique  très  légère,  contracture 
latente,  exagération  marquée  des  réflexes,  sensibilité  intacte,  diffi- 
culté de  la  miction.  Traitement.  Octobre  1893,  guérison  presque  com- 
plète, léger  état  spasmodique  des  membres  inférieurs. 

Histoire  clinique.  —  François  P...,  employé  de  commerce,  âgé 
de  37  ans. 

Antécédents  héréditaires.  —  Père  asthmatique,  62  ans.  Mère  morte 
d'une  affection  utérine.  Cinq  enfants  :  quatre  bien  portants  et  notre 
sujet. 

Antécédents  personnels.  —  Rien  de  particulier  dans  l'enfance. 
Appelé  sous  les  drapeaux  à  l'âge  de  21  ans,  il  accomplit  la  dernière 
année  de  son  service  militaire  en  Algérie,  oîi  il  soufl're  d'une  légère 
atteinte  de  la  fièvre  intermittente.  A  cette  même  époque,  légère  poussée 
de  rhumatisme  articulaire. 

Retour  en  France  en  1882. 

En  1883,  le  malade  vient  à  Paris  pour  y  exercer  la  profession  d'em- 
ployé de  commerce. 

En  mars  1887,  à  l'âge  de  31  ans,  il  prend  un  chancre  du  filet.  Traite- 
ment immédiat  :  deux  cuillerées  de  liqueur  de  Van  Swieten  pendant 
quatre  mois.  Roséole  et  quelques  plaques  muqueuses  dans  la  bouche. 
Depuis  cette  époque,  au  printemps  et  à  l'automne  de  chaque  année,  le 
malade  prend  3  à4  gr.  d'iodure  pendant  trois  semaines  ou  un  mois.  Pas 
de  nouveaux  accidents  secondaires,  pas  de  céphalalgie  marquée. 

Maladie  actuelle.  Commémoratifs.  —  Vers  le  22  septembre  1892 
quatre  ans  et  demi  après  le  chancre,  le  malade  commença  à  éprouver 
une  douleur  de  reins  et  des  douleurs  en  ceinture,  qui  d'abord  légères 
s'accentuèrent  peu  à  peu  pour  devenir  violentes  au  bout  de  trois  semaines 
le  malade  souffrait  surtout  la  nuit  et  éprouvait  de  la  difliculté  pour 
uriner,  la  marche  était  d'ailleurs  normale  et  les  jambes  solides. 


—  457  — 


Dans  la  nuit  du  5  au  6  octobre,  le  malade  ressentit  comme  une 
«  crampe  »  dans  la  jambe  droite  ;  le  lendemain,  il  put  se  lever,  mais  sa 
jambe  droite  était  lourde,  elle  «  fauchait  »,  suivant  son  expression,  et  le 
pied  correspondant  sentait  mal  le  plancher.  Trois  ou  quatre  jours 
après,  ce  fut  le  tour  de  la  jambe  gauche.  Le  lendemain  de  ce  nouvel 
accident,  le  malade  pouvait  encore  marcher,  mais  peu  à  peu  la  fai- 
blesse s'accentua.  Le  10,  il  éprouvait  de  grandes  difficultés  pour 
uriner, 

Le  15,  au  matin,  il  ne  put  se  lever,  ses  jambes  étaient  presque  com- 
plètement paralysées.  Rétention  d'urine,  cathétérisme  obligatoire 
pendant  vingt  jours.  Constipation  absolue. 

Le  malade  resta  couché  pendant  trois  semaines  sans  pouvoir  se 
mettre  debout,  puis  il  resta  au  lit  pendant  trois  mois  en  se  levant  un  peu 
chaque  jour  tandis  que  son  état  s'améliorait. 

Dans  les  premiers  temps  de  sa  paraplégie,  le  malade  éprouvait  dans 
les  reins  des  douleurs  excessivement  vives,  il  ressentait  également  des 
fourmillements  et  des  crampes  dans  les  jambes  et  dans  les  pieds.  Ses 
membres  inférieurs  étaient  parfois  agités  de  secousses  convulsives  ;  il 
existait  également  au  début  une  diminution  manifeste  de  la  sensibilité 
au  tact  et  à  la  douleur  dans  les  parties  paralysées.  Pendant  ces  trois 
mois,  le  malade  prit  chaque  jour  de  l'iodure  de  potassium  à  des  doses 
croissantes  de  4,  6,  8,  10  et  12  gr.  Il  fut  soumis  à  des  frictions  mer- 
curielles  quotidiennes  jusqu'à  salivation. 

Après  cette  période,  le  malade  pouvait  marcher  avec  une  canne  ; 
quelques  semaines  plus  tard, il  marchaitsans canne  mais  souffrait  encore 
de  douleurs  lombaires.  A  partirde  ce  moment,rétatdes  jambes  au  point 
de  vue  moteur  est  resté  sensiblement  le  même,  mais  les  douleurs  de 
reins  ont  beaucoup  diminué.  Le  malade  continuait  d'ailleurs  à  prendre 
de  l'iodure  de  potassium. 

Le  huitième  mois  après  l'attaque  de  paraplégie,  le  malade  entra  dans 
le  service  de  M.  le  professeur  Debove  à  l'hôpital  Andral  (5  juin  1893). 

Etat  actuel.  —  Le  malade  marche  sans  appui.  Lorsqu'il  est  au  lit,  on 
constate  que  les  mouvements  des  jambes  sont  conservés,  il  n'y  a  pas 
d'incoordination  motrice,  le  sens  musculaire  est  intact.  La  force  mus- 
culaire des  jambes,  des  reins,  des  muscles  de  l'abdomen  est  normale. 
11  n'existe  pas  de  contracture  mais  une  simple  raideur  modérée  dans 
les  mouvements  volontaires.  Réflexes  rotuliens  exagérés,  clonus  du 
pied  des  deux  côtés.  Le  tremblement  dos  jambes,  les  secousses  convul- 
sives ont  disparu.  Les  phénomènes  spasmodiques  ont  d'ailleurs  beau  ■ 
coup  diminué  au  dire  du  malade.  La  sensibilité  objective  est  intacte 
dans  tous  ses  modes,  il  existe  une  légère  douleur  sourde  dans  les 
genoux  et  un  peu  d'engourdissement  dans  les  jambes. 

Etant  assis,  le  malade  peut  croiser  spontanément  une  cuisse  sur 
l'autre,  mais  avec  un  peu  de  tremblement  à  grandes  oscillations  pour 


—  458  — 


la  jambe  gauche.  Il  se  lève  debout  facilement  sans  le  secours  de  ses 
bras. 

Debout,  l'équilibre  est  bien  conservé,  il  peut  porter  un  homme  sur 
ses  épaules.  Pas  de  signe  de  Romberg,  mais  le  malade  ne  peut  se  tenir 
en  équilibre  sur  une  jambe  les  yeux  fermés. 

Il  talonne  un  peu  en  marchant;  les  yeux  fermés,  il  marche  en  zigzag 
mais  ne  tombe  pas.  N'usant  d'aucune  canne,  il  fait  de  fréquents  faux  pas, 
mais  il  n'est  jamais  tombé.  Les  pieds  frottent  modérément  sur  le  sol, 
cependant  la  partie  antérieure  de  la  semelle  est  fortement  usée. 

Les  jambes  manquent  de  souplesse,  le  malade  ne  peut  marcher  vite 
ni  courir.  Quand  il  se  baisse,  ses  jambes  faiblissent,  il  ne  peut  aller  à 
la  selle  accroupi. 

La  miction  exige  un  certain  effort  et  est  toujours  très  hésitante.  Pas 
d'incontinence. 

Au  point  de  vue  génital,  le  malade  est  resté  absolument  impuissant 
pendant  quatre  mois  au  début  de  son  affection  ;  depuis  cette  époque,  les 
érections  sont  revenues  peu  à  peu,  elles  seraient  même  parfois  gênantes 
la  nuit,  mais  il  n'y  a  pas  eu  de  coït  depuis  un  an.  Constipation  modérée. 

Il  n'y  a  jamais  eu  de  céphalalgie  ni  aucun  phénomène  cérébral,  ni 
avant  ni  pendant  le  cours  de  l'affection  spinale.  Les  membres  supérieurs 
sont  indemnes,  la  face,  les  yeux,  mouvements,  réflexes  iriens  sont 
intacts.  Intelligence  et  sens  parfaits. 

Le  malade  est  soumis  d'une  façon  régulière  au  traitement. 

Septembre  1893.  Amélioration  considérable.  Jambes  souples  à  l'état 
de  repos,  le  malade  marche  bien  sans  canne^  mais  les  jambes  sont 
encore  un  peu  raides,  il  ne  peut  marcher  vite  ni  courir.  Il  peut  monter 
sur  une  chaise  d'une  seule  jambe,  mais  en  descend  un  peu  brusque- 
ment. Assis,  il  croise  facilement  une  cuisse  sur  l'autre.  Les  réflexes 
sont  encore  manifestement  exagérés,  pas  de  clonus  du  pied.  Pas  de 
tremblement. 

Sensibilité  objective  intacte.  Le  malade  éprouve  encore  dans  les 
mollets  une  sorte  d'engourdissement  douloureux  continu,  mais  pas  de 
douleur  lombaire. 

Debout,  pas  de  signe  de  Romberg,  équilibre  possible  sur  un  pied,  les 
yeux  fermés.  Miction  normale,  érections  fréquentes. 

Réflexes  iriens  et  mouvements  des  yeux  normaux. 

En  somme,  guérison  presque  complète. 


INDEX  BIBLIOGRAPHIQUE 


Adamkiewicz.  —  Die  Blutgefâsse  des  measclilichea  Riickenmarkes.  Sitzungsle- 
richte  der  Kaiscrlicltoi  Aliadfinie  der  WUsenschaftcn,  Bd.  LXXXIV,  Abth.  III, 
H.  IV,  nov.  1881  et  Bd.  LXXXV,  Abth.  III,  H.  I,  janv.  1882,  Wien. 

Alison.  —  Some  caees  of  syphilitic  chorea.  Tite  Amencan  Journ.  of  med.  science, 
1877,  July. 

Allain.  —  Monlt.  dt's  hôpit.,  1858. 

Althaus.  —  Syph.  afl'ect.  of  the  nervous  System.  j\j'ed.  Times,  10  nov.  1877,  p.  511. 
Althaus.  —  (Uu  cas  de  syph.  cérébro-spinale.)  Cenfr.  f.  Nerrcnlwilli.,  1883,  p.  I. 
Anderson.  —  Ou  a  case  of  syphilitic  disease  of  the  spinal  cord.  Glas(jm  med. 

Journ.,  1888,  4=  S.,  XXIX,  273-276,  1  pl. 
Aparicio.  —  Tremblement  syphilitique.  Thèse,  Paris,  1872. 
Artigalas.  —  Sur  la  S3'philis  artérielle.  Languedoc  médical,  22  janv.  1892. 
Astruc.  —  De  morho  cenere,  1736,  lib.  IV,  cap.  III. 
Barety.  —  Annales  de  dermatologie,  1873-74,  t.  V,  p.  206  et  276. 
Barnes.  —  (Cas  d'oblitération  de  l'aorte  chez  une  primipare.)  Amer.  Journ.  i[f  med. 

Soc.,  janv.  1873. 

Barth.  —  Oblitération  complète  de  l'aorte.  Arch.  gcn.  de  mêd.,  1835,2'  S.,  t.  III. 
Barth.  —  Myélopathie  ascendante  aiguë,  syph.  5  ans  auparavant.  France  médi- 
cale, 17  avril  1884. 

Baudouin.  —  Contribution  à  l'étude  des  sypJiilis  graves 2)vécoces.  Thèse,  Paris,  1889. 
Baumgarten.  —  (Syphilis  artérielle  et  nerveuse,  etc.)  Arch.  d.  Heilli.  1875,  Bd.  XII. 
—  VirchoK's  Arch.,  Bd.  LXXIII,  S.  90.  —  Bd.  LXXVI,  S.  268.  —  Bd.  LXXXVI, 
S.  179. 

Bayer.  —  Heilung  einer  acut.  ascend.  spinal  Paralyse  unter  antisyph.  Behandl. 
Arch.  der  Heilkunde,  1869,  Bd.  IX,  S.  105. 

Bechtereff.  —  Affections  du  cône  terminal  de  la  moelle  et  de  la  queue  de  che- 
val, etc.  Wracht,  S'-Peters.,  1890,  XI,  881-884.  (Analyse  in  Xeurol.  Centralbl., 
1891,  p.  153.) 

Bedel.  —  De  la  Syphilis  cérébrale.  Thèse,  Strasbourg,  1851. 

Berger.  —  (Un  cas  d' hémiparaplégie  spinale  avec  anesthésie  croisée  syph.)  Berlin. 

Klin..  Worhenschr.,  1876,  p.  234. 
Bernhardt.  —  Berlin.  Klin.  Woclie/ischr.,  1888. 

Bertin.  —  Dict.  encyclopéd.  d.  se.  méd.,  2"  S.,  t.  VIII  (art.  Moelle,  Anémie,  Isché- 
mie, ramollissement),  1874. 

Beevor.  —  (Tumeurs  syphilitiques  de  la  moelle.)  Société  clinique  de  Londres,  séance 
du  10  nov.  1893. 

Bonnet.  —  Scpulchretum,  1669,  lib,  IV,  sect.  IX,  addimentum. 
Boulloche.  —  Contribution  à  l'étude  des  paraplégies  d'origine  syph.  Ann.  de 
derm.,  cet.  1891. 

Bourdon.  —  Oblitération  des  artères  iliaques.  Paraplégies  et  gangrènes.  Gazette 

des  hôp.,  1866,  p.  147. 
Brandis.  —  Grundsbtze  hei  Behandlung  der  Syphilis.  Berlin,  1870. 
Breteau.  —  Des  myélites  syph.  précoces .  Thèse,  Paris,  1889. 

Boadbent.  —  Lettsiomian  lectures.  Syph.  as  a  cause  of  disease  of  the  nerv.  syst., 

Lanecl,  10,  24  janv.  ;  7,  21  fév.  1874. 
Brouardel.  —  Gazette  des  hôp.,  1874  ;      39,  41,  43. 


—  460  — 


Brown-Sequard.  —  (Ligat.  de  l'aorte.)  Comptes  rendus  de  VAcad.  d.  se,  1851; 
t.  XXXII,  p.  855. 

Brown-Sequard.  —  Leçons  sur  les  paralysies  des  meinhres  inférieurs.  Paris,  1865. 
Bruberger.  —  Ein  Fall  von  meningitis  syph.,  etc.  Virch.  Areh.,\%li;  Bd.  LX. 
Budor.  —  Paraplégie  à  forme  de  tabès  dorsal  spasmodique.  Ann.  de  dermat.  et 
sijph.,  1887. 

Buttersack.  —  Zur  Lehre  von  der  syphilitischen  Erkrankungen  des  Centralner- 
vensystems.  Arcli.  f.  Psych.,  Bd.  XVII,  p.  603. 

Buzzard.  —  On  paralytic  convulsions  and  otlier  nerv.  syst.  affections  in  syphili- 
tic  subjects.  Lanoet,  22  fév.,  8  mars,  5  av.,  2(5  av.,  17  mai  1873,  and  Clinical 
aspects  of  syphilitic  affcci.  London,  1874. 

Buzzard.  —  A  case  of  syphilitic  paraplegia.  Eecovery.  Lancet,  18  Aug.  1877. 

Caizergues.  —  Myélites  syphilitiques.  Thèse,  Montpellier,  1878. 

Calmeil.  —  Dict.  en  30  vol.,  1839;  t.  XX,  p.  33  (art.  Malad.  de  la  moelle). 

Carter.  —  A  case  of  syphilitic  disease  of  the  nervous  S3fstem.  Lancet,  24:  July  1875. 

De  Cérenville.  —  Lyon  wédicaljt.  XXIV,  p.  357;  1877. 

Charcot.  —  Leçons  sur  les  maladies  du  système  nerveux,  1872-73. 

Gharcot.  —  Méningomyélite  syphilitique  et  rachialgie  nocturne.  Médecine  mo- 
derne, 17  juin  et  2(5  juillet  1893. 

Charcot  et  Gombault.  —  Note  sur  un  cas  de  lésions  disséminées  des  centres 
nerveux  observées  chez  une  femme  syphilitique.  Arch.  dePhys.,  1873,  t.  V,  p.  143. 

Chevalet.  —  Paralysie  ascendante  aiguë  guérie  par  les  onctions  mercurielles.  Bul- 
letin thérap.,  1867,  t.  LXXIII,  p.  77. 

Cholmeley.  —  Syph.  paralysis  with  marked  local  muscular  wasting.  Brit.  med. 
Joiirn.,  febr.  16,  1873. 

Cirillo.  —  Maladies  vénériennes,  1786. 

Clifford  Albutt.  —  Cases  of  disease  of  the  nervous  System.  St-Georg.  liosp.  rep. 
1869,  t.  IV,  p.  44. 

Cohn.  —  Klinili  der  einholischen  Gefâssltranltheiten  (p.  407-410).  Berlin,  1860. 

(Analysé  in  Schmidt's  Jahrhiiohcr,  1861,  n"  112,  p.  348.) 
Cornil.  —  Leçons  sur  la  sypihilis.,  p.  354,  Paris,  1879. 
Cothenet.  —  Du  diagnostic  des  paraplégies.  Thèse^  Paris,  1858. 
Cummins.  —  Case  of  paraplegia  from  arteritis.  BulÂin  quaterley  Journ.,  1856, 

t.  I,  p.  294. 

Darier.  —  (Syphylis  des  vertèbres.)  Bull.  Soc.  anat.,  1893,  p.  22. 
Darier.  —  Syphilis  médullaire.  In  Manuel  de  médecine  de  Debove  et  Achard,  t.  III, 
p.  512. 

Davidoglou.  —  Syphilis  du  sy.rtème  nerveux.  Thèse,  Paris,  1868. 

Dejerine.  —  Atrophie  musculaire  et  paraplégie  dans  un  cas  de  syphlilis  maligne 

précoce.  Arch.  de  j^hysiol.,  1876,  p.  430. 
Dejerine.  —  La  myélite  aiguë  ceutrale  survenant  chez  les  syphilitiques,  etc. 

Ber.  de  méd.,  janv.  1884,  p.  60. 
Dejerine.  —  Sur  les  lésions  de  la  moelle  épinière  dans  la  paraplégie  syphilitique. 

Soe.  de  biol.,  22  avril  1893. 
Dercum.  —  Note  on  late  improvement  of  condition  in  syphilis  of  the  cord. 

Univ.  m.  mag.,  Phila.,  1888-89,  I,  102-104. 
Deval.  —  Traité  de  l'amaurose,  1851. 
Devergie.  —  Clinique  des  maladies  syph.,  1826. 

Dieulafoy.  —  De  l'artérite  cérébrale  syphilitique.  Gaz.  hehd.  de  méd.  et  de  chir., 
1892,  p.  579. 


—  461  — 


Dinkler.  —  Tabès  dorsalis  incipieus  mit  meningitis  spinalis  syphilitica.  Deutsche 

Zeitschr.  fiir  Xcrverûuink.,  1893;  Bd.  III,  H.  4  et  5. 
Dittrich.  —  Prager  Vierteljahrschrift,  1845,  t.  IV,  p.  97. 
Dreschfeld.  —  The  2}>'act/t/onei;  ma,y  ISlô. 

Dreschfeld.  —  On  a  case  of  diffuse  (sypbilitic  ?)  sclerosis  of  the  spinal  cord,  pro- 
ducing  symptoms  of  postero-lateral  sclerosis.  Braui,  I^ondon,  1887-88,  X,  441, 
450 

Drysdale.  —  Med.  Society  of  London.  Lancct,  april  1878. 

Du  Bois-Reym  nd.  —  Abânderung  des  Stenson'scben  Versucbes  fiir  Vorlesun- 

gen.  Arch.  f.  Ana\  nnd  Phys.,  1860,  p.  639. 
Ehrlich  et  Brieger.  —  Ueber  die  Ausscbaltung  des  Lendenmarkgrau.  Zeituch. 

fur  Idiii.  JR'cL,  1884,  Bd.  VII,  S.  155,  Supplementbeft. 
Eisenlohr.  —  (Poliomyélite  antérieure  subaiguë,  syph.)  Arch.  fiir  Psych.,  1878, 

Bd.  VIII,  S.  314. 
Eisenlohr.  —  Virchow's  Arch.,  1878,  Bd.  LXXIII,  p.  73. 
Eisenlohr.  —  Nenrol.  Ccntralhl.,  1884,  n"  4. 

Eisenlohr.  —  Zur  Pathologie  der  syphilitischen  Erkraukung  der  Hinterstrânge 
des  Kûckenmarks.  Fcstnchr.  s.  Eroffn.  d.  n.  alhj.  Kranh.  tu  Ilamh.,  Eppendorf, 
Hamb.,  1889,  128-143,  1  pl. 

Engelstedt.  —  Ueber  syph.  Afïect.  des  Centralnervensystems  (in  Bchrends  Sy- 
jjhilidoldi/ic}.  Erlangen,  1858. 

Erb.  —  Ueber  syphilitische  Spinalparalyse.  Neurol.  Ccntralhl.,  1892,  XI,  161-168. 

Erlenmeyer.  —  Ccntralll.  f.  Xcrvenhcilh.,  1888,  n"  21. 

Ewald.  —  Ein  unter  dem  klinischen  Bilde  der  Tabès  verlaufender  Fall  von  syphi- 
litischer  (?)  Eiickenmarlis-Erkranliung.  Berlin.  Uin.  Wochenschr.,  1893,  XXX, 
284-288. 

Faid.  —  Analgésie  syphilitique.  Thèse,  Paris,  1870. 
Faurès.  —  Gazette  hebdomadaire,  1855. 

Feltz.  —  Étude  clinique  et  expérimentale  des  ejnbolies  capillaires.  Paris,  1868. 
Finley.  —  Spinal  syphilis,  with  a  report  of  three  cases.  Montréal  med.  Journ., 

189U-91,  XIX,  664-670. 
Fisher.  —  Antifebrin  as  an  anodyne  in  spinal  syphilis.  3lcd.  News,  Phila.,  1887, 

LI,  107. 

Folet.  —  (Héiniparaplégieet  hémianesthésie  croisées.)  Bull.  thérap.,\%&l ,t.  LXXXIIl, 
p.  90. 

Fournier.  —  Formes  précoces  de  syphilis  nerveuse.  Gazette  hebdomadaire,  1872, 
n°  45. 

Fournier.  —  La  syphilis  du  cerveau,  1879. 

Fournier.  —  De  la  neurasthénie  syphilitique.  Gaz.  des  hôp.,  5,  12  sept.  1893. 
Fournier.  —  Affections  para-syphilitiques.  Paris,  1894. 
Gajkiewicz.  —  Syphilis  du  .système  mrveux.  Paris,  1892. 
Gallard.  —  Union  Médicale,  1874  ;  706. 

Gerhardt.  —  Syphilis  und  Riickenmark.  Berlin.  Min.  Wochenschr.,  11  déc.  1893 
n^'  50,  p.  1209. 

Gilbert  et  Lion.  —  De  la  syphilis  médullaire  précoce.  Arch.  de  méd.,  1889. 
Gilbert.  —  Sur  un  cas  de  syph.  médull.  précoce.  Bull,  et  mém.  Soc.  méd.  des  hôp. 

de  Paris,  1890,  S.  3,  VII,  644-654. 
Gilbert  et  Lion.  —  Sur  la  pluralité  des  lésions  de  la  syphilis  médullaire.  Soc. 

BioL,  22  avril  1803. 

Gilde  Meester  et  Hoyack.  —  (Lésions  artérielles  dans  la  syphilis.)  NederU 
Weekblad,  janv.  1864,  p.  23, 


—  462  — 


Gilkens.  —  A  case  of  sj'ph.  of  nervous  System.  PhilaclelpMa  meâ.  anâsvrgic.  report, 
1871. 

Gilles  de  la  Tourette  et  Hudelo. —  Deux  obs.  pour  servir  au  diagn.  des  parapl. 

»)'ph.  iVouv.  icontigr.  de  la  Salpétrlère,  1893,  n"  1. 
Gjor.  —  Norslt  magazin  for  Lœgevideiuhalen.  Christiania,  1857,  p.  774  et  813. 
Goldflam.  —  Ueber  Riickenmarkssypliilis.  Wien.  Klinik,  1893,  41-96. 
Greppo.  —  Gaz.  méd.  de  Lyon,  1849. 

Greiff.  —  Ueber  Riickenmarkssyphilis.  ArcJi.  fiir  Psgch.,  1882;  Bd.  XII,  p.  5G4. 

Griesinger.  —  Ueber  luetische  Erkrankungen  des  Gehirns  und  Riickenmarks. 
An-n.  der  Heillmude,  18G0,  p.  G8-81. 

Gros  et  Lancereaux.  —  Bes  affections  nerveuses  syphilitiqves.  Paris,  1861. 

Gull.  —  Paraplegia  from  obstruction  of  the  abdominal  aorta.  Giit/'s  hospital  re- 
ports, 1858. 

Hallopeau.  —  ]Slo%t,v.  dict.  de  méd.  et  de  chir.  (art.  Moelle,  Pathol.,  Anémie,  Isché- 
mie), 1876,  t.  XXII. 

Hammond.  —  A  treati.se  on  the  discases  of  the  nerrovs  System,  1881. 

Hammond.  —  Syphilis  of  the  spinal  cord.  New-Torh  med.  Jourii.,  1886,  XLIII, 
39;  dise,  52. 

Handford.  —  Case  of  unilatéral  syphilitic  aflection  of  the  spinal  cord.  Prov. 

med.  Jovrn.,  Leicester,  1889,  VIII,  66-68. 
Hanot.  —  Syphil.  cérébr.  Revue  des  se.  méd.,  1877,  t.  IX,  p.  724. 
Hayem.  —  Note  sur  deux  cas  de  myélite  aiguë  centrale  diffuse.  Arch.  de physwl., 

1S74. 

Hérard.  —  Ga/iette  hebdomadaire,  1864,  p.  501. 

Heubner.  —  Ueber  Hirnerkrankung  der  Syphilitischen.  Areh.  der  Heilliunde, 

1870,  p.  272.  ' 
Heubner.  —  Bic  luetische  Ih-kranhung  der  Hirnarterien.  Leipzig,  1874. 
Homolle.  —  Progrès  médical,  1876. 

Hood.  —  Case  of  partial  paraplegia.  Lancet,  22  janv.  1887,  p.  172. 

Hoppe.  —  Zur  Kenntniss  der  syphilitischen  Erkrankungen  des  Riickenmarks  und 

der  Brûcke.  Berlin,  lilin.  Wochensehr.,  6  mars  1893. 
Houstet.  —  Paraplégie  syphilitique  guérie  par  frictions  mercurielles.  Mém.  Acad. 

de  ciiirurgie,  1810. 
Huber.  —  Virehom's  Archiv.,  Bd.  LXXIX,  S.  587. 
Huistow  (von).  —  Archiv.  fiir  Psych.,  1863;  Bd.  IV,  p.  65. 
Hutchinson.  —  Syphil.  disease  of  nerv.  syst.  Med.  and  ,iurg.  Jov/rn.  of  Tned. 

science,  july  1871. 
Israël.  —  Deutsche  Zeitung  f.prah.  Med.,  1878  ;n"  35  et  36. 
Jaccoud.  —  Les  paraplégies  ci  l'ataxie  du  ino^ivement.  Paris,  1864. 
Jackson  et  Hutchinson.  —  Med.  Times  and  Gaz.,  june  22,  1861,  p.  648. 
Jackson  (H.).  —  Cases  of  diseases  of  the  nerv.  syst.  in  patients  subjects  of  inheri- 

ted  syphilis.  Lancet,  10  avril  1869. 
Jacobson.  —  Syph.  affect.  of  the  nervous  System.  Tuars.  Chicago  med.  Journ.  and 

eram.,  1878,  p.  285. 

Jaksch.  —  Klinische  Vortrâge  ûber  die  Lehre  von  den  Syphilis  innerer  Organe.  Pra- 

ger  med.  Wochensehr.,  1864,  n"»  1  à  52. 
Jarisch.  —  Vierteljahrschrift  fiir  Bermat.  und  Syphilis,  1881,  p.  621. 
Jasinski.  —  Gazeta  lesharsha,  1883,  n°  46. 

Jasinski.  —  Ueber  s}'phvlitische  Erkrankungen  der  Wirbelsâule.  Arch.  fwr  Ber- 
mat. und  Syph.,  1891,  p.  409. 


—  463  - 


Joffroy.  —  Paraplégie  syphilitique.  Gazette  des  Iwjj.,  1882,  n"  116. 
JuUiard.  —  Etude  critique  sur  les  localisations  sj>inaîes  de  la  syphilis.  Thèse,  Lyon, 
1871). 

Jullien.  —  Traité  des  maladies  vénériennes,  1878,  p.  930  et  956. 

Jùrgens.  —  Ueber  sj-philis  des  Rûckenmarks  und  seiner  Haute.  Charité  Ann., 

Berlin,  1885,  X,  729-749. 
Kadyi.  —  l'cher  die  Blutrjefdsse  des  mcnschlichen  Riichenmarks.  Lemberg,  1889. 
Kahler.  —  Die  multiple  syphilitischeWurzelneuritis.  Zeitsch  fiir  Hcilk.,  1887,  VIII. 
Kahler.  —  Pragcr  Vierteljahrschr.,  1887,  Bd.  VIII. 

Kalenderu.  —  Mielite  sifilitica  précoce.  Clinica,  Bucuresci,  1890,  I,  25.3,  265. 
Kalmeier.  —  (Gomme  de  la  capsule  surrénale  et  de  la  moelle  épinière.)  Bolnitsch. 

ffu:.  Jiotkina,  St-Pétersh.,  1890,  I,  1059-1063. 
Kasimir.  —  Contributioyi  à  l'étude  des  myélites  syphilitiques.  Thèse,  Paris,  1893. 
Keyes.  —  Syphilis  of  nerv,  syst.  Nem-Yorh  med.  Journ.,  nov.  1870. 
Knapp.  —  Ueber  einen  Fall  von  acuter  Myelitis  mit  beiderseitiger  Ophthalmoplegie 

und  Stauungsyapille.  Neurol.  Centralh.,  1885,  n"  21,  p.  493. 
Knorre.  —  Syphilitische  Lâhmungen.  Deutsche  Klinik,  22  déc.  1849,  p.  69. 
Koster.  —  Sitzunysheriehte  der  niederrheinischen  Gesellschaft  fiir  Natur  vnd 

HeiUninde  in  Bonn,  15  mars  et  20  déc.  1875. 
Koster.  —  Berlin.  Mil.  Wochenschr.,  1876,  p.  454. 

Kovalewski.  —  (Traitement  delà  syph.  cérébrale.)  Arch.  psychiat.,  etc.,  Charkov, 

1891,  XVII,  n°  2,  1-44. 
Kovalewsky.  —  Zur  Lehre  der  syphilitischen  Spinalparalyse  von  Erb.  Kcurol. 

Centralhl.,  15  juin  1893. 
Kuh.  —  Ein  Fall  von  Tabès  dorsalis  mit  meningitis  cerebrospinalis  syphilitica. 

Areh.fwr  Psych.,  XXII,  3,  p.  699. 
Kuh.  —  Die  Paralysis  spinalis  syphilitica  (Erb)  und  verwandte  Krankheitsformen. 

Deutsche  Zeitschr  f.  Nervenheilk.,  1893,  Bd.  III,  p.  259. 
Kussmaul  et  Tenner.  —  Ueber  den  Ursprung  der  fallsuchtartigen  Zuckun- 

gen,  etc.  Moleschott's  Uatersuchun'jen  sur  Xaturlehre,  1857,  Bd.  III,  p.  59. 
Ladreit  de  Lacharrière.  —  Des  jJoralysies  syphilitiques.  Tbèse,  Paris,  1861. 
Lagneau.  —  Maladies  syphilHiques  du  système  nervem\  Paris,  1860. 
Lalouette.  —  Tremblement  syphilitique.  In  Nouvelle  méthode  de  traiter  les  mal^ 

vénér.,  1776. 

Lamy.  —  De  la  méningo-myélite  syphilitiqxie.  Thèse,  Paris,  1893. 
Liancereaux.  —  Syphilis  viscérale,  dégénérescence  secondaire.  Gaz.  hehd.,  1864. 
Lancereaux.  —  Traité  de  la  syphilis,  1874.  —  Traité  d'anat.  pathol.,  1889. 
Lancereaux.  —  De  l'encéphalite  et  de  la  méningite  syphilitiques.  Gaz.  hehd.' 
1873,  n"  32. 

Lancereaux.  —  Lésions  syphilitiques  des  artères.  Congrès  du  Havre. 
Lancereaux.  —  Artérite  médullaire  syphilitique.  Semaine  méd.,  11  avril  1891. 
Lenhossék  (von).  —  Beitrâge  zur  pathol.  Anat  des  Rûckenmarks,  1  pl.  Beilage 

zur  Ocsterr.  Ztschr.f.  praU.  Ileilk.,  1859,  V,  43,  44. 
Lépine.  —  Gazette  méd.  de  Paris,  1874,  n°  14. 
Leubuscher  et  Henoch.  —  Analysé  in  Gazette  held.,  1861. 
Leudet.  —  De  la  curabilité  de  l'artérite  syph.  Union  méd.,  14  oct.  1884. 
Leven.  —  Bull.  Soc.  hiol,  1863,  et  Gaz.  méd.  de  Paris,  1864. 
Levot.  —  Des  lésions  syphilitiques  du  rachis.  Thèse,  Paris,  1881. 
Leyden.  —  Ueber  experimentell-erzeugte  Rûckenmarkssklerose  und  die  Ausgiing» 

der  Myelitis.  Charité  Annalen,  1876,  Bd.  III,  p.  250. 


—  464  — 


Leyden.  —  (Observ.  d'artérite  méduU.  syph.)  Charité  Annalen,  1876,  Bd.  III, 
p.  260  (publiée  en  1878). 

Leyden.  —  Maladies  de  la  moelle  épitiière.  Traduct.  franç.,  1879. 

Leyden.  —  Ueber  einen  Fall  von  syphilitischer  Wirbelerkrankung.  Berlin.  Itlin. 
Wochenschr.,  1889,  n»  21,  p.  461. 

Ljungreen  Arik.  —  Ueber  Syph.  des  Gehirns  und  Nervensystems,  Arh.  f.  Dev- 
inât, und  Syph.,  187]. 

Lorenzo  Haies.  —  (Gomme  de  la  moelle.)  American  Journ.  of  sijijMlography , 
cet.  1872. 

Lucas -Championnière.  —  (Hémiplégie  et  paraplégie  guéries  par  le  mercure.) 

Journ.  Luc.  Champ.,  1851. 
Lyman.  —  The  Boston  med.  and  surg.  Journal,  1875. 

Mackenzie.  —  A  case  of  hemiparaplegia  spinalis.  The  Lancet,  9  juin  1883. 
M'Clure.  —  Syphilitic  paraplegia;  rapid  cure.  Lancet,  19  july  1879,  p.  106. 
Mac  Dowell.  —  (Gomme  de  la  moelle.)  BuUin.  quart.  Journal,  n"  5,  XXXI,  1861, 
p.  321. 

Marie.  —  De  la  syphilis  médullaire.  Sem.  méd.,  25  janv.  1893. 
Mathias.  —  Un  cas  de  syphilis  tertiaire.  Thèse,  Strasbourg,  1865. 
Mauriac.  —  (Paraplégie.  Ramollissement  de  la  moelle;  région  dorsale.)  1872. 
Mauriac.  —  Mémoire  sur  les  affect.  syph.  précoces  des  centres  nerveux.  Ann.  de 

di-nnat.  et  de  syph.,  1874,  1879. 
Mauriac.  -  Gazette  held.,  1876-77.  —  Progr.  méd.,  1877. 

Mauriac.  —  Clinique  des  maladies  vénériennes,  processus  des  cérébro-syphiloses. 

Écho  méd.,  Toulouse,  1889,  2'=  sér.,  III,  517-520. 
Mayaud.  —  Syph.  second,  et  tert.  du  syst.  nerv.  Thèse,  Paris,  1873. 
Mayer.  —  Zur  Lehre  von  der  anâmie  des  Riickenmarks.  iTe/teA;'. /.  Heillt,.,  1883. 

Bd.  IV,  p.  26. 
Melchior  Robert.  —  Traité  des  mal.  vénér.,  1853. 

Minkowski.  —  Primâre  Seitenstrangssklerose  nach  Lues.  Beutsch.  Arch.  f.  Min. 

Med.,  1885-86;  Bd.  XXXIV,  p.  4.33. 
Minor.  —  Hémiplégie  und  Paraplégie  bel  TàheB.  Zeitschr.  f.  Min.  Med.,  1891,  XIX, 

586,  1  pl. 

Moja.  —  Mielita  transversa  lombare  sifilitica,  guarigione  merce  le  acque  del  Pol- 

lini  e  le  terme  di  Vinadio.  Giorii.  ital.  d.  mal.  ven.,  Milano,  1886,  XXI,  80-32. 
MoUer.  —  Studier  ôfver  fîyggaiârgssyphilis.  Nord.  med.  Akad.,  Stockholm,  1890, 

XXII,  n»  22,  1,  67,  2  pl. 
Moller.  —  Zur  Kenntniss  des  Rûckenmarkssyphilis.  Arch.  f.  Bcrmat.  und  Syph., 

Wien.,  1891,  XXIII,  207-252,  2  pl. 
Mollière.  —  Ann.  de  dermat.  et  de  syph.,  1870,  t.  II,  p.  311. 
Moore.  —  The  Bnblin  cpiart  Journal  of  med.  science,  may  1866. 
Moxon.  —  On  syph.  diseases  of  spinal  cord.  BuMin  cpiart.  Journ.,  1870,  t.  LI,  p.  449^ 

Guys  hospit.  rep.,  3=  sér.,  vol.  XVI,  p.  217-240, 1871. 
Muchin.  —  Paralysis  spinalis  syphilitica  (Erb).  Centralhl.  f.  Nervcnheilh.  imd 

Psych.,  mai  1892. 

Murchison  —  (Oblitération  de  l'aorte  à  la  suite  du  \jy^hm.]Transaot  of  the  i^a- 

thol.  soeiety  of  London,  1863. 
Naunyn.  —  Mittheilungen  aus  der  Kônigsberger  med.  Klinik  (cité  par  SlEMEE- 

LING.  Archf.  P.iych.,  XXIT,  p.  270). 
Neumann.  —  Riickenmarkserkrankung  bei  Lues.  Acvztl.  Ber.  d>.  h.  h.  allg. 

Kranhenh.  zu  Wien,  1886-1888,  XXXIX,  97-111. 


—  465  — 


Ollivier  d'Angers. —  Maladies  de  la  moelle  êpimere.  Paris,  1837,  3<=  édit. 
Oppenheim.  —  Ueber  einen  Fall  von  syph.  Erkrank.  des  Centr.  nerv.  syst., 

welche  vôrubregehend  das  klinische  Bild  der  Tabès  dorsalis  vortauschte.  Berlin. 

Min.  Woclienschr.,  1883,  n»  53,  p.  1061. 
Oppenheim.  —  Zur  KenntniBS  der  sypbilitischen  Erkrankungen  des  centralen 

Nervensystems.  Berlin.  kliri.Wochcnsclir.,  1889,  n»^  48-49. 
Oppenheim.  —  Ueber  die  «  sypbilitische  Spiiialparalyse  ».  Berlin.  Min.  Wo- 

eJieii.iehr.,  1893,  n»  35. 
Ordt  (van).  —  (Des  tumeurs  gommeuses.)  Paralysie  des  nerfs  oculo-moteurs, 

paraplégie,  etc.,  1859.  {In  Caizergues  bibliogr.). 
Oster.  —  Case  of  syphiloma  of  the  cord  of  the  cauda  equina  ;  death  from  difPuse 

central  myelitis.  J.  nerv.  and  ment,  discases.  N  -Y,,  1889,  XVI,  449-507. 
Oustaniol.  —  Tumeurs  des  mé.ninges  rachidienncs.  Thèse,  Paris,  1892,  p.  23. 
Owen-Rees.  —  Kemarks  on  nerv.  diseases  syphil.  Guy's  hosjnt.  report,  1S72, 

XVII. 

Panum.  —  Ueber  den  Tod  durch  Embolie.  .Ans  d.  Biblioth.f.  Laeger.,  VIIT,  23  ; 
mitgeth.  von  G.  v.  d.  Busch  in  GUnsh.  Ztschr.,  185(>,  VII,  p.  401. 

Panum.  —  Experimentelle  Beitrâge  zur  Lehre  von  der  Embolie  V/rrJtotv'.'i  Ar- 
chiv..  1862;  Bd.  XXV,  p.  303-339  et  p.  433-551. 

Panum.  —  Eayerimentelle  Unter.s.  znr  Physiol.  nrid  PatJinl.  der  Embolie,  Trans- 
fusion und  Blutiuengc.  Berlin,  1864. 

Passavant.  —  Sypliilitiscbe  Lâhmungen.  Virehow's  Arch.,  1862,  XXV. 

Passerini.  —  Mielite  in  seguito  a  compressione  da  probabile  gomma  syphilitica 
del  midollo  lombare.  O.s.iervatore.  Torino,  1888,  XV,  241,245. 

Le  Petit.  —  Étude  sur  la  ijaraplhjie  syphilitiijue.  Thèse,  Paris,  1878. 

Philippson.  —  Two  cases  of  sypbilitic  paraplegia.  The  Lancet,  mars  1878. 

Portai.  —  Nature  et  traitement  du  rachitis,  1797. 

Porter.  —  A  case  of  sypbilitic  paraplegia,  vrith  remarks.  Lancet,  28  juin  1884. 
Prost.  —  La  médecine  éclairée  par  Vouverture  des  corps,  1804,  t.  II,  p.  59. 
Preux.  —  Contribution  à  l'étude  de  la  paraplégie  précoce  d'origine  syphilitique, 

Thèse,  Bordeaux,  1886-87. 
Psilander.  —  (Oblitération  de  l'aorte  chez  un  homme  de  56  ans.)  Can.statt'.i 

Jahre-sbericM,  1859,  Bd.  II,  p.  81. 
Putzel.  —  Sypliilis  of  the  central  nervous  System. 
Rabot.  —  Lésions  sypih.  des  artères  cérébrales.  Thèse,  Paris,  1875. 
Rauking.  —  Case  of  syphilitic  poliomyelitis.  St-Barth.  hosp.  rep.,  London,  1886, 

XXII,  250-252. 

Raymond.  —  (Atrophie  musculaire  chez  des  syphilitiques.)  Bull,  de  la  Soc.  méd.  des 
hôpit.,  9  févr.  1893. 

Reade.  —  Tertiary  syphilis.  Dublin  quartely  Journ.,  XIII-XXXVI,  p.  324,  1863. 
Reder.  —  Sypbilitische  Affect.  der  centralnervensyst.  Vierteljahrschrift,  1874. 
Reinhold.  —  Multiple  herdfôrmige  and  strangfôrmige  Degeneration  des  Riicken- 

marks,  warscheimlich  auf  luetischer  Basis  enstanden.  Centralbl.  f.  allg.  Path. 

und  Anat.,  léna,  1891,  II,  p.  657-664. 
Renault. —  Sur  un  cas  de  myétite  syph.  lombaire  aiguë.  Ann,  de  dermat.  et  syph., 

1890,  3  s.,  I,  565-571. 

Renzi  (de).  —  Sifilide  spinale.  Boll.  d.  clin.,  Napoli,  1884,  I,  305-307.—  1885,  II, 
25-28. 

Reynolds.  —  Syphilitic  disease  of  spinal  cord.  Brit.  Med.  Journ.,  London,  1889, 
II,  1221. 

S.  30 


—  466  — 


Ribail.  —  Observ.  pour  servir  à  l'histoire  de  l'araclinitis  et  de  la  lepto-mé- 

ningite  chronique;  sclérose  médullaire  second.,  Gaz.  mécl.  de  Paris,  1885,  7  b., 
II,  25,  37. 

Richet.  —  (Paraplégie  avec  amaigrissement  des  membres  inférieurs,  syph.).  In 

Thèse  de  Vialle,  1875. 
Ricord.  —  (Paraplégie  sans  lésion  macroscopique),  1842. 
Ricord.  —  Gazette  des  hôpitaux,  1846. 

Rinecker.—  Pestschriiït  der  3  Sâcularfeier  der  Aima  Jul.  Maxim,  Leipzig,  1882. 
Rinecker.  —  Ueber  sj^ihilitische  Riickenmarkserkrankungen.  Berlin,  hlin.  Wo- 

chetuchr.,  10  juillet  1882. 
Rocchi.  —  Sifilide  spinale.  Giorn.  ital.  délie  mal.  vener.,  p.  273,  1873. 
Rodet.  —  Gaz.  méd.  de  Lyon,  avril  1^59. 

Roger.  —  Myélite  syphilitique.  Encéphale,  Paris,  1886,  VI,  34-36. 
Romberg.  —  (Oblitération  de  l'aorte.)  Lehrhuch  der  Nervenhranhheiten,  p.  722- 
730,  1844. 

Rosenthal.  —  Traité  des  maladies  du  système  nerveux,  p.  364,  1877. 
Rosenthal.  —  Zur  Charakteristik  der  Myelitis  und  Tabès  nach  Lues.  Wien.  vied. 

Presse,  n°  3,  1881. 
Ruiz  Diaz  de  Isla.  —  En  casa  de  Eobertis.  Sevilla,  in-fol.,  1559. 
Rumpf.  —  Beitrage  zur  pathol.  Anat.  des  Centr.  nerv. -Systems.  Archiv.  f.  Psych. 

u.  Nen-enlcr.,  Bd.  XVI,  H.  2,  S.  410,  1885. 
Rumpf.  —  Ueber  sypbilitische  Erkrankungen  des  Gefâssystems.   Verhandl.  d. 

Congr.f.  innere  Med..,  Wiesb.,  1886,  V,  2ul-210. 
Rumpf. —  Bie  syphiUtisohen  Erhraahungeti  des  Nervensy stems.  Wiesbaden,  1887 

(J.-F.  Bergmann,  620  p.,  2  pl.,  8°). 
Russel.  —  Med.  Times  and  Gaz.,  8  févr.  1852;  17  oet.  1864;  25  févr.  1871; 

25  nov.  1874. 

Sachs.  —  Multiple  cerebro  spinal  syphilis.  The  New-  York  med.  Journ.,  19  sept.  1891 . 

Sandras.  —  Gazette  des  Mjjita^ix,  1  juillet  1852. 

Savard.  —  Etude  sur  les  myélites  sypldlit  iques.  Thèse,  Paris,  1882. 

Schiffer.  —  Ueber  die  Bedeutung  der  Stenson'schen  Versuches.  Centralhl.  f.  d. 

Med.  Wissensehdften.,  1869,  n™  37,  38. 
Schlesinger.  —  (Oblitération  de  l'aorte.)  Casper's  Wochensohr .,  1836. 
Schmauss.  —  Fall  son  primarer  syphilitischer  Arteritis  imRûckenmark.  ;S'/'^^^^»5'«i. 

d.  Gesellsch.f.  Morph.  u.  Physiol.  in  Miinolien,  1888,  IV,  115. 
Schmauss.  —  Zur  Kenntniss  der  Riickenmarkssyphilis.  Deutsclies  Arch.  f.  Min. 

Med.,  Leipzig,  1888-89,  XLlV,  244-264,  2  pl. 
Schultze.  — Ueber  die  Beziehungen  der  Myelitis  zur  Syphilis.  Wanderversammhtng 

der  Sildrvestdeutsclien  Neurologen  und  Irrenârzte,  1877  ;  und  Arch.  f.  Psych.,  1878, 

Bd.  VIII,  S.  222. 

Schultze.  —  (Cas  de  poliomyélite  syph.)  Berlin.  Min.  Wochensohr .,  1883,  n°  39. 
Schuster.  —  Ein  Fall  von  multipler  Sklerose,  etc.  Deutsche  med.  Wochensohr., 
1885,  n°51. 

Schùtzenberger.  —  Gazette  méd.  de  Strasbourg,  1850. 

Seguin.  —  Paraplegia  occuring  in  syphilitic  subjects.  Arch.  dermat.,V\n\2i.., 1879. 
Sénéchal.  —  Troubles  urinaires  'prémonitoires  des  myélites  syphilitiques.  Thèse, 
Lille,  1890. 

Siemerling.  —  Zur  Lehre  von  der  congenitalen  Hirn  und  Riickenmarkssyphilis, 

Arclt.f.  Psych.  n.  Nervenhr.,  1889,  Bd.  XX,  H.  1,  p.  102. 
Siemerling.  —  Klinisches  und  AnatomischeszurRiickenmarkBsyphiliB.il/wwc/tew 

med.  Wochensohr.,  1889,  XXVIX,  931. 


—  467  — 


Siemerling.  —  Zur  Syphilis  der  Centialnervensystems.  Arch.  f.  Psyeh.,  1891, 
Bd.  XXII,  H.  1,  2,  S.  191,  u.  S.  257. 

Sonrel.  —  Bes  paralysies  ayiyh  ilitiqncs  du  mourement.  Thèse,  Strasbourg,  1862. 

Sottas.  —  Sur  la  nature  des  lésions  médullaires  dans  la  paraplégie  syphilitique. 
Soc.  de  bioL,  1.5  avril  1893. 

Souques.  ■ —  Etude  des  syndromes  hystériques  a  si7nulate%irs  »  des  maladies  organi- 
ques de  la  jnoellc  épinière.  Thèse,  Paris,  1891. 

Spronck.  —  Contribution  à  l'étude  expérimentale  des  lésions  de  la  moelle  épinière 
déterminées  par  l'anémie  passagère  de  cet  organe.  Arch.  de  physiol.,  Paris,  janv. 
1888. 

Stannius.  —  Untersuchungen  liber  Leistungsfâhigkeit  der  Muskeln  und  Todtens- 
tarre.  Vierordt's  Archir .  f.  physiol.  Heilltunde,  Jahrg.  XI,  p.  1-28,  18-53. 

Stenon.  —  Elevientorum  myologiœ  spécimen.  Florentias,  1667,  p.  87. 

Striimpell.  —  Beitriige  zur  Pathol.  des  Riickenmarks.  Arch.  f.  Psych.,  1880, 
p.  677. 

Surmont.  —  Syphilis  médullaire  précoce.  Bulletin  médical  du  Nord,  1892, 
n»  15. 

Taylor.  -  Contribution  of  the  study  of  syph.  of  nerv.  syst.  Boston  med.  and  surg. 
Journ.,  déc.  1871. 

Taylor.  —  Syphilitic  meningitis  and  gumma  of  the  spinal  pia  mater,  with  tubular 
cavity  in  the  spinal  cord  (syringomyelus).  Transact  of  the  Pathol.  Soc.  of  Lon- 
don,  1S84,  t.  XXXV,  p.  36. 

Thérèse.  —  Etude  anat.  pathol.  et  expèr.  des  artérites  second,  aux  mal.  inf. 
Thèse,  Paris,  1893. 

Thibierge.  —  Les  lésions  artérielles  de  la  syphilis.  Gazette  des  Mpitanx,  26  jan- 
vier 1889. 

Thierry  de  Héry.  —  La  méthode  curatuire  de  la  maladie  vénérienne,  1634. 

Thomas.  —  A  case  of  cerebro  spinal  syphilis,  with  an  unusual  lésion  in  the  spi- 
nal cord.  Johiis  Hopkins  hosp.  rep.,  Balt.,  1890-91,  II,  369-392. 

Thompson.  —  Sudden  paraplegia  from  syphilitic  disease.  Tlw  brit.  med.  Journ.. 
14  juin  1890,  p.  1371. 

Tietzen.  —  Bic  acute  Erweichung  des  Ruckenmarks  (sug.  .ipont.  Myel.  acut.  trans- 

rrr.t.).  Inaug.  Dissert.,  Marburg,  1886. 
Towsend.  —  Philadelphia  med.  and  surg.  reports,  14  déc.  1872. 
Tuckwell.  —  Some  remarks  ou  maniacal  chorea  and  its  probable  connexion  with 

embolism,  illustrated  by  a  case.  Brit.  and  foreign  med.  review,  oct.  1867. 
Tuckwell.  —  ( Paralysie  probabl.  syphilitique  affectant  la  forme  ascendante  ;  gué- 

rison  par  Kl  à  haute  dose.)  Lancet,  14  janv.  1882. 
Turner.  —  Syphilitic  pachymeningitis  of  cervial  enlargement  of  cord  following 

injury;  recovery.  Lancet,  1889,  I,  984. 
Tutschek.  —  Ein  fall  von  vollstandiger  Verstopfung  der  Aorta  abdominalis,  etc., 

Vortrag  gehalten  in  der  Sitzung  der  aertzl.  Vereins  in  Miinchea  vom  9  April  1873. 

Aerzt.  Intellicjenzbîatt. 
Ulrich  de  Hutten.  —  Be  morlw  gallieo,  p.  1519. 
Vialle.  —  Paraplégies  syphilitiqties.  Thèse,  Paris,  1875. 
Vidal  de  Cassis.  —  Maladies  vénériennes,  1853. 

Vinache.  —  Contribution  à  l'étude  des  paraplégies  syphilitiques.  Thèse,  Paris, 
1880. 

Virchow.  —  Ueber  die  Natur  der  constitutionnelsyphilitischen  Affectionen. 
Virchon-'s  Archiv.,  Bd.  XV,  p.  217.  —  La  syphilis  constitutionnelle.  (Traduction 
Picard.)  Paris,  1860. 


—  468  — 

Vulpian.  —  Sur  la  durée  de  la  persistance  des  propriétés  des  muscles,  des  nerfs 
et  de  la  moelle  épinière  après  l'interruption  du  cours  du  sang  dans  ces  organes.  Gaz. 
hehd.,  ]861. 

Vulpian.  —  Maladies  du  système  nerveux,  1879. 

Wagner.  —  Das  Syphilom  des  Rûckenmarks.  Aroh.  der  Heilli.,  1863,  p.  173. 
Walker.  —  A  case  of  syphilitic  paraplegia.  Lancet,  1889,  8  juin,  p.  1135. 
Weidner.  —  Ueber  spinale  Lâhmungen  nach  Syph.,  nach  Canstatt's  Jahrher., 

1869,  et  inaug.  Dissert.,  léna,  1869. 
Weil.  —  (Histoire  complète  des  expériences  de  Sténon.)  Inaug.  Dissert.,  Strasbourg, 

1873. 

Weigert.  —  Zur  pathologischen  Histologie  der  Neurogliafasergerûsts.  Centralbl. 

f.  allgem.  Path.  und  path.  Anat.,  1890,  t.  I,  p.  729. 
Westphal.  —  Charité  Annalen,  1876,  p.  420. 

Westphal.  —  Ueber  die  Beziehungen  der  Lues  zur  Tabès  dorsalis,  etc.,  Aroh. 

Psych..  1881,  Bd.  XI,  p.  230. 
Wilks.  —  On  the  syphilitic  aft'ect.  of  intern.  organs.,  Guy's  hosp.  reports,  1863, 

3"  série,  IX,  p.  1. 

Williamson.  —  The  changes  in  the  spinal  cord  in  a  case  of  syphilitic  paraplegia. 

Médical  ohronlcle,  London,  juill.  1891. 
Wilson.  —  Transact.  of  a  Society  fur  the  improvement  of  tned.  and  cMrurg. 

hnoivledgc,  London,  vol.  III,  p.  115-121. 
Winge.  —  Disease  of  the  spinal  cord.  Duhlin  ined.  près.,  1863,  2«  série,  vol.  IX, 

p.  659. 

Waldemar-Steenberg.  —  Kjobenhaven,  1860  (analysé  in  Medico  oMrurg.  Be- 
View,  1861). 

Wunderlich.  — Ueber  syph.  Affect.  derGehirns  und  Rûckenmarks.  In  Sammlung 

Min.  Vortràge,  1874-1875,  n»  93,  3<=  fasc,  4=  série. 
Yespersen.  —  Copenhague,  1874  (123  cas  de  syph.  nerv.). 
Yvaren.  —  Des  métamorphoses  de  la  syphilis.  Gaz.  méd.  de  Lyon,  1834. 
Zambaco.  — ■  Des  affections  nervenses  syphilitiques,  Paris,  1862. 
Zenner.  —  Syphilis  of  the  spinal  cord.  Cincinn.  Lancet  clinio,  1891,  XXVl,  619- 

623. 

Ziemssen.  —  Syphilis  des  Nervensystems  (cité  par  Siemeeling.  Arch.  f.  Psych., 
Bd.  XXII,  p.  270). 


TABLE  DES  MATIÈRES 


Pages 

Avant- Propos   9 

Division  du  sujet   15 

PKEMIÈRE  PARTIE 
Étude  critique  et  description  anatomo-clinique. 

Chapitre  premier.  — Sommaire   17 

Étude  historique  et  critique  des  lésions  anatomigues  constatées  dans  les  para- 
lysies spinales  syphilitiques  -   19 

I  1.  —  Lésions  syphilitiques  du  rachis   21 

I  2.  —  Syphilis  méningo-médullaire   32 

I.  —  Lésions  circonscrites  et  macroscopiques   32 

A.  —  Gommes  des  méninges   33 

B.  —  Gommes  de  la  moelle   35 

C.  —  Pachyméningite  syphilitique     39 

II.  —  La  méningo-myélite  syphilitique   47 

Paraplégies  dites  sine  materia   75 

§  3.  —  Importance  des  lésions  vasculaires                                          .  80 

I  4.  —  L'ischémie  delà  moelle  et  le  ramollissement  médullaire   92 

Ramollissement  médullaire  expérimental   92 

Ramollissement  médullaire  pathologique   98 

I  5.  —  Du  rôle  des  altérations  vasculaires  dans  la  myélopathie  syphili- 
tique  103 

Circulation  sanguine  dans  la  moelle   105 

Mode  de  début  de  la  paraplégie  syphilitique   109 

Chapitre  II.  —  Sommaire   121 

Étude  anatomique  et  clinique  de  la  syphilis  médullaire.  Considérations  géné- 
rales  123 

I  1.  —  Les  lésions   130 

A.  —  Période  des  altérations  méntago- vasculaires   130 

B.  —  Ramollissement  médullaire  et  dégénérescence  des  éléments  ner- 

veux  136 

Dégénérescence  in  situ   141 

Dégénérescence  secondaire   144 


—  470  — 


Pages 

C.  —  Période  de  réaction  du  tissu  interstitiel   147 

Sclérose  névroglique   151 

Régénération  du  tissu  nerveux   155 

D.  —  Particularités  dans  l'évolution  des  lésions.  Formes  anatomiques 

spéciales  ,   158 

2.  —  Les  symptômes.  Considérations  générales   162 

A.  —  Période  prodromique   171 

a)  Symptômes  extrinsèques  (cérébraux)   171 

b)  Symptômes  intrinsèques  (spinaux)   174 

B.  —  Attaque  de  paraplégie  et  période  de  paralysie  aiguë   180 

C.  —  Période  de  paraplégie  spasmodique   189 

3.  —  L'évolution.  Marche.  Durée.  Terminaisons.  Complications   199 

4.  —  Formes  anatomiques  et  cliniques   204 

A.  —  Forme  commune   204 

B.  —  Autres  localisations   206 

G. —  Hémiparaplégie  syphilitique   208 

D.  —  Formes  pseudo-systématiques   209 

a)  Pseudo-tabes  syphilitique   210 

b)  Myélopathie  syphilitique  à  forme  de  sclérose  latérale   214 

(?)  Myélopathie  syphilitique  à  forme  de  sclérose  en  plaques   215 

d)  Formes  amyotrophiques   217 

e)  Forme  bulbaire   220 

E.  —  Formes  spéciales   221 

a)  Méningite  et  pachyméningite  syphilitique   221 

b)  Gommes  de  la  moelle   222 

5.  —  Diagnostic   224 

6.  —  Pronostic  et  traitement. . .    234 

7.  —  Conditions  étiologiques   239 

A.  —  Fréquence   239 

B.  —  Conditions  résultant  de  la  nature  du  virus   241 

a)  Date  d'apparition   241 

h)  Gravité  de  la  syphilis  à  l'origine   244 

e)  Influence  du  traitement  antérieur   246 

C.  —  Conditions  inhérentes  au  sujet     247 

I"  Causes  prédisposantes   247 

Hérédité   247 

Sexe   248 

Age   249 

Maladies  antérieures   250 

IIo  Causes  occasionnelles  et  localisatrices   250 

Surmenage  de  la  moelle   250 

Influence  du  froid   251 

Traumatisme  . .    261 

8.  —  Conclusions   252 


—  471  — 


DEUXIÈME  PAKTIE 
Observations  justifîcatiTes. 

Pages 

Chapitre  I.  —  Observations  cliniques  avec  autopsie  et  examen 
HISTOLOGIQUE  (personnelles)   259 

Chapitre  II.  —  Observations  cliniques  avec  autopsie  et  examen 
HISTOLOGIQUE  (empruntées)   371 

Chapitre  III.  —  Observations  cliniques  (personnelles)   41.") 

Index  bibliographique   459 


imprimerie  lemale  et  c'^,  havre 


EXPLICATIONS  DES  PLANCHES 


PLANCHE  1.  —  Cas  no  I. 


Colorations  :  Carmin,  hématoxyline. 

FiG.  1. —  Partie  marginale  gauche  d'une  coupe  passant  au  niveau  de  la  quatrième  ra- 
cine dorsale.—  Trois  grosses  veines  et  deux  petites  artères  ont  leurs  parois  très  épaissies. 
Les  éléments  se  colorent  mal,  quelques  noyaux  seulement  ont  pris  l'hématoxyline.  Le 
contenu  des  vaisseaux  est  formé  d'une  substance  granuleuse  semée  de  cellules  granu- 
leuses et  de  globules  sanguins  déformés.  Une  veine  énorme  est  remplie  par  un  caillot 
fibrino-leucocytique.  Le  sti'oma  conjonctif  de  la  pie-mère  est  peu  épaissi,  mais  tous  les 
espaces  sont  remplis  par  une  masse  granuleuse,  trouble,  amorphe,  où  l'on  ne  dis- 
tingue que  des  éléments  dégénérés  sans  affinité  pour  les  colorants.  Dans  la  subs- 
tance nerveuse,  les  tubes  sont  irréguliers,  déformés.  Pas  d'inflammation  du  tissu 
interstitiel,  les  vaisseaux  capillaires  seuls  sont  entourés  de  noyaux.  Les  racines 
nerveuses  sont  saines.  —  Choss.  :  ob.  4,  oc.  3. 

FiG.  2.  —  Veines  accolées  à  la  pie-mère  dans  la  région  dorsale  supérieure.  —  Le  tissu 
propre  de  la  méninge  est  très  peu  épaissi  et  nullement  infiltré.  Les  parois  veineuses 
sont  composées  de  fibrilles  et  de  cellules  plates  dont  les  noyaux  sont  pour  la  plupart 
réfractaires  à  l'imprégration  par  l'hématoxyline.  On  voit  dans  l'épaisseur  des  parois 
des  blocs  homogènes  qui  représentent,  soit  des  cellules  géantes  dégénérées,  soit  des 
îlots  de  tissu  nécrosé.  —  Gross.:  ob.  4,  oc.  1. 

FiG.  3.  —  Veine  isolée  accompagnant  une  racine  antérieure  (région  cervicale). 
—  Epaississement  considérable  des  tuniques  par  une  infiltration  de  cellules  qui  ré- 
sistent à  l'action  de  l'hématoxyline.  —  Gross.  :  ob.  4,  oc.  1. 

FiG.  4.  —  Veine  spinale  postérieure  (région  cervico-dorsale).  —  Le  processus  d'alté- 
ration est  plus  avancé  ;  la  veine  complètement  oblitérée  ne  forme  plus  qu'un  cordon 
plein  dont  le  tissu  homogène  et  trouble  se  colore  mal.  On  n'y  trouve  que  quelques 
cellules  dégénérées,  des  granulations  pigmentaires  et  des  amas  granuleux.  Pie-mère 
normale.  —  Gi'oss.:  ob.  4,  oc.  1. 

FiG.  5.  —  Une  racine  nerveuse  dans  la  région  cervicale.  —  Envahissement  de  la  paroi 
d'une  veine  volumineuse  par  l'infiltration.  Intégrité  du  reste  de  la  racine.  —  Gross.  : 
ob.  4,  oc.  1. 

FiG.  G.  —  Une  racine  dans  la  région  dorsale.  —  Nodules  d'infiltration  péri vasculaire, 
oblitération  des  vaisseaux.  Les  noyaux  s'insinuent  dans  les  espaces  interfasci- 
culaires.  —  Gross.:  ob.  4,  oc.  1. 

FiG.  7  et  8.  —  Nodules  périvasculaires  développés  autour  de  petits  vaisseaux 
dans  l'épaisseur  de  la  substance  blanche  et  au  voisinage  de  la  pie-mère  (région 
dorsale  supérieure).  — Un  nodule  est  accompagné  d'une  cellule  géante.  Altération  des 
tubes  nerveux  de  la  substance  blanche  :  hypertrophie  des  cylindres-axes,  dilatation 
des  gaines.  Gonflement,  état  granuleux  et  troubles  du  tissu  interstitiel.  (Lésions 
initiales  de  la  nécrose  du  tissu  nerveux.)  —  Gross.:  ob.  7,  oc.  \. 


PLI 


G.Stemheil  Editeur. 


PLANCHE  II.  —  Cas  no  II. 


Colorations  :  carmin,  hématoxyline.  Grossissement  :  ob.  4.  oc  1. 

FiG.  1.  —  Tumeur  gommeuse  développée  dans  la  paroi  d'une  grosse  veine  de  la 
pie-mère,  au  niveau  du  bulbe.  —  La  partie  centrale  de  la  tumeur  est  en  dégénérescence 
caséeuse  ;  les  couches  profondes  de  la  tunique  veineuse  sont  atteintes  par  le  même 
processus.  La  lumière  du  vaisseau  est  très  aplatie,  vide  de  sang  et  ne  contient  que 
quelques  détritus  granuleux  étalés  sur  la  paroi  interne.  Les  couches  périphériques 
de  la  nôoplasie  sont  constituées  par  des  cellules  vivaces  qui  envahissent  la  pie- 
mère  (dans  la  partie  droite  de  la  figure). 

FiG.  2.  —  Artères  et  veines  au  voisinage  du  bulbe.  —  Les  artères  libres  dans  la  cavité 
sous-arachnoïdienne  offrent  les  lésions  de  la  ijéri-endartérite.  Une  veine  libre  est 
complètement  oblitérée.  La  pie-mère  est  relativement  presque  normale,  elle  contient 
une  artère  enflammée  et  une  veine  très  dilatée,  gorgée  de  sang. 

FiG.  3.  —  Coupe  au  niveau  de  la  septième  racine  cervicale,  sillon  médian  anté- 
rieur. —  L'artère  spinale  antérieure  est  très  épaissie  :  la  tunique  adventice  est  infiltrée, 
l'endartère  très  épaissi  rétrécit  considérablement  la  lumière  centrale.  La  tunique 
musculaire  est  envahie  dans  une  partie  de  son  contour.  Les  autres  branches  arté- 
rielles présentent  des  modifications  analogues.  Une  veine  montre  une  infiltration 
surtout  développée  dans  les  couches  externes  de  la  paroi.  La  pie-mère  est  relative- 
ment peu  épaissie  et  l'infiltration  est  surtout  périvasculaire.  Nécrose  du  parenchyme 
nerveux  dans  la  zone  marginale. 

FiG.  4.  —  Même  région  au  niveau  de  la  huitième  racine  dorsale.  —  La  lumière  de 
l'artère  est  presque  complètement  oblitérée  par  l'épaississement  de  l'endartère;  la 
tunique  musculaire  est  détruite  eu  un  point  ;  l'adventice  est  scléreuse,  infiltrée  et 
confondue  avec  le  tissu  de  la  pie-mère.  Même  aspect  du  tissu  nerveux.  Entre  ces 
deux  étages^  l'altération  de  l'artère  spinale  antérieure  augmentait  à  peu  près  régu- 
lièrement de  haut  en  bas. 


PL,  II 


J.  Sûttas  del. 


Imp^^^  Lemercier,  Paris. 

G.  SteinKeil  Ediif-ur. 


Nicole  Ui  th. 


PLANCHE  III.  —  Cas  no  III. 


FiG.  1.  —  Partie  antérieure  du  cordou  postérieur  gauche  au  niveau  de  la  dixième 
racine  dorsale.  —  Sclérose  névroglique  totale,  sauf  en  un  point  où  il  persiste  un  petit 
groupe  de  tubes  nerveux,  au  voisinage  de  la  substance  grise  (partie  centrale  de  la 
figure.  En  canal  central  dont  les  cellules  épendymaires  multipliées  forment  un 
amas  irrégulier.  En  B,  foyer  de  corps  granuleux.  Vaisseaux  énormes  à  parois  épaisses 
et  hyalines  dont  les  couches  externes  sont  envahies  par  une  infiltration  confluente 
qui  est  nettement  séparée  du  tissu  de  sclérose  névroglique  environnant.  Culur.  :  carmin, 
hématoxyline.  Gross.  :  ob.  4,  oc.  1. 

FiG.  2  et  3.  —  Origine  du  sillon  médian  antérieur  au  niveau  des  cinquième  et  sixième 
racines  dorsales.  —  Oblitération  presque  complète  de  tous  les  vaisseaux  artériels  et 
veineux  périphériques.  Dans  les  artères,  endartérite  extrêmement  prononcée,  inté- 
grité relative  de  la  tunique  moyenne,  épaississement  et  infiltration  de  la  tunique 
adventice  qui  se  confond  avec  le  tissu  fibreux  environnant.  Oblitération  des  veines. 
Dans  la  figure  2,  sur  le  côté  gauche  des  artères,  existe  une  grosse  veine  qui  est  trans- 
formée en  un  cordon  plein,  hyalin.  —  Epaississement  considérable  et  infiltration 
de  la  pie-mère,  particulièrement  autour  des  vaisseaux  qui  plongent  dans  la  moelle 
avec  les  travées  conjonctives  émanées  de  la  pie-mère.  Color.  :  carmin,  hématoxyline. 
Gross.  :  ob.  4,  oc.  1. 

FiG.  4.  —  Vaisseaux  de  la  substance  blanche  dans  une  coupe  transversale  de  la 
moelle  au  niveau  de  la  région  dorsale.  —  Oblitération  du  tronc  principal  qui  forme  un 
cordon  hyalin  semé  de  quelques  noyaux  fusiformes  et  contenant  des  débris  de 
membrane  élastique.  Epaississement  et  infiltration  de  la  tunique  adventice.  Déve- 
loppement compensateur  des  vasa-vasorum.  CyZo/*.  ;  picro-carmin.  Gross.  .-ob.?, oc.l. 


PL.  m 


G.Steinheil  Editeur. 


PLANCHE  IV 


FiCî.  1.  —  Vaisseau  volumineux  de  la  substance  blanche  dans  une  coupe  longi- 
tudinale de  la  moelle  à  la  région  dorsale  (cas  n°  III).  —  Au  centre,  se  trouve  un  bloc 
de  tissu  hyalin  qui  peut  être  considéré  soit  comme  un  caillot  organisé  ayant  subi  la 
dégénérescence  hyaline,  soit  comme  le  résultat  de  l'épaississement  de  la  membrane 
interne.  La  tunique  musculaire  est  indiquée  par  quelques  noyaux  musculaires 
disposés  concentriquement.  Le  reste  de  la  paroi  est  très  épaissi  et  infiltré.  Dilata- 
tion des  vasa-vasoruui.  La  périphérie  du  vaisseau  est  nettement  séparée  du  tissu 
de  sclérose  névroglique  dont  on  voit  les  fibrilles  longitudinales  ondulées.  Nombreux 
corps  granuleux  éclaircis  par  les  essences  et  le  baume.  Color.  :  carmin,  hématoxy- 
line.  Gross.  .•  ob.  7,  oc.  1. 

FiG.  2.  —  Vaisseau  de  la  substance  blanche  (cas  n"  III).  —  Oblitérateur  du  tronc 
vasculaire,  développement  compensateur  de  capillaires  dans  un  nodule  d'infiltration 
de  la  couche  externe.  Cvlor.  :  picro-carmin.  Gratis.  :  ob.  7,  oc.  1. 

FiG.  3.  —  Vaisseau  de  la  partie  profonde  du  cordon  latéral  dégénéré  (cas  n"  IV) . 
—  Ce  vaisseau  présente  des  dimensions  énormes.  La  couche  externe  est  fibreuse 
(lésion  ancienne)  et  contient  trois  vaisseaux  capillaires  ;  le  reste  de  la  paroi  est 
constitué  par  un  tissu  hyalin  contenant  quelques  noyaux  fusiformes  et  des  fibrilles 
(élastiques?)  ondulées.  La  lumière  très  petite,  mais  encore  perméable,  est  entourée 
par  une  zone  hyaline.  Dans  l'épaisseur  de  la  paroi,  on  voit  de  plus  un  bloc  de 
substance  trouble,  plus  colorée  et  nettement  circonscrite,  dont  la  nature  reste  indé- 
cise. Colov.  :  carmin,  hématoxyline.  Gruss.  :  ob.  7,  oc.  1. 

FiG.  4.  —  Partie  postéro-latérale  du  cordon  latéral  droit  au  niveau  delà  quatrième 
racine  dorsale  (cas  n°  IV).  —  Sclérose  dense  contenant  des  vaisseaux  très  nombreux  et 
très  volumineux,  à  parois  hyalines,  et  souvent  complètement  oblitérés,  et  quelques 
rares  tubes  nerveux. 

La  pie-mère  est  scléreuse  mais  peu  épaisse  et  sans  adhérence  marquée  avec  le 
tissu  scléreux  de  la  moelle.  Colvr.  :  picro-carmin.  G7'(m.  :  ob.  4,  oc.  3. 

FiG.  5. —  Une  portion  du  cordon  latéral  sclérosé  du  cas  n°  VII.—  Sclérose  névro- 
glique très  dense  au  milieu  de  laquelle  se  trouvent  quelques  tubes  nerveux  intacts. 
Vaisseaux  hyalins  très  épaissis  formant  des  cordons  creusés  d'un  ou  plusieurs  capil- 
laires. La  partie  centrale  du  cordon  est  hyaline  et  parfois  séparée  de  la  couche 
externe  fibrillaire  par  une  zone  claire  (membrane  élastique?)  Color.  :  carmin. 
Gross.  :  ob.  7,  oc.  1. 


PL.IV. 


J.  Sottas  del. 


Imp'^^  Lemerwer ,  Paris. 
CSteinheil,  Editeur 


Niooletlith. 


.^1